Voyage en Paranoïa. (Proche de le Patagonie)

Hervé Lénervé

Vacances exotiques

Je ne suis pas paranoïaque.

Hier, mon réveil matin à quartz sonne cinq minutes après son heure programmée de réveil. Bon, admettons, je m'en fous, je ne pointe pas à l'usine, de plus c'était un jour chômé. Mais, quitte à se tromper, il aurait mieux fait de ne pas sonner du tout, bon admettons. Maintenant réveillé, je me lève, c'est normal, non ? Qu'auriez-vous fait à ma place ? Mais vous n'êtes pas à ma place ! Je ne vous permets pas de l'être, j'y étais avant vous, depuis ma naissance, cela compte, non ? Les gens ne respectent plus la propriété intime des êtres. Je ne suis pas particulièrement matérialiste, mais il y a des limites ! Non ? Si ! Il y a des limites, quand même et si personne n'en tient compte, tout va à vélo. Bon, admettons, un individu ne respecte pas les limites, il est hors limites, peut-être hors la loi, peut-être anarchiste, admettons, mais il est unique, il ne remet pas en cause tout le système. Ce n'est qu'un marginal, maintenant, ils sont deux, comment s'est-il reproduit l'Unique ? Mystère et boule de pomme ? Après, si on n'y prend pas garde, ils sont des milliers, voire des dizaines, ils ont essaimé de nous gruger et il est déjà trop tard pour réagir parce que ce putain de réveil n'a même pas été capable de sonner à l'heure ! Merde à la fin ! Vous voyez tout peut déraper si vite que vous vous chopez deux points de moins sur le permis. Bon, j'm'en fous, je roule sans point depuis des lustres et ça roule aussi bien, pas mieux, mais tout aussi bien qu'avant. Je n'ai pas une voiture à points, (de toute façon, je ne mange que de la viande crue et humaine de préférence) mais à pédales, trois pédales, deux pareilles et une étrange, j'm'en fous, l'étrangère, je l'ai sciée, de toute façon, je ne m'en servais pas et ne savais même pas à quoi elle pouvait bien servir, sinon à me faire chier. Quoique j'avoue que depuis qu'elle n'est plus là, ma voiture n'avance plus, mais j'm'en fous je marche à pied, car je n'ai jamais réussi à marcher en voiture. J'ai essayé au début, mais je n'ai pas trouvé cela pratique et de plus très fatigant de la pousser partout tout le temps avec moi. Maintenant « je marche seul le long des rues où nous allions tous deux avant… » Je crois, voyez-vous, que l'utilisation de la voiture est surfaite. Tout le monde en a une, donc il faut en avoir une, certes, mais moi j'en ai une, juste pour être normal, je ne m'en sers jamais, aucune confiance dans ces tas de ferraille qui ne pensent qu'à vous aplatir contre un platane quand vous êtes dedans et à vous écrabouiller quand vous êtes dehors. Moi, ma voiture, je lui ai crevée les quatre pneus plus la roue de secours pour qu'elle soit emmerdée jusqu'au bout le jour où elle voudra m'écrabouiller. Et par sécurité j'ai remplacé les balais d'essuie-glace par deux disques de la danse du cygne comme ça, si elle veut m'écrabouillé par temps de pluie, elle sera obligée d'approcher en dansant sur les pointes et je la verrai venir de loin. Je rigole parce qu'une voiture en tutu, c'n'est pas la grâce du tout. De toute façon, j'm'en fous, j'n'aime pas les ballets non plus. Bon ! Qu'est-ce que je disais déjà, moi, déjà ? Ah, il fait moins le malin, le coq, avec toutes ses pièces étalées sur ma table de cuisine. Y'a rien dans ces foutues machines, trois fils, deux diodes, des petites gélules, genre tic-tac aromatisé au métal, dégueulassent à manger et qui croquent sur les dents, que du plastique de merde et ce sont ces tas de merde qui régissent nos vies à présent. On verra maintenant, s'il sonne quand ça lui chante, le coq ! Qu'est-ce que je disais déjà, moi, déjà ?   Ah, oui ! Vous voyez je ne suis pas paranoïaque parce que je suis fou et que pour être parano, il faut être sensé. Moi je crois naïvement que le Monde, mais tout le Monde en son entier ne me veut que du bien, si ce n'est pas être fou ça ?

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