Viva Las Vegas?

Totem De La Nuit Belle

Viva Las Vegas ?

Le chemin pour s’y rendre est pavé de bonnes intentions, nul doute. Cet oasis de lumière perdu au milieu du désert n’a de cesse d’attirer les foules depuis plus de 60 ans, de faire miroiter des jackpots astronomiques dans l’inconscient collectif. Arpenter pour la première fois le ‘Strip’, boulevard mythique bordé de vingt des plus grands hôtels de la planète traduit bien toute la démesure des lieux. Style rococo luminescent, goût du baroque à outrance, dans les rues et à tous les étages. Vegas crépite, illumine, s’agite 24 heures sur 24. Pas le temps de méditer, c’est à vous de jouer.

 

Ville mirage

Quatre heures de voiture depuis Los Angeles. Une route sans confins que seule la ligne d’horizon semble limiter, le désert de Mojave en panorama, la Death Valley comme milieu de nulle part, l’aridité partout. Et l’on voudrait vous faire croire que Las Vegas n’est plus qu’à quelques miles… Des panneaux publicitaires apparaissent comme les seuls indices de civilisation. Au début des années 30, l’état du Nevada adopta une législation permissive sur les paris et autres jeux d’argent. A une époque où la Prohibition frustre une grande partie du pays, Las Vegas devient petit à petit une destination de choix. Et ce qui n’était qu’une petite bourgade agricole est devenue la capitale mondiale du divertissement. Pas de méprise possible, son histoire et son succès sont intimement liés à ceux de la mafia. Le hasard fait si bien les choses… Du Flamingo, premier grand hôtel construit en 1946 par Bugsy Siegel, figure du Milieu et assassin notoire, à l’actuel maire de la ville, Oscar Goodman, ancien avocat affublé du titre de porte-parole de la pègre, Las Vegas s’est forgée une réputation sulfureuse.

 

Jackpot Vs Banqueroute

Certes les lumières de la ville ont inondé la mythologie hollywoodienne. Vegas a accueilli les débuts du rat pack de Dean Martin et Sinatra, consacré le roi Elvis dans ses ‘jumpsuits’ incrustés de rubis et de diamants, propose encore des revues de magie et de drôlerie fastueuses… Elle n’en garde pas moins aujourd’hui son image de Babylone moderne pétrie d’excès. Les spotlights, les ritournelles de pécune sonnante et trébuchante, les entraîneuses, tout pousse à l’excès en permanence. La ville ne s’assoupit jamais, elle n’a que faire de la ronde des jours et des nuits et l’ivresse du jeu demeure le conte de sa folie ordinaire. Pourtant l’Eldorado attire près de 40 millions de visiteurs par an dont une grande majorité provient de la Californie voisine. De gigantesques complexes sortent encore de terre, alors que la ville possède déjà la plus grosse capacité hôtelière au monde (120 000 chambres).

 

Même joueur joue encore

Les hôtels sont des musées à eux tous seuls. Dans le centre-ville ou ‘Downtown’, décor rêvé du Vegas des 70’s s’élèvent les casinos les plus anciens et l'attraction lumineuse ‘Fremont Street Experience’, une voûte géante couverte de douze millions de led en guise d’écran géant. On y trouve également les fameuses chapelles où les amoureux peuvent se dire oui devant un véritable ‘Minister’ du culte. Chaque année, près de 100 000 couples se marient là-bas. Et puis il y a le ‘Strip’ à traverser la nuit de préférence. S’y côtoient les architectures les plus délirantes, comme dans un immense parc d’attractions sans thématique de prédilection. Les promoteurs construisent depuis quelques années la copie conforme de ce qui s’est édifié de grand et beau dans le monde : New York, Paris, les Pyramides, Venise… Le Venetian est d’ailleurs le plus grand hôtel du monde avec 7 000 chambres et suites. Il abrite une quinzaine de restos, un canal où se croisent des gondoles, un mall immense de shoppings et une des rares cautions culturelles de la ville avec la Gallery of Fine Arts de l’hôtel Bellagio : un Guggenheim Museum où sont exposées des chefs d’œuvre de la peinture… Peut-on concevoir le Louvre à Disneyland ? Le ‘New York New York’, autre gigantesque complexe hôtelier est traversé par une montagne russe dont la vitesse de pointe avoisine 110 km/h. A l’orée du boulevard, la Stratosphere Tower se dote à son sommet d’une attraction qui vous propulse à 4G dans les airs. La tour culmine à 365 mètres… Le Caesar's Palace possédait encore il y a peu son propre circuit de F1, même Trump s’est offert le caprice d’y ériger son hôtel d’acier et de verre. Tous ont des piscines, des jardins exotiques, des bars lounge branchés et bien entendu des machines à sous et des tables de jeux à perte de vue. Cette ville vaut le détour, quelques jours, pas forcément le retour…

 

Rien ne va plus

Las Vegas est une folie à l’échelle de ce que peut représenter la soif de grandeur. Depuis l’Antiquité, des merveilles du monde aux monuments d’ampleur, le gigantisme n’avait trouvé de justification que dans la foi en Dieu ou le culte du progrès… Las Vegas a été érigée sur l’autel du dollar roi. Son luxe de proximité hypnotise. Certains jouent pour le plaisir, beaucoup d’autres espèrent y faire fortune. L’illusion cesse lorsque l’on s’extirpe du brouhaha infernal des ‘slots machines‘– des milliers aux rengaines agressives – et que l’on file se dessiller les yeux dans la normalité. En dehors des corridors de l’illusion, Las Vegas respire la banalité d’une ville U.S pleine de paradoxes. Les vendeurs à la sauvette monnayent l’icône Obama à côté des crucifix, les ‘city cops’ chiquent et vous reluquent derrière leur Ray-Ban et les seniors pleurent d’avoir gaspillé leur retraite à la roulette, eux qui ne peuvent plus se payer le plein d’essence, ils ne savant pas où dormir… Parmi les mythes fondateurs de l’Amérique, entre la ruée vers l’or et le fantasme d’une terre promise où chacun a sa chance, Las Vegas demeure un rêve américain fondé sur l’illusion… le réveil est un peu rude.

 

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