XI - Elférad : Foutu jeu

Par réflexe, Elférad chercha le blason de l'héritière. Foutu jeu. Elle hésita en apercevant l'héritier d'or, mais Gzadien lui bloquait toute retraite. Sans lui laissait le temps de réfléchir, l'adolescent lui demanda :

-Qui es-tu ?

Elle s'inclina profondément :

-Vichei Limo du clan...

Elle s'arrêta à cet instant, pensant sans doute au jeu, mais Elférad la poussa en disant :

-Si tu ne veux pas parler, je peux t'aider.

Il eut un sourire mauvais en faisant un pas en avant. Vichei dit précipitamment :

-Phif. Du clan Phif.

Elférad calcula rapidement. Ce clan était l'un des plus petit, placé en bordure de la muraille qui les séparait de la zone de départ. Insignifiant. Mais alors, pourquoi s'en prendre à lui ? Leurs clans n'avaient aucun lien et s'ils cherchaient à s'élever, ne se seraient-ils pas attaqués à un clan plus proche ? A moins de vouloir faire un immense bond dans la hiérarchie, mais ça me paraît inconsidéré vu leurs moyens. Il doutait que cette fille puisse répondre à ces questions et revint au sujet :

-Tu sais pourquoi tu es là, je pense.

Elle hocha la tête :

-Les notes. Mais elles ne sont pas de moi.

-De qui alors ?

La jeune fille lança un regard à Gzadien qui lui semblait moins agressif qu'Elférad, mais celui-ci se contenta d'attendre la réponse, bras croisés. Elle finit par se résoudre à répondre :

-Je ne sais pas exactement.

Elférad fit de son mieux pour ne pas perdre patience :

-Tu veux bien préciser ?

-Mon héritier d'or me donne les notes et je les glisse sous la porte.

Gzadien intervint pour la première fois :

-Donc, c'est ton héritier d'or.

Elle s'empressa de secouer la tête :

-Non, non. Il reçoit les notes et me les fait poster.

Elférad leva la main pour attirer son attention :

-Attends un peu, ton héritier d'or, il est de notre côté du dortoir, non ?

Elle hésita avant de répondre, cherchant si elle avait eu tort de raconter cela. Cependant, l'héritière jugea qu'elle en avait de toute façon trop dit et répondit :

-Oui, pourquoi ?

Le couple échangea un regard. Gzadien traduisit la pensée d'Elférad en demandant :

-Si c'est le cas, pourquoi il ne poste pas lui-même les notes ?

La jeune fille ouvrit d'abord la bouche pour répondre avant de réaliser qu'elle n'avait pas d'explication. Elle dût se contenter de hausser les épaules pour toute réponse. Elférad s'avança :

-Je suppose que si on veut de plus ample explication, il va falloir le voir. Mène-nous à sa chambre.

Gzadien ajouta :

-S'il te plaît.

Elle les observa un instant, hésitante avant de demander :

-Vous devez promettre de ne pas lui faire de mal. Ce n'ai vraiment pas sa faute. Il a reçu des menaces.

Elférad fronça les sourcils :

-Des menaces ? Mais on ne l'a même pas encore vu.

Gzadien lui envoya un coup de coude. La fille ne s'amusa pas de ces paroles et lui jeta un regard sévère :

-Juré ou je ne vous aide pas.

Elférad gronda :

-Ça va, ça va. On jure de ne pas faire de mal à ton héritier d'or.

Gzadien jura à son tour. Vichei hésita encore un instant avant de les guider.

Elle les mena au dortoir et toqua à la chambre à côté de celle de Lyert et Matior. La porte s'ouvrit sur un garçon pâle au regard craintif. Elférad pensa à un animal traqué en le voyant. Il ne sembla pas surpris de les voir et les fit entrer précipitamment. Il referma la porte toute aussi rapidement en disant :

-Je me doutais que vous ne tarderiez pas à me retrouver.

Elférad haussa un sourcil :

-Tu t'attendais à notre visite ?

Le garçon ferma la porte à clé et commença à faire les cent pas en se tordant les mains :

-Bien sûr. J'ai envoyé Vichei en sachant que ses allés-retours dans le couloir attirerait l'attention. Donc, vous finiriez par la retrouver et par conséquent, elle vous mènerait à moi.

Gzadien ne put s'empêcher de dire :

-Nous mener à vous.... qui êtes littéralement à une porte de notre chambre.

Le jeune homme continua de se triturer les mains :

-Oui, oui. N'est-ce pas ingénieux ?

Elférad échangea un regard avec Gzadien avant de dire :

-D'accord. Alors, loin de moi l'idée de briser tes rêves, mais je vais poser la question à mille pièces... pourquoi tu n'es pas venu nous voir directement ?

-PARCE QUE J'AI PANIQUE !!

Les hurlements stridents et soudains du garçon provoqua un mouvement de recul chez son auditoire. Vichei se pencha vers le couple pour leur souffler :

-Il est très sensible.

Sans le quitter des yeux Elférad répliqua :

-Sans rire.

Le jeune homme marchait deux fois plus vite, de la sueur perlait sur son front. Elférad tenta :

-Elle nous a dit que l'on t'avait menacé.

-Oui, j'ai tout là.

Il farfouilla dans son bureau avec des mains tremblantes :

-Heureusement, grâce à mon stratagème, on peut parler en paix. Personne ne doit se douter que vous m'avez trouvé.

Elférad lâcha :

-Ouais, sauf si un espion a été payé pour nous suivre et dans ce cas...

Gzadien s'empressa de lui murmurer à l'oreille :

-Nous l'énerve pas, il va nous claquer dans les pattes.

C'était trop tard. L'héritier d'or avait encore pâlit bien qu'Elférad n'aurait pas cru cela possible :

-Par le Roi, vous avez raison. Vous croyez que l'on vous a suivi ?

Elférad s'empressa de dire :

-Non, on ne nous a pas suivi. Tu allais nous montrer les menaces.

Le garçon sembla perdu un instant, puis il se remit à fouiller. Elférad en profita pour se pencher vers son petit-ami :

-Tu crois que si je le pousse encore un peu, il aura une crise cardiaque ?

-Peut-être, mais ce serait dommage qu'il tombe raide avant de nous avoir répondu.

-Bien vu.

L'héritier se tourna vers eux, trois feuilles de papier en main :

-J'en ai eu une le premier jour, puis à intervalle régulier pour me rappeler ce que j'avais à faire, sans doute.

Elférad analysa les feuilles avec attention. On menaçait le jeune homme de mort si les notes n'étaient pas glissées sous la porte.

-Il y avait un paquet de feuille avec. Je les ai donné à Vichei dans l'ordre où elles étaient.

L'écriture était la même que celle des notes. Gzadien demanda :

-Vous avez encore des papiers pour nous ?

Elférad montra les feuilles en ajoutant :

-Il n'est pas spécifié à qui tu devais les envoyer. Comment tu as su que c'était pour nous ?

Le jeune homme sursauta comme s'il venait de lui crier dessus et retourna au bureau avant d'en sortir des enveloppes.

-On me les a envoyé dans ces enveloppes.

Gzadien les saisit et se crispa dès qu'il lut le nom écrit dessus. Elférad s'inquiéta aussitôt :

-Qu'est-ce qu'il y a ?

Il s'approcha pour lire par-dessus son épaule.

Dorase du clan Phif

Lié à Gzadien Thoum chambre 205

Elférad lui arracha le papier des mains pour être sûr d'avoir lu correctement. Après avoir relu, il resta sidéré et laissa échapper :

-C'était pas pour moi.

Gzadien secoua la tête :

-Comment c'est possible ?

Il se tourna vers Dorase qui ne semblait pas comprendre le problème :

-C'est bien vous, non ? C'est bien votre chambre ?

Elférad empêcha Gzadien de parler en passant devant lui :

-Tu as le reste des notes qui devaient nous être envoyé ?

Il les leur remit sans discuter.

-On emporte tout ça. Si on a d'autres questions, on sait où te trouver.

Ils allaient sortir quand Dorase les retint :

-Attendez ! Et s'ils savent que vous avez les notes ? Ils pourraient essayer de me tuer.

Elférad n'était plus d'humeur à supporter l'adolescent et rétorqua d'un ton glacial :

-Et bin, reste dans ta chambre jusqu'à mourir de faim, alors.

Il déverrouilla la porte et sortit suivit de Gzadien. Ils s'enfermèrent dans leur chambre et commencèrent à lire les notes qui restées. Le thème restait le même. Toujours la promesse d'une réunion prochaine. Après avoir fait le décompte, ils virent qu'ils auraient dû recevoir ces messages pendant un mois.

-Qu'est-ce qu'il se passera au bout de ce mois, à ton avis ?

Ils étaient allongés au sol, cernés de papier. Ils avaient eu beau les relire encore et encore, ils n'avaient rien trouvé de plus. Elférad roula pour aller se blottir contre Gzadien :

-Je sais pas.

Il sentit Gzadien qui jouait avec des mèches de ses cheveux.

-Je crois que tu devrais en parler à tes parents.

Gzadien répliqua :

-Je crois que tu devrais en parler aux autres. Maintenant qu'on est quasiment sûr qu'ils n'ont rien à voir là-dedans.

Il avait parlé sur le ton de la plaisanterie, mais Elférad se contenta de fixer le haut de la fenêtre devant le bureau :

-Mmmh.

-Ça va pas ?

Elférad réfléchit à la question un petit moment :

-Je sais pas... On est revenu au point de départ, tu ne trouves pas ?

Gzadien lui embrassa le haut du crâne :

-C'est pour ça qu'il faut que tu en parles aux autres. On se bloque sur les mêmes pensées et on n'avance plus. Ils penseront peut-être à des choses qui ne nous sont pas venues à l'esprit.

Elférad admit qu'il avait raison.

-Je leur dirais de venir demain soir.

Ils restèrent un long moment ainsi, à réfléchir encore et toujours au même problème.