XIII - Xutik : Mon clan pourrait gouverner dans quelques années
astiacle
Xutik Razaug
Rang : Or
Héritier de la grande famille Razaug
Xutik attendit une réponse, mais tout ce qu'il eut fut :
-Quoi ?
Il répéta plus lentement :
-Est-ce que tu aurais une fleur ?
Elférad resta à le dévisager sans comprendre, puis une voix venant de l'intérieur se fit entendre :
-Qu'est-ce qu'il veut ?
Xutik haussa les sourcils :
-C'est Gzadien ? La vache, vous êtes encore ensemble ? Ça fait, quoi, depuis le primaire ?
Elférad s'agaça :
-C'est quoi le but de ta vie à toi ? Faire chier les gens un jour de repos ?
Derrière, Gzadien réitéra sa question. Xutik fit mine de vouloir entrer pour lui répondre, mais Elférad l'attrapa par le col et le repoussa dehors avant de lui claquer la porte au nez.
-Je prends ça pour un non.
Loin de se décourager, il se dirigea vers la porte d'à côté. Il frappa et c'est un Lyert ensommeillé qui finit par lui ouvrir.
-T'aurais une fleur ?
L'adolescent le dévisagea d'un air grognon avant de lui dire en refermant la porte :
-Retourne te coucher.
Xutik fit tout le couloir sans plus de succès, avant de descendre un étage plus bas pour retourner à sa chambre. Il claqua la porte en râlant :
-Je sais pas ce qu'ils ont tous à être de mauvaise humeur le matin. C'est fou, ça, quand même.
Gec-Nüj, bien enveloppé dans sa couette, répondit sans prendre la peine d'ouvrir les yeux :
-Parce que c'est un jour de repos et les jours de repos, on dort.
Xutik balaya l'air de sa main :
-Quelle perte de temps.
Il alla à son bureau pour s'emparer d'une feuille de papier et d'un crayon. Son ami tenta de se redresser une seconde avant de renoncer :
-Qu'est-ce que tu fous ?
-Je demande un bouquet de rose.
Gec-Nüj fronça les sourcils :
-Mais... tu l'avais pas déjà fait ?
Xutik écrivait trop vite et ne tarda pas à se rendre compte que son écriture était illisible. Il soupira, froissa la feuille qu'il jeta dans la corbeille :
-Si, mais, j'ai toujours rien reçu. Si ça se trouve, ces cons l'ont bloqué.
Gec-Nüj supposa :
-T'aurais peut-être dû n'en demander qu'une. Avec un bouquet, ils doivent se dire qu'il y a une arme cachée dedans.
Xutik se leva d'un bond :
-Tu as raison. Si ça se trouve, ils le garde au poste en attendant d'être sûr. Je vais voir.
Il se précipita hors de la chambre alors que Gec-Nüj lui criait :
-A cette heure, ce sera pas ouvert !
Il l'ignora et dévala les escaliers. Au premier élève qu'il croisa, il ralentit. Ce n'était pas parce que c'était un jour de repos que les secondes années n'en profiteraient pas pour avoir des souhaits. Il se força à la prudence, se cachant derrière le moindre obstacle dès qu'il entendait des pas.
Même ainsi, Xutik arriva au centre de poste avant l'ouverture. Il s'assit sagement sur le sol pour attendre. A gauche de la porte, on pouvait voir la fente servant à recueillir les lettres des élèves. Les seuls colis qu'ils pouvaient envoyer, étaient ceux qui contenait les affaires des défunts. En même temps, qu'est-ce qu'il y aurait à envoyer d'ici ?
A peine la porte fut-elle ouverte qu'il se précipita à l'intérieur.
-Bonjour, je cherche mes fleurs.
Les employés l'observèrent avec étonnement. Un homme en costume s'approcha et s'inclina en disant :
-Il va vous falloir être plus spécifique.
Tout en écoutant, Xutik observa les différents bureaux qui faisaient face à la porte. Derrière, de grands bacs rouges contenaient le courrier à retourner. Il les pointa du doigt :
-Ce doit être là-dedans. Un bouquet de fleur.
L'homme s'inclina encore et passa derrière les bureaux pour parler à une des femmes qui se tenaient là. Xutik n'entendit pas leur dialogue, mais il vit la fille secouer négativement la tête. Bah merde alors, il est passé où ce bouquet ? L'homme revint vers lui :
-Je suis navré. Nous n'avons rien reçu de la sorte. Il est possible que le centre extérieur ait refusé de faire suivre.
Xutik soupira :
-C'est ce que je pensais. Pas grave.
Il salua et sortit. Une fois dehors, Xutik resta debout, immobile, à réfléchir à ce qu'il devait faire. Bon, je vais envoyer une lettre pour demander une fleur. Pour l'instant, je vais faire un travail d'approche. Son ventre gargouilla, lui rappelant qu'il n'avait pas encore mangé. L'essentiel avant tout. Il se dirigea vers le réfectoire.
Après un solide petit-déjeuner, l'adolescent se mit en quête. Il y avait des chances, bien sûr, pour que la personne qu'il cherche soit encore en train de dormir, mais il était incapable d'attendre tranquillement. L'héritier d'or marcha donc, explorant chaque cour, revenant au dortoir. Il retourna au réfectoire, fit un tour à la bibliothèque.
Xutik marchait d'un pas tranquille dans la cour sud quand il trouva sa cible. La jeune fille aux cheveux bleu électrique était assise en tailleur sur un banc en train de lire un livre. Xutik sourit de satisfaction et se dirigea vers elle. Il s'assit à côté de l'adolescente, étendant ses jambes devant lui :
-Salut.
Hiloy quitta son livre des yeux pour l'observer rapidement. Elle sourit en répondant :
-Salut.
Elle retourna à son livre. Xutik insista :
-Tu as eu des souhaits des secondes années ?
Elle répondit sans le regarder :
-Quelques uns.
-J'en ai eu pas mal.
Il prit soin d'énumérer ce qu'il avait dû faire depuis deux semaines. Hiloy levait de temps en temps la tête par politesse puis retournait à sa lecture. Quand il eut fini, Xutik demanda en souriant :
-Je te dérange ?
Elle leva légèrement son livre, tout en souriant, avec une expression signifiant « à ton avis ? ». Xutik prit cela pour un non et continua :
-Tu connais mon clan ?
Hiloy haussa les épaules et revint à son bouquin, ce qui ne l'empêcha pas de continuer :
-Notre blason est un serpent à deux têtes. Tu connais ?
La jeune fille secoua la tête, gardant les yeux sur son livre. Cela ne le découragea pas :
-Razaug. C'est le nom de mon clan. J'ai un héritier d'argent avec moi. Tu savais que notre clan est juste à la muraille qui nous sépare tous les deux ?
Hiloy retint un soupir et abandonna son livre en comprenant qu'il ne partirait pas. Elle le fixa sans rien dire. Xutik se redressa :
-Sérieusement, j'ouvre les fenêtres de chez moi et je vois la muraille. Mon clan est parmi ceux qui sont juste en-dessous du tien.
Hiloy songea que la vue sur une muraille ne devait pas être géniale.
-On est même les plus riche, tu sais.
Cette fois, il sembla attendre une réaction et Hiloy dit la première chose qui lui passa par la tête :
-Tant mieux pour toi.
Xutik trouvait qu'il se débrouillait pas mal. Elle continuait de sourire, ce qui voulait tout dire. Femme qui rit.... Il continua sur sa lancée :
-Non, en fait, on est assez pauvre.
Elle répliqua, en se demandant si quelqu'un l'avait déjà trouvé intéressant :
-Tant pis pour toi.
Xutik rit à gorge déployée :
-Non, je plaisante.
Hiloy commença à se demander ce qu'elle avait fait pour se retrouver dans cette situation.
-C'est marrant, tu sais, j'ai rencontré pas mal de filles de mon niveau. Je veux dire, des clans aussi élevés que le mien ou aussi riche. Parce que tu sais, c'est pas parce qu'un clan est élevé dans la hiérarchie qu'il est riche. En général, les gens s'imaginent que c'est lié et ça me désespère. Je veux dire, ça paraît évident. Pas pour eux, mais tu sais, les gens inférieurs cherchent tout ce qu'ils peuvent pour nous haïr. C'est pas notre faute si nos clans s'en sont mieux sortis que les leurs.
La jeune fille glissa :
-Iel.
-Pardon ?
-Pas fille. Iel.
-Ah… donc je disais...
La Cinquième jeta un nouveau regard à son livre. De toute évidence, il s'intéressait bien peu à ce qu'elle disait et encore moins à son avis.
-Mais tu vois, les filles et garçons que je connais, ils ont tous un côté un peu hautain. Tu sens qu'ils ont été gâtés toute leur vie et qu'ils se prennent pour le centre du monde. Alors que moi, je suis pas comme ça. Il faut dire que quand tu grandis avec un héritier d'argent, bah, tu vois un peu autre chose. T'as un héritier d'argent, toi ?
Hiloy secoua la tête, amusée de voir à quel point il était lui-même hautain.
-C'est dommage. Mais, c'est marrant parce qu'on voit tout de suite que t'es pas comme les filles et les garçons que je connais. T'es pas hautaine, t'es plus naturelle. Alors que l'on pourrait penser qu'avec ton statut, tu serais un peu plus...
Garce, fut le mot qui lui vint à l'esprit, mais il ne termina pas sa phrase. Elle avait certainement compris.
-Tu essais de te cacher derrière un bouquin, ça montre que tu n'as pas envie que l'on te remarque, mais ça ne marche pas des masses. Tu as un petit quelque chose qui fait que l'on a envie de te parler.
Hiloy continuait de sourire en l'observant comme un petit animal curieux. Il ne remarqua rien et continua de parler :
-A quoi tu penses là ?
La Cinquième se dit que si elle répondait sincèrement, il y avait des chances qu'il se mette à pleurer et gérer un prétentieux en larmes ne faisait pas partie de son planning du jour. Elle se contenta de hausser les épaules en s'avouant que c'était divertissant.
-Je vais te dire à quoi tu penses. Tu me trouves amusant.
Hiloy retint un rire.
-C'est vrai. Un sourire comme ça, on ne peut pas s'y tromper. Tu t'imagines si je n'étais pas venu te parler ? Si ça se trouve tu n'aurais pas souris de la journée.
Elle fut prise d'une irrésistible envie de lui rabattre son caquet et répliqua :
-Je n'ai pas vraiment besoin des autres pour sourire.
Il rit à sa réponse :
-Mais si. Franchement, si je n'avais pas été là, tu serais encore le nez dans ton bouquin à penser à quoi ? Aux cours ? Je suis sûr que tu es heureuse que je sois venu.
La Cinquième se crispa et voulu lui faire remarquer qu'elle souriait tous les jours avec où sans son aide, mais elle devina que cela n'aurait servi à rien.
-Hiloy !
L'adolescente leva la tête et aperçut Falibi qui lui faisait des signes du premier étage. Elle se leva sans attendre :
-Faut que j'y aille.
Xutik se leva :
-Je t'accompagne.
L'héritier d'or la suivit en lui parlant un peu de son enfance, des avantages à avoir un héritier d'argent. Son silence lui montrant combien il l'intéressait. Lorsqu'elle rejoignit son amie, il proposa :
-Vous voulez que l'on mange ensemble ce midi ?
Falibi allait répondre, mais Hiloy la devança :
-Non, on a des trucs à faire.
Elle prit son amie par le bras et l'entraîna dans le couloir. Xutik croisa les bras avec fierté. Ça s'est passé au poil. Bien sûr, il ne put voir Hiloy lever les yeux au ciel, ni l'entendre soupirer de soulagement lorsqu'elle tourna au coin du couloir.
L'adolescent rejoignit sa chambre pour tout raconter à Gec-Nüj. Celui-ci sortait au moment où Xutik allait entrer :
-Tu vas où ?
-Manger.
Il le suivit dans le couloir :
-Je tiens à te dire que j'ai fait une première approche des plus prometteuse.
Gec-Nüj n'était pas vraiment intéressé par ce qu'il racontait :
-Ah oui ?
Xutik souriait d'une oreille à l'autre :
-Et oui. En même temps, comment elle pourrait résister à un gars comme moi.
Son ami avait bien quelques idées, mais il savait que c'était inutile d'essayer de lui ouvrir les yeux.
-Je suis canon, riche, ambitieux. Tout ce que les femmes recherchent chez un homme.
-C'est sûr.
Xutik haussa un sourcil :
-Tu n'en crois pas un mot.
L'adolescent fit la moue :
-Je pense juste que tout le monde ne rêve pas d'un homme riche et ambitieux.
L'héritier d'or sourit :
-Ah, tu ne nies pas la beauté.
Gec-Nüj rit :
-Évidemment, on va rarement draguer les gens qu'on trouve moche.
-C'est vrai.
L'héritier d'argent reprit pour continuer sa pensée :
-En plus, c'est pas n'importe qui. C'est Hiloy Plilaz, l'une des Cinq. Elle est, littéralement, un cran au-dessus de toi.
Xutik effaça son objection d'un geste de la main :
-Peut-être, mais c'est la dernière des Cinq. Cela lui a donné une certaine humilité, c'est sûr.
Ils passèrent les portes du réfectoire. Gec-Nüj prit un plateau et commença à se servir :
-Et si tu ne l'intéresses pas ?
Xutik se mit à rire :
-Ça se voit que tu n'étais pas avec moi tout à l'heure. Elle était clairement intéressée. Elle m'a souri tout le temps.
Gec-Nüj but un verre de jus d'orange avant de se resservir et d'aller s'installer :
-Elle souriait comment ?
-Comment ça comment ? Elle souriait, c'est tout.
Son ami ricana :
-Elle ne souriait pas forcément grâce à toi. Elle souriait peut-être à cause de toi, dans le sens où elle se foutait de ta gueule.
Xutik soupira d'agacement :
-J'avais compris, mais non, un sourire comme celui qu'elle avait, c'était clairement que je lui plaisais.
Gec-Nüj l'observa au-dessus de son bol :
-Et même. Si ça se trouve, elle ne voudra pas t'épouser.
-Pourquoi non ? Je n'ai que des atouts.
Son ami haussa les épaules :
-Peut-être qu'elle en trouvera un autre. Peut-être que tu n'es pas à son goût.
Xutik commença sérieusement à s'énerver :
-Puisque je te dis que je lui ai plu de suite.
-Si tu le dis.
-Je te le dis.
Xutik ne comprenait pas pourquoi il était si pessimiste. Il semblait évident qu'il épouserait la Cinquième et qu'il ferait de son clan le dernier des Cinq. C'est un bon début. Ensuite, il ferait en sorte que leurs enfants épousent ceux des quatre autres clans et ensuite... Mon clan pourrait gouverner dans quelques années.
-Pourquoi la Cinquième ?
-Pardon ?
Gec-Nüj répéta :
-Pourquoi tu ne t'intéresses pas à Oru ? Elle est encore au-dessus.
Xutik le regarda comme s'il doutait soudainement de son intelligence :
-C'est évident. Hiloy est dans notre classe, ce qui est un atout majeur. Je peux lui parler tous les jours, maintenant que j'ai établi le contact. J'aurais préféré lui apporter une fleur en même temps, mais il n'est pas trop tard. D'ailleurs, faut que je pense à faire une lettre. Deuxième point, j'ai entendu dire qu'Oru avait tendance à provoquer en duel ses prétendants et je ne crois pas qu'elle ait déjà été vaincu. En plus, il y a son frère avec qui il vaut mieux ne pas se frotter non plus apparemment.
Gec-Nüj conclut :
-Donc, tu séduis Hiloy, parce que c'est une proie facile.
Xutik fut heureux de voir qu'il avait compris :
-Exactement.
Son ami finit par hocher la tête :
-Logique.
L'héritier d'or chercha Hiloy le restant de la journée, sans succès et finit par se résoudre à faire ses devoirs. Il n'eut pas plus de chance le lendemain. Cependant, il ne se découragea pas. Après tout, il la verrait en classe et les Enfermements allaient commencer.