Voyage

Awyn

Le voyage d'une humaine à la conscience pour le moins affectée. Sa planète n'est plus de cet univers.

Je me retrouve dans une forêt aux arbres luxuriants et aux feuilles bien vertes. J'entends des petits bruits, comme des cris d'animaux et des bruissements de feuilles. Je vois seulement les arbres de la clairière. Le soleil perce à travers les feuilles, dévoilant la poussière de fée qui plane dans toutes les forêts. Cette pellicule dorée qui se dépose sur les feuilles, puis qui est rincée par la pluie. Je m'avance, découvrant chaque buisson, chaque feuille, chaque goutte de rosée. Une coccinelle s'envole, est portée par le vent. La terre est douce, elle dégage la vraie odeur de l'herbe. De la mousse tapisse le sol. Elle monte jusqu'au haut des racines d'un arbre. Je m'allonge. Les papillons virevoltent. 
Soudain, je sens quelque chose se casser. Le ciel s'assombrit à travers les feuilles. Le vent se lève ; pas une de ces brises douces qui vous caresse le visage, un vent fort qui agrippe le bras et entraîne. Les arbres semblent menaçants soudain, ils tendent leurs branches vers le ciel comme des âmes en désespoir. Les noeuds de l'écorce forment des yeux tristes et sans lumière. Il ne plane plus que de l'ombre dans l'air, et les nuages sont bleus foncé. Ma tunique se froisse, le vent me fait m'envoler et tout devient noir.

Je tourne, je vole. Autour de moi tout est nuit, tout est étoiles. Je sens que la tempête est passée, car l'infini est calme. Les petites lumières me sourient de leurs lueurs. Je retrouve autour d'elles la même poussière de fée que dans la forêt. Je visite même une galaxie qui ressemble à de la farine qu'on aurait éparpillée. Cela me fait penser à la Voie Lactée de ma planète... Mais je ne suis pas sur ma Terre, polluée jusqu'à la mort. Ma Terre a fini par disparaître, avalée par les déchets et le dioxyde de carbone. Mais je ne suis pas là pour pleurer avec vous sur le passé, je suis présente pour vous décrire le monde dans lequel je Voyage. Bientôt, la tempête...
Oh non... La revoilà... Elle détruit de nouveaux les papillons, qui vivaient dans mon ventre cette fois-ci. Elle rend l'univers froid et sombre, plus noir que jamais. Les étoiles perdent leur poussière et leur clarté, et soudain ce sont de grandes dames qui m'ignorent, qui se drapent dans leur froide absence et me laissent seule dans le noir à nouveau.

Cette fois-ci, je suis à côté d'une muraille. Un lac est adossé à une falaise, et pour l'instant je me sens comme au début de ma visite à la forêt, comme tranquille. Mais je sais très bien que la tempête ne tarde jamais. Elle finira par arriver. Je peux par contre penser que la poussière d'étoiles restera jamais dans mon coeur, à défaut d'être avalée par le vent froid. Le lac ne se trouble toujours pas. C'est moi qui m'étonne. Mais que fait donc Dame Ouragan ? En attendant, je contemple le lac à la surface miroitante, aux nuances bleu turquoise, vert d'eau et aux taches de lumière innombrables. La falaise a une couleur d'ocre, pas trop foncée. Elle est escarpée et se jette dans le lac. La muraille, à deux pas de moi, est vieille, cela se voit, elle est composée de pierres effritées. Cela a tout de même son charme, car les interstices entre les pierres sont comblés de mousse, de chardons et de même parfois de jolies pâquerettes qui étendent leur corolle lumineuse vers le soleil. 
Tout est toujours calme, mais je sens que quelque chose ne va pas. Tout est toujours trop calme. Je sens alors quelque chose bouillir en moi, quelque chose d'incontrôlable, qui se démène, qui lutte pour sortir. Le lac, la falaise, la muraille, toujours aussi calme, ça commence à faire bouillir de plus plus, de plus en plus, de plus en plus... Alors, dans ce paysage tranquille, apparaît une dame. Mais pas n'importe quelle dame. On voit tout de suite à l'air de celle-là qu'elle est de grande importance. Ses longs cheveux noirs de jais flottent dans le même rythme que les flots tranquilles du lac, c'est à dire qu'ils s'agitent avec force comme si un ouragan déchaînait les éléments, alors que le vent est toujours aussi calme. Pourquoi le lac se met à se démener, comme moi et la chose qui m'habite ? Je ne sais pas, mais je suis sûre que le lac est habité par la même chose que moi, un esprit bouillonnant et en colère.

Alors la dame, comme si elle lisait dans mes pensées, murmura :
" Je suis l'esprit en colère. "
Elle était habillée de... d'un... d'une sorte de robe, faite d'un mélange à la couleur bleu-gris, comme le fond des eaux tumultueuses du lac. Ses yeux avaient la même couleur, celle des océans en furie. Elle avait l'air sûre d'elle, en pleine puissance, calme et forte à la fois. Elle s'exclama, à voix haute cette fois :
" Tu n'as pas besoin de connaître mon nom pour l'instant. Appelle-moi simplement la Dame. Je suis en colère. Tu es la seule descendante de la race des humains. Et c'est cette race qui a provoqué l'apocalypse qui détruisit la Terre, cette planète qui était une des plus prospères de tout l'univers. Vous avez épuisé jusqu'aux plus infimes ressources de la Terre, en provoquant une onde choc qui a détruit tous tes semblables en plus du Soleil. Heureusement, il existe des infinités d'autres étoiles, mais un partie de l'Univers, le système solaire, est parti en fumée à tout jamais. Je vais te conduire à la Cour de Justice, et peut-êre bien que tu paieras pour tes semblables. "
Devant ce discours pour le moins étonnant, je compris que mon rêve et ma tendance à m'enfoncer au plus profond des abysses de la divagation m'avaient sauvé la vie. Je réussis seulement à dire :
" Mais..."
" Il n'y a pas de "mais" , jeune fille. Il fallait y réfléchir à deux fois avant de piller l'eau ou le pétrole. Quel est ton nom, au fait ? "
" Laëtitia. "

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