WON'T WE BREAK FREE ?

Après avoir enfin assimilé l’idée que je suis bien parti pour crever au cours de ces prochains jours, voire semaines, je me lance. La succession de rendez-vous, soirées et alcools ingurgités m’aide à ne rien vomir. Me voilà de nouveau en roue libre, mais ne lâche point mot. À quoi bon ?

Ce soir, marathon d’ivresse en Rive Droite : Abbesses – Belleville – Ménilmontant – Oberkampf – Charonne (6ème édition en 3 semaines). Le périple commença aux alentours de 18h. Ne souhaitant point de compagnie pour cette nuit, je me chauffe à blanc. M’installe sur le zing, ingurgite deux pintes et 2 à 3 verres de tequila … Et réitère le protocole à chaque étape du parcours. À maintes reprises, je fus abordé par de belles esthètes curieuses de mon incapacité à étancher ma soif. Je refusai «leurs invitations» à leurs payer un verre poliment, mais sans vocabulaire alambiqué cette fois. Désolé chères nymphes, je ne suis point en état de vous aimer, ni de vous baiser. Peut-être juste assez pour vous meurtrir à jamais. Expérimenté que je suis, le résultat en sera certain. Nul comportement courtois n’aura lieu cette nuit …

À minuit passé, les bars se raréfièrent, semblant difficilement s’adapter aux nouvelles normes parisiennes : un bourgeois aime dormir sans le moindre bruit, de surcroît relativement tôt … Bien que faisant fis de tout cela, je tenais à peine sur mes jambes, criant, riant, chantant ou pleurant selon la rue dans laquelle je m’engouffrai. Arrivé à Oberkampf, quelques énergumènes plein le sou me toisèrent, m’invectivant de leur honorable condescendance. Je ne pus leur répondre que par le biais d’un cynique petit combo «Choucroutes sur le front – Châles – Mocassins à gland – Virement de Papa en début du mois». Se sentant insulté, l’un d’eux se sépara de la troupe pour jouer les durs … Monumentale erreur, mon gars. Relativement frêle, saoul et à deux doigts de m’éteindre, je n’en reste pas moins complètement dément dans ce genre de situations. Une bonne vingtaine de minutes plus tard, je finissais avec quelques écorchures sur les mains et une douleur sourde à l’arrière du crâne (un lâche tenta de me prendre à revers), mais dans un bien meilleur état que mes chers amis d’un soir : pas un seul n’était en état de se relever, ni même de parler. Ah mon dieu, que feraient-ils sans Papa et Maman pour les protéger et payer leurs loyers ?

4h du matin. Me suis finalement perdu en quittant Charonne. Ne sachant nullement où dormir, je décidai calmement de végéter dans un square jusqu’au petit matin, une bouteille de gin pour dernière amante. L’ascension du grillage fut quelque peu houleux, mais n’en restai pas moins victorieux … Je ne pouvais en affirmer de même pour mes vêtements. Ça jasera sûrement arrivé au bureau. Pour tout dire, entre ma barbe hirsute, mes fringues puant l’alcool (ou sueur, sécrétions et autres odeurs nauséabondes …) et la réduction drastique du stock de comprimés par mes propres soins, mes collègues auront sûrement compris que je concentre mes efforts nocturnes à une tâche bien plus «noble» que mon banal travail quotidien.

Tout en buvant doucement mon genévrier, les ténèbres me submergèrent, ne sachant plus si je dormis ou restai éveillé au petit matin. Mais pas une goutte d’or ne put effacer les souvenirs ressassés. Puis, avec les premiers rayons de soleil, vint un froid humide et glacial qui me dégrisa brutalement. Les Greens Guys commençaient leur tournée, promptement, à leur manière. Enfin enclin à être de nouveau exploité pour la journée, j’escaladai cette foutu grille, manquant de devenir eunuque devant le regard éberlué d’un vieil insomniaque en fin de vie … Il fallait vraiment que tu promènes ton chien à cette heure là, vieux con !?