VIeux schnock
arthurm
Los Angeles. Une ville. La ville ? Des montées, des descentes, le cinéma pas loin. Le soleil, la musique, la mer. Los Angeles ! Los Angeles ! Et moi qui pérégrine, comme un coq dans sa basse-cour. Je crève de faim. Deux jours que je n'ai rien mangé. Je suis libre. Absolu comme le ciel, sans nuage au dessus de moi. Je me dandine ci et là en caquetant et quand je ferme ma gueule c'est mon ventre que les passants entendent. Ce bruit vulgaire, cet immonde gargouillis gastrique, ce rot stomacal, cette marée de sucs, se déclenchant en vagues successives contre les parois de ma panse au rythme de mes pas. Se digérant ellemême, toujours plus acide. Je suis libre ! Demain.
Je pense à Sonia, ma belle ! Ah ! Je voudrais être avec elle, en elle, à manger ses lèvres pour les recracher sur tous ceux qui ne comprennent pas l'Amour ! Elle le sait. Je pense. Elle m'aime. C'est sûr. Cette pute.
Le soleil se couche sur le Pacifique. L'océan immense comme transporté lui-même par la grâce de l'instant, est calme, lisse, doux, docile, un verre sans teint ne cherchant qu'à donner le meilleur de luimême pour retranscrire pareille beauté. Le soleil, dans ses tons chauds, du jaune au rouge le plus profond, maquille ses alentours d'un rose/mauve avant d'aller embrasser le bleu intense du reste du ciel qui nonchalamment accepte cette métamorphose en un nom qui me dépasse, un don de lui-même à se travestir par amour de cet l'instant. Qui se répète tous les soirs, qui n'est jamais pareil, qui est toujours le même, plus ou moins réussi.
J'allume une cigarette que j'ai réussi à obtenir d'un jeune couple en terrasse de café. Jamais jouer sur le registre de la pitié. Humour, délicatesse, aujourd'hui pour une tige faut faire un stand-up et encore. C'est une bonne répétition.
Ça fait environ deux ans que je suis dans la région. Je parle des fois avec des gens de là, des 'artistes'. Qui essaient. Qui galèrent. On me dit que je pourrais être acteur mais quand je vois que dans cette ville tous le sont, veulent l'être ou l'ont été...moi, me dire que j'ai fait le clown pour une pub contre les hémorroïdes... Je ne monte pas sur scène. Et pourtant si on me filme, quand on me filme, j'attire et les foudres et la gloire. La vraie belle blague. Des villes j'en ai faites. Amitiés de passage. Représentation dans chacune. Comme le soleil. Jamais pareil. Toujours identique. Modus operandi.
« Ce soir dans votre ville ! »
Fin de la clope. Merde. Penser c'est bien mais j'aurais du me concentrer à fumer parce que là j'ai plus rien, ça calme pas ma faim et du coup ça m'énerve. Demain.
Je suis dans les rues. Ça ressemble à toutes les rues du monde. Y a du monde. Des gens, des pintades, des mères, des pères, des enfants, des étalages promettant le bonheur en vendant un moulin à café payable en 5 fois. Ça me rappelle Denver. Jamais mis les pieds mais tout est semblable. J'ai chaud. C'est lourd cette merde. Je vais aller retirer un peu d'argent. Ah ? là. Du monde. Des gens, des pintades, des mères, des pères, des enfants qui viennent voir s'ils peuvent prendre de l'argent pour s'acheter le moulin à café. Les pintades charment, les familles jouent la corde sensible avec les mômes. J'attends. Pas le choix.
J'ai envie d'une clope. Plus tard. J'ai envie de pisser. Plus tard. J'ai envie d'être plus tard. Plus tard. J'aime pas ça. Faut que ça aille vite. J'ai chaud. Je transpire et ça me gène. Et la bouteille d'oxygène..c'est lourd cette merde. Ça me gratte, le latex me déclenche de petites allergies.
Plus tard.. Plus tard. Allez ! Plus vite. Je vérifie dans ma poche, j'ai mon papier. Dans l'autre ? C'est bon aussi. Mon nez me chatouille. Je le remue comme je peux. Mais la transpiration suit mon sillon nasal et me dérange. Focus bordel ! Un geste rapide, les lunettes bien remises, expiration. Je me redresse, mais pas trop. 'Je suis vieux' quand même. Petits pas. Mon tour. La magie doit opérer. Le rôle de ma vie. Je dois bien ça à mes fans. Folie. Plus tard. Sourire.
« -Monsieur ? »
Sourire.
« -Donnez-moi tout ce que vous avez dans votre caisse je vous prie. »
Malaise.
Papier tendu. La fixer du regard..
« Si vous ne le faîtes pas, je vous tue, ainsi que tout le monde dans la banque »
Elle me croit. Elle a raison. Les gens ne sont pas des héros quand ils sont payés 7 dollars l'heure. Elle ne fait pas exception. Main dans mon autre poche, je sors mon arme. Sa tête dans le viseur. Au jugé. Trop-plein d'adrénaline. Plus elle traine, plus la sueur s'attaque à la colle du masque. Dépêche bon dieu ! Pas trop parler, pas la voix au niveau. Allez ! Elle me sort sa réserve. La dépose sur le guichet. Je prends le tout, je le fourre dans ma poche. Je quitte les lieux. Et maintenant ? Courir ? ça ruinerait mon déguisement. Marcher lentement ? Le vigile va me prendre. Faut que je bouge sans trop bouger. Mon corps qui crie à mon cerveau de décamper, le cerveau qui tient la barre de la crédibilité. Pire instant. J'ai chaud. Trop chaud. Bordel. C'est pas la première fois mais à chaque fois c'est pareil. Comme le soleil. Et se faire oublier. San Diego ça serait bien. Braquer une banque et fuir.
Adieu Sonia, délicieuse grue sans l'être ! A dieu tous les autres.
Allez vous faire foutre. J'ai envie d'une clope. Je transpire encore même sans mon masque, ma bouteille d'oxygène et mes charentaises. J'ai faim.
Je mange après avoir pissé. Ma vie dans un sac de sport. Je ne suis pas dupe, on me cherche. Qu'on me cherche. Une tournée triomphale à travers la côte Ouest ! Et puis quoi encore ? On donne plus de récompense que ce que je prends. Je me dénoncerai presque. Presque.
J'ai envie d'une blonde.
J'en fume une sur la route. N'avoir plus ni faim ni envie de clopes. Conduire. Rouler. Voir du pays. Retirer de temps en temps. Rentrer en Europe à la fin de mes études. Revoir les copains. Inventer. Mentir. Imaginer. Me demander si je contrôle encore la situation et attendre que ça passe. Rire. Rire ! Rire...