Voyageur sans boussole : la forêt repliée

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Les auberges en bois bâties sont des forêts repliées : abris étalonnés sur de plaisantes proportions. La lumière s'y étale avec douceur, s'enferme pour enlacer les acteurs de la nuit dans un jour privilégié aux lucides artifices. Un verre de vin : tes mouvements s'y habillent d'excès et tes gestes s'y muent en cataclysmes noyés dans le secret d'un univers mort-né. Accrochés aux murs lambrissés, des miroirs dessinent le ballet permanent des reflets glissant hors de leurs cadres. Ils volent à son insu les bribes de ce monde, vitrifiant sous leur ciel lourd les gestes les moins sûrs. Peut-être est-il un monde tapi derrière ces miroirs frontaliers, figeant nos actes dans le givre des souvenirs sans témoin. Assis, te voilà homme empli de convictions, enivré de révélations jetées par l'alcool qui t'assèche et t'assiège. Les cils lourds encagent ta vue et s'embuent dans la complexité de tes instincts. Sans doute pleures-tu. Tu marches, tu tombes, qu'importe. En deça de ta vie se trouve ce qui t'est donné de voir ce soir, sous le ciel rabaissé d'un lieu festif : la permanence des chutes, l'incertitude des éveils. Tu vois en l'abandon des sens le berceau d'un changement. Un verre de vin. Le monde se pare alors des tremblements qui lui manquaient, s'éveille en de fugaces jets de couleurs vifs et aveuglants. Les sons s'emmêlent et flirtent auprès du seuil de tous les excès. La pluie bat ton visage, te voilà sorti. Tout se mélange, tu deviens le fruit des discordances entre le temps qui passe et les lieux qui défilent. Tu vois en l'abandon des sens le tombeau des penchements. Tu chois de tout ton corps, tes choix détournent encore les évidences d'antan. Tous les rires et joies de la forêt repliée semblent désormais révolus. Ignorant où tu te trouves, tu chemines sous l'orage vers des cloches de silence. Ta vie se jalonne de chaos et d'abris. Tel est le lot des voyageurs sans boussole qui, liés aux racines du vent, espèrent ne pas glisser hors du cadre de tous les miroirs.


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