Vous...( 233 )
Jean Marc Frelier
Le sentier perdu...( part 9 - final)
Etre passé mille fois
devant son embranchement
sans y avoir jamais prêté
la moindre attention
douter même qu'il existât
jusqu'à ce qu'il t'oblige
mystérieusement
à emprunter son détour
sous l'impulsion
d'une coïncidence imprévue
l'envol circonflexe d'une perdrix
le brushing élégant d'un bosquet
les zigzags rectilignes
d'un sillon différent de tous les autres
la silhouette éloignée
d'une bâtisse
étrange et biscornue
qui peut dire pourquoi
les sentiers de traverse
d'ordinaire effacés subitement
nous invitent à les suivre
gobé comme un oeuf
par son soudain appétit
je me laissais entraîner
dans le tourbillon lent
de ses lacets baroques
en pointillés des hautes maisons
scellées de pierre grise
bornant l'espace exigu
les arbres cambriens
formaient la voûte
par-dessus ma tête
criblée du tamis doux
d'un soleil sur le déclin
gouacheur timide
de teintes ocrées aux ombres miel
en trompe-l'oeil
chaque volte-face
refermait l'une après l'autre
les portes incurvées
de ma méditation nomade
très bientôt j'arriverai
au moment décisif où
s'équilibreront mutuellement
crainte et courage
au détour d'un coude élargi
donnant à découvrir une campagne
inondée de quiétude
se tenait sentinelle
une mémoire assise
comme tous les villages oubliés
s'en inventent frêle de noir vêtue
éternellement vissée
sur sa chaise rempaillée
d'aventures immobiles
adossée au dialecte des heures
sans aucune hésitation
son index tordu pointait
l'horizon immédiat
d'une entrée colonnaire
pendant que d'innombrables
visages métamorphosaient
jusqu'au vertige
tous ses traits poussiéreux
à l'instant précis du doute
aurais-je pu seulement prévoir
que le chemin démasqué
m'enverrait à tempo
son unique messager
La couveuse...
Aux lunules des atomes à l'humeur du vitrail toutes les peaux de la plaine
aux visages encastrés dans la crique et le liège à l'oblong des yeux raides
à la hanche du semoir aux poumons sans rivière près les torses faucheurs
des phalanges d'azalées aux buissons de la fraie invincible et tenace
aux salives enjambantes aux tuyaux de l'orage sous les crépitations du grain
de coudées en pas longs de ruelles en coteaux sur l'artère imprécise
combien de porosités encore le verre essoufflé permet-il le passage
au sommeil accepté la poussée homérique lors la vie en son chant
où te battre est ce viens de ma main minuscule engloutie par la tienne
Le legs...
Ces jambes
quel m'en serait l'usage
après avoir parcouru
des distances infinies
je les donne aux forêts
qu'elles voyagent
à leur tour
ces bras
aussi forts qu'inutiles
à retenir longtemps
les caresses idéales
je les cède aux sommets
qui haut s'élancent
bien plus capables d'aimer
ces yeux
qui ne furent pas toujours
clairvoyants
de tant d'êtres et leurs drames
je les offre sans regrets
à l'acuité légendaire
des harfangs mieux à même
d'embrasser d'un regard
ce cerveau
constellé de questions
un jour pâle un jour vif
certainement dévolu à la brume
j'en fais don volontiers
aux myriades océanes
qui ne se formalisent jamais
du fretin à reprendre
quant à ce coeur sien
métronome imparfait
défectueux dans ses rythmes
transhumant dans ses flux
que faire d'autre
sinon en léguer les reliefs
aux volcans qui l'espèrent
Le sanctuaire du logos matérialisé sous la forme de quatre pièces
cardinales m'offrait de découvrir l'enchaînement de ses saisons immuables
à même les murs de l'hiver scintillait en lettres araméennes “ la couveuse “
qu'il m'était donné de lire à voix basse passerelle éternelle déployée entre l'aube éphémère et la nuit absolue
sur les murs de l'automne tous les signes du “legs” intimaient le silence
d'une pâleur d'or vieilli dont le graphe épuisé s'incrustait jusqu'au plein de la pierre
en corps un printemps en corps un été
donnez-moi de marcher sous les palmes trémières
dans les fricassées sautillantes d'un ciel chaud
près les femmes
embellies des maillages aoûtiens du zénith
donnez-moi du printemps
l'aube à roue
les vasques qui pétillent
la trémie des torrents
le sarclage et la sève
l'entonnoir des midi
les pollens en apnée
tous les becs à l'ouvrage
le frisson des talus
l'imprimé d'un jersey
l'accoudé d'une épaule
la faim saine des naissances
l'éclosion de l'eau neuve
les hélices de l'étreinte
donnez-moi du printemps
l'armada de la tourbe
la cohue des éveils
l'entre-amis malicieux
les chamailles qui ricochent
le diffus des arômes
aux senteurs théâtrales
les cosmos d'un visage
esquissé de pénombre
la ferveur d'une ruelle
le fatras des nuées
toutes les claques de l'air dense
sous l'étale mosaïque
donnez-moi de l'été
ses mitrailles lumineuses
la rondeur de ses vins
tous les lits découverts
l'impudeur de ses gorges
la feria de ses mains
les tangos du blé haut
le manège des abeilles
ses fanfares aux fontaines
ses chapeaux voyageurs
le cuivré de ses dermes
le tanin des nuits fluides
son étuve et sa verve
donnez-moi de l'été
ses coteaux qui respirent
sous le sable alangui
la terrasse des matins
les pieds nus sur la chaise
un rien du grinçant des galets
aux brasiers de Bengale
ses enfants déferlant
le roulis des rivages
l'embonpoint des fruits mûrs
les radieuses indolences
comme ses foudres dantesques
et sa pluie qui butine
Les structures du sentier
vacillaient suggérant
qu'aucun retour ne serait possible
qui emprunterait
les étapes précédentes
à la manière
d'un geste irréfléchi
surpris de rencontrer
l'espace vide
à l'emplacement coutumier
il me faudrait progresser
jusqu'au bout
de son intention préalable
jusqu'au terme
de sa finalité imprécise
le rêve aurait pu constituer
la meilleure des hypothèses
également la folie
dans ses déclinaisons les plus diverses
qui sait la mort
et sa médication
ici se tient ton
paradis définitif
mais le grain des choses
me paraissait si réel
qu'aucune alternative
sensée ne semblait
y répondre
sous le harpon
du petit matin
je sortais titubant
d'un des rebords
entrebâillés de la rue principale
si de te perdre
m'avait fendu l'esprit
y ouvrant un passage
impossible à combler
entre vivre et t'écrire
alors se pourrait être
le chagrin
seul en cause.
jean-marc frelier 12/02/2017 (ev)
“ chants immatures “
copyright exclusif
Dédicace : M. Kenzaburo Oe
Champ hymne-nature...la pôle-K qui nous submerge.... ;0)
· Il y a environ 7 ans ·Alice Farouche Rendu