Walk The Line

Jerry Milan

''Walk The Line''...
J'ai toujours eu la bougeotte dans ma vie. Fallait que ça bouge. Je ne
tenais pas en place et dès que j'ai pu, j'ai sauté dans une voiture, un
bus, un train, un bateau, un avion ou sur une moto. Tout était bon pour
bouger. Même le vélo ou le scooter. J'ai eu la chance avec mon job ou en
privé de visiter plus de trois cent villes dans au moins cent pays dans ce
bas monde. Sur presque tous les continents. J'ai eu une autre chance,
c'était de survivre a plusieurs accidents de la route et même un d'avion.
J'ai survécu aux drogues de tout genre que j'avais testé par une soif de
découverte féroce, par un défi d'atteindre mes limites mentales et
physique. Mais mon instant de survie m'a toujours sorti de tous ces
mauvais pas. Des contrées dans lesquels j'ai laissé pleins de copains ou
de compagnons d'infortune qui eux, n'en sont jamais revenus. J'ai flirté
avec la mort à plusieurs reprises, elle ne voulait pas de moi jusqu'à ce
jour qui m'a été fatal. Alors maintenant que je n'ai pas survécu et que
je pouvais me déplacer à la vitesse de la lumière, j'allais m'en donner à
coeur joie.
J'étais en train de scanner mon bureau quand mon regard s'est posé sur
une photo des années quatre vingt. J'étais assis sur le capot d'une
Cadillac Coupé de Ville Convertible, un modèle spécial de 1973.
La photo a été prise sur le driveway derrière la maison que j'occupais à
cette époque à Burbank en Californie avec deux potes. La Cad était
bleu-métalisé avec un intérieur en cuir blanc et portait une plaque
QNHEAVY. Lonque comme un jour sans pain, elle était magnifique et m'a
couté 650 $. Une bagatelle. J'avais mis un temps à la dénicher et elle
était en parfait état. Moi aussi j'étais beau, quoique un peu maigre.
Sapé d'une chemise ''California sunshine'', d'un Lewis noir moulant et
d'une paire de pompes de boxe montantes. Des RayBans Aviateur posés
sur mon nez. Tout un programme. J'avais débarqué à LA avec des
maquettes de studio en fin de l'année 1982 pour aller signer un contrat
avec une major. Un de mes potes sortait avec une fille dont le père était
patron d'une grosse compagnie et m'a arrangé un rendez-vous. Il bossait
comme mécano dans un garage de bagnoles et continuait à jouer de la
basse. L'autre travaillait dans une usine de batteries.
J'ai donc débarqué à LAX un soir de décembre après un voyage
rocambolesque en passant par Londres. J'avais une trouille
monumentale car au voyage précédant, mon retour d'Australie, notre
avion avait fait une chute de trois mille mètres après avoir cramé un
réacteur. Une merde de DC8 qui, heureusement, en avait quatre. Le
pilote a réussi rétablir l'appareil pendant une épouvantable et
indescriptible panique à bord ou tout volait. Tout ceux qui n'étaient pas
attaché et tout ce qui est sorti des coffres à bagages et des sacs. Je
n'étais pas attaché et je suis resté collé au plafond un moment qui m'a
parut très long et qui, en réalité, n'a duré que quelques secondes.

J'ai reçu et heurté des objets et des gens qui hurlaient. J'avais le crâne
ouvert et du sang partout.
Puis on s'est posé d'urgence à Colombo et nous étions aux petits soins.
Les médecins  et même une cellule psychologique. Ils ont afrêté un autre
avion le lendemain pour ceux qui voulaient repartir. Il y en a eu
beaucoup qui n'ont pas voulu.
Moi, je suis reparti. J'avais tout d'un coup une confiance aveugle dans
les capacités des pilotes mais aucune dans un DC8. Je me suis juré de ne
plus jamais monter à bord de ce cercueil volant. Et voilà qu'à Londres je
change d'avion et je vous le donne en mille: je dois remonter dans un
putain de DC8!!! Le flip total. Heureusement que j'avais de la came
planqué dans la doublure de ma pochette en cuir et qu'à l'époque on
pouvait fumer dans les avions. D'ailleurs, voyager dans un long courrier
était, normalement, un vrai plaisir. Pas un chemin de croix comme
aujourd'hui.  Aucune fouille de sécurité ni de portique à passer, des
hôtesses super canon, aimables et souriantes qui vous accueillait à bord
avec une coupe de champagne à la main. Une bouffe extra et abondante,
l'alcool, vins fins et d'autres boissons à volonté et un compartiment
réservé aux fumeurs. Aujourd'hui, pour le petit déjeuner on vous sert un
mini-croissant ou un pain aux raisin de la taille d'une pièce de dix euros,
à boire une micro-canette de soda, de l'eau de source la moins chère du
marché. Les repas sont fait pour les estomacs de moineaux et les
bouteilles de vin sont de la taille d'un verre. Le temps ou on servait
d'une vraie bouteille de bordeaux millésimé avec le sourire est bien
révolu. Ou alors tu paies. Cher. Classe affaires. Voyager en avion était
un bonheur je vous dit. Quand les zingues tenaient en l'air! La zone
fumeurs était à l'arrière et il n'y avait pas grand monde. J'avais une
rangé de 3 sièges pour moi tout seul. J'ai commencé par siffler quelques
coupes, puis j'ai écrasé une grosse écaille pour me faire discret un rail
de coco. J'en avais une très bonne arrivé direct de Colombie, pure
comme de la neige fraiche en flocons. D'ailleurs mon sac de soute en
était plein, fallait bien que je paye mon séjour. J'ai bien mangé, dragué
l'hôtesse, j'ai bu tout ce que j'ai pu, me suis fait une ligne d'héro par
dessus et dormi jusqu'à L.A. En arrivant, j'ai vomi, passé le contrôle
d'immigration un peu pâle et pris la navette pour aller récupérer mon
sac farci de dope. Le LAX était un aéroport immense pour l'époque. Sur
la piste, il y avaient des feux rouges pour laisser passer les avions
faisant la queue. Avec une totale inconscience et insouciance j'ai passé
tous les contrôles les doigts dans le nez. Il était cinq heures de l'après
midi, le ciel était bleu de chez bleu et le soleil sur le point de se
coucher. J'étais en Californie !!!
J'ai prix le bus qui m'a amené chez Thrifty et j'ai loué une Toyota
Tercel. J'avais deux jours devant moi sans hébergement, mes potes
étant partis en weekend. Pas de clés ni de chambre réservé, j'avais
prévu de dormir sur la plage ou dans la voiture. Ce que je n'avais pas
prévu, c'est que le soir ça caillait et que les flics viraient tout le monde
de la plage et des parkings en faisant des rondes régulières toute la nuit
durant. Et les flics de LA étaient impressionnants. Genre montagne de
cent vingt kilos minimum. Après avoir tourné un bon moment, j'ai réussi
à me dégotter un coin bien planqué sur la plage de Malibu. J'ai mis en
position couchette, me suis fait un trait d'héro et dodo.
Soudainement une grande tape sur le toit et une lampe dans la gueule
m'ont fait sursauter de peur.
''Allez, dégage d'ici avant qu'on t'embarque !!! C'est interdit de dormir
dans les voitures !!!''
C'était ça l'Amérique. Tout y était interdit et ce qui ne l'était pas,
n'était pas vraiment permis, mais toléré. Aucune obligation de le
respecter, mais c'était à tes risques et périls. Une démocratie avec
beaucoup de limites. Fallait juste pas se faire chopper. Sinon, tu sortais
tes billets verts et malheur à ceux qui n'en avait pas plein les poches.
Peux importe comment ils sont entré dedans!
J'ai décampé illico. Je suis monté par les virages dans les Pacific
Palissades et fini ma nuit entre les villas en planquant la Toyota dans un
dégagement réservé aux poubelles.
Au soleil levant je suis redescendu à Malibu, j'avais repéré des douches
dont j'avais drôlement besoin. Le soleil commença a chauffer et il y
avaient déjà quelques surfers dans l'eau. Je me suis allongé pour me
faire lécher par ses rayons,  sécher et finir ma nuit.
La chaleur et la faim m'ont tiré brusquement de mon sommeil profond.
L'estomac réclamait son du. Il y avait un 7 Eleven juste de l'autre coté
de la route. J'ai fait le plein de bouffe enrichi à l'américaine, pain de
mie, yaourts et fruits que je suis retourné  manger à la plage. Les
vagues étaient belles et les surfers dessinaient des gracieuses courbes
dessus. La plage fut presque vide, juste un gars assis sur un surf, les
autres barbotaient dans l'eau. J'observais le mec. Il avait un sac en
plastique de supermarché posé à côté de lui et en sortait des poignées
de quelque chose qu'il mettait à chaque fois dans une enveloppe. Je
n'arrivais pas à voir ce que c'était exactement. Une fois fini, il a remis
toutes les enveloppes dans ce sac et c'est mis à confectionner un pétard.
Il a fait un signe dans ma direction, puis se leva et vint s'assoir à côté
de moi avec son stick à la main.
''Hey...ça va?Tu veux une bouffe?''
Il alluma le buzz, tira dessus et me le tendit. Une bonne odeur d'herbe
chatouilla mes narines.
''Je m'appelle Teddy et toi?'' Il me sera la main.
C'a y était, j'avais mon premier copain blond-californien.
Son herbe était très bonne et déchirait carrément. Je lui ai proposé une
ligne do coke qu'il snifa avec un geste appréciateur. Il était dix heures
du mat et nous avions attaqué très fort. On a trainé à la plage de
Malibu jusqu'à midi en se racontant qui était qui et ce que chacun
faisait, comme les ricains aiment bien le faire. Il m'a proposé une enveloppe à 15 dollars.

Il y mettait une bonne
poignée pour ce tarif. C'était vraiment pas cher. Je lui ai suggéré de
l'échanger contre un demi de coco. On a fait l'affaire et nous sommes
partis chez lui. J'ai suivi son VW minibus des années 60 avec ma Toyota
Tercel. Ce gars-là avait tout du cliché du beachboy californien. Le look
avec sa crinière décolorée par le soleil et le sel, et le sourire plein de
dents. La VW split window style hippie avec son surf dessus. Il roulait la
porte du compartiment moteur à l'arrière grande ouverte pour le
refroidir. Je l'ai suivi jusqu'à un terrain ou il vivait planqué au fond du
jardin dans une grosse caravane Streamline en alu. Entre la caravane et
la clôture il avait ses pieds d'herbe avec des têtes énormes. Nous avions
mangé des oeufs au plat et sommes partis tourner  dans LA pour
fourguer sa came aux clients. Au retour on s'est arrêté chez un
marchand de pièces détachés pour sa VW. Il m'a proposé de rester
dormir, mais même si sa caravane était très confortable,avec deux
chambres, salle de bains et séjour/cuisine, je n'ai pas eu trop le temps
de profiter du lit. On a passé la nuit à nous défoncer aux coctail
Bud/herbe/coke/héro, gratter à la guitare et à beugler comme des
dingues. J'ai du tomber dans le coma car je me suis réveillé dans le
salon au milieux de l'après-midi. Teddy n'était pas là. Quand il se
pointa la journée était presque fini. Il est revenu à pied. Son minibus est
tombé en panne à plusieurs kilomètres de là. Alors je l'ai tracté avec le
Toy jusqu'au garage ou on est passé la veille. Puis il m'accompagna
visiter la Cité des Anges by night. A fond. Il a fourgué et moi aussi. Nous
avons embarqué deux minettes dans une boite de nuit et les avons
amené dans son Streamliner. Une autre nuit de dingue...
C'était ça la Californie et les nuits de Los Angeles.
Le lendemain après avoir déposé les filles puis le Ted au garage, je me
suis rendu à Burbank pour m'installer dans la maison de mes potes. La
clé m'attendait sous le paillasson et les instructions sur la table du
salon. J'ai rangé mes affaires, pris une douche, un truc à bouffer dans le
frigo et je me suis écroulé jusqu'au soir. Une fois tout le monde rentré
nous avons dignement fêté nos retrouvailles.
Les jours suivants, je les ai consacré à faire des courses, à bronzer, à
fourguer de la coke et l'herbe aux clients de Ted et à chercher une
voiture. La Toyota me coutait trop cher et je voulais absolument une
Cadillac. J'avais amené pas mal de poudre avec moi et le biz marchait
plus-tôt bien. Les stocks diminuaient et la cagnotte gonflait. Il fallait
absolument que je décroche de l'héro car pour en trouver à LA était une
vrai galère. Par contre l'herbe, les acides et la coke il y en avait
partout. Tout le monde en prenait de la coke. Ceux qu'en avaient les
moyens. Chez les autres, c'est l'Angel Dust qui commençait à faire des
ravages. Un joint d'Angel Dust coutait  6 dollars et défonçait toute la
nuit. Une putain de saloperie d'anesthésiant pour éléphants qui rendait
les gens complètement fous.  La coke en Californie n'était pas toujours
très bonne car souvent abimée par sa traversé du Mexique. Par contre
pas chère du tout. Sauf, quand il s'agissait d'une très bonne qualité. Et
la mienne était top! Je ne la salopais pas et la laissait pure.
Dans les quartiers branchés comme le Sunset ou Hollywood Boulevard il
y avaient des boutiques qui vendaient tout le nécessaire du parfait
drogué. Des mini-balances et des petits miroirs, des pailles en formes
diverses et variés même en forme de petits aspirateurs, des lames de
rasoir, des moulins avec un tamis pour faire une poudre bien aéré et
régulière. Des petites cocotes en papier plastifié avec des pointillés
indiquant le pliage pour confectionner des paquets de 1, 2 ou cinq
grammes. Ce qui m'a le plus troué le cul, c'étaient des petits flacons en
verre d'une contenance d'un ou deux grammes d'une coke mouliné sur
lesquels se fixait un embout arrondi en plastique avec un petit robinet.
En fermant celui-ci et en retournant le flacon tu faisait rentrer une dose
dans le sniffeur, puis tu tournais le robinet ce qui libérait un appel d'air
et la coco et hop, ni vu ni connu, bien dissimulé dans la paume de ta
main, tu pouvais te faire ton sniff n'importe où. Très astucieux. En plus,
une fois le flacon rempli tu savais s'il y avait le bon poids ou non.
Impossible de te faire baiser. Tout le monde à LA se baladait avec son
sniffeur automatique. Et les boutiques de ce genre d'accessoires avaient
pignon sur rue. La plus impressionnante était White Lady (Lady Snow) se
trouvant sur le Sunset. Ils avaient carrément mis en vitrine un énorme
tas blanc de fausse coke avec des pailles géantes plantés dedans. Le
paradoxe de l'Amérique dans toute sa splendeur. T'avais droit d'acheter
tout ça, mais rien mettre dedans. Là, c'était police, menottes, prison!
J'ai acheté tout ça. Petit flacon avec son sniffeur, le moulin, des
cocotes, une petite glace Coca Cola. Pour Noël mes potes m'ont offert
toute une trousse de la taille d'un paquet de cigarettes, gravée et
plaquée or. Une fois ouverte, t'avais ton petit miroir placé dans le
couvercle et au fond de la boite, couverte d'un satin couleur bordeaux,
reposaient une paille, une petite cuiller et une lame en or massif. Sans
oublier l'emplacement pour le sniffeur. Très classe. Comme la minette
avait son petit poudrier de poche, moi j'avais le mien...
Le stock diminuait irrémédiablement. Il me fallait trouver un fournisseur
rapidement. Il se présenta à moi de lui-même une après midi ensoleillée
à la Californienne.
J'avais fait passer par le biais de la copine de mon ami une copie
cassette de la maquette du studio à son père, le patron d'une grande
compagnie qui n'existe plus aujourd'hui. Il avait bien aimé et me fit
téléphoner pour prendre un rendez-vous. Sa fille lui avait expliqué ou
j'habitais et je l'attendais avec impatience. J'étais juste en train mater
par la fenêtre quand j'ai vu arriver une Rolls anthracite s'arrêtant
devant la porte. Un chauffeur flanqué d'une casquette et d'un blazer
marine à écusson en descendit et ouvrit la lourde portière à un petit
bonhomme, rondouillard à souhait, habillé d'un costard noir, lunettes
noires et affublé d'un chapeau ridicule et d'un attaché-caisse. On
l'aurait dit tout droit sorti du Parrain ou des Blues Brothers.

Ils se présenta à ma porte. Je le fis entrer avec un grand sourire, un ''Hello''
et un serrage de pogne en règle. Le chauffeur resta dehors.
Le Parrain évalua le séjour, posa son chapeau et se cala dans le fauteuil
en cuir. Il posa son attaché-caisse sur ses genoux et m'invita à m'assoir
sur le canapé. Les fausses bûches électriques animaient la fausse
cheminée.
''Nous allons parler d'affaires, petit, mais d'abord il faut se mettre en
bonne condition. T'es pas d'accord?''m'a t-il lancé avec un fort accent
italien. Il posa sa mallette sur ses genoux et en sortit un gros paquet de
poudre blanche, fit un petit tas sur la table basse en verre puis tira une
Amex Gold et un billet de cent de son porte-feuille. J'étais scié. Le mec
avait au moins cinquante cinq ans, une Rolls de folie et surement une
montagne de dollars vu sa situation. Tranquillement, il confectionna
avec sa carte deux lignes énormes, roula le billet de cent en paille et me
le tendit. C'était donc à moi d'ouvrir les hostilités. Puis il se l'enfonça
dans son gros pif à son tour et aspira la ligne tel un tapir. La vache. Puis
il repassa son doigt sur la table et se frotta les dents. Les négociations
pouvaient enfin commencer. Quand mes potes sont rentré du boulot, le
petit gros était toujours là. Le pauvre chauffeur dehors a du fumer au
moins une cartouche. Son gendre du moment à sorti une bouteille de vrai
pastis français pour lui faire gouter. Il se l'envoyait sec. Quand il n'y
avait plus rien à sniffer ni à boire, il tituba jusqu'à la voiture en me
lançant:
''Demain tu m'appelles à mon bureau et tu viens signer le contrat. T'es
un bon gars !!!''
Puis il disparut à l'arrière de son immense auto.
''Signer quoi?'' nous n'avions même pas discuté de ma musique !!!
Le lendemain, j'ai effectivement signé un contrat d'exclusivité et
d'enregistrement avec la compagnie et touché une confortable avance.
Je crois que ce mec m'aimait vraiment bien et a décidé de m'aider.
C'était rare qu'un petit gars dans mon genre débarque à LA avec une
maquette venant de France et ayant un tel culot. Les ricains
appréciaient des gens culottés. Il m'a aussi glissé le numéro de son
dealer car sa coke était très bonne et moi j'étais à sec en me prévenant:
''T'appelle à ce numéro de ma part, un certain George,mais vas y mollo
sur la paille, petit, mama mia, t'es là pour bosser et pas pour te
défoncer! Je ne vais pas te payer ta came si tu reviens pleurer quand
t'auras plus un rond! Ni les cautions !!!''
J'étais prévenu. J'ai alors commencé la tournée des studios pour
remixer mes bandes, puis la tourné des radios pour les tester à l'écoute.
Je me suis fait un super copain, un certain Johnny Floatter, animateur
d'une émission de rock sur KMET et un amateur du sniffeur automatique.
Je l'appelais ''Le Flotteur'' et s'est devenu mon passeport d'entrée dans
le monde du Showbiz de L.A. Il m'amenait partout avec lui. Dans les
boites de nuit et les bars branchés, les  party's des V.I.P. et des
rockstars, les studios d'Hollywood , les concerts.
Tous les soirs j'étais de sortie, tous les matins je rentrais à la canne
blanche. La journée je trainais dans les salles de repéte à la recherche
des musiciens ou avec Ted à Malibu, Santa Monica ou Melrose. Le soir je
sortais avec Johnny sur le Sunset ou Hollywood Boulevard. Les
weekends, je les passais dans les BBQ party's de Rodeo Drive, Bel Air ou
Pacific Pallisades. La vie de star...
Ted finit par me dégotter une adresse d'un chicano vendant des
Cadillacs à des prix défiant tout concurrence. J'y ai trouvé mon bijou
tournant comme une horloge suisse et en parfait état, sauf les silent-
blocks et les amortisseurs qu'étaient morts. La caisse en était
inconduisible et balayait toute la largeur des énormes rues de West
Hollywood. Partageant mon habitat avec un mécano, le premier
dimanche venu il me l'a remis en état nickel.
Ce qui était bien en habitant Hollywood Way, c'est qu'en prenant le
Ventura Freeway tôt le matin je pouvais aller surfer avec Ted à Zuma
Beach, rentrer manger à midi à la maison et l'après midi me barrer dans
les montagnes de Mammouth pour skier. Les pistes y étaient éclairé
jusqu'à 22 heures. Du coup, je restais toujours dans la neige.
J'ai décroché de l'héro. Notre association avec Ted marchait à
merveille. Il a gardé le département l'herbe et moi, je m'occupais de la
neige. On s'échangeait nos clients. Il a rapidement fallu, que je me sers
du numéro de ''coco secours''. J'ai donc appelé de la part de Nino et la
porte s'est ouverte en grand. Le gars que j'ai eu m'a donné le rendez
vous dans un bar qui s'appelait ''Mickey and Joey's'' et j'y suis allé avec
le Flotteur qui connaissait bien cet endroit. Un bar de bikers. Joey, le
patron était le demi-frère de Mickey Rourke en beaucoup plus hard. Ce
gars-là, complètement défiguré a eu, comme je l'ai appris plus tard, un
nombre incalculable d'accidents moto. Moins beau, mais aussi marteau
sinon bien plus. Et super sympa. Tous était sympa et marteaux dans ce
bar, qu'est devenu petit à petit un de mes endroits favoris. Le gars m'a
passé un flacon ce son produit pour que je le teste. J'ai visé mon embout
perso, tiré une bonne dose et l'ai passé à Johnny qui fit de même. On
s'est regardé et nos yeux ont échangé une pluie d'étoiles. Nom de dieu,
une vraie fusée spatiale. Le gars nous observa. Il a compris, qu'on était
pas des tocards et nous avions compris que lui non plus. Flotteur
n'arrêtait pas de me donner des coups de coude. Il nous proposa un
marché très correct. Il voulait pénétrer le milieux du show biz en se
servant de nous et en échange, il avançait la came. Au début juste pour
voir. Ce type-là avait un produit en béton armé au prix défiant toute
concurrence et en plus, il avait de l'herbe du même acabit. Un vrai labo
pharmaceutique ambulant. Il nous a dit qu'il essayait pervertir Nino
depuis longtemps, mais que celui-ci a refusé ferme  vu sa situation. Nous
sommes sortis du rencard, Johnny et moi, avec les narines en feu et un
gros paquet de coke. Et Johnny avec de la merde au cul. Dès la porte

franchie, il s'est mis à brailler:''T'es complètement cinglé! Tu sais qui c'est ce gars-là?

Je l'ai reconnu. C'est Boston George, un des plus gros dealers du sud des Etats Unis
d'Amérique! Et même de toutes les Amériques confondues! Nom de
Dieux, t'es malade, ma parole! Je ne mange pas de ce pain-là, moi. Je
tiens à ma vie! Tu te démerdes!!! Sans moi...''
Comment pouvais-je savoir? J'ai débarqué il y a un mois à peine et ma
vie a pris instantanément une accélération foudroyante. J'ai juste
rencontré les bonnes personnes au bon moment.  Et ma petite gueule a
fait le reste. Un putain d'énorme concours des circonstances. C'était
donc ça l'Amérique? Les opportunités se présentent à toi, il faut juste
avoir une bonne paire de ''bollocks'' pour les saisir. Des ''cojones'' j'en
avais et j'ai décidé d'assurer le coup. J'ai embarqué Ted dans l'histoire.
Comme ça il n'avait plus à prendre des risques en faisant pousser
l'herbe derrière sa caravane. Je n'avais même plus besoin que Johnny
m'ouvre les portes. Elle s'ouvraient toutes seules et les compères ''Ted
et Fox'' entraient dans la lumière. On faisait tourner le biz à plein
régime, surfers, rockers, bikers, mais il fallait tout de même que
j'honore mon contrat avec Nino. Et il ne fallait surtout pas qu'il
apprenne tout ce manège. Quand je répétais ou que j'étais en studio à
faire des bandes de démo, c'est Ted qu'assurait pour nous deux. Tout le
monde était content. L'apothéose est arrivé la veille de Santa Claus
quand une grande VIP party a été organisé dans une boite branché qui
s'appelait ''La Lingerie''. Elle était tenu par un français et comme tout
ce qu'avait cette origine était très à la mode à LA à cette époque, le
monde du show biz se pressait à la porte. C'était le défilé incessant des
limousines plus longues les unes que les autres et des stars avec leurs
copin/copine, des mannequins, des starlettes et toute la racaille
branché et friqué d'Hollywood avec leurs parasites. Tous passaient par
la case Fox et c'est là, une fois la party à la Lingerie terminé, quand une
partie des invités, moi compris ait déménagé sur le bateau de Rod
Stewart ancré à Marina del Rey pour finir la soirée il y a un gars qui m'a
donné l'alerte.
Il est venu me prévenir, que la DEA nous a repéré Ted et moi et qu'ils
nous avaient dans le collimateur. Il fallait faire une pause. Le lendemain
de Nöel j'ai pris la Cadillac et je me suis arraché au Mexique. A la Baja
California. De toutes façons, j'avais besoin de vacances. J'étais crevé.
Je ne dormais pas, je ne bouffais presque plus, je ne faisais que la
bringue, tirais les filles, sur le pétard et le sniffeur.
Je me suis descendu toute la côte sud par la PCH puis la San Diego Fwy
jusqu'à Tijuana en faisant des poses dans les endroits qui m'ont
toujours fait rêver: Sunset Beach, Huntington Beach, Newport Beach,
Laguna Beach, Oceanside, Carlsbad, San Diego....
Une fois la frontière passé, l'Amérique a radicalement changé son
visage. J'ai vite compris pourquoi les mexicains prenais des risques
encensé, souvent au péril de leur vie pour se tirer de l'autre coté. Deux
mondes diamétralement opposés. Encore plus flagrant entre la Baja
California mexicaine, pauvre, affamée et sans ressources et la
Californie, riche, belle et frimeuse.
Le passage de Tijuana ressemblait à un péage d'autoroute géant avec
aux moins vingt quatre vois flanquées de guérites et barrières. Dans le
sens du sud, trois, quatre voitures. Vers les USA des milliers de chicanos
grillant dans leurs fours à microondes rangés en queues des heures
durant. Autant qui passaient à pied. Il faisait une chaleur étouffante
même en fin de l'après midi. Avant d'entré dans la ville, j'ai d'abord
traversé des kilomètres de bicoques de poteries diverses rangés des
deux cotés de la route. Le soleil brulait comme un damné. J'avais roulé
décapoté toute la journée et je commençais à sentir son effet sur mes
avant-bras.
Je suis rentré dans la ville et tourné un long moment avant pouvoir
garer mon monstre. C'était une vrai voiture de milliardaire comparé aux
tas de ferrailles dans lesquels les mexicains se trimbalaient. On pouvait
se demander comment certains de leur autos arrivaient encore à
avancer. J'étais vachement bien dans cette voiture. Elle était énorme,
pas une rayure, recouverte d'une peinture bleu/vert métallisé.
L'intérieur en cuir blanc. Tellement large, que je tenais couché sur la
banquette arrière ou même avant, car les deux banquettes étaient en
une seule partie. Pas besoin de sièges/couchettes.
Quand on a changé les amortisseurs, j'ai voulu tester ce qu'elle avait
dans le ventre et je suis parti visiter la Vallée de la Mort dans le
Nevada. J'ai pris la Badwater Road à partir de Furnace Creek, j'ai
décapoté, mis la musique à fond et appuyé sur le champignon. La route
était belle et droite. Pas un chat dessus. Le désert. Le compteur est
monté jusqu'à 120 miles quand une ombre est passé au dessus de ma
tête. Un hélico m'a dépassé et s'est posé au loin en travers de la route
bloquant tout passage. Quand je suis arrivé au barrage, deux flics
énormes étaient en train de me braquer, un avec son colt et l'autre avec
un énorme fusil à pompe. Celui avec le colt avait un porte-voix et ma
ordonné de couper le moteur et poser mes mains sur le volant sans
bouger. Puis il s'approcha tout doucement tout en me braquant, ouvrit
la porte en hurlant de ne pas bouger, m'attrapa par le col et me tire
dehors. Tu parles que j'avais pas envie de bouger un cil. J'étais
complètement terrorisé. Son pote et arrivé, ils m'ont basculé la tête
contre le capot et m'ont collé une paire de menottes dans le dos. M'ont
palpé les jambes écartées. Voilà un trip sympa qui se transforma en
cauchemar en quelques secondes. Un des flics me tenait et l'autre est
allé fouiller dans la boite à gants puis dans le coffre en me demandant
les papiers. Tout était bien rangé dans un petit sac à dos sous le siège
avant, les papiers de la voiture, mon passeport, mon permis, mon porte
feuille plein de billets verts et mon sniffeur plein de coke dans une
petite poche planqué à l'intérieur. Le flic a pris le sac et le renversa sur
le capot. La sueur me coulait dans le dos en un petit ruisseau.

''S'il tombe sur la coke, je suis foutu !!! '' me disais-je dans ma tête,
mais la petite poche était bien fermé. Il s'est contenté à ramasser les
papiers et a ouvert mon passeport. Ca l'a détendu d'un coup.
''French? Tourist?...Vous savez que dans l'état du Nevada la vitesse est
limité à 55 miles sur les routes et à 90 miles sur les autoroutes? Avez-
vous bu de l'alcool? Consommé de la drogue?''
Je fis non à toutes les questions. J'arrivais pas à sortir un mot. L'autre
me détacha, puis ils se sont mis à me faire subir un tas de tests.
Marcher sur la ligne jaune du milieu yeux ouverts puis fermés, suivre son
doigt passant devant mes yeux, me toucher le bout du nez, compter
jusqu'à dix, répéter de trucs après lui, je ne m'en souviens même plus.
Ces flics-là avaient un attirail impressionnant, y compris un hélico et un
appareil à cartes bancaires, mais ne disposaient pas d'un simple
alcotest tout con. Visiblement les résultats ont été satisfaisants à leur
goût, alors l'un deux à sorti un carnet de contraventions et m'en a
dressé une à 200 dollars. A payer de suite en liquide ou en carte
bancaire. Sinon retour menottes et poste avec la bagnole laissé au bord
de la route. D'ailleurs, pendant tout ce temps-là, pas une âme qui vive
n'est passé dans les parages. Je lui ai filé trois cents cash en lui disant
qu'ils se payent un coup à boire de la part de la France. Ils n'ont pas
refusé, m'ont tapé dans le dos en me conseillant d'être plus prudent la
prochaine fois, sont monté dans leur hélico et se sont tiré dans un gros
nuage de poussière du désert. Moi, j'ai tiré sur le sniffeur et sur une
Benson. J'avais besoin de me détendre. Comme ils m'ont bien niqué la
journée, j'ai fait demi-tour et rentré à LA. A 55 miles à l'heure...

Signaler ce texte