X - Elférad : A croire qu'ils veulent tous me mettre la tête à l'envers aujourd'hui

astiacle

Dans le couloir, il tomba de nouveau sur Matior qui se rendait également au réfectoire :

-Elf ? Où tu vas ?

Le garçon le dévisagea comme s'il venait de poser la question la plus idiote du monde :

-Je vais prendre mon petit-déjeuner. Qu'est-ce que tu veux que je fasse à cette heure là ?

Lyert, qui était sorti à la suite de Matior, s'étonna à son tour :

-Tiens, t'es levé ?

Elférad leva les yeux au ciel et se dirigea vers l'escalier. Matior le rattrapa :

-Hey, attends. Ça va avec Gzadien ?

L'héritier d'or s'arrêta pour lui faire face, l'incompréhension se lisant sur son visage :

-Pourquoi tu demandes ça ?

Lyert les rejoignit alors que Matior répondait :

-Bah, t'es bizarre. Tu t'ai levé tôt et tu vas prendre un petit-déjeuner. Tu ne manges jamais le matin.

Elférad répliqua :

-Je vois, parce que je mange ce matin, tu en déduis que Gzadien ne m'aime plus.

Matior leva la main pour le calmer :

-J'ai pas dit ça.

Elférad l'ignora pour appeler :

-Gzadien !

Des élèves s'arrêtèrent pour lui jeter des regards curieux. Tandis qu'il renouvelait son appel, Neghttris sortit de sa chambre, ébouriffé et en pyjama :

-Ah bah non, j'ai pas rêvé. Qu'est-ce que t'as à gueuler dès le matin ?

Elférad l'ignora et continua de crier :

-Viens ici tout de suite !

Gzadien se montra enfin en râlant :

-Comment il me parle celui-là ?

A nouveau, Elférad ignora ce qu'on lui disait pour demander :

-Pourquoi tu m'aimes plus ?

Ce fut au tour de Gzadien de ne pas comprendre :

-Quoi ?

L'héritier d'or pointa Matior et Lyert du doigt :

-C'est eux qu'on dit.

Lyert sursauta :

-Quoi ? Pourquoi tu m'impliques là-dedans ?

Dans le même temps, Matior tenta de se défendre :

-Oh là, oh là. On se calme, j'ai jamais dit...

Gzadien s'avança, ignorant aussi les paroles du garçon :

-Comment il saurait ça lui ?

De nouveau, Matior tenta :

-Non, non. J'ai pas dit ça. Je m'inquiétais juste parce que d'habitude, il ne mange pas le matin et là....

-Parce qu'il mange ce matin, tu trouves que ça veut dire qu'il ne m'aime plus ?

Avant que Matior puisse ouvrir la bouche, Elférad se tournait vers Gzadien avec un air malheureux :

-Moi ? Je ne t'aime plus ? Qui t'as dit ça ?

Gzadien pointa Matior du doigt :

-Il vient de le dire.

Elférad se tourna vers son ami prenant une mine offusquée :

-Oh ! Comment oses-tu ?

Matior ouvrit la bouche, les regarda l'un et l'autre, puis décida d'abandonner. Il descendit les escalier en râlant :

-Vous faites chier.

Lyert le suivit et Neghttris apparut entre Elférad et Gzadien :

-Vous avez un problème les gars, vous le savez ?

Elférad ricanait :

-On va finir par le rendre fou.

Gzadien hocha vigoureusement la tête :

-Il est rigolo.

En se tournant, Elférad vit que Neghttris était encore en pyjama :

-Va donc t'habiller, toi, tu vas finir par être en retard.

-Oui, grand maître d'or.

Son ami retourna dans sa chambre. Les élèves qui s'étaient arrêtés pour observer la scène reprirent leur activité. Elférad passa les bras autour du cou de Gzadien :

-Tu manges avec nous ?

-J'ai une mission top secrète à accomplir, je te signale.

Elférad fit un large sourire :

-C'est vrai. C'était un test. Bravo. Mais ne rate pas tes cours. Tu sais ce qui peut arriver, si tu manquais tes cours.

Il dévala les escaliers pour rejoindre ses deux amis. Quand il les eut rejoint, Matior l'informa qu'il n'avait pas l'intention de reconnaître sa présence pendant au moins une demi-heure. Elférad prit son mal en patience, reconnaissant qu'il l'avait peut-être un peu cherché.

La lenteur que prit cette matinée lui fut insupportable. Il passa son temps à se demander si Gzadien avait trouvé la fille. Lors de la pause déjeuner, il fallut qu'il détourne l'attention de ses amis sur l'absence de son petit-ami.

-Alors, Lyert, t'en ai où de ton plan de vengeance contre Qegh ?

Le garçon fronça le nez :

-J'y réfléchis encore.

Neghttris demanda :

-Elle t'a encore fait une sale blague ?

Lyert prit un ton hautain :

-Bien sûr que non, très cher. C'est à mon tour de jouer. Nous sommes, certes, immatures, mais civilisés tout de même.

Matior vida son verre d'eau :

-C'est quoi le problème pour ton plan ? On peut peut-être t'aider.

Leur ami posa les coudes sur la table pour expliquer :

-Le problème est très simple. Dès que tu fous un pied dans le couloir du dortoir qui n'est pas à toi, tu as toujours des fouineurs qui viennent te demander ce que tu fais là. J'ai besoin de discrétion pour mon plan. Je te jure. Est-ce que nous, on hurle quand ils viennent de notre côté ? Pourtant, je peux te dire qu'il y en a une qui s'en prive pas.

Le cœur d'Elférad manqua un bond :

-Ah oui ? Comment ça ?

-J'en ai croisé une dans le couloir deux, trois fois, en allant prendre ma douche.

Neghttris supposa :

-Elle doit avoir quelqu'un dans le coin.

-La chambre à côté de la notre.

La fourchette d'Elférad s'arrêta à mi-trajet entre son assiette et sa bouche :

-T'as dit quoi ?

Lyert se tourna vers lui pour répéter :

-Le copain de la fille se trouve dans la chambre à côté de la notre. On l'a vu y entrer une fois. Hein, Matior.

Celui-ci acquiesça. Tout en cherchant à ne pas paraître trop suspect, Elférad dit :

-C'est pas forcément son petit copain. Vous les avez entendu parler ?

Lyert eut un léger rire :

-Bien sur que non. T'as bien dû te rendre compte qu'on entendait rien des chambres voisines.

Il ajouta avec une expression lourde de sous-entendu à l'intention d'Elférad :

-Et je ne vais pas m'en plaindre. Je ne tiens pas forcément à savoir ce que font mes voisins la nuit.

Elférad eut un petit rire forcé avant de lâcher à demi-voix :

-Puceau.

Lyert posa couteau et fourchette avec une expression offusquée :

-Pourquoi ? On est là, tranquille. On discute innocemment entre amis et toi, qu'est-ce que tu fais ? Tu m'envoie ça en pleine figure, comme ça.

Neghttris éprouva le besoin de mettre son grain de sel en disant :

-Il en faut au moins un qui s'éclate.

Matior rit au nez de Lyert qui continua :

-Je vois. Alors, j'ai une question très sérieuse.

Elférad laissa échapper en lui faisant face :

-Oh, putain.

Lyert sourit :

-Si tu n'avais pas rencontré Gzadien. Tu serais avec lequel d'entre nous ?

Elférad eut une grimace :

-Ça va pas non ? C'est comme si tu me demandais de coucher avec mon frère.

Son ami répliqua :

-T'as pas de frère.

Elférad lui posa une main sur le bras, exagérant l'émotion et en faisant trembler sa voix, il dit :

-Mais, vous êtes comme des frères pour moi. Vous êtes ma famille.

Matior essuya une larme invisible :

-C'est beau ce que tu dis.

Ils rirent, mais Lyert revint à sa question :

-Non, allez, dis-nous.

Elférad le regarda avec une pitié feinte :

-Enfin, Lyert. Tout le monde sait que c'est Neghttris mon préféré. Même si, en vrai, à part Gzadien...

Neghttris quitta son assiette des yeux pour lever les bras en signe de victoire. Matior relança Lyert en disant :

-Pourquoi tu demandes ça ? Pour de vrai. T'as peur que Qegh ne te trouve pas à son goût ?

L'interpellé secoua la tête :

-Je ne vois pas de quoi tu parles.

Il attendit quelques secondes avant d'ajouter :

-Sérieusement, les gars, en toute objectivité, je suis plutôt pas mal quand même. Non ?

Chacun plongea le nez dans son assiette pour l'agacer.

Lorsque les cours reprirent, le temps s'étira à nouveau. Les secondes années redoublèrent d'ingéniosité pour tomber sur les premières de façon inopportune. Au cours de la journée, Elférad dû marcher sur les mains et faire le poirier. A croire qu'ils veulent tous me mettre la tête à l'envers aujourd'hui. Alors qu'ils traînaient tous les quatre à la pause, des secondes années leur demandèrent de se rendre en cours en se portant les uns, les autres sur les épaules. Elférad se retrouva à porter Neghttris et il soupçonna que les secondes années en profitaient pour lui faire payer ses broderies d'or.

Quand enfin la dernière sonnerie de la journée résonna, il sortit une excuse à ses amis et courut vers la bibliothèque. L'idée que Gzadien puisse ne pas avoir trouvé la fille ne lui avait traversé l'esprit à aucun moment. Il fut le premier arrivé sur les lieux et dut encore attendre plusieurs minutes avant l'arrivée de Gzadien.

La fille fut la première à apparaître sur le toit.

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