Welcome, Ho[M]me.
walkman
Je suis en train de mettre fin à la petite comédie romantique qui était ma vie. Parce que forniquer avec une parfaite inconnue sur une aire de repos près du Mans ne fait définitivement pas partie du champ de tolérance de ma concubine. Oui, je suis de ces types-la. Lâche, guidé par mes fantasmes les plus convenus et définissable par mes actes les plus cons. Ils sont légions. Baiser, parce qu'on ne va décemment pas évoquer l'amour - ne serait-ce que par respect pour la baise - n'est pas le point de rupture de mon couple. On baisait bien avec Anne, deux à trois fois par semaine, et dans l'absolu on aimait bien baiser ensemble ; d'ailleurs, comparativement, c'était bien plus agréable que ce qu'il se passe là avec...euh Sophie ? Cécile ? Sylvie ? Céline ? Quelque chose à voir avec ma cédille. Donc non, baiser n'est pas ce qui a ruiné mon couple. Disons que c'est ce qui aidera, paradoxalement, Anne par la suite. Plutôt que de se dire qu'on a foiré parce qu'on s'emmerdait à mourir, parce qu'elle rêvait de plans tièdes, d'avenir en Vexin, de braquage de SPA et de photo de profil où l'on s'embrasse à Venise. De tous ces trucs qui, tels un conseil de nutritionniste, auront eu raison de tout le sel de la Vie. C'est de ma faute, aussi. Avant de faire chavirer la culotte de Sophie, j'ai aidé à pérenniser l'absurdité de l'idée qu'on projetait sur notre future vie de famille. J'ai participé à cette faillite. Préférant esquiver des débats importants parce que le match de canal allait démarrer, parce que j'ai acheté des fleurs pour cette St Valentin, parce que je finissais par répondre "moi aussi je t'aime" de façon automatique. Au lieu de reconnaître qu'il y avait un problème. J'ai menti, aussi. "Je ne rentrerai pas tard", "oui, Venise, bonne idée", "ok pour le dîner chez ta collègue championne de cupcakes". Sans jamais rien lui dire sur ce que cela lui coûterait. Une tricherie, donc. Car en parallèle je savais pertinemment que chacune de ces choses tuait un peu ce en quoi moi je croyais. Menteur, alors. Et aussi victime de toutes ces questions sur des envies de régime qui ne suivaient pas la logique de mes réponses sur le fait qu'elle n'avait pas grossi. Je repense à tout ça, à l'intérieur de Sophie. Et elle ? Non, la tromperie n'est pas et ne sera pas la cause de la séparation, uniquement la version officielle. Juste un prétexte. Qui lui évitera, à Anne, de se dire que ça a aussi merdé à cause d'elle. Je suis romantique. Disons que là, ce n'est pas spectaculaire, mais pourtant bien réel. Quelque part, enseveli sous l'ambitieux, l'égo, le mégalo. Je vis, vois le couple comme une entreprise solide dans laquelle les associés seraient loyaux. Je la trompe, oui. Justement. Puisque je la trompe, ce n'est pas la bonne et me voici face à un obstacle tangible. Un vrai. Une goupille sortie du mécanisme. C'est toute l'ignominie du truc. Quelque part, ce n'est pas Sophie que je baise. Anne est baisée mais comme réconfort, comme fleur, comme cadeau de départ, elle n'aura jamais à s'en vouloir. Et, même vous, trouvez ça normal. Devriez, en tout cas. Ce sera terminé à cause d'une "salope" qui aura kryptonisé son ex super mâle. J'avais pourtant lu quelque part que se taper un inconnu avait une place de choix au panthéon des fantasmes de la gente féminine. Peut-être que, alors, beaucoup de femmes sont des salopes aux yeux de beaucoup d'autres femmes. Mais là je m'ennuie en pensant à ça. Penser à Anne c'était mieux, plus bandant, ouais. Genre un délire sociopathique, voire pire, une dérive. Aimer déconstruire. La sensation de puissance, de domination. Non pas procurée par la levrette et l'empoignade des fesses de Sophie - très égo-satisfaisantes au demeurant - non, procurée par le carnage de mon couple. Comme si je venais de bombarder un hôpital civil après avoir eu le choix de la cible. Rayer de la carte postale quelque chose qui avait promis de me border pour la vie. On aurait fini par se marier, avoir des mômes, Tofu le chien, compter les propoints, stocker les bons de réductions Carrefour, couler une dalle dans le jardin, épargner pour notre retraite sportive et prendre rendez-vous pour une coloscopie. Tout ce qui rend triste. J'ai envie d'en vomir. Mais je jouis. Dans le préservatif. Voilà, une chouette métaphore d'Anne et moi. On était un couple dans une capote. Un truc stérile. Sophie se rhabille et me laisse pour seule documentation le souvenirs que ses seins étaient terribles. Une, puis deux ballerines et force au moment de sourire. Je suis comme un hic. Mais je ne trouve pas l'envie de la laisser perplexe avant de repartir, alors je lui propose de perdre vingt minutes. Cinq en fumant, quinze en fumée, en avançant son heure de mourir. Elle accepte sans s'en rendre compte et nous voilà contraints à quelques devises. Parce que c'est quoi la vie ? Oh, je vous vois venir, mais ce n'était pas une invitation à la métaphysique. Je parlais de la définition par les faits. Par mes faits et méfaits. La vie, c'était les études vers lesquelles ma mère a veillé à ce que je conduise. Trouver une voie et s'y tenir, comme si rien avait vraiment changé depuis ses vingt piges. La vie, c'était aussi des expériences de nuits et des virées entre amis. La vie, c'était mon père qui me parlait de fric le jour de mon inscription au permis. La vie, grâce à tout ça, c'était l'ennui. Les questions sur ma place dans la galaxie sont venues pour gommer mes sentiments de jeunisme, les sensations invincibles de bientôt pouvoir croquer l'avenir. De sot, j'étais devenu naïf ; à monter des projets qui me glisseraient vers un livret de famille. Mais alors que bientôt tout allait me sembler acquis, j'ai mis mes grains de sable dans la machine. Sophie ferait une parfaite soupline. Cette ingratitude m'est venue après le constat que mon avenir m'avait lessivé avant même d'avoir commencé à se consumer. Cartésien, j'avais donc la certitude que pour mes vies, je n'avais qu'un seul crédit, mais beaucoup de risques d'arriver au bout trop vite. Frustré d'avoir manqué des plaisirs comme Sophie, Cécile, Sylvie et Céline. Notamment pour ce qui est des femmes. Mais mon égo de trou du cul ne se dimensionnait pas seulement en fonction de ce vice. Je voulais tout, comme Petyr Baelish. Mais surtout un truc que je pourrais contempler avec pas mal de nostalgie le jour où mon heure, un médecin, devra lire. En attendant, pas question de décision suicide ni de schéma tactique. Je n'ai pour moi qu'une seule et unique stratégie. Voici comment j'ai presque réussi à gâcher ma vie.