Vilain défaut.

Marguerite De Branchus

J'en venais parfois à me demander si cette curiosité n'était pas simplement un vilain défaut, un vice caché qui n'avait rien à avoir avec un quelconque destin tracé.

Petite, ma famille me disait que je posais trop de question. Quelle curieuse, celle-là. Ils s'amusaient tous à me dire que j'avais dix questions à la minute : quoi, qui, quand comment, pourquoi. Coïncidence ou destin tout tracé, ces cinq mots représentent l'essence même de mon métier : les 5 W constituent la règle d'or fondamentale et incontournable pour faire un bon papier. Comme quoi, il y a parfois des signes avant coureurs qui ne trompent pas...

Cette curiosité bien souvent moquée qui est là depuis mes plus tendres années ne me quitte jamais. Elle s'accroche à tout ce qui m'entoure : le nouveau mec de la voisine à la vie des éléphants en Afrique en passant par le mode de vies des autres habitants de ce monde. L'actualité, la nouveauté, la soif d'un nouveau savoir guident mes pas, influencent mes choix et me passionnent en permanence. Tout m'intéresse. Un rien me questionne. Tout et rien suffisent à nourrir cette curiosité assoiffée. J'en venais parfois à me demander si cette curiosité n'était pas simplement un vilain défaut, un vice caché qui n'avait rien à avoir avec un quelconque destin tracé. Jusqu'à que je tombe sur le texte d'un vieillard à moustache, Hubert Reeves, incurable curieux et astrophysicien de renom international. 


Dans un élogieux pamphlet, ce grand barbu à la tête dans les étoiles raconte que cette féroce curiosité nous rend explorateurs du monde. Que c'est un cadeau qui nous est fait et que nous utilisons dès l'enfance. Que la curiosité s'use si on ne s'en sert pas. Etrangement, comme l'enfant au mille questions que j'étais, je continue de me poser des questions. Assoiffée de connaissances, j'ai alors compris que cette incurable maladie faisait mon bien. Qu'elle avait été certainement déterminante dans le choix de ma profession. Que pas à pas, elle guidait mes envies : la curiosité de donner la vie, la curiosité de s'essayer dans d'autres domaines professionnels, la curiosité d'aller vivre à l'autre bout du monde, la curiosité de vivre tous les jours comme une nouvelle aventure...


Alors même si cette curiosité est un vilain défaut, je continuerai d'aiguiser mon regard et d'affuter mon savoir car elle est pour moi la plus belle des qualités. Celle qui nous rends explorateurs du monde, celle qui nous pousse à regarder autrement, celle qui nous attire toujours vers de nouvelles aventures. Pour ne pas qu'elle s'use, je ne cesserai de m'en servir et de dévorer cette inexorable envie d'apprendre. Promis juré, Monsieur le Vieux Barbu, je ne cesserai de profiter de ce cadeau que l'on nous fait et de l'utiliser toute la vie pour ne jamais cesser d'avancer vers de nouvelles aventures. Pour ne jamais cesser de raconter des histoires. 


Car si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle.

Signaler ce texte