WALPURGIS

Loumir

Divagation cauchemardesque

Durant les 2 siècles avant l'empire, les humains étaient devenus fous. Leurs dieux, idoles désacralisées, les avaient abandonnés à leur mauvais sort et les laissaient s'enfoncer dans les abîmes creusés par leurs plus bas instincts.

On n'avait jamais vu autant de massacreurs !

Face à la démence qui s'était emparée d'eux et les conduisait inexorablement vers leur anéantissement, les grandes instances internationales avaient instauré un gouvernement mondial. La misère fut ainsi éradiquée par le plus sage d'entre les sages couronné empereur du monde, les ressources naturelles équitablement partagées et un regain de bonheur justement distribué.

Cet âge d'or - était-il une ruse du Malin ? - ne dura pas.

Il avait fallu, pour organiser cet eldorado et faire coexister les peuples dissemblables, user de manières très autoritaires. Les révoltes ne tardèrent pas à gronder, à enfler, à se propager du Nord au Sud et d'Est en Ouest.

Le 30 mai de l'an 1 après l'Empire, ce fut le chaos. C'est la nuit de ce jour-là que tout commença, dans la province de Jujuy en Argentine, à l'entour de l'horloge solaire érigée sur le tropique du capricorne. On aperçut d'abord 4 cavaliers, silhouettes macabres et menaçantes qui avançaient lentement sur les collines autour d'Humahuaca. Quand ils prirent le galop, la lune se voila, les éléments se déchainèrent.

‘'Que se passe-t-il ? J'y comprends rien, y'avait une ville et y'a plus rien Y'a plus rien qu'un désert De gravats de poussière... Qu'un silence à hurler ‘',

au lieu des joyeuses mélodies du Chant de la Mission (c'était le nom de la chorale de la ville, douze petites filles accompagnées au piano par le Révérend père Caldéron Barras).

Puis je les vis… des légions de démons emmenées par leurs princes, suivies de cohortes de sorcières dansant dans les décombres, foulant du pied flammèches et fumerolles qui s'échappaient de la terre crevée. Elles lançaient au ciel les dahlias noirs de leurs bouquets funestes et ils se dispersaient comme un envol de corbeaux, dans une nuit aussi profonde que les ténèbres. L'âme en peine, le désespoir chevillé au corps, je me disais alors qu'il était temps de se résoudre aux adieux à un monde perdu.

Je tombai ! Un sursaut me tira de ma chute. Le cœur tachycardant, en sueur, il me fallut un temps pour rassembler mes esprits. ''L'accompagnatrice'' de Nina Berberova, un roman russe, gisait à mes pieds et dans l'ombre, la télé crachotait une lumière pâle, tremblante. Son coupé, défilaient seulement les images d'une chaine d'information en continu…

Chejaïya !

‘'J'y comprends rien, y'avait une ville et y'a plus rien Y' a plus rien qu'un désert De gravats de poussière''.

Guerre de bientôt cent ans. Il n'est plus déraisonnable de croire que l'éternité n'est pas de trop pour espérer la paix, un jour, en cette région.

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