Voyage en mer
Carine Valette Ayala
Quinze jours de mer. C’est long. Quinze jours. C’est long quinze jours.
Nous n’y arrivons pas. Je ne vois pas la terre. La mer, partout.
Heureusement le bateau tient le choc.
Plus de doute.
Une tempête. Le mot est sur toutes les lèvres. Dans tous les pleurs.
La mer rejoint le ciel. Ils sont unis et nous encerclent.
C’est beau une tempête. Elle nous tue, je l’admire.
Se pencher au-dessus des corps. Observer ceux qu’on jette.
Le ciel rejoint la mer. Notre ennemie noire, presque bleue.
Plus loin une lumière brille. Trop loin. Je sens que nous luttons.
Rejoindre la lumière. Avant elle, le ciel. Toujours plus rouge.
Un rouge menaçant. Plus loin, le ciel, bleu. Je peux le voir. Sans l’atteindre.
Le bateau craque. Le bois gonfle. Il craque.
J’imagine les poissons. C’est la fête pour eux. Ils dansent dans un coin. A droite.
Au-dessus du ciel bleu.
Nous sommes dans le creux d’une vague. Enorme. Puis une autre. Elles ne s’arrêtent jamais.
Nous prennent. Je suis en haut du mât. Je vois tout.
La lumière. Point de conflit. Le rouge, le bleu se battent. Ils créent la lumière.
Ou bien est-elle plus loin ?
Impossible de dire si on avance. Le bateau semble stagner. Pris dans le mouvement incessant.
Il reste sur l’écume. Sous l’écume. Tout bouge. Je crois voir quelques oiseaux.
Je les envie. Ils jouent avec les vagues. Charment les poissons. Les poissons mangent nos corps.
Les oiseaux participent. Tous, ils aiment ce déluge. La tempête renverse la chaîne alimentaire.
Tout semble ici pour nous submerger. Le navire. Le rouge de l’azur galope. Il forme une boucle.
La lumière. Toujours. Elle est trop puissante. Rien ne l’atteint.
On dirait du Turner.