VOIE OFF

On m'appelle l'escargot, je suis gentille mais il ne faut pas me marcher sur le pied, dans ce monde de brute qu'est la collectivité, j'arrive à me débrouiller pour me faire remarquer. On m'attribue souvent des stagiaires que j'ai un plaisir évident à dégouter, j'aime leurs mines déconfites quand je m'assoie en face d'elles à table; pas à côté, non! en face, pile poil! histoire de rigoler quand je mangerais mes concombres à la crême mixés bien sur. Je mets ma tête en arrière et je glisse la cuillère entre mes dents pour y faire glisser la mixture infâme, des fois cela descend derrière ma langue, d'autres fois cela ressort de ma bouche, et quand je vois les mines effarées des petites jeunes assises à ma table, je comprends que je bave tout ce que je n'ai pas réussi à fourrer dans ma gorge! et leurs grimaces qu'elles ne peuvent réfréner me font mourir de rire! et je m'étouffe encore plus! et là tout le monde est à mes pieds, j'entends: «Elle s'étouffe» et je ris de plus belle, j'en profite pour tousser un coup et la vague d'humains qu'il y a autour de moi fait un bond en arrière! tous et toutes en même temps, synchronisé comme les danseurs de Mickel Jackson! tous en choeur! la mer se retire, les bulots avec! je reprends en douce ma respiration, on court de toute part et les bras plein de sopalin s'activent pour essuyer ce que j'ai projeté de mon rire déguisé, aujourd'hui c'est vert et la table en est constellé. Quand c'est de la carotte que j'exècre(on m'en ressert systématiquement) avec la petite phrase; «çà rend aimable!» et ben voilà tu sais ce qu'elle te dit l'aimable? la table est jonchée de débris orange, celle qui m'a servi je ne peux pas la blairer! elle affiche un sourire crispé pas naturelle du tout! je l'ai souvent observé, elle n'a aucune patience avec «nous» , elle m'apporte un verre d'eau et là c'est le bonheur: «si elle n'a pas pris sa douche ce matin, elle va être servie!» je recrache avec vigueur le liquide fade, elle ne sait même pas qu'il faut me donner de l'eau gélifié! j'aime déjà les gouttes d'eau qui vont dégouliner sur sa blouse trop propre et je me délecte d'avance du regard assassin qu'elle me jettera en s'assurant que personne ne la regarde. Elle ne me supporte pas mais moi non plus, et ce depuis le jour où elle a eu grand-mère au téléphone, qui s'est plaint que je l'avais giflé! et bien sur Mademoiselle a été le dire à tout le monde, elle s'est délecté de raconter et imiter le ton geignard de Mamie. Et oui j'ai giflé ma grand-mère, et alors? elle est insupportable avec moi! me qualifie de «pauvrette», me suis toute la journée, toujours à me demander si je n'ai besoin de rien, à prévenir mes moindres désirs, je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche qu'elle m'a déjà devancé! à mes petits soins nuit ET jour! Eh oui même la nuit! elle vient voir si je respire et cela me réveille évidemment et si je n'ai pas mon quota de sommeil le lendemain je peux être exécrable! Elle m'étouffe la grand-mère à toujours vouloir me dorloter, je ne suis plus un bébé! Des fois elle se trompe et m'appelle par le prénom de ma mère, et moi là-dedans je suis où? je ne serais jamais moi à ses yeux!, la fois où je l'ai giflé c'est parce qu'elle voulait que je mette un manteau(soi disant il faisait froid), 25 degrés tout de même! ah! et aussi un chapeau, car il y a du soleil! et puis quoi encore? elle a insisté lourdement et ma main s'est elle aussi lourdement abattu sur son visage parcheminé, le chauffeur de taxi (beau comme un dieu) arrivait et je n'avais plus de patience après ses jours passés chez elle à subir ses courbettes et autres salamalecs qui me font sortir de mes gonds et en plus pas de Maman pour temporiser cette fois-ci! tant pis pour elle!. Je ne l'aime ma grand-mère que quand elle est loin, j'ai une certaine tendresse pour elle quand je ne la voie pas et surtout quand elle ne me renvoie pas à tout bout de champ ma fragilité et mon impuissance à faire des choses et surtout à être comme toutes les jeunes filles de mon âge; bon d'accord je ne serais jamais ce qu'elle aurait aimé que je sois mais çà je n'y suis pour rien! et puis je l'emm.... la Mamie je suis comme je suis et ce n'est pas en me couvant comme elle fait que je trouverais à me débrouiller toute seule. C'est déjà assez difficile de penser que je ne suis pas comme les autres, mais je suis très créative je trouve! j'arrive à faire bouillir mon petit monde avec mon exécrable caractère! je profite de mon handicap, je suis intouchable c'est un des avantages en plus de se garer plus près du magasin! Mais après au point de vue existentiel, c'est bouleversant, il faut dire que je n'aurais jamais de petit ami, ni de mari, et encore moins d'enfants si c'est pour ce que je vois dans le miroir chaque matin ? non merci! Je me mettrais des baffes!