Y a encore rien à la télé !
Jean Louis Bordessoules
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Y'a encore rien à la télé !
Jean-Louis Bordessoules
Comédie contemporaine
(modulable : de 5 minutes à 3 heures)
Tout public
Résumé
Une soirée à la télévision, avec son jeu (stupide) son journal télévisé (édifiant), son feuilleton (stupéfiant), son téléfilm (lénifiant), son magazine culturel (affligeant). Le tout, bien évidemment entre-coupé de publicités pour conforter le niveau général... sans oublier bien sûr quelques émissions bien populistes destinées à développer l'intellect des foules.
Distribution
Modulable selon les caricatures d'émissions sélectionnées… jouer la totalité serait trop long.
Costumes et décor
Contemporains.
JEU TV : Trouvez l'intrus
Un plateau télé, l'animateur et l'animatrice et trois candidats, chacun derrière un pupitre. Des comédiens parmi le public.
ANIMATEUR – Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bonsoir et bienvenue sur le plateau de « Trouvez l'intrus ». Nous fêtons ce soir la 1 000e de notre jeu, plébiscité par vous-mêmes, chers téléspectateurs puisque nous flirtons régulièrement avec les 40 % d'audience. Grâce à vous nous avons pu conjuguer culture et plaisir, savoir et distraction.
ANIMATRICE – En effet, cher Jean-Edouard, nous sommes, en toute modestie, très fiers du succès de ce jeu que nous animons avec plaisir depuis bientôt quatre ans, et toujours avec tant de plaisir...
ANIMATEUR – Vous vous répétez, chère Ophélie...
ANIMATRICE – Veuillez m'excuser, cher Jean-Edouard, c'est l'émotion... trop de plaisir, sans doute.
ANIMATEUR – Mais votre vie privée ne nous regarde pas, chère Ophélie... Ha, ha, ha !
ANIMATRICE (tout bas) – Pauvre con !
ANIMATEUR (bas) – Pétasse ! Je sais avec qui tu couches...
ANIMATRICE – Et nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui dans notre studio le club de pétanque de Champmelon. Cette association s'appelle la Boule à zéro... Quel drôle de nom ! Pourquoi pas tout simplement la Boule champmelonnaise ? Quelqu'un dans le public pourrait-il me répondre ?
JOUEUR DE BOULE – Eh ! T'as déjà vu une boule de pétanque avec des poils ? Ha, ha, ha ! (rire gras)
ANIMATEUR (bas) – T'as intérêt à bien gérer ce coup-là, sinon je te vire...
ANIMATRICE – Eh bien merci pour cette explication limpide. Je vois avec plaisir que les habitants de Champmelon ont de l'humour et ne perdent pas la boule !
ANIMATEUR – Et si vous nous présentiez nos candidats du jour, chère Ophélie ? Je sens qu'ils piaffent d'impatience d'en découdre...
ANIMATRICE – Mais bien sûr, cher Jean-Edouard ! Alors honneur aux dames, je commencerai par Ginette Martin, de La Ferté-sur-Jarre. Ginette, pouvez-vous vous présenter pour nos téléspectateurs ?
GINETTE – Ben voilà. Je m'appelle Ginette Martin et j'habite La Ferté-sur-Jarre.
ANIMATRICE – Tout cela est passionnant, chère Ginette ! Et qu'est-ce que vous faites dans la vie, à La Ferté-sur-Jarre ?
GINETTE – Ben pas grand chose. (devant les signes désespérés de l'animateur) Ah si ! Je regarde « Trouvez l'intrus » tous les jours. C'est une émission passionnante qui me divertit et m'instruit tout à la fois (texte récité).
ANIMATEUR – Merci à vous, chère Ginette, ces compliments spontanés me vont droit au cœur ! Ophélie ? Mais qu'attendez-vous pour nous présenter nos deux autres candidats ?
ANIMATRICE (ironique) – Mais que vous ayez fini de parler, très cher Jean-Edouard ! Je ne voudrais surtout pas vous couper la parole...
GERARD – Je m'appelle Gérard, j'habite à la Couillardière, c'est entre Montpet et Granbout, au nord du Tarn-et-Loire. Je suis commerçant dans mon village. Je tiens un magasin d'alimentation-droguerie-essence-bar-tabac-pharmacie et pompes funèbres. Je suis très content d'être ici et je salue Paulot, le boucher-charcutier-boulanger-carreleur-garagiste qui est de l'autre côté de la rue à la Couillardière. Je salue aussi Mimile, le président de l'amicale des commerçants de la Couillardière, et Jojo...
ANIMATRICE (le coupant) – Bonjour Gérard, j'allais vous demander de vous présenter, mais vous m'avez devancée...
ANIMATEUR (bas) – Quand c'est un bon coup, t'es plus rapide, en général...
ANIMATRICE (bas) – Avec toi, je n'ai pas besoin de me dépêcher... (fort) Mais dites-nous en davantage, cher Gérard ! Qu'aimez-vous dans la vie, une fois que votre boutique est fermée ?
GERARD – Ben je vais à la pêche, et puis au foot le dimanche. Et je voudrais saluer Marcel, l'entraîneur et avant-centre de l'équipe de la Couillardière qui monte cette année en division 54 ! Bravo les gars ! Et puis aussi bien sûr, je voudrais saluer Ginette...
GINETTE – Je suis là ! Bonjour...
GERARD – Ben non, pas vous, mais Ginette la serveuse de Paulot qui m'aide le soir à tenir le bar.
ANIMATRICE – Oui mais la pêche, le foot, Ginette, tout ça, c'est dans la journée, mais le soir, chez vous, cher Gérard ? Que faites-vous ?
GERARD – Ben Ginette, des fois, c'est aussi le soir... enfin... euh...
ANIMATRICE – Votre vie privée ne nous regarde pas, cher Gérard, mais enfin (insistant lourdement) le soir, chez vous, assis dans votre fauteuil, vous ne faites rien de spécial ? Vous ne regardez rien ?
GERARD – Ben... Ah si ! J'oubliais ! Je regarde « Trouvez l'intrus » tous les jours. C'est une émission passionnante qui me divertit et m'instruit tout à la fois (texte récité).
ANIMATEUR – Merci, Gérard ! Décidément, nous n'avons que des fans, ce soir ! Notre émission étant en tête de tous les sondages, comment en serait-il autrement ? N'est-ce pas, chère Ophélie ?
ANIMATRICE – Bien sûr, cher Jean-Edouard... Laissez-moi vous présenter notre troisième candidat, Marcel. Marcel, cher Marcel, pouvez-vous vous présenter pour nos spectateurs ? (applaudissements, cris dans la salle) Oh, je vois que Marcel est venu avec des amis ?
MARCEL – Je m'appelle Marcel, je suis de Champmelon, et eux, c'est les copains de la Boule à zéro. Eh, vous connaissez la différence entre Carla Sarkozy et une boule de pétanque ?
ANIMATRICE (gênée) – Euh, franchement je ne vois pas, et vous cher Jean-Edouard ?
ANIMATEUR – Eh bien non, je sèche, cher Marcel, je donne ma langue au chat ! Je sens que vous allez nous divertir...
MARCEL – Ben c'est pas compliqué ! La boule de pétanque elle a pas de poils, elle ! (rire gras) Elle est bien bonne hein ? C'est moi qui l'ai trouvée tout seul. (hystérie du fan club dans la salle)
ANIMATEUR (catastrophé, se voyant perdre son emploi) – Eh bien, Ophélie, je crois que nous avons déjà bien avancé dans notre émission, et qu'il nous faut entrer maintenant dans le vif du sujet...
MARCEL – Tant que c'est pas moi le sujet, vous faites ce que vous voulez (rire gras et à nouveau hystérie du fan club). Mais vous me demandez pas ce que je fais le soir ? Parce qu'on m'avait dit qu'il fallait absolument dire un truc, mais je me rappelle plus quoi...
ANIMATRICE – Mais non, mais non, tout va bien cher Marcel. Nous allons commencer tout de suite le jeu. N'êtes vous pas impatient de jouer et, peut-être, de gagner ?
MARCEL – Un peu, oui ! Allez, vas-y ma poule...
ANIMATRICE - ... Permettez-moi de vous rappeler les règles de notre jeu...
ANIMATEUR – En est-il besoin, chère Ophélie, tout le monde connaît « Trouvez l'intrus », l'émission jeu la plus regardée dans le monde francophone !
ANIMATRICE – Vous avez certes raison, cher Jean-Edouard, mais pour que les chances entre les candidats soient parfaitement égales (ricanement de Marcel)... nous nous devons de respecter une certaine procédure et rappeler les règles et le déroulement du jeu.
ANIMATEUR – Eh bien alors allons-y...
ANIMATRICE – Nous allons proposer 6 séries de 3 mots à nos candidats qui devront à chaque fois, dans chaque série, trouver l'intrus, le mot qui ne va pas avec les autres. Attention, cela demande de la culture, du réflexe, et de la réactivité. A chaque série, le candidat, ou la candidate, chère Ginette, qui aura trouvé le premier l'intrus marquera un point. A l'issue de cette série de question, le candidat, ou la candidate, chère Ginette, qui aura le plus de points sera sélectionné pour la série finale où il, ou elle, chère Ginette, devra trouver l'intrus et empochera les 100 000 € offerts par notre sponsor le Crédit général populaire.
ANIMATEUR – Alors c'est parti ! Première série de mots, à vous, chers candidats de trouver l'intrus : voiture, vélo, tondeuse à gazon. (bruit de chronomètre)
MARCEL – Tondeuse à gazon !
ANIMATEUR – Désolé, Marcel, ce n'est pas la bonne réponse...
GINETTE – Vélo !
ANIMATEUR – Bravo Ginette ! Et pouvez-vous nous dire pourquoi ?
GINETTE – Euh...
ANIMATRICE – Eh bien comme allait le dire Ginette, seul le vélo n'a pas quatre roues... N'est-ce pas Ginette ?
GINETTE – Ben voilà, c'est ça...
MARCEL – Ben moi je croyais que c'était la tondeuse parce qu'il n'y a pas d'histoire de pédales... (rire gras et hystérie du fan club)
ANIMATEUR – Merci Marcel, pour votre humour toujours aussi... Mais passons à la deuxième série de mots. Attention, trouvez l'intrus : cigarette, Jeanne d'Arc, Louis XIV. (bruit de chronomètre).
GERARD – Louis XIV !
ANIMATEUR – Bravo Gérard ! Vous marquez vous aussi un point. Et dites-nous pourquoi...
GERARD – Euh... Je sais pas trop, mais je voudrais en profiter pour saluer Edmond, le maire de la Couillardière à qui j'ai fait une demande de permis de construire pour faire une terrasse devant mon bar, et..
ANIMATRICE – Je ne vais pas vous faire languir, cher Gérard, la réponse précise est la suivante : on brûle une cigarette, on a brûlé Jeanne d'Arc, mais Louis XIV n'a jamais été incinéré...
ANIMATEUR – Mais l'essentiel était de donner la bonne réponse. Faisons le point sur le score, 1 point pour Ginette, 1 point pour Gérard... On encourage Marcel qui doit combler son retard (cris du fan club).
ANIMATRICE – Alors passons maintenant à la troisième série de mots.
ANIMATEUR (la coupant) – Trouvez l'intrus : brosse à dents, chimpanzé, boule de pétanque. (bruit de chronomètre)
MARCEL – Boule de pétanque !
ANIMATRICE – Excellent, Marcel ! Et pourquoi ?
MARCEL – Ben c'est comme pour mon histoire avec Carla... elle a pas de poils ! (rire épais et hystérie du fan club)
ANIMATEUR (plus que gêné) – Enchaînons très vite sur notre quatrième série de mots. Trouvez l'intrus : lunettes, chaussures, chapeau. (bruit de chronomètre)
MARCEL – Chapeau !
ANIMATRICE – Excellente réponse, Marcel ! Vous prenez la tête du jeu avec deux points !
ANIMATEUR – Et pouvez-vous nous dire comment vous avez trouvé la bonne réponse ?
MARCEL – Ben c'est pas compliqué, le chapeau y va pas par paire ! Les lunettes, les chaussures, ça va par paires, comme les cou...
ANIMATEUR (le coupant) – Tout à fait cher Marcel, tout à fait... Quelle culture, quelle intelligence ! Passons à la série suivante, la cinquième et avant-dernière ! Marcel est en tête mais tout est encore possible ! Ginette, Gérard, accrochez-vous !
ANIMATRICE – Alors la cinquième série est la suivante...
ANIMATEUR – Trouvez l'intrus : Johnny Hallyday, huître, miroir... (bruit de chronomètre)
GINETTE – Ben c'est dur, là...
ANIMATRICE – Alors, chers candidats, personne ne trouve ?
GINETTE – L'huître ?
ANIMATRICE – Désolée, chère Ginette, ce n'est pas la réponse attendue...
GERARD – Le miroir ?
ANIMATEUR – Bravo Gérard ! Bonne réponse ! En effet, c'est bien le miroir l'intrus, il est le seul à réfléchir...
ANIMATRICE (avec des sous-entendus) – Vraiment le seul...
ANIMATEUR – Très chère Ophélie, ne deviez-vous pas nous dire où en est le score avant la dernière série de mots ?
ANIMATRICE – Mais j'attendais que vous me le demandiez, très très cher Jean-Edouard... Ginette a 1 point, Gérard 2 et Marcel 2. Tout va donc se jouer sur la dernière série de mots.
ANIMATEUR – Alors concentrez-vous, chers candidats, et trouvez l'intrus : cuiller, fourchette, poule. (bruit de chronomètre)
GERARD – Poule ?
ANIMATRICE – Non, désolé, Gérard, ce n'est pas la poule...
GINETTE – Cuiller ?
ANIMATEUR – Hélas pour vous, non, chère Ginette, ce n'est pas la cuiller...
MARCEL – Fourchette ?
ANIMATEUR – Sublime, cher Gérard ! Quelle perspicacité ! En effet, seule la fourchette possède des dents ! C'est ce que vous alliez me dire, n'est-ce pas ?
MARCEL – Ouais, sauf que je préfère les poules... enfin ça dépend lesquelles, vous voyez ce que je veux dire... (rire gras et hystérie du fan club)
ANIMATRICE – Eh bien, chers téléspectateurs, cher Jean-Edouard, le suspens est à son comble. Nous avons passé la première série d'épreuves, et nos trois candidats sont à égalité avec 2 points chacun.
ANIMATEUR – Nous devons donc, comme le règlement le prévoit, faire un tirage au sort du finaliste et c'est... Marcel ! Bravo Marcel !
GINETTE – Ben c'était quand le tirage au sort ?
GERARD – C'est vrai quoi, pourquoi c'est lui et pas moi ?
ANIMATEUR – Allons, allons, chers candidats, chère Ginette, cher Gérard, soyez sportifs ! Tout le monde ne peut pas gagner. Marcel a été choisi par le sort, il faut vous incliner.
ANIMATRICE – Mais soyez rassurés, vous ne repartirez pas les mains vides ! Notre sponsor vous a réservé tout un lot de gâteries, des stylos, des casquettes, de porte-clés... Bref, tout un petit trésor que vous allez vous partager. Et notre chaîne a le plaisir de vous offrir un repas en tête à tête où vous pourrez vous raconter vos impressions sur la manière dont vous avez vécu notre jeu !
ANIMATEUR – Alors Marcel, mon cher Marcel, êtes-vous heureux d'avoir été sélectionné ?
MARCEL – Ben ouais, mais je venais là pour ça, aussi... Pas vrai ?
ANIMATEUR - ... Euh, oui, bien sûr ! Quelle confiance en vous, en votre culture, en votre intelligence ! Mais n'oubliez pas, cher Marcel, si vous ne trouvez pas la bonne réponse, vous ne gagnez rien...
MARCEL – Ouais, ouais... On fait comme on a dit.
ANIMATRICE – Je crois, cher Jean-Edouard que Marcel va se déconcentrer et que vous devriez lui soumettre très vite la dernière série de mots...
ANIMATEUR – Tout à fait, chère Ophélie, tout à fait... Alors, Marcel, vous êtes prêt ?
MARCEL – Prêt ! Pas vrai les gars ? (hurlements du fan club)
ANIMATEUR – Alors c'est parti, Marcel. Trouvez l'intrus : Cerastium arvense, Plantago media, Stellaria graminæ. (bruit de chronomètre)
MARCEL – Ben c'est quoi cette connerie ? Pourquoi c'est pas une question comme les autres ?
ANIMATRICE – Concentrez-vous bien Marcel, plus que 5 secondes...
MARCEL – J'en sais de rien, moi... Allez, au hasard : truc gras minet ?
ANIMATRICE – Marceeeeel ! Marceeeeeeeel ! Quel dommage ! C'était Plantago media, bien évidemment ! C'est une plante de la famille des plantaginacées, alors que les deux autres sont de la famille des caryophyllacées !
ANIMATEUR – Ah, Marcel, quelle peine vous me faites ! Vous venez de perdre 100 000 € ! Quel dommage ! Vous étiez un candidat si brillant ! Échouer si près du but ! (ricanement des perdants)
MARCEL – Ah mais ça va pas ! C'est pas comme ça que c'était prévu ! Je devais gagner, moi ! C'était décidé comme ça et on devait partager après ! Et puis d'abord tu vas me les rendre les 5 000 € que je t'ai donnés pour me faire gagner, petit merdeux !
ANIMATEUR – Ne l'écoutez pas, chers téléspectateurs, Marcel est un boute-en-train, il plaisante...
MARCEL – A moi, les gars ! On va lui régler son compte à ce résidu de bidet ! (arrivée du fan club sur scène, très en colère)
ANIMATRICE - Eh bien c'est sur cette scène de liesse, spontanée et populaire que nous allons rendre l'antenne, chers téléspectateurs, en vous donnant rendez-vous dès demain avec de nouveaux candidats !
NOIR
PUBLICITÉ
Parce que vous le voulez bien
Douche (lumineuse...) sur une jeune femme sexy, sourire figé, immobile mais dans une pose suggestive...
– VOIX OFF – Madame, ne laissez plus le temps altérer votre beauté. Avec la gamme Faustina à l'extrait de fientus pigeonnae, la beauté de votre visage traversera les âges. Connue depuis le fond des temps, la fientus pigeonnae était utilisée par nos ancêtres pour se protéger le derme des rigueurs du climat. Nos ingénieurs ont retrouvé ce secret ancestral et l'ont adapté à la gamme Faustina. Crème du petit matin, crème du matin, crème de fin de matinée, crème du midi, crème de l'après-midi, crème de la soirée, crème du soir et crème de nuit, une gamme entière au service de votre beauté. Madame, n'attendez pas que l'âge vous altère, adoptez tout de suite la gamme Faustina à l'extrait de fientus pigeonnae, et conservez l'éclat de votre jeunesse !
– JEUNE FEMME (avec une voix de vieillard) – C'est bien parce que vous le voulez...
Toujours très belle, elle s'en va en claudiquant comme une vieille femme.
Équilibre alimentaire
Un homme, une femme, jeunes, en pleine santé, présentent un produit dans son emballage.
– LUI – Madame, monsieur, vous en avez assez de manger déséquilibré.
– ELLE – Vous n'en pouvez plus de ces plats préparés trop riches en sucre, en sel, en graisses...
– LUI – En amidon, en potassium, en colorants, en conservateurs...
– ELLE – En excipients, en arômes artificiels...
– LUI – Vous êtes à la recherche d'une autre façon de vous alimenter.
– ELLE – Vous voulez retrouver une nourriture saine, équilibrée, naturelle.
– LUI – Connaître le plaisir de manger sans la crainte de nuire à votre santé.
– ELLE – Alors n'hésitez plus !
– LUI – Découvrez et dégustez la gamme Boufarnac !
– ELLE – Sans sucre, sans sel, sans graisses...
– LUI – Sans amidon, sans potassium, sans colorants, sans conservateurs...
– ELLE – Sans excipients, sans arômes artificiels...
– LUI – Bref, sans aucune crainte pour votre santé !
Ils ouvrent les boîtes qu'ils ont en mains et découvrent qu'elles sont vides.
Noir
Gel coiffant
Deux « mannequins », une voix off. Les mannequins se coiffent avec le gel coiffant.
– VOIX OFF – Pour une coiffure qui tient, même dans la tempête… pour oser tout ce que vous aviez rêvé de faire avec vos cheveux… pour vaincre les lois de la pesanteur avec votre chevelure… pour tenter toutes les extravagances capillaires, même les plus extrêmes… pour que vos cheveux deviennent une véritable sculpture… il n'y a qu'une solution : le gel Xxx++. Avec Xxx++, vous ne passerez plus inaperçu.
Les deux « mannequins » se sont fait une coiffure qui décoiffe mais par malheur, le gel est tellement dur que leurs mains restent collées sur leurs têtes...
Noir
Assurance vie
Un assuré, heureux. Sauf que par dessus ses vêtements, le plus bcbg possible, il porte un gilet pare-balle (un gilet de sauvetage peut faire l'affaire…), des protections aux genoux, coudes, etc du type de ce que l'on pet pour faire du roller ou du skate board, un casque intégral, une bombe sirène dans une main.
– VOIX OFF – Jacky est heureux. Il s'est assuré à la Patpute, et avec les économies qu'il a ainsi réalisées, il a pu partir une semaine de plus en voyage… Vous aussi, assurez vous à la Patpute et partez rejoindre Jacky en vacances. La Patpute, l'assurance vie la moins chère du marché. La Patpute, 0800 324 423. Les équipements de protection obligatoires sont offerts gracieusement lors de toute souscription.
Noir
Dentifrice fun
Un jeune homme drague une jeune fille. Elle ne desserre pas les dents, tandis que lui fait de l'humour et rit en montrant bien ses dents blanches. On comprend qu'il n'a aucune chance de la séduire.
– UN – Bonjour mademoiselle ! Vous a-t-on déjà dit que vous ressemblez à Julia Roberts ? Ce n'est pas à cause des « roberts » (il montre ses seins), mais parce que vous êtes très belle... (rire)
– ELLE - …
– UN – Et à part ça, vous habitez chez vos parents ? Non ? Alors il ont de la chance ! (rire)
– ELLE - …
– UN – (Rire)
– DEUX – Alors les filles, ça va ? (rire ; on découvre ses dents colorées)
– ELLE – Génial ! Comment tu t'appelles ? (on découvre aussi ses dents colorées)
– UN – A tarte…
Elle et Deux s'en vont enlacés.
– UN – Ben oui… Comment tu t'appelles… à tarte. C'est drôle, non ?
Il s'en va la queue basse (mais non colorée).
– VOIX OFF – Sortez de l'anonymat ! Les dents blanches, c'était bon pour nos grands-parents et les stars du cinéma américain. Aujourd'hui, grâce au dentifrice colorant Funcolors, mordez la vie en couleurs. Funcolors, toute une gamme de couleurs toutes plus belles les unes que les autres. Changez de couleur comme de vêtements. Découvrez aussi la toute nouvelle gamme fluo pour rire dans le noir ! Funcolors, le dentifrice de toutes vos fantaisies. En vente au rayon bricolage de votre magasin spécialisé le plus proche.
Pendant ce discours, des comédiens viennent sourire avec les dents colorées (une sorte de dentier en plastique de couleur doit pouvoir donner l'illusion...)
Noir
TV BOUTIQUE
Il s'agit (on s'en doute) d'une caricature. On peut jouer naturel ou « en faire des tonnes » dans le genre cul-cul... au choix.
ANIMATRICE – Très chers fidèles amis, bonjour. Si vous saviez comme je suis heureuse de vous retrouver chaque jour et de vous présenter les merveilles que mon complice, Charles et toute notre équipe avons sélectionnées avec amour pour vous ! N'est-ce pas Charles ?
CHARLES – Oh mais parfaitement, chère Marie-Octavie, c'est un peu comme préparer des cadeaux de Noël pour ses enfants. Chercher ce qui fera plaisir longtemps, et puis préparer la découverte... C'est vraiment un grand plaisir quotidien pour toute notre équipe.
ANIMATRICE – Et par quoi allons-nous commencer aujourd'hui ? Quel objet révolutionnaire allons-nous proposer à nos très chers fidèles téléspectatrices et téléspectateurs ?
CHARLES – Je vous propose l'Ultimaspi.
ANIMATRICE – Qu'est-ce ? Cher Charles ? On dirait un nom de médicament.
CHARLES – Que non, chère Marie-Octavie, il s'agit d'un aspirateur.
ANIMATRICE – Un aspirateur ? Encore un aspirateur ! Mais nous en avons déjà présenté des dizaines, tous aussi innovants les uns que les autres... Pensez-vous que cela soit bien utile ?
CHARLES – J'en suis persuadé, chère Marie-Octavie. Le voici, il s'appelle Ultimaspi car c'est l'ultime aspirateur, un concept entièrement nouveau. Après lui, à part en changer la couleur, je ne vois guère ce que l'on peut faire de mieux.
ANIMATRICE – Vous m'en voyez tout émoustillée, cher Charles. Allez, montrez-le nous, ne me faites pas languir davantage, et ne faites pas patienter trop longtemps nos fidèles téléspectateurs, sinon ils vont passer sur une autre chaîne...
CHARLES – Ils auraient grand tort, chère Marie-Octavie. Car cet aspirateur, que voici, est véritablement révolutionnaire. Vous souvenez-vous des antiques aspirateurs avec des sacs à changer ?
ANIMATRICE – Quelle horreur ! Bien évidemment, que je m'en souviens. Les sacs étaient tout de suite pleins et coûtaient une fortune. Et puis les modèles se renouvelaient tellement vite que deux ans plus tard, même si votre aspirateur fonctionnait encore parfaitement, il devenait impossible de trouver les sacs adaptés...
CHARLES – Exactement, chère Marie-Octavie. Alors sont arrivés les aspirateurs sans sacs. Il suffit de les ouvrir et de vider un bocal.
ANIMATRICE – C'est un progrès indéniable. Et vous me dites que l'on a trouvé encore mieux ?
CHARLES – En effet. Parce que ces modèles sans sacs sont tout de même plus ou moins facile à ouvrir, quand il ne faut pas carrément les démonter ! Et puis il faut enlever aussi plusieurs filtres et les nettoyer, bref, ce n'est pas si pratique que cela.
ANIMATRICE – J'en conviens.
CHARLES – Je vous présente donc l'Ultimaspi, sans sac, bien sûr, mais le premier aspirateur que vous n'ouvrirez jamais pour le vider ou en nettoyer les filtres. Aucun entretien !
ANIMATRICE – Mais comment ce miracle est-il possible ? Il compacte la poussière pour pouvoir la stocker pendant des années ? Il possède en interne un système avec des acides qui détruit les déchets ?
CHARLES – C'est beaucoup plus simple que cela chère Marie-Octavie. Il est doté d'une rétro-aspiration, une marche arrière, si vous préférez.
ANIMATRICE – Une marche arrière ?
CHARLES – Il va, pardonnez-moi l'expression, recracher tout ce qu'il a aspiré. Mais vous faites cela dans une poubelle, bien évidemment. Laissez-moi vous faire une démonstration. Je vais commencer par aspirer les innombrables saletés répandues sur ce tapis. Voyez comme l'Ultimaspi s'en sort bien pour faire disparaître toutes sortes d'éléments indésirables : poussière, sable, gravier, cheveux, trombones, farine, préservatifs, etc.
ANIMATRICE – Comme n'importe lequel des splendides aspirateurs que nous avons déjà proposés à nos téléspectateurs...
CHARLES – Mais nous arrivons à son côté révolutionnaire. Je vais me diriger vers la poubelle que voilà, et passer la fameuse marche arrière... Attention, regardez bien, je vais, sans avoir rien à démonter, vider mon Ultimaspi dans cette poubelle. Et tout cela en quelques secondes, sans aucune manipulation ni la moindre poussière !
Un énorme nuage de poussière s'élève de la poubelle et Charles se retrouve couvert lui-même de poussière.
ANIMATRICE – Je... euh... Je pense, chers téléspectateurs, que Charles a voulu nous montrer ce qu'il ne faut pas faire avec l'Ultimaspi... N'est-ce pas, Charles ?
CHARLES – Oui, oui..., en fait, chère Marie-Octavie, je voulais souligner un détail important. Il faut bien sûr régler l'Ultimaspi sur sa plus faible puissance pour éjecter les déchets. De toute façon, et c'est là que je voulais en venir, pour les 100 premières personnes qui nous achèteront l'Ultimaspi, nous offrons cet accessoire : la bonnette de poubelle, qui permet d'évacuer les déchets dans la poubelle sans aucun risque, même à puissance maximale (un grand sac poubelle vide peut faire l'affaire).
ANIMATRICE – Nous voilà donc rassurés. Et je suppose cher Charles, que lors de cette marche arrière, cette rétro-aspiration, les filtres sont simultanément nettoyés des saletés qui peuvent les obstruer et diminuer l'efficacité de l'aspiration...
CHARLES – C'est en effet le deuxième point fort de l'Ultimaspi. Son efficacité reste maximale grâce au fait que ses filtres sont nettoyés après chaque utilisation. Ce qui n'est pas forcément le cas des aspirateurs sans sac. Si vous ne nettoyez pas les filtres, vous perdez de la puissance.
ANIMATRICE – Cette foi-ci, je suis convaincue. Et quel est le coût de cette merveille, Charles ?
CHARLES – Vous n'allez pas me croire, chère Marie-Octavie. Mais l'Ultimaspi, avec ses 5 embouts différents, sa puissance de 1 200 watts, sa rallonge de tuyau, son grand câble de raccordement au secteur de 42 mètres, son esthétique inimitable et, surtout sa conception révolutionnaire, ne coûtent que 99 euros.
ANIMATRICE – J'ose à peine le croire. Nous avons ce matin 200 pièces disponibles et je rappelle que les 100 premières personnes qui nous commandent l'Ultimaspi auront en cadeau la bonnette pour poubelle qui permet d'éjecter les déchets en toute sécurité. Que les 100 suivants se rassurent, la bonnette ne leur sera facturée que 9 euros. Je vous rappelle notre numéro pour acquérir le fabuleux Ultimaspi : 0800 456 789, 15 euros la minute.
CHARLES – Nous attendons vos appels. Mais n'avez-vous pas vous aussi une merveille à nous présenter, chère Marie-Octavie ?
ANIMATRICE – Exactement, Charles. Je crois que je vais vous laisser enlever toutes vos petites saletés et aller vous épousseter vous-même, le temps que je présente notre article chouchou, le fil rouge du jour. Et quand je dis rouge, c'est que je vois rouge, ou plutôt que je bois rouge ! En effet, il s'agit aujourd'hui de vous proposer le Clos Fourniche (elle montre une bouteille de vin). Mais je vais laisser monsieur Edmond Tassin, son producteur présenter lui-même ce délicieux breuvage, à consommer avec modération, bien entendu. Edmond, nous vous écoutons.
EDMOND TASSIN (ce personnage restera sur le plateau, picolera et resservira régulièrement les animateurs) – Bien le bonjour. Oh ben, le Clos Fourniche, Fourniche, c'est le nom de mon arrière-grand-père, qui avait commencé la production, c'est un vin du Sud-Ouest, sans appellation parce qu'il est situé entre différentes zones à appellation. Mais justement, il a un peu des qualités de toutes ces appellations et c'est un vin unique. Tenez, j'en ai ouvert une bouteille, je vous en sers un verre pour le goûter avec moi. Celui-ci a 3 ans seulement, mais il aurait été à son maximum dans 3 ou 4 ans. Allez-y, goûtez-moi ça...
ANIMATRICE – Volontiers, cher Edmond, mais alors juste un peu. Je rappelle à nos chers auditeurs que l'alcool doit être consommé avec modération, ce que je vais faire moi-même devant vous. (elle boit) Ooooooh ! Mais c'est vrai que c'est unique en parfum et tout à fait succulent. C'est gorgé de saveurs en bouche et même après déglutition. Quelle merveille, mon cher Edmond ! Une véritable explosion de bonheur pour les papilles !
EDMOND TASSIN – Je ne vous le fais pas dire, ma petite dame. Mais voilà, sans appellation officielle, notre Clos Fourniche ne se vend que comme un petit vin de table, et c'est un véritable gâchis. C'est pour ça que je vous ai contactée. Pour redorer son blason, comme ont dit.
ANIMATRICE – Et vous avez eu entièrement raison, mon cher Edmond. Si j'osais, je vous en demanderais une goutte supplémentaire...
EDMOND TASSIN – C'est comme si c'était fait ! Et voilà !
ANIMATRICE (boit cul sec) – Fabuleux ! Mais j'arrête. Il faut boire avec modération, c'est bien connu. Et que proposez-vous à nos chers téléspectateurs, cher Edmond ?
EDMOND TASSIN – Aujourd'hui spécialement, nous proposons la caisse de 12 bouteilles cuvée 2005 au prix de 50 euros seulement, frais d'expédition compris. C'est cadeau. Sera joint au colis un petit catalogue qui permettra à nos clients de faire d'autres commandes à des prix un peu plus élevés mais très raisonnables, bien moins cher que les Bordeaux, par exemple. Ils pourront aussi acheter des vins de l'année, moins chers, et les laisser vieillir chez eux tranquillement, et puis découvrir nos autres productions : rosé, pétillant, etc.
ANIMATRICE – Nous avons donc aujourd'hui 100 caisses de vin à mettre en vente dans notre émission, alors dépêchez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde ! Merci Edmond et à tout à l'heure, puisque vous êtes le fil rouge de l'émission. Je vais maintenant vous présenter notre nouvelle merveille en compagnie de Michel-Edouard Lesombre. Michel-Edouard Lesombre, bonjour.
LESOMBRE – Bonjour.
ANIMATRICE – Je pense qu'il est inutile de vous présenter à nos téléspectateurs, l'enseigne de supermarché qui porte votre nom suffit à elle-même.
LESOMBRE – C'est probable, en effet, mais il ne faut pas croire que nous nous asseyons sur nos lauriers et notre passé, nous sommes toujours à la pointe de l'évolution.
ANIMATRICE – Pointe de l'évolution qui nous amène à présenter à nos fidèles téléspectateurs le produit que vous avez mis au point et proposez à vos clients dès aujourd'hui. Il s'agit, ô miracle, du GPS pour caddy. Mais voilà Charles qui nous rejoint avec un caddy chargé de victuailles et équipé du fameux GPS Lesombre.
CHARLES (qui revient dépoussiéré) – Voici la merveille, chère Marie-Octavie. J'ai fait l'expérience hier après-midi en prévision de l'émission de ce jour.
ANIMATRICE – Alors, comment ça marche ?
CHARLES – C'est tout simple. Je me suis rendu, avant de commencer mes achats, à la caisse centrale du magasin Lesombre où l'on m'a remis un kit GPS Lesombre. Ce kit consiste en un adaptateur qui permet de poser le GPS automobile sur le caddy du supermarché, et d'un petit logiciel à télécharger sur place, compatible avec la plupart des GPS du marché, et qui inclut le plan du magasin.
ANIMATRICE – Jusque-là, je vous suis, mon bon Charles. Mais, et je me tourne vers notre invité, Michel-Edouard Lesombre, il est quand même rare que les gens se perdent dans les magasins... alors quellle est l'utilité de ce GPS ?
LESOMBRE – Ce GPS n'a pas une utilité, chère Marie-Octavie, mais plusieurs ! Tout d'abord le gain de temps. Je vais compléter votre information. Un petit logiciel utilitaire est disponible gratuitement au téléchargement sur notre site internet. Ce petit logiciel vous permet de faire la liste de ce que vous avez besoin d'acheter. Vous raccordez alors votre GPS à votre ordinateur, et le GPS va, en fonction de ce que vous désirez acheter, calculer l'itinéraire optimal dans le magasin, ce qui vous permettra de faire vos courses en un minimum de temps.
ANIMATRICE – Je suis impressionnée. Et combien de temps pensez-vous que cela puisse faire gagner ?
LESOMBRE – Pour un caddy moyen de 70 euros, nous avons estimé le gain de temps à 20 minutes. Et pour une mère au foyer qui fait rapidement ses courses avant de faire sa seconde journée de travail en rentrant à la maison le soir, ces 20 minutes sont précieuses.
ANIMATRICE – Je n'en doute pas, cher Michel-Edouard Lesombre. Et vous, Charles, comment avez-vous apprécié le GPS Lesombre ?
CHARLES – Je n'ai pas utilisé la fonction présentée par Michel-Edouard Lesombre, puisque je découvrais in situ l'appareil. J'ai par contre découvert ses autres fonctions. Plus ludiques. Vous avez le choix entre un itinéraire « bonnes affaires » qui vous permet de passer dans tous les rayons où se trouvent des promotions ou soldes, un itinéraire «vert» qui vous fait passer dans les rayons où se trouvent des produits écologiques, et un itinéraire «surprise» qui vous permet de découvrir des articles originaux, peu connus, innovants. Un peu comme les itinéraires touristiques sur les routes de France.
ANIMATRICE – Magnifique ! C'est une révolution dans la manière de faire ses courses en supermarché.
LESOMBRE – J'ajouterai à cela que d'ici quelques semaines, une nouvelle version du logiciel va être mise en ligne, gratuitement pour celles et ceux qui auront déjà acheté le kit GPS. Cette nouvelle version vous permettra d'entrer dans l'appareil votre profil de consommateur. Vous serez ainsi orienté vers les produits les mieux adaptés à votre besoin sans avoir à chercher et comparer, par exemple, entre 15 marques de lessives.
ANIMATRICE – Encore de la qualité de vie gagnée ! Et vous, mon cher Charles, que vous a apporté le GPS Lesombre ?
CHARLES – Voyez-vous, chère Marie-Octavie, je me suis laissé guider par l'itinéraire «surprise». Et voyez les merveilles que j'ai trouvées, merveilles qui vont faire des jaloux autour de moi, puisque je serai l'un des rares à les posséder : un réveil matin en forme d'ours en peluche géant, il devient fluorescent et grogne à l'heure programmée (on peut bien sûr, remplacer l'ours-réveil par n'importe quoi de loufoque et plus facile à se procurer comme accessoire...). Ensuite, j'ai trouvé ce tire-bouchon baladeur mp3 et mp4, très pratique en pique-nique, et, merveille des merveilles, ce baladeur mp3 et mp4 qui fait aussi tire-bouchon ! Incroyable non ?
ANIMATRICE – C'est le mot, cher Charles, et je vous remercie au nom de nos téléspectateurs. Alors, cher Michel-Edouard Lesombre, à quel prix proposez-vous ce kit à nos téléspectateurs ?
LESOMBRE – Le prix est presque symbolique. Nous souhaitons surtout apporter un service à nos fidèles clients. Le kit ne coût que 9,90 euros, remboursés pour tout caddy supérieur à 100 euros ! Il inclut l'adaptateur pour caddy, et le plan des Centres Lesombre dans un rayon de 30 km autour de votre domicile. Vous pourrez ensuite, chers clients, télécharger sur notre site internet les plans de tous les Centres Lesombre de France.
ANIMATRICE – Je vous remercie cher Michel-Edouard Lesombre d'avoir bien voulu venir nous présenter cet appareil qui va révolutionner la manière de faire ses courses en supermarché. Je vais maintenant revenir à notre fil rouge... Mais ? Charles, que faites-vous ? (sortie de Lesombre)
CHARLES (qui était en train de siroter un verre de vin) – Je vous devançais simplement de quelques instants, chère Marie-Adélie... euh... Marie-Octavie, veuillez m'excuser, ce doit être les effets du Clos Fourniche. Absolument délicieux, unique, une révélation pour mes papilles... qui en redemandent. Mais comme vous le disiez, il faut consommer avec modération. (on le sent un légèrement ivre)
ANIMATRICE – En effet. Il faut consommer, comme moi avec modération (elle se sert un verre) : un seul verre. Je vous le confirme, chers téléspectateurs, il est toujours aussi bon. D'ailleurs, sur les 100 lots dont nous disposions, 45 sont déjà partis en à peine 10 minutes, alors dépêchez-vous, les retardataires, il n'y en aura pas pour tout le monde. Que les autres se rassurent, ils trouveront sur le site de l'émission les coordonnées du producteur. Et quelle autre merveille nous proposez-vous, cher Charles ?
CHARLES – Tout simplement la dernière nouveauté du constructeur informatique Banana. Après le B-pod, le B-phone et le B-pad, Banana lance le B-vision !
ANIMATRICE (qui a repris un verre de vin) – Le B-vision ? Qu'est-ce encore ?
CHARLES (qui se ressert aussi en vin) – Une véritable révolution dans l'art de regarder la télévision. Banana a inventé la télévision intelligente.
ANIMATRICE – Je vous remercie, Charles, dites tout de suite que nous sommes des abrutis !
CHARLES – Ne vous méprenez pas, chère Marie-Octavie, je ne parle pas des programmes culturels comme le nôtre, mais de l'appareil lui-même. Avec plus de 100 chaînes qui émettent 24 heures sur 24, difficile de faire son choix et de ne pas rater des émissions intéressantes comme la nôtre. N'est-ce pas ?
ANIMATRICE – C'est vrai qu'il existe encore de gens qui ne connaissent pas notre émission, et croyez bien que je m'interroge chaque jour sur ce mystère. Mais comment fonctionne cette merveille ?
CHARLES – C'est tout simple, chère Marie-Octavie. Lorsque vous mettez l'appareil en marche pour la première fois, vous créez votre profil en répondant, grâce à la télécommande, à un questionnaire qui défile sur l'écran. Il y a environ une centaine de questions et cela prend une petite demi-heure. Ensuite, grâce à un code personnel que vous rentrez à chaque utilisation, le B-vision va mémoriser les émissions que vous regardez le plus et enrichir peu à peu, de lui-même, votre profil.
ANIMATRICE – Mais la plupart du temps on regarde la télévision en famille, à plusieurs ! Comment fait le B-vision ?
CHARLES – C'est très simple, vous pouvez entrer jusqu'à 100 profils sur le B-vision. A chaque allumage, l'appareil va demander qui est présent, vous entrez les codes respectifs, et le B-vision va scanner les programmes des différentes chaînes, et vous proposer le programme qui plaira au maximum de personnes présentes !
ANIMATRICE – J'en suis sidérée d'admiration ! Et vous allez nous faire une démonstration, j'espère...
CHARLES – Bien évidemment. Je me suis prêté au jeu avant l'émission et ai rentré mon propre profil. Je vais maintenant allumer le B-vision qui est sur le plateau, et me laisser guider par l'appareil qui va me proposer l'émission la plus adaptée à mes goûts et capacités intellectuelles.
ANIMATRICE – J'imagine tout de suite un match de football ou un film d'action, voire un film un peu coquin... J'espère que vous n'allez pas choquer nos fidèles téléspectateurs, Charles !
CHARLES – Rassurez-vous chère Marie-Octavie, j'ai mis un filtre pour éviter toute émission qui ne serait pas tout public. C'est aussi une des options fort utiles du B-vision. Voyez j'allume l'appareil, j'entre mon profil, et d'ici quelques secondes l'émission la plus adaptée à mon profil va s'afficher sur l'écran...
Apparaît sur l'écran une émission pour très très jeunes enfants. Des comédiens derrière un cadre noir ou bien une vraie vidéo sur grand écran selon la fortune de la production...
CHARLES – Hum... Je... je crois que j'ai dû me tromper quelque part dans la programmation...
ANIMATRICE (gênée) – Mais non, cher Charles, c'est votre âme d'enfant qui ressort ! Je plaisante. Alors n'hésitez pas à acheter cette merveille de l'électronique intelligente, au prix exceptionnel pour vous et pour 50 pièces seulement de 999 euros.
CHARLES – C'est une véritable exclusivité pour notre émission, le prix public au-delà de l'émission sera de 1 499 euros !
ANIMATRICE – Retournons si vous le voulez bien à notre fil rouge, le fameux Clos Fourniche.
CHARLES – Avec joie, chère Marie-Octavie ! Je vous en sers un petit verre ?
ANIMATRICE – Juste un fond, je vous remercie, Charles. Nos téléspectateurs savent bien que l'alcool doit être consommé avec modération.
CHARLES – Hmmmm ! C'est toujours aussi bon !
ANIMATRICE – Je ne vous le fais pas dire. Et si vous voulez en profiter également, chers téléspectateurs, faites vite, il ne reste plus que 15 pièces disponibles, au-delà, il vous faudra prendre les coordonnées du producteur sur notre site internet et commander directement, mais ce sera un peu plus onéreux... Eh bien, Charles ! Je vous y prends ! Vous pourriez m'en resservir également, au lieu de boire tout seul !
CHARLES – Faites comme nous, chers téléspectateurs, adoptez le Clos Fourniche, le nectar des vignes françaises !
A partir de là, les animateurs boivent et leur ivresse augmente rapidement.
ANIMATRICE – Il est maintenant l'heure de vous quitter, cher public, je vous rappelle les bonnes affaires que vous pouvez continuer de commander par téléphone ou internet jusqu'à épuisement des lots : l'Ultimaspi, l'aspirateur qui se vide tout seul grâce à sa marche arrière, le GPS pour caddy dans le réseau des Centres Lesombre, le B-Vision, le téléviseur intelligent qui vous propose l'émission la plus en rapport avec votre profil personnel et, enfin, le Clos Fourniche, un vin que l'on a du mal à ne pas boire une fois qu'on l'a goûté.
CHARLES – Mais auparavant, voici notre petit jeu quotidien qui va vous permettre de gagner, peut-être, douze bouteilles de Clos Fourniche. Voici la question : le Clos Fourniche est-il un vin, un homme politique ou un animal ? Appelez vite au 0800 456 789, 15 euros la minute de communication, les 10 premiers gagnants recevront douze bouteilles du délicieux Clos Fourniche. Et maintenant, bonne chance, bonne journée à toutes et à tous et à demain pour de nouvelles découvertes !
ANIMATRICE – Salut les aminches !
CHARLES – Et la bise chez vous...
Ils finissent complètement ivres.
NOIR
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La lessive qui lave plus blanc
Douche (lumineuse...) sur une jeune femme montre une chemise blanche pas très blanche (ou franchement tachée si cela fait plaisir au metteur en scène) et une autre parfaitement blanche... A ses côtés, un mec qui fait la gueule, habillé en Français de caricature (béret basque, baguette de pain, litron de vin rouge...).
JEUNE FEMME – Madame, vous avez peur que votre mari ne vous quitte parce que ses chemises ne sont pas assez blanches ? Alors n'hésitez pas, adoptez le nouveau Neptune super blanc, la lessive qui ne fait pas de cadeaux aux taches et traces récalcitrantes, tout en respectant la fragilité de votre linge blanc. Avec Neptune super blanc, retrouvez du linge blanc vraiment blanc... et conservez votre mari. (le mec prend la chemise bien blanche et embrasse la jeune femme d'une façon très macho).
OFF (une voix très mâle, type publicité pour films d'action serait la bienvenue) – Neptune super blanc, la lessive qui rend vraiment blanc le linge blanc en toute sécurité. Neptune super blanc est recommandé par tous les partis de droite et d'extrême droite.
Noir
La collection d'étrons célèbres
Douche (lumineuse...) Un homme genre vieux con s'extasie devant un étron en plastique (ou un vrai, mais aux risques et périls du comédien...).
OFF – Collectionnez les étrons célèbres. Une fabuleuse collection, à l'échelle 1/5, reproduite dans les couleurs d'origine, et d'un réalisme à couper le souffle. Lorsque vous enlèverez la cloche de protection, vous pourrez retrouver l'odeur d'origine du document historique. Vous retrouverez ainsi les étrons de tous les grands hommes qui ont forgé de l'histoire de France : César, Vercingétorix, Saint-Louis, Charlemagne, Louis XIV, Louis XVI, Robespierre, Napoléon, Clemenceau, De Gaulle, et même de nos contemporains : Mireille Mathieu, Johnny Hallyday, Nicolas Sarkozy, etc. Chaque mois vous retrouverez 3 nouveaux étrons accompagnés d'un livret explicatif qui vous rappellera l'histoire du personnage, les circonstances de découverte de l'étron et son contexte historique, ainsi qu'une analyse biologique sur l'état de santé du personnage célèbre au moment de la défécation. Le premier numéro vous permettra de découvrir des étrons de Jules César, Vercingétorix et Charlemagne au prix incroyable et promotionnel de 3,99 euros seulement. Retrouvez-le dès à présent en magasin de presse !
Noir
Actiyaourt, le yaourt qui fait chier
Douche (lumineuse...) Une jeune femme un peu coincée, l'air mal à l'aise.
OFF – Madame, parfois, vous vous sentez encombrée, lourde, mal dans votre peau.
La jeune femme se masse le ventre en faisant la grimace.
OFF – Alors n'hésitez pas, dégustez un Actiyaourt à chaque repas.
La jeune femme commence à déguster le yaourt.
OFF – Actiyaourt au supermultifidus suractivé va réveiller votre flore intestinale et améliorer votre transit. Vous allez redécouvrir la vie.
La jeune femme commence à changer de tête, se force à manger, se tortille, serre les fesses...
OFF – Avec Actiyaourt à chaque repas, finies les lourdeurs et les gênes, retrouvez la légèreté et la liberté, sentez-vous mieux dans votre peau.
La jeune femme devient toute rouge, on entend un bruit de pet tonitruant, on doit imaginer qu'elle a fait dans sa culotte...
OFF – Actiyaourt, le yaourt qui va vous faire retrouver la joie de vivre.
NOIR
La voiture du dragueur
Un homme traverse le plateau au volant d'une voiture spéciale (une silhouette en carton de la voiture fera l'affaire. Toute en finesse lourdement évocatrice, cette voiture aura la forme d'un phallus, les roues étant les testicules...)
OFF – Monsieur, vous auriez pu choisir votre nouvelle Phallica pour sa sécurité exceptionnelle, son prix, son confort, ses nombreuses options. Non. Vous l'avez choisie parce qu'elle est unique et que votre femme va l'adorer. La nouvelle Phallica, un amour de voiture.
L'AMOUR AU COIN DE L'EXPLOITATION
Un pastiche de « L'Amour est dans le pré ». L'émission se déroule dans deux espaces-temps que l'on matérialisera simplement par une douche à jardin et une douche à cour (ou l'inverse !). Le personnage de Michel, l'agriculteur devra passer rapidement de l'une à l'autre durant de brefs noirs. L'un de ces espaces représentera un lieu d'interview ; ces scènes sont retransmises en direct pour les téléspectateurs. L'autre espace concerne des scènes filmées dans la semaine et retransmises en différé pour les téléspectateurs. Le direct favorisera bien sûr quelques dérapages... Les décors se limiteront à un salon ou table + chaises pour le lieu de l'interview en direct, et à quelques accessoires pour les autres scènes.
Douche interview
ANIMATRICE – Chers fidèles amis de « L'Amour est au coin de l'exploitation », cher Michel, bonjour. C'est avec grand plaisir que nous nous retrouvons une fois encore au terme d'une semaine riche en enseignements pour Michel et nous-mêmes. Rappelons que Michel est producteur laitier en Saône-Maritime, près du hameau de Montcuron, à proximité de la petite ville de La Ferté-sur-Nigouille.
MICHEL – On est bien d'accord. A 8 kilomètres si l'on passe par la route de Saint-Machecouille mais seulement 6 si l'on coupe par la ferme du père Moulard. La route est moins bonne mais ça va quand même...
ANIMATRICE – Oui, bon, ça n'est pas très important, Michel. Nos fidèles téléspectateurs se souviennent probablement que la semaine passée vous avez dû sélectionner, parmi 15 séduisantes candidates prétendantes les deux finalistes de cette semaine. Et le choix n'a pas été facile, devant autant de charmes et de qualités réunies !
MICHEL – On est bien d'accord, mais vous m'avez un peu aidé, quand même. Le problème c'est qu'il aurait presque fallu prendre un morceau de chacune pour faire quelque chose de parfait.
ANIMATRICE – Quel humour, Michel ! Pour un peu, vous nous faisiez Franckenstein à la ferme ! Mais vous-même êtes-vous parfait, cher Michel ?
MICHEL – On est bien d'accord, alors on prend ce que l'on trouve de mieux.
ANIMATRICE – Et nous sommes aujourd'hui en fin de cette fameuse deuxième semaine où vous allez devoir choisir. Trois choix sont possibles : vous décidez de tenter de vivre avec Françoise, probablement pas la plus séduisante des deux, mais cela vous regarde ; ou bien passer une vie de rêve avec la sémillante Jennifer ; ou encore renoncer à ces deux jeunes femmes (enfin, quand je dis jeune, je pense surtout à Jennifer) et continuer votre triste vie de célibataire endurci au fond de votre étable. Pensez-vous être prêt à choisir, Michel ?
MICHEL – Mon choix est fait ! Finalement, cela n'a pas été bien difficile, vous savez.
ANIMATRICE – Je vous arrête tout de suite, cher Michel. Laissons un peu de suspens à nos téléspectateurs... Revenons dans un premier temps à cette semaine qui vous a permis de faire plus ample connaissance avec nos deux prétendantes : Françoise et la délicieuse Jennifer.
MICHEL – On est bien d'accord. Et je peux vous dire que je ne me suis pas ennuyé !
ANIMATRICE – En particulier avec la charmante Jennifer, j'imagine, petit coquin ! Mais ne me donnez aucun détail, et regardons la première séquence. Pouvez-vous nous la présenter ?
MICHEL – Oh ben c'est pas bien compliqué. Comme il s'agit de venir vivre à la campagne, je leur ai demandé d'aller arroser mes tomates. Je leur ai donné un arrosoir, je leur ai montré où se trouve le robinet d'eau et où se trouvent les tomates. Et puis j'ai un peu triché, j'avais gardé un chronomètre dans ma poche pour voir la différence. Hé, hé !
ANIMATRICE – Astucieux ! Et est-ce que cela vous a permis de départager les prétendantes ?
MICHEL – Pas vraiment...
ANIMATRICE – Cela signifie que le score était très serré, alors. Eh bien découvrons-le sur l'enregistrement qui a été fait de ce moment d'arrosage de tomates au sein de votre ferme.
MICHEL – De mon exploitation.
ANIMATRICE – Si vous voulez : de votre exploitation.
Douche séquence (bref noir, le temps que Michel passe d'une douche à l'autre dans l'obscurité)
MICHEL – Salut Françoise, bien dormi ?
FRANÇOISE – Super, j'adore le silence de la campagne. Cela me rappelle quand j'étais petite chez mes grands-parents !
MICHEL – Tu t'es levée tôt, dis-donc, pour une fille de la ville !
FRANÇOISE – J'avais super envie de voir le soleil se lever. C'est un truc qu'on ne voit jamais en ville !
MICHEL – On est bien d'accord. Bon, ben le temps que j'aille réveiller Jennifer qui fait la grâce matinée jusqu'à 8 heures, je vais te confier une mission.
FRANÇOISE – Une mission ? Chouette !
MICHEL – Tu vois les tomates, là-bas, ces fruits rouges dans des plantes vertes ?
FRANÇOISE – Je sais ce que c'est qu'un pied de tomate, merci !
MICHEL – Avec les gens de la ville, on ne sait jamais... Bref. Là, tu vois, il y a un robinet avec à côté un arrosoir. Alors pour m'aider, je vais te demander d'aller arroser les pieds de tomates. Tu sauras faire ?
FRANÇOISE – Encore ?
MICHEL – Comment ça, encore ?
FRANÇOISE – Ben... Tout à l'heure, quand je me suis levée, j'ai trouvé qu'elles avaient soif, alors je me suis permis de les arroser... J'espère que je n'ai pas fait de bêtise...
MICHEL – Ben non... mais je ne sais pas quoi te faire faire, moi, maintenant...
FRANÇOISE – Je peux arroser les salades ? Je n'ai pas eu le temps de le faire, je t'ai entendu te lever et je suis venu te dire bonjour.
MICHEL – Non, ça, c'est pour Jennifer.
FRANÇOISE – Bon, ben je vais aller voir les vaches, j'adore leur parler.
MICHEL – C'est ça, vas leur causer, elles adorent ça. Mais ne leur raconte pas de cochonnerie, hein, juste des vacheries ! Moi je vais réveiller Jennifer pendant ce temps-là.
FRANÇOISE – A tout à l'heure, Michel, je suis à l'étable si tu me cherches.
MICHEL – Salut Françoise. (Françoise sort, Michel hurle) Jennifer ! Jennifer ! Debout, il est déjà 8 heures ! Y a du boulot !
JENNIFER (arrive décoiffée, chiffonnée, grognon) – Oh, ça va pas la tête ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Y a le feu à la baraque ?
MICHEL – Non, il est déjà tard, le soleil va bientôt chauffer, et il faut arroser les salades vite fait !
JENNIFER – Et tu me tires du lit pour des salades ?
MICHEL – On est bien d'accord.
JENNIFER – Et après je peux aller me recoucher ?
MICHEL – M'étonnerait...
JENNIFER – Super ! Bon, c'est quoi, tes salades ?
MICHEL – Tu sais pas à quoi ça ressemble, une salade ?
JENNIFER – Moi je les achète toutes prêtes en poches plastique, alors tu sais...
MICHEL – OK. Bon, tu vois, les machins verts, là-bas, qui ressemblent à des salades sans les poches plastique ?
JENNIFER – Ouais, ouais...
MICHEL – Eh bien c'est ça les salades. Et puis là, tu as un arrosoir et un robinet. Alors tu ouvres le robinet, tu mets de l'eau dans l'arrosoir, et tu vas arroser les salades.
JENNIFER – Putain l'enfer ! Et ça va bien me demander 3 ou 4 tours, ce bordel !
MICHEL – Moi j'en fais 6 pour que ça soit bien arrosé.
JENNIFER – J'ai une idée ! Et si on laissait ça à Françoise et que tu me faisais faire le tour de ta propriété ? Les champs, les petits chemins, le matériel, tout ça ? Hein ? Parce que moi, je veux bien venir vivre à la campagne, mais je veux savoir où je mets les pieds. Tu comprends ?
MICHEL – OK, laisse tomber. D'abord, c'est pas une propriété, mais une exploitation agricole, et puis je vais arroser les salades moi-même, tu n'as qu'à aller déjeuner. Il y tout ce qu'il faut sur la table de la cuisine.
JENNIFER – Et après on ira se promener ?
MICHEL – On est bien d'accord.
Douche interview
ANIMATRICE – Effectivement, le test est révélateur. Françoise se révèle, passez-moi l'expression, bête et disciplinée, tandis que Jennifer semble s'intéresser à la structure, à la complexité de la ferme dans son ensemble. Non ?
MICHEL – Pas de la ferme, de l'exploitation, mais on est bien d'accord.
ANIMATRICE – De l'exploitation, oui, mais vous ne vous êtes pas arrêté en si bon chemin. Vous avez continué, coquin de Michel, à confronter nos deux prétendantes à des épreuves toutes plus retorses les unes que les autres.
MICHEL – On est bien d'accord. Mais vous savez, c'est juste des choses de la vie courante dans une exploitation. C'est pas le parcours du combattant, quand même. Je ne leur ai pas demandé de traire les vaches ou de ramasser le fumier.
ANIMATRICE – C'est très généreux de votre part. Passons-donc à la séquence suivante. De quoi s'agissait-il ?
MICHEL – Je voulais juste savoir si elles étaient capables de faire un peu de cuisine avec les produits du potager.
ANIMATRICE – Alors c'est parti. Séquence numéro 2 : la cuisine.
Douche séquence
MICHEL – Ah, Jennifer, maintenant que tu as pris ton petit-déjeuner et que tu es toute belle, je vais te demander de t'occuper du souper.
JENNIFER – Du souper ? Mais on mange pas à midi, chez toi ?
MICHEL – Ouais. A la campagne, on dit plutôt le souper pour le repas de midi et le dîner pour celui du soir. Mais bon, c'est pas grave. Je te laisse te débrouiller. Tu as tous les légumes que tu veux dans le cellier, là derrière cette porte, et puis plein de viande dans le réfrigérateur, et aussi des œufs également dans le cellier. Je te laisse me faire la surprise du repas. Ça te plaît ?
JENNIFER – Te fatigue pas, Michel ! Je prends ma voiture, je file à La Ferté et je vais bien trouver une supérette avec un rayon surgelés ou au pire quelques conserves, non ?
MICHEL – On est bien d'accord. Mais à quoi ça sert que je fasse pousser des légumes dans mon potager ?
JENNIFER – A rien, tu pourrais prendre du bon temps au lieu de te fatiguer à faire tout ça, tu crois pas ? Maintenant, tu peux aussi les vendre, comme ça tu pourras te payer des pizzas surgelées ! Elle est pas bonne, mon idée ?
MICHEL – On est bien d'accord.
JENNIFER – Bon ben, je te laisse, je vais faire les courses. Dis, j'espère qu'il y a un bistrot sympa, à La Ferté ?
MICHEL – On est bien d'accord. Mais tu verras, ils sont pas forcément causants avec les étrangers...
JENNIFER – Merci de me prévenir, je vais mettre une jupe plus courte ! Mais je saurai les dérider. Allez, je file, et à tout à l'heure ! (elle sort)
MICHEL (qui appelle Françoise) – Françoise ! Tu peux venir, s'il te plaît ?
FRANÇOISE – Tu m'as appelé ?
MICHEL – Ouais. Je voulais savoir si tu pouvais t'occuper du souper. Tu trouveras des légumes et des œufs dans le cellier, et de la viande dans le réfrigérateur. Je te laisse te débrouiller. Ça ira ?
FRANÇOISE – Attends deux secondes, je reviens.
MICHEL – Hein ?
FRANÇOISE (qui revient avec une cocotte à la main) – Tiens, surprise du chef !
MICHEL – Qu'est-ce que c'est ?
FRANÇOISE – Tu vois pas ? C'est une cocotte.
MICHEL – Une cocotte ? Tu m'as tué une poule ? Avec toute la viande qu'il y a dans le frigo ?
FRANÇOISE – Mais non, andouille ! Le plat, c'est une cocotte, pas le contenu !
MICHEL – Je vois bien, mais j'ai eu peur un moment. Et y a quoi dans cette cocotte ?
FRANÇOISE – Surprise ! C'est une spécialité que me faisait ma grand-mère. La cassole auvergnate. Allez tu as le droit de lever le couvercle et de sentir. Mais pas plus !
MICHEL (qui hume) – Eh ben... Vivement midi ! Ça sent rudement bon, dis-donc !
Douche interview
ANIMATRICE – Cette nouvelle séquence est à nouveau révélatrice. Nous avons une charmante jeune femme, Jennifer, bien dans son époque, moderne, dynamique. Et, à côté, une autre jeune femme, ancrée dans le passé qui semble incapable de le dépasser.
MICHEL – On est bien d'accord.
ANIMATRICE – Et vous ne vous êtes pas arrêté en si bon chemin, vous avez proposé à nos prétendantes une autre épreuve... encore plus difficile ! Celle de la lessive !
MICHEL – Fallait bien. Ce n'est pas tout rose, la vie dans une exploitation.
ANIMATRICE – Je commence à le comprendre. Alors c'est parti : séquence numéro 3 !
Douche séquence
MICHEL – Ah ! Jennifer, je te cherchais. Tu saurais me faire une lessive, j'ai pas mal de linge sale à laver.
JENNIFER – Pas de problème, mon chou, il est où, le pressing, dans le coin ?
MICHEL – Pressing ? Il faut que tu fasses au moins 30 kilomètres pour en trouver un... Et puis c'est juste des vêtements de travail, tu sais, un coup de machine à laver, ça suffira.
JENNIFER – Ah... Et ça ne peut pas attendre un peu ? Il ne t'en reste plus ?
MICHEL – Si, bien sûr, j'en ai une bonne quinzaine qui me viennent de mon père, le genre de truc inusable, et il en reste au moins 7 ou 8 de propres en réserve, mais comme il y a de quoi remplir une machine à laver, je pensais que tu pourrais t'en charger, c'est tout.
JENNIFER – Ouais, mais là j'ai pas le temps, alors comme il t'en reste de propre, on va attendre que tu n'en aies plus et on lavera tout en même temps. Allez, je file, j'ai rencard au café du village avec des potes. Je reviens pour le déjeuner. Salut, Michel, et la bise à tes vaches !
MICHEL – Bon, ben salut, Jennifer, à tout à l'heure...
FRANÇOISE (qui arrive) – Euh... Michel, je te cherchais. J'ai quelque chose à t'avouer... j'ai fait une connerie...
MICHEL – Une connerie ?
FRANÇOISE – Ben oui...Tiens, regarde ta salopette... J'ai voulu faire une machine à laver, et je crois bien que je me suis trompé de programme... Elle a sacrément rétréci...
MICHEL – Nom d'un chien ! C'est un modèle pour Pygmée, maintenant ! Je ne vais plus pouvoir la mettre ! Enfin, c'est pas très grave, j'en ai au moins une quinzaine qui me viennent de mon père, il m'en reste bien assez. Mais fais gaffe la prochaine fois, quand même...
FRANÇOISE – Il faut dire qu'elle était tellement sale, après que tu aies réparé le tracteur... Et puis... si un jour tu as un enfant, tu pourras toujours lui faire porter une salopette qui a servi à son père et à son grand-père...
MICHEL – Finalement tu as raison, et merci pour la lessive, au moins, ça partait d'une bonne intention.
Douche interview
ANIMATRICE – Cette dernière séquence confirme les deux autres. Nous avons d'un côté la séduisante Jennifer, prudente et circonspecte qui ne veut pas prendre de risque avec votre linge et préfère recourir aux services d'un pressing, et de l'autre cette tête de linotte de Françoise qui lave n'importe comment et rend inutilisable l'un de vos vêtements de travail, héritage de votre bien-aimé papa...
MICHEL – On est bien d'accord...
ANIMATRICE – Et nous en arrivons maintenant au moment tant attendu par tous nos téléspectateurs, celui du verdict. Verdict qui vous appartient, cher Michel, mais mon petit doigt me dit qu'entre Françoise et la fort séduisante Jennifer, votre choix est déjà fait. Je me trompe ?
MICHEL – On est bien d'accord...
ANIMATRICE – Mais nous allons auparavant consulter le résultat du vote des téléspectateurs qui va s'afficher sur l'écran (on fait passer un panneau sur le plateau) ... C'est bien ce que je pensais. Le score est sans appel : 84 % des votes se prononcent en faveur de la belle Jennifer, 12 % seulement en faveur de Françoise, les autres ne se prononcent pas. Probablement sont-ce des misogynes ou des homosexuels ! Je plaisante, bien sûr !
MICHEL – On est bien d'accord...
ANIMATRICE – Alors, Michel, nous sommes suspendus à vos lèvres... Allez-vous confirmer le vote des téléspectateurs ou prendriez-vous le risque insensé de faire le choix contraire ? Ou bien encore ne prendre aucune décision et rester seul avec vos vaches ? Michel ?
MICHEL – Permettez que je vous pose une devinette...
ANIMATRICE – Une devinette ? Décidément vous aimez le suspens ! Cher Michel... Et puis nous sommes là pour nous distraire, alors allez-y ! Je vous écoute.
MICHEL – Voilà. Quelle est la différence entre la Roussette, ma vache qui a remporté le concours agricole régional l'an passé et la présentatrice de « L'Amour est au coin de l'exploitation » ?
ANIMATRICE – ... Je... euh... Entre la Roussette et moi ? C'est vraiment une devinette ? Vous voulez que j'y réponde ?
MICHEL – Je vais le faire pour vous : la Roussette, c'est une vache qui est belle et qui fait du lait, tandis que la présentatrice de l'émission, c'est une belle vache qui fait des trucs laids...
ANIMATRICE – Oh ! Michel ! Je ne vous permets pas ! Vous vous trouvez drôle, peut-être ? Vous dépassez les limites ! Vous êtes un grossier personnage ! Vous n'êtes bon qu'à rester dans votre campagne boueuse, dans votre...
MICHEL – La ferme !
ANIMATRICE – Dans votre ferme, oui, ou votre exploitation, si vous préférez !
MICHEL – L'exploitation ! C'est le mot juste, pour une fois. Et cette fois-ci, c'est vous qui allez me laisser parler au nom des centaines d'agriculteurs que vous avez ridiculisés pour amuser la bande de décervelés que vous appelez vos fidèles téléspectateurs !
ANIMATRICE – Michel ! Vous n'avez pas le droit ! Je vais être obligée d'interrompre l'émission !
MICHEL – Et vous ? Vous avez le droit d'exploiter des braves types comme moi ? Vous avez le droit de les montrer comme des arriérés toujours habillés salement avec les bottes pleines de terre ? Tout cela pour amuser des millions de trépanés de l'intelligence qui suivent votre émission ?
ANIMATRICE – Michel, vous n'avez pas le droit d'insulter les téléspectateurs !
MICHEL – La ferme !
ANIMATRICE – Ou l'exploitation, je sais...
MICHEL – Ta gueule !
ANIMATRICE - ...
MICHEL – Et toutes ces jeunes femmes comme Françoise, pas forcément des canons de beauté, mais sincères dans leur désir de s'intégrer dans un milieu pas facile, cela vous amuse aussi, de les ridiculiser en les mettant à côté de bimbos comme Jennifer ? Hein ?
ANIMATRICE – Alors là, vous vous trompez complètement, c'est même vous qui avez choisi...
MICHEL – J'ai choisi de sélectionner Françoise, effectivement, parce qu'elle semblait vouloir vraiment venir vivre à la campagne et y travailler. Quant à l'autre, vous avez tout fait pour me l'imposer. Osez dire le contraire !
ANIMATRICE – Vous auriez pu vous y opposer, quand même...
MICHEL – Disons que je me suis laissé faire histoire de rigoler... Mais combien vous l'avez payée, la poupée Barbie, la Jennifer, pour qu'elle vienne se faire tarter à la campagne ? Ne me dites pas qu'elle en avait envie ! C'était prévu dans le budget...
ANIMATRICE – C'est faux ! De toute façon vous ne pourrez rien prouver ! (L'animatrice met la main à son oreillette, on doit comprendre qu'elle reçoit des consignes de sa direction ; elle peut bredouiller quelques mots : oui... bien monsieur le directeur...)
MICHEL – Laissez-moi parler ! Je n'ai pas fini...
ANIMATRICE – Je crains que si, nous allons rendre l'antenne...
MICHEL – La ferme ! Je veux aussi m'adresser aux téléspectateurs. (il se tourne face au public) Vous n'avez pas compris qu'on se moque de vous ! Les femmes, vous êtes contentes parce que vous voyez un homme ridiculisé et du coup vous vous dites que le vôtre n'est pas si mal que ça. Quant aux hommes, comme à chaque fois le brave paysan se fait ridiculiser par la bimbo, vous vous dites qu'avec votre charme naturel ça se passerait autrement et que vous la sauteriez, l'allumeuse !
ANIMATRICE – Michel, vous devenez carrément vulgaire ! (l'animatrice écoute à nouveau des consignes dans son oreillette) Chers fidèles téléspectateurs, nous allons devoir interrompre l'émission...
MICHEL – Laissez-moi finir ! C'est moi qui suis vulgaire ? Et votre émission, elle ne l'est pas, vulgaire ? Mais je vous rassure, j'en ai presque fini. Vous aussi, d'ailleurs, parce qu'après ce coup-là ça m'étonnerait qu'on vous revoit de sitôt présenter une émission à la télévision. J'espère même que cette saleté de « L'amour est au coin de l'exploitation » va disparaître des programmes... Alors pour finir et répondre à votre question de tout à l'heure, ce n'est pas la « sémillante Jennifer » comme vous me l'avez suggéré depuis le début que j'ai envie de voir partager ma vie ici à la campagne. Je sais bien que dans votre scénario vous aviez prévu que je la choisisse pour son cul, puis qu'elle refuse en se moquant de mes vaches et en faisant rire la France entière au grand bonheur de vos annonceurs publicitaires. Alors pour une fois, exceptionnellement, c'est le pecnot qui va gagner par KO ! Je choisis Françoise. Je choisis la générosité et la sincérité. Et tant pis pour votre audimat. Salut. (il quitte le plateau)
ANIMATRICE - ... Eh bien, chers téléspectateurs, c'est sur ce coup de théâtre qui montre bien l'honnêteté de notre émission que nous allons conclure, en attendant de vous retrouver la sem... (noir, l'émission est brutalement interrompue)
VOIX OFF – La direction de la Chaîne vous prie de bien vouloir excuser cette interruption de programme due à un problème de liaison satellite. Vous retrouverez dans quelques minutes la suite de nos programmes, après une courte page de publicité.
NOIR
PLUS BÊTE LA VIE
Le salon d'une maison ou d'un appartement. Table basse, quelques sièges. Cet sketch peut à loisir être surjoué pour accentuer la mièvrerie et la pauvreté de cette caricature de feuilleton au kilomètre.
ALAIN – Isabelle ? Tu es déjà là ? Tu sais que tu es ravissante ? Et que tu as l'air en pleine forme ?
ISABELLE – Merci pour le compliment... mais c'est réciproque, tu sais. Et puis j'avais tellement hâte de vous revoir... de te revoir...
ALAIN – Le plaisir est partagé, tu sais. Et puis Laure sera aussi ravie de te revoir.
ISABELLE – Et moi donc. Six mois que l'on se s'est pas rencontrées ! Déjà six mois que vous êtes mariés ! Alors comment vont les jeunes mariés ?
ALAIN (Laure est entrée en fond de scène sans qu'Alain et Isabelle ne s'en aperçoivent) – Super ! Bon, d'accord, la lune de miel est finie, mais tout va très bien, je te remercie.
ISABELLE – Comment ça, la lune de miel est finie ? Ne me dis pas qu'il y a de l'eau dans le gaz ?
ALAIN – Non... Une petite engueulade de temps en temps, mais rien de plus. Comme chez tout le monde, quoi...
ISABELLE – Eh bien pense à moi, quand ça ne va pas, je te consolerai... J'ai toujours su remonter le moral des beaux garçons malheureux... Pendant que j'y pense, tu n'as pas un frère ?
ALAIN – Non, tu sais bien que je suis fils unique.
ISABELLE – J'avais oublié... Parce que c'est quelqu'un comme toi qu'il faudrait à la future vieille fille que je vais devenir... Alors si tu avais eu un frère.
ALAIN – Vieille fille, vieille fille... Tu as encore le temps, tu sais !
ISABELLE – Pas tant que ça ! Regarde, là, j'ai eu mon premier cheveu blanc !
ALAIN (gêné) – Euh... Tu es sûre ?
ISABELLE – Rapproche-toi, tu verras mieux.
ALAIN (encore plus gêné, pendant que Laure sort discrètement) – Euh... Je crois que je vais aller chercher Laure. Elle doit être impatiente de t'embrasser ! Sa vieille copine de lycée !
ISABELLE – Tu vois bien que je suis vieille !
ALAIN – Non, enfin oui... et merde ! J'y vais, à tout de suite, Isa ! (il sort)
ISABELLE – Toi, je t'aurai ! (entrée de Laure) Dans six mois maximum, tu es dans mes bras ! (elle aperçoit Laure) Dans mes bras ! Laure ! Ma Laurie chérie ! Mon autre moi-même ! Enfin te voici !
LAURE (un peu pincée) – Très chère Isa ! Et cette andouille d'Alain qui n'est pas accouru tout de suite pour me dire que tu étais là ! Quel distrait il fait ! Tu ne trouves pas ?
ISABELLE – Ne l'accable, Laurie, c'est un homme... tous les hommes sont comme cela !
LAURE – Ne parle pas de malheur...
ISABELLE – De malheur ? Après six mois de mariage ? Avec un homme comme Alain ? Séduisant, une bonne situation, intelligent, gentil, prévenant...
LAURE – Ma pauvre Isa, ce ne sont que les apparences... Séduisant, une bonne situation, intelligent... d'accord. Trop intelligent, même. Quant au reste...
ISABELLE – Tu me fais frémir, Laurie. Tu m'en as trop dit ou pas assez.
LAURE – C'est vite résumé. Alain est un pervers manipulateur doublé d'un véritable tyran ; avare, en plus.
ISABELLE – Pas possible...
LAURE – Hélas si, Isa. Il passe de la plus grande des gentillesses à la pire des méchancetés, me reprochant le moindre de mes gestes ! Contrôlant mes allées et venues, me demandant des comptes sur toute ma journée...
ISABELLE – Non...
LAURE – Hier encore, il m'a reproché d'être rentrée à la maison un quart d'heure plus tard que d'habitude. Il a dit que j'avais un amant, que je le trompais... Et il m'a privée de dîner à cause de cela... (elle pleure des larmes de crocodile, en fait des tonnes)
ISABELLE – Mon Dieu ! Qui l'aurait cru, à le voir, si prévenant, si gentil ?
LAURE – Il contrôle même la quantité de shampooing que je consomme, le nombre de sucres que je mets dans mon thé, l'essence que j'achète pour ma voiture... Tout, je te dis ! Je n'ai plus de vie...
ISABELLE (effrayée par ce qu'elle découvre) – Ma pauvre chérie. Et moi qui...
LAURE – Et toi qui ?
ISABELLE – Heu... Et moi qui lui aurait donné le bon Dieu sans confession...
LAURE – Et même au lit...
ISABELLE – Tes mollys ? Qu'est-ce que c'est, des mollys ?
LAURE – Au lit...
ISABELLE – Au lit ? Ce n'est pas un bon coup ?
LAURE – Pas vraiment. Tu sais, je me demande s'il ne préfère pas les hommes. Il est tellement distant avec moi ! Et quand je le vois saluer Yves en l'embrassant...
ISABELLE – Mon Dieu, quelle horreur !
LAURE – Bref, tu vois dans quel bonheur conjugal je baigne...
ISABELLE – Oh ma pauvre chérie... Je... je crois que je vais te laisser, j'ai un coup de fil à passer. Je reviens dans quelques minutes. (elle sort)
LAURE – Ça, c'est fait ! Maintenant, à l'autre, que je l'y reprenne à se laisser draguer par une allumeuse...
JÉRÔME – Salut Laure, comment va, aujourd'hui ?
LAURE – Jérôôôme ! Très bien, et toi, mon Jéjé adoré ? Tu as l'air en pleine forme, non ?
JÉRÔME – Ça va, merci. Je passais demander un truc à Alain. Il n'est pas là ?
LAURE – Il ne doit pas être bien loin. Dans la maison en tout cas. Mais moi je suis là, je peux peut-être t'aider...
JÉRÔME – Non, désolé... c'est une histoire de mecs. Je doute que tu puisses m'aider.
LAURE – Mais les filles ne sont plus des potiches comme au siècle passé ! Nous savons faire plein de choses... Tu veux que je te montre ?
JÉRÔME – Ecoute, Laure, je t'aime beaucoup mais tu me gênes, là... D'une part, je suis venu voir Alain pour lui demander de m'aider à réparer ma tondeuse à gazon, et d'autre part je n'ai pas du tout l'intention de le faire cocu avec toi ! C'est mon ami.
LAURE - Ami ou pas, je m'en fous. Ma mère m'a élevée toute seule parce que mon père était parti avec sa meilleure amie, et figure-toi que j'ai retenu la leçon ! Maintenant, je prends toujours un coup d'avance sur les hommes. Tromper avant d'être trompée, c'est ma devise. Et comme tu es plutôt beau gosse... et que je t'ai sous la main.
BERTHE – Bonjour ma fille ! C'est moi.
LAURE – Oui, oui, je t'ai reconnue, Maman.
BERTHE – Mais c'est ce bon Jérôme ! Quel joie de te revoir, Jérôme. Viens que je t'embrasse... (elle le serre dans ses bras)
JÉRÔME – Heu... Bonjour, madame Dinaire. Vous allez bien ?
BERTHE – Toujours quand je te vois, mon petit Jérôme. Tu sais que tu peux passer me voir à la maison quand tu veux. Cela me ferait tellement plaisir.
JÉRÔME – Avec plaisir, madame Dinaire... Mais pas avant le mois prochain. En ce moment, je cours dans tous les sens.
BERTHE – Eh bien c'est dit, je t'attends le premier samedi du mois prochain pour dîner. C'est d'accord, n'est-ce pas ?
JÉRÔME – Je regarde dans mon agenda et je vous le confirme... Maintenant, je vous laisse, j'étais venu voir Alain. Au revoir, madame Dinaire, à plus tard, Laure !
BERTHE – Au revoir, Jérôme, à très bientôt !
LAURE – Non mais dis donc, maman ! Qu'est-ce que c'est que cette façon de draguer mes copains !
BERTHE – D'abord, ce ne sont pas TES copains, Jérôme, un ami d'Alain. Ensuite, je ne le drague pas. C'est un garçon que j'aime beaucoup et avec lequel j'aimerais follement bavarder tranquillement.
LAURE – Eh bien lui, il a dû penser que tu voulais autre chose que bavarder ! Et il n'est pas le seul.
BERTHE – Mais j'y pense ! Tu ne serais pas en train de me faire une scène de jalousie, toi ? N'oublie pas que tu es mariée quand même ! Il ne fallait pas te marier si tu voulais changer d'homme tous les six mois.
LAURE – Jalouse, moi ? De ma mère ? Tu n'imagines quand même pas que Jérôme pourrait tomber amoureux de toi ! Et si je me suis mariée, c'est pour changer de nom. S'appeler Laure Dinaire, je n'en pouvais plus.
BERTHE – Ça, c'était une idée de ton père... Et je n'imagine pas que Jérôme puisse tomber amoureux de moi non plus. Mais de toi...
LAURE – Quoi, moi ? Jérôme est plutôt beau gosse, je ne suis pas mal non plus, mais comme tu dis, je suis mariée.
BERTHE – On dit ça, mais ça n'a jamais rien empêché. Souviens-toi de ton imbécile de père.
LAURE – Je sais. Et crois-moi, j'ai compris la leçon et ça m'étonnerait que cela m'arrive aussi.
BERTHE – Mais en ce qui concerne Jérôme, je te déconseille fortement de t'en approcher trop près. Je me chargerai personnellement d'en informer immédiatement ton cher mari.
LAURE – Alors là, c'est le monde à l'envers ! Et pourquoi donc ?
BERTHE – J'ai mes raisons. Et qui ne sont pas celles que tu crois.
LAURE – Oh, et puis flûte ! Reste avec tes secrets, moi je vais rejoindre les garçons.
BERTHE – Pense à faire du bruit avant d'entrer ! On ne sais jamais !
LAURE – Et c'est quoi, encore, ces sous-entendus ? Tu n'imagines quand même pas une relation homosexuelle entre Alain et Jérôme ?
BERTHE – Oh mais je n'ai rien dit, moi... A tout à l'heure, ma chérie.
(Alain et Jérôme entrent au moment où Laure vient de sortir)
ALAIN – Tiens, ma chère belle-mère ! Comment allez-vous Berthe ? Toujours en forme, à ce qu'il paraît.
BERTHE – Bonjour, mon gendre. En pleine forme, comme toujours. Et toi, mon petit Jérôme, tout va bien depuis tout à l'heure ?
JÉRÔME – Oui, oui, madame Dinaire, tout va bien.
BERTHE – Et tu n'oublies pas notre petit rendez-vous, Jérôme... Je crois que j'aurais une surprise pour toi...
ALAIN – Au fait, ma chère belle-mère, vous allez avoir d'ici quelques minutes l'occasion de faire la connaissance du père de Jérôme. Il doit passer le prendre ici dans environ 5 minutes.
BERTHE – Ciel ! J'oubliais mon rendez-vous ! Vite, il faut que j'y aille ! A plus tard, les garçons !
ISABELLE – Tiens ! Bonjour, madame Dinaire, bonjour Jérôme ! Vous allez bien ?
BERTHE – Très bien, merci. Mais je partais, nous bavarderons une prochaine fois.
ISABELLE – Juste une minute, madame Dinaire, s'il vous plaît. Vous habitez bien rue Victor Hugo ?
BERTHE – Oui, oui. Mais je suis pressée, vous savez...
ISABELLE – La rue Victor Hugo, c'est bien celle qui fait l'angle avec la rue Alexandre Dumas ?
CHARLES – Bonjour tout le monde ! Salut mon petit Alain, ça va ? Bonjour mademoiselle, bonjour mada... (il se fige)
BERTHE – Monsieur... Bonjour et au-revoir... Je file, je suis attendue. (en fait, elle ne sort pas et reste figée dans son coin, elle et Charles se regardent régulièrement en chiens de faïence)
ALAIN (prenant Isabelle par la taille) – Charles, je vous présente Isabelle, une grande amie de la maison ! (Isabelle se détache ostensiblement de lui)
CHARLES – Grande amie, c'est ce que je vois. Une amie de toi ou de Laure ?
ALAIN – De Laure au début, mais de nous deux maintenant.
LAURE – Enfin je vous retrouve, les garçons ! Ma parole, mais toute la famille est réunie ! (la scène se fige)
VOIX OFF – Ne manquez pas le 3 294e épisode de « Plus bête la vie ». Le couple Laure-Alain résistera-t-il aux tentatives de déstabilisations ? Laure continuera-t-elle à courtiser Jérôme ? Isabelle ne brisera-t-elle pas son amitié avec Laure en se rapprochant d'Alain ? Jérôme n'est-il pas homosexuel et ne recherche-t-il pas une liaison avec Alain ? Pour quelles raisons Berthe tient-elle absolument à mieux connaître Jérôme ? Ne serait-il pas son fils ? Dans ce cas, Laure serait sa sœur ? Charles est-il le père de Laure ? Un amour peut-il renaître entre Charles et Berthe ? Pourquoi Isabelle ne tombe-t-elle pas amoureuse de Jérôme ? Pourquoi Alain chausse-t-il du 44 ? Pourquoi regardez-vous tous les jours ce feuilleton stupide ?
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La banque à qui parler
Deux douches. Sous l'une un banquier derrière son bureau, il ignorera complètement le client qui le sollicite. L'autre douche est éteinte pour l'instant.
– CLIENT – Bonjour monsieur le banquier. Je viens pour ma demande de prêt…
– BANQUIER - …
– CLIENT – Je vous ai envoyé le dossier il y a deux mois, et comme je n'avais pas de réponse, j'ai pensé que…
– BANQUIER - …
– CLIENT – Eh oui, parce que comme je vous le disais, j'ai peur que cela soit un peu juste, mais comme je me suis débrouillé pour la caution…
– BANQUIER - …
– CLIENT – Bon eh bien merci. Au revoir, monsieur le banquier…
– BANQUIER - …
– VOIX OFF – Si vous n'en pouvez plus de vivre ce genre de situation. Si vous souhaitez un banquier avec lequel vous pourrez parler, échanger, confier vos impressions. Avoir davantage qu'un banquier, alors n'hésitez plus, venez au Crédit populiste.
La première douche s'éteint ; la seconde s'allume. On découvre un autre bureau, avec un banquier qui fait subir un véritable interrogatoire à son client, lampe dans la gueule…
– BANQUIER 2 – Alors tu vas parler, oui ? Combien tu touches d'allocations familiales ? Et la caution, qui c'est qui va la donner ? Hein ? Et tu crois que je vais me contenter de ça comme informations ?
– VOIX OFF – Le Crédit populiste, le banquier qui saura vous écouter.
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Electroménager
Un homme dans son fauteuil, très « beauf ». Sa femme lave du linge dans une cuvette en plastique...
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L'homme se lève et fait signe à sa femme de s'en aller. Si la production est très riche, on peut amener sur scène un lave-linge ou un gros carton vaguement maquillé en lave-linge…
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Les belle lunettes
Un comédien affublé d'horribles lunettes qui lui donnent l'air idiot...
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Le comédien entre aux WC ; on entend un grand pet (si, si !). Il ouvre la porte et toutes les femmes fuient à cause de l'odeur.
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LES INFOS
Un plateau télé, le présentateur (ou présentatrice...) du journal. En avant-scène à cour et à jardin deux espaces avec douches pour les infos.
PRÉSENTATRICE – Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bonsoir et bienvenue pour notre journal du soir. Voici les événements qui ont marqué cette journée du (jour et mois), dans notre pays comme à l'étranger. En football, le Paris-Saint-Germain a battu l'équipe de Champmelon par 1 à 0 après prolongations. C'est la première victoire du PSG depuis plus de 3 mois. A noter que seulement 12 supporteurs de ce club ont été mis en prison. On sent que l'esprit sportif reprend le dessus. Tennis : pas de Français après le premier tour des éliminatoires de Roland-Garros. Cyclisme : à force d'être accusés injustement de dopage, les coureurs du Tour de France ont décidé de faire la grève des prises de sang et analyses d'urine. Selon leur porte-parole, ce sont des athlètes particulièrement fragiles qui sont bien obligés de prendre des médicaments contre leurs petits bobos. Culture : en avant-première, nous vous proposerons quelques extraits de « Taxi 12 » et du dernier Indiana Jokes, « Les aventuriers du déambulateur perdu ». Quelques faits divers pour terminer : catastrophe écologique en Chine où plusieurs dizaines de milliers de personnes risquent de mourir d'une intoxication liée à la qualité de l'eau. Et la famine qui continue encore et toujours à sévir un peu partout en Afrique et ailleurs. Mais le scoop du jour, en exclusivité sur notre chaîne, c'est le passage à Paris de la célèbre chanteuse américaine Melinda Fuckwell. Notre envoyé spécial sur place, Patrice Lefoutre ne manquera pas de nous interrompre si quelque chose se passait... Patrice, vous m'entendez ?
PATRICE – Eh bien oui Michelle, je vous entends parfaitement et vous, est-ce que vous m'entendez ?
PRÉSENTATRICE – Nous vous entendons parfaitement, Patrice, c'est à vous, y a-t-il du nouveau à l'hôtel où se trouve Melinda Fuckwell ?
PATRICE – Du nouveau oui ! En fait il se passe beaucoup de choses ici dans le quartier. Je peux par exemple vous dire que Mme Michu est allé promener son chien Médor vers 19 h 45 et qu'elle n'a rien remarqué d'anormal si ce n'est que les crottes de Médor sont un peu molles... Peu après, vers 19 h 48, l'autobus est passé mais ne s'est pas arrêté ; il faut dire qu'il n'y avait personne qui attendait à l'arrêt de bus. Voilà les éléments nouveaux dont je peux vous faire part. Je reste vigilant et me permettrai d'interrompre le journal si quelque événement majeur venait à se produire.
PRÉSENTATRICE – Je vous remercie, Patrice pour ces informations précieuses et nous restons en contact pour suivre cet événement couvert par notre seule chaîne. Revenons à l'actualité et la brillante victoire du PSG sur Champmelon. Nous avons sur notre plateau Giuseppe di Ballarunda, nouvel entraîneur de l'équipe depuis le mois dernier et à qui l'on doit probablement cette victoire éclatante et encourageante.
GIUSEPPE (accent sicilien) – Eh oui, on a gagné grâce à mes nouvelles méthodes... Vous savez, un match, ça se gagne sur le terrain, mais ça se gagne aussi avant, dans les vestiaires, dans les réunions, dans la préparation...
PRÉSENTATRICE – Si je comprends bien, Giuseppe di Ballarunda, vous avez été un davantage un coach qu'un entraîneur pour cette équipe.
GIUSEPPE – Disons que j'ai su les motiver, quoi... Ils ont vite compris qu'ils avaient intérêt à gagner, pour eux comme pour la santé de leur famille...
PRÉSENTATRICE – Effectivement, Giuseppe di Ballarunda, cela a dû faire rudement plaisir à leur famille qu'ils aient gagné le match !
GIUSEPPE – Rudement, c'est le mot... Dites-moi... vous n'avez jamais songé à faire du cinéma, parce que vous n'êtes pas mal gaulée ?
PRÉSENTATRICE – ... Mais dites-moi, Giuseppe di Ballarunda, cette équipe de Champmelon... elle n'était pas si difficile que cela à battre, tout de même... ils ne sont qu'en 54e division...
GIUSEPPE – Je sais, mais ce sont des durs à cuire, là-bas, à la campagne, ils savent se battre... Mais je me suis occupé d'eux aussi, vous savez... Et vous faites quoi, ce soir, ma poule ?
PRÉSENTATRICE – ... Ne me dites pas, Giuseppe di Ballarunda, que vous êtes aussi l'entraîneur de l'équipe de Champmelon...
GIUSEPPE – Non, non, non... Je me suis mal fait comprendre. Disons que j'ai su trouver les moyens de ne pas trop les motiver pour gagner... Il faut croire qu'ils ont dû avoir peur de notre équipe... Vous savez que vous me plaisez bien et que je peux vous aider dans votre carrière, si vous y mettez du vôtre...
PRÉSENTATRICE – Euh... Et la suite de la saison, êtes-vous confiant dans votre équipe et vos méthodes ?
GIUSEPPE – Eh, le prochain match c'est contre Bastia. Ils ont un peu les mêmes méthodes que moi, vous savez... Alors on va essayer de s'entendre sans trop de casse... Un match nul, sans doute... On se connaît trop bien avec les amis corses... Faut voir où est son intérêt.
PRÉSENTATRICE – Et bien évidemment, l'intérêt est celui du sport, de la noblesse du football, de la compétition franche et virile... Je précise pour nos téléspectateurs, car vos propos de tout à l'heure auraient pu laisser supposer quelques arrangements entre clubs...
GIUSEPPE – Quels arrangements ? Faut pas m'insulter en public, hein ! C'est pas parce que vous êtes plutôt bien roulée qu'il faut s'attaquer à mon honneur ! Tout se fait dans les règles... les mêmes que celles que l'on utilise depuis des siècles, chez moi... Et l'honneur, chez nous, c'est sacré...
PRÉSENTATRICE – Oui, oui, bien sûr, cher Giuseppe di Ballarunda, je me serai mal exprimée. Le sport et la tradition avant tout, c'est cela ?
GIUSEPPE – C'est ça... La tradition, comme au pays.
PRÉSENTATRICE – Et quant aux douze supporteurs du PSG incarcérés à la suite du match, ces résultats encourageants sont-ils liés, selon vous à votre arrivée au sein du club ?
GIUSEPPE – Effectivement, poulette, on ne peut rien vous cacher. En fait, c'est tout simple, les supporteurs viennent s'entraîner à courir avec les joueurs 3 fois par semaine. Alors, maintenant, ils courent plus vite que les flics et ils ne se font pas attraper. C'est pas plus compliqué que ça, il suffisait d'y penser. Mais les douze lourdauds qui se sont fait pincer, croyez-moi qu'ils vont entendre parler du pays en rentrant ! Soit il courent plus vite la prochaine fois, soit ils sont virés du club !
PRÉSENTATRICE – En effet, cher Giuseppe, je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle... Il ne s'agit donc pas de davantage de fair play de la part des supporteurs du PSG mais d'une meilleure... disons organisation...
GIUSEPPE – Fair play ? C'est quoi fair play, c'est pas un mot français, ça ! Le foot c'est une compétition, et on est là pour gagner, et on emploie tous les moyens. C'est tout, poulette.
PRÉSENTATRICE – Eh bien il ne me reste plus qu'à vous remercier, cher Giuseppe, car je crois que notre envoyé spécial, Patrice Lefoutre est en train d'essayer de nous joindre. Donc vive le foot, vive le PSG et à bientôt !
GIUSEPPE – A bientôt ma petite... Tenez, je vous laisse mon numéro de portable, vous pouvez m'appeler quand vous voulez...
PRÉSENTATRICE - ... Eh bien en remerciant à nouveau Giuseppe di Ballarunda, nouvel entraîneur du PSG, nous allons retrouver sans plus tarder Patrice Lefoutre, envoyé spécial devant l'hôtel de Melinda Fuckwell. Je rappelle aux téléspectateurs qui nous auraient rejoint récemment que la célèbre chanteuse américaine est en résidence incognito à Paris et que notre envoyé spécial Patrice Lefoutre est chargé de couvrir l'événement en exclusivité pour notre chaîne. Patrice, c'est à vous...
PATRICE - Eh bien oui Michelle, je vous entends parfaitement et vous, est-ce que vous m'entendez ?
PRÉSENTATRICE – Nous vous entendons parfaitement, Patrice, c'est à vous, y a-t-il du nouveau à l'hôtel où se trouve Melinda Fuckwell ?
PATRICE – Eh bien écoutez, du nouveau il y en a. Tout d'abord, une foule de badauds est en train de se constituer sur le trottoir opposé à l'entrée de l'hôtel et risque de gêner mon travail, mais que voulez-vous, Michelle, un événement pareil ne peut laisser les gens indifférents. Je rappelle que Melinda Fuckwell a eu 3 disques de platine, et a été élue chanteuse étrangère la plus populaire en France l'année passée.
PRÉSENTATRICE – Tout à fait, Patrice, et il ne faut pas non plus oublier son apparition dans l'excellent film de Steven Spelbigre où elle ouvrait la porte des toilettes au héros du film avec une grâce étonnante.
PATRICE – Michelle ! Excusez-moi de vous interrompre, mais un cyclomoteur de couleur verte est en train de passer devant l'hôtel de Melinda Fuckwell et le plus fort, voyez-vous, Michelle, c'est que ce même cyclomoteur est déjà passé tout à l'heure dans l'autre sens ! Quelle émotion, quel suspens !
PRÉSENTATRICE – Eh bien je vous remercie, Patrice pour ces informations capitales et vais vous laisser afin de poursuivre le déroulement de notre journal du soir. Mais n'hésitez pas à nous interrompre pour toute nouvelle information. A tout à l'heure Patrice, nous ferons le point en fin de journal. Passons maintenant au tennis ou aucun joueur national n'a réussi à passer le premier tour des éliminatoires de Roland-Garros. Nous allons évoquer ce problème d'ampleur nationale avec le sélectionneur de l'équipe de France, Gérard Manjoué que nous recevons ce soir sur notre plateau.
GERARD – Bonsoir.
PRÉSENTATRICE – Mon cher Gérard Manjoué, la France est presque en deuil après cette cruelle déception de ne voir aucun joueur dépasser le premier tour des éliminatoires de Roland Garros. En tant qu'entraîneur, comment analysez-vous cette catastrophe dont même l'Elysée s'est fait l'écho ?
GERARD – L'Elysée, vous savez, il ferait mieux de se préoccuper du dernier résultat de son parti aux élections cantonales d'il y a six mois... Mais pour ce qui est des résultats des joueurs et joueuses français en tennis, nous nous sommes réunis avec tous les membres du bureau national hier soir pour statuer.
PRÉSENTATRICE – Et alors, Gérard Manjoué, à quelles conclusions êtes-vous arrivés ? Est-ce un manque d'entraînement, un manque de motivation ? Ou bien plus simplement nos joueurs et joueuses n'ont-ils pas le niveau de leurs concurrents étrangers ?
GERARD – Eh bien voilà, nous avons repris, au niveau du bureau national tout le cheminement qui s'est déroulé jusqu'à la constitution de cette équipe de France. En fait, le problème vient, d'après nos analyses, du recrutement à la base. On nous accusait toujours de faire du favoritisme, de se faire acheter par des joueurs pour les sélectionner eux plus que d'autres, etc.
PRÉSENTATRICE – Et alors, Gérard, qu'aviez-vous décidé pour ne plus connaître ces problèmes ?
GERARD – Oh et bien c'est tout simple, nous nous sommes adressés à un cabinet de recrutement qui a fait une sélection sur CV avec les meilleurs diplômés, ils ont fait des tests, des entretiens, avec des psychologues, des études graphologiques, etc. Et le résultat est catastrophique. Ils ont sélectionné des gens qui savent se vendre au lieu de sélectionner des gens qui savent jouer au tennis !
PRÉSENTATRICE – En effet, cher Gérard Manjoué, c'est au pied du mur que l'on voit le maçon... Alors, pour la prochaine fois ?
GERARD – La prochaine fois, ce n'est pas compliqué, on va faire appel à un cabinet de recrutement pour recruter le cabinet de recrutement qui recrutera les joueurs de la future équipe de France.
PRÉSENTATRICE – Mais ne craignez-vous pas de vous heurter au même problème ?
GERARD – Pas possible ! Le nouveau cabinet de recrutement est dirigé par un proche de l'Elysée, alors vous pensez...
PRÉSENTATRICE – En effet, cher Gérard Manjoué, ou plutôt je préfère ne plus penser et vous remercier de ces informations qu'attendaient tous les Français amateurs de tennis. Mais l'on me signale que Patrice Lefoutre, notre envoyé spécial devant l'hôtel où réside la célèbre chanteuse américaine Melinda Fuckwell souhaite intervenir à l'antenne... Patrice, vous m'entendez ?
PATRICE – Eh bien oui, Michelle, je vous entends, et vous m'entendez-vous ?
PRÉSENTATRICE – Tout à fait Patrice, nous vous entendons parfaitement, et vous, m'entendez-vous ?
PATRICE – Je vous entends également parfaitement, Michelle, et j'espère que vous aussi...
PRÉSENTATRICE – Nous vous entendons aussi, Patrice, je vous rassure. Alors, quelles nouvelles de notre star internationale ? Je rappelle à nos fidèles téléspectateurs que la célèbre chanteuse américaine Melinda Fuckwell est à l'heure actuelle dans un hôtel parisien situé au 24 boulevard Saint-Nicolas, mais dont nous tairons le nom afin de respecter la quiétude de l'artiste, et que Patrice Lefoutre, notre envoyé spécial, est en ce moment-même face à cet hôtel afin de nous tenir informés de cet événement de première importance. Patrice, m'entendez-vous ?
PATRICE – Je vous entends parfaitement, Michelle, et vous, m'entendez-vous ?
PRÉSENTATRICE – Je vous entends également parfaitement, Patrice. Alors, quelles nouvelles ?
PATRICE – Les choses évoluent, ici et cela devient, je n'hésite pas à le dire, palpitant. Plusieurs centaines de personnes sont maintenant massées sur le trottoir, la plupart ne sachant pas pourquoi elles sont là... seuls quelques fidèles téléspectateurs de notre journal connaissent le fin mot de la chose et en sont bien récompensés. Le phénomène est en effet curieux, voyant un attroupement, les gens s'arrêtent, se demandant pourquoi d'autres personnes sont là en attente, et peu à peu, le nombre de personnes massées sur ce trottoir grandit, sans savoir pourquoi elles sont là. Nous pouvons ainsi mesurer le force de notre journal télévisé et nous en féliciter...
PRÉSENTATRICE – Je vous remercie, Patrice, ces constatations et analyses sont en effet tout à fait intéressantes pour les professionnels de l'information que nous sommes. Et du côté de Melinda Fuckwell, quoi de neuf ?
PATRICE – Eh bien c'est là que cela se corse, chère Michelle. Il n'y a pas moins 15 minutes à un quart d'heure, des employés de l'hôtel ont sorti les poubelles. Vous connaissez mon professionnalisme, mon dévouement à l'information de première main, je n'ai pas hésité une seconde et suis allé jeter un œil à l'intérieur d'icelles...
PRÉSENTATRICE – Mais, veuillez me permettre de vous interrompre, cher Patrice, s'agissait-il de poubelles ou bien d'icelles ? Peut-être devriez-vous, pour nos téléspectateurs, expliquer quelque peu ce terme technique...
PATRICE - …? Comme je vous le disais, chère Michelle, je suis allé regarder ce que contenaient les poubelles de l'hôtel. J'ai pu ainsi collecter quelques éléments intéressants. J'ai en effet retrouvé quelques mégots de cigarettes de la marque que fumait Melinda Fuckwell... Ils sont identifiés avec une quasi-certitude grâce à la couleur du rouge à lèvres que l'on peut distinguer dessus et qui est bien celle utilisée par la célèbre chanteuse. Eh bien je peux affirmer aujourd'hui que l'information selon laquelle Melinda Fuckwell avait arrêté de fumer est totalement fausse. Voilà, sans vouloir vanter les mérites de notre chaîne, ce que c'est que du journalisme, du vrai...
PRÉSENTATRICE – C'est sur cette révélation que je vais devoir vous laisser à nouveau, Patrice, l'actualité prime. Mais je vous laisse et nous referons le point en fin de journal. A tout à l'heure, Patrice. Quelques bonnes nouvelles maintenant de la marée noire qui ravage les côtes depuis des semaines. Nous avons sur le plateau notre spécialiste de l'environnement, Jeanine Fourtou.
JEANINE – Bonsoir. Faisons en effet le point sur cette affaire de marée noire. Tout d'abord, la population est rassurée depuis que le président de la République s'est déplacé pour constater par lui-même l'étendue de la catastrophe. Il a d'ailleurs déclaré : « C'est terrible, ce serait bien que les responsables de cette catastrophe fassent quelque chose. Mais je suis de tout cœur solidaire de toutes les victimes de cette terrible marée noire. » Voilà qui est grandement rassurant pour les habitants de la zone concernée.
PRÉSENTATRICE – On peut d'ailleurs noter que cela a fait remonter la cote du Président de deux points dans les sondages. Et qu'en est-il en ce qui concerne la société pétrolière responsable de la marée noire ?
JEANINE – Eh bien nous avons une autre bonne nouvelle. Vous savez que de nombreux fonds de pensions, autrement dit des retraites, sont indexées sur l'action de l'International Petroleum, propriétaire de la plate-forme pétrolière cause de la catastrophe. Hors, ces actions avaient subi une importante baisse suite à la marée noire et aux lourdes amendes que la société devra payer au Gouvernement au regard du préjudice écologique. Eh bien, bonne nouvelle, le Président a décidé d'être solidaire des retraités et d'exonérer l'International Petroleum de son amende. Jim Greatliar le dirigeant de l'International Petroleum a aussitôt rassuré les actionnaires de la société. En effet, le coût de la marée noire ne représentera au pire que 10 % des bénéfices escomptés cette année. Du coup, l'action de l'International Petroleum a remonté de 2,03 % à la clôture de la bourse aujourd'hui. Cet épisode ne sera donc plus qu'un mauvais souvenir d'ici quelques semaines.
PRÉSENTATRICE – Alors nous voilà rassurés. Et que disent les écologistes de la situation ?
JEANINE – Là, je crois que vous allez rire. En ce qui concerne les conséquences sur l'environnement, si l'on écoute les extrémistes écologistes, encore une fois incroyablement pessimistes et probablement manœuvrés par des opposants communistes, voire anarchistes, elles sont extrêmement graves et il faudrait plus de 250 ans à la nature pour reprendre ses droits. Heureusement, le ministère de l'Environnement, plus pragmatique, propose de rebondir et transformer ces zones naturelles en zones constructibles et d'y bâtir d'immenses complexes touristiques. Ce qui permettra de transformer cette pseudo-catastrophe en opportunité pour la région concernée. Il sera en effet bien plus économique de bétonner toute la zone que de la nettoyer. De plus, cela induira pour la région une expansion économique inespérée. Toutefois, pour faire un geste significatif en direction des militants écologistes, le ministre de l'environnement s'engage bien évidemment à ce que ces constructions et aménagements urbains soient faits dans le respect de la nature : béton issu de l'industrie biologique, plastiques issus de la pétrochimie biologique, etc.
PRÉSENTATRICE – Autre question importante, le puits à l'origine de la marée noire est-il rebouché ? Et si non, quand le sera-t-il ?
JEANINE – Selon les responsables de l'International petroleum, il est presque impossible de reboucher le puits, mais ils estiment que d'ici 12 à 18 mois la réserve du gisement devrait être épuisée. Donc pas d'alarmisme, laissons faire la nature, comme disent nos amis écologistes.
PRÉSENTATRICE – Je vous remercie Jeanine de ces précieuses informations et nous pouvons nous féliciter une fois de plus de voir l'efficacité et le pragmatisme de notre gouvernement face au catastrophisme facile des mouvements écologistes. Changeons de sujet et abordons maintenant le principal titre du jour. C'est aujourd'hui le premier jour des vacances, les Français partent en vacances et comme il était prévu il s'agit d'une journée noire sur les routes de France. On dénombre de nombreux bouchons sur les autoroutes. Rejoignons tout de suite notre envoyé spécial Martin Ledru sur l'autoroute du Sud. Martin, c'est à vous !
MARTIN – Bonjour Michelle, effectivement, c'est l'information la plus importante d'aujourd'hui, c'est le premier jour des vacances, et les Français partent en vacances. Il y a en conséquences de nombreux ralentissements sur les autoroutes de France, et en particulier sur l'autoroute du Sud où je me trouve à l'instant.
PRÉSENTATRICE – Ralentissements ou bouchons ? Cher Martin ?
MARTIN – Des bouchons, je vous rassure, chère Michelle, de vrais beaux bouchons qui n'avancent pas !
PRÉSENTATRICE – Vous me rassurez, j'ai cru un moment avoir diffusé une information inexacte.
MARTIN – J'ai d'ailleurs à mes côtés une aimable touriste bloquée par la circulation qui va nous donner ses impressions sur sa première journée de vacances. Alors, Chère Madame, comment vivez-vous avec votre famille cette dure journée sous le soleil du Midi mais sur l'asphalte autoroutier ?
LA TOURISTE – Oh ben vous savez, c'est comme tous les ans ! On se dit qu'on est aussi bien là que dans le RER, c'est qu'une mauvaise journée à passer. Et puis c'est le folklore, on se retrouve souvent bloqués avec les mêmes d'année en année, alors on se donne des nouvelles de la famille et on se remémore les dernières vacances !
MARTIN – Mais tout de même, ce n'est pas trop long ?
LA TOURISTE – Oh vous savez, on s'arrange, on donne une bonne dose de somnifère aux enfants, une bonne dose de whisky pour mon mari et moi, et on s'amuse comme des petits fous...
MARTIN – Je frémis, vous savez que l'alcool est interdit lorsque l'on conduit.
LA TOURISTE – Quand on conduit peut-être, mais là on stationne, alors on a le droit. Et puis y a pas de flics, ils ont autre chose à faire.
MARTIN – Bien... je vous laisse en vous remerciant de votre précieux témoignage et vous souhaite de bonnes vacances.
LA TOURISTE – Salut !
MARTIN – Et voilà Michelle, l'ambiance bon enfant qui règne sur l'autoroute du Sud. Ses usagers semblent faire preuve de beaucoup de philosophie. A vous l'antenne.
MICHELLE – Merci Martin, nous allons nous rendre maintenant au central de la sécurité routière pour avoir un point général des routes de France. Nous retrouvons là-bas notre envoyée spéciale Géraldine Grivois. Géraldine, vous m'entendez ?
GÉRALDINE – Bonjour Michelle, je vous entends très bien. Bonjour également à tous nos téléspectateurs. Je vous le confirme ici du PC central de la sécurité routière. L'information essentielle aujourd'hui est que les Français partent en vacances et il y a beaucoup de bouchons sur toutes les autoroutes de France. J'ai d'ailleurs à mes côtés le colonel Autexier qui va nous le confirmer. Mon colonel, c'est à vous.
COLONEL – Bonjour. Affirmatif, l'information du jour c'est que les Français partent en vacances et il y a des bouchons importants sur toutes les autoroutes de France. Il faudra attendre la fin de la nuit pour voir la situation s'améliorer.
GÉRALDINE – Merci mon colonel. Voyez, Michelle, le colonel Autexier vient de nous confirmer l'information essentielle du jour, les Français partent en vacances et il y a des bouchons sur toutes les autoroutes de France. Ah, mais je crois que le colonel Autexier veut à nouveau intervenir. Mon colonel, une petite précision ?
COLONEL – Affirmatif, et merci de me donner à nouveau la parole. Je vous confirme que, les Français partent en vacances et il y a de nombreux bouchons sur les autoroutes de France, MAIS !
GÉRALDINE – Mais ?
COLONEL – Mais l'on constate qu'ils sont de plus en plus nombreux à utiliser les routes départementales, voire communales pour éviter ces bouchons ! Certes, nous avons encore de beaux bouchons, mais cette attitude de franc-tireur, d'individualisme, de manque de solidarité vis-vis des bons Français pris dans les bouchons, voire d'anarchisme probablement téléguidé par des groupuscules peu recommandables comme les objecteurs de croissance nous font craindre un retournement de situation dans les années à venir.
GÉRALDINE – Un retournement de situation ?
COLONEL – Hélas oui. Moins de bouchons et une circulation fluide sur toutes ces petites routes, ce qui serait la concrétisation du retour à un esprit critique et individualiste des Français, ce qui est totalement contraire au but recherché par notre glorieux gouvernement. Dieu nous en préserve (il se signe).
GÉRALDINE – Heureusement, nous n'en sommes pas encore là et cette année encore, les Français partent en vacances et il y a des bouchons sur les autoroutes de France. Merci de votre précieux témoignage mon colonel, Michelle, je vous rends l'antenne.
MICHELLE – Merci Géraldine de ces précieuses informations qui nous confirment que les Français partent en vacances et qu'il y a des bouchons sur les autoroutes de France. Nous terminerons ce reportage sur le fait que les Français partent en vacances et qu'il y a des bouchons sur les autoroutes de France en compagnie de Mme Maryse Le Pachon, porte-parole du gouvernement.
MARYSE LE PACHON – Oui, en effet, le gouvernement souhaitait intervenir et nous remercions la Chaîne de nous donner la parole. En effet, les Français partent en vacances et il y a des bouchons sur les routes de France. Il est cependant important de signaler que le gouvernement n'est pas inactif pour limiter à son maximum ce désagrément pour nos touristes bien français.
MICHELLE – Je pense que tous les téléspectateurs sont suspendus à vos lèvres, chère madame Le Pachon pour connaître les mesures prises par le gouvernement pour améliorer le confort des vacanciers français.
MARYSE LE PACHON – C'est bien simple. Le train de mesures fiscales et sociales prises depuis quelques années a fait augmenter le nombre de pauvres en France. Tant et si bien que nous sommes passés, grâce je le répète à ces justes mesures fiscales et sociales, de 62 % de vacanciers du temps de la gauche, à un petit 50 % aujourd'hui ! Imaginez la différence, cela ferait 20 % de bouchons en plus sans l'action efficace du gouvernement ! Je crois qu'il était bon de le signaler à la population qui a toujours tendance à mal interpréter les mesures prises par notre équipe gouvernementale. J'ajouterai qu'il est de l'intérêt même du gouvernement de ne pas voir ces bouchons trop se développer, car les ralentissements de vitesse qu'ils occasionnent représentent un important manque à gagner au niveau des verbalisations pour excès de vitesse. Ce sont des journées noires pour bison futé, mais noires également pour le chiffre d'affaires de la Police nationale. Il ne faudrait pas que cela dure.
MICHELLE – Je vous remercie madame Le Pachon pour ces intéressantes explications. Nous allons maintenant passer au sujet suivant en rappelant une dernière fois l'information essentielle du jour, à savoir que les Français partent en vacances et qu'il y a des bouchons sur les autoroutes de France. Passons maintenant, si vous le voulez bien, chers téléspectateurs, au volet culturel de notre magazine. Nous avons sur notre plateau Terry Bonnard, comédien principal de « Taxi 12 » et nous aurons, dans quelques minutes, en duplex avec Los Angeles, Harrisson Chrysler qui vient d'interpréter le nouveau long métrage Indiana Jokes et « Les aventuriers du déambulateur perdu ». Terry Bonnard, bonjour !
TERRY – Au revoir !
PRÉSENTATRICE – ...?
TERRY – Ha, ha , ha ! On rigole !
PRÉSENTATRICE – Excellent, cher Terry... Nous sommes tout de suite dans le ton du film, avec un humour à la fois délirant et raffiné, comme dans les précédents épisodes de la série. N'est-ce pas ?
TERRY – Ouais, ouais, c'est ça...
PRÉSENTATRICE – Pouvez-vous, cher Terry Bonnard, nous parler un peu du synopsis du film ?
TERRY – Du sinopisse ?
PRÉSENTATRICE – Décidément, vous aimez l'humour, cher Terry... je voulais dire le synopsis, le scénario, l'histoire, quoi...
TERRY – Ah ouais, l'histoire... Ben euh... Y a des courses de bagnoles, des cascades, des effets spéciaux... et puis des belles nanas ! Comme d'hab, quoi !
PRÉSENTATRICE – Bien sûr, bien sûr, cher Terry. Et comment s'est déroulé le tournage ?
TERRY – Ah putain qu'est-ce qu'on a pu troncher ! Ah ouais, super souvenir ! Et pour conduire le taxi, je vous dis pas ! J'ai même rajouté des cascades qui étaient pas prévues au départ... le réalisateur était fou, le pauvre ! Heureusement qu'il se consolait le soir en allant baiser avec Val...
PRÉSENTATRICE (l'interrompant d'urgence) – C'est certain, cher Terry, mais sa vie privée ne nous regarde pas... Et après ce superbe film qui sera sur les écrans dès demain, quels projets avez vous pour les mois qui viennent ? Encore un film ? Du théâtre ?
TERRY – Ben avec le pognon que je touche sur ce film, je vais commencer par repasser mon permis de conduire, et puis, pour faire plaisir à mon impresario, je vais peut-être faire une cure de désintoxication... Vous comprenez, je digère moins bien qu'avant, alors, faut faire un peu le ménage quelques mois, après on pourra remettre ça...
PRÉSENTATRICE – Eh bien c'est sur ces saines paroles que nous allons vous remercier, cher Terry Bonnard, en encourageant tous nos téléspectateurs à aller dès demain se précipiter dans les salles de cinéma pour découvrir « Taxi 12 ».
TERRY – Salut poulette !
PRÉSENTATRICE – Nous allons maintenant, comme promis, essayer de joindre en duplex avec Los Angeles Harrison Chrysler pour son dernier film « les Aventuriers du déambulateur perdu » où il incarne une nouvelle fois le personnage désormais mythique d'Indiana Jokes. Harrison, vous m'entendez ?
HARRISON (vieilard sénile) – Ahuéhué...
TRADUCTRICE – Bonjour la France, je vous entends parfaitement et suis très heureux d'avoir une nouvelle fois pu incarner Indiana Jokes pour le plus grand plaisir de jeunes et des moins jeunes. C'est un personnage auquel je suis très attaché puisqu'il incarne à la fois le rêve de la recherche du trésor qui est le symbole de l'enfance perdue et la lutte de la démocratie contre l'obscurantisme et la dictature.
PRÉSENTATRICE – Je vous remercie Harrison pour ces précisions. Croyez bien que le public est aussi attaché que vous à Indiana Jokes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'histoire de ce nouvel épisode des aventures de notre héros préféré ?
STEVE – Ahuéhué...
TRADUCTRICE – Le déambulateur perdu est le symbole de la jeunesse qui est l'avenir de la vieillesse. Cet objet précieux, daté du XIIIe siècle a été perdu au cours de siècles et Indiana Jokes va partir à sa recherche et tout faire pour le retrouver avant une équipe d'archéologues nazis qui veulent en faire le symbole de l'avenir du peuple aryen. Indiana Jokes met à nouveau en scène la lutte du bien contre la mal, de la lumière contre l'obscurantisme, en ajoutant la dimension de la nécessaire solidarité transgénérationnelle.
PRÉSENTATRICE – Je vous remercie Harrison pour ces précisions qui vont, je n'en doute pas, inciter les spectateurs français à courir dans les salles obscures participer à la lutte contre l'obscurantisme... hi,hi,hi ! Mais plus sérieusement, pouvez-vous nous dire, en toute confidentialité, quels sont vos projets pour l'avenir ?
HARRISON – Ahuéhué...
TRADUCTRICE – Eh bien voyez-vous, en toute confidentialité bien entendu, Harrison Chrysler souhaite désormais délaisser quelque peu l'interprétation et se lancer dans une carrière de réalisateur. Il travaille actuellement sur un scénario dont il est lui-même l'auteur, une très belle histoire d'amour entre une splendide infirmière et le jeune pensionnaire d'une maison de retraite...
PRÉSENTATRICE – Je vous remercie, cher Harrison, d'avoir bien voulu répondre à nos questions peut-être indiscrètes, et c'est sur ce dernier scoop que nous allons vous quitter en attendant le plaisir de vous retrouver non pas devant, mais derrière la caméra !
HARRISON – Ahuéhué...
TRADUCTRICE – Harrison ajoute pas seulement derrière la caméra, mais aussi derrière l'infirmière... Son sens de l'humour est toujours aussi pénétrant ! Enfin, pénétrant... Bon, je vous laisse, il faut que j'aille lui changer sa couche.
PRÉSENTATRICE – Merci encore Harrison Chrysler. Avant d'aborder les faits divers du jour, peut-être avons-nous des nouvelles de Patrice Lefoutre qui se trouve en ce moment-même boulevard Saint-Nicolas devant l'hôtel où se trouve incognito Melinda Fuckwell, hôtel du 24 boulevard Saint-Nicolas dont nous tairons le nom pour respecter la vie privée de la célèbre chanteuse... Patrice, avez-vous du nouveau ?
PATRICE – Tout à fait Michelle, je vous entends et j'ai du nouveau, et vous, m'entendez-vous ?
PRÉSENTATRICE – Nous vous entendons parfaitement cher Patrice, c'est à vous, nous vous écoutons...
PATRICE – Eh bien voyez-vous, chère Michelle, après le scoop des cigarettes fumées par la grande Melinda Fuckwell, je ne me suis pas arrêté en si bon chemin et ai continué à inspecter les poubelles de l'hôtel. J'y ai trouvé un emballage d'aspirine d'origine américaine. Cet indice capital me permet de révéler que Melinda a mal au crâne et qu'elle n'a pas ses règles, auquel cas elle aurait consommé du paracétamol et non pas de l'aspirine. Autre fait important, toutes les lumières des chambres sont désormais éteintes sauf une, mais comme nous ne savons pas quelle est la chambre de Melinda, impossible pour l'instant de savoir s'il s'agit bien de sa chambre...
PRÉSENTATRICE – Merci Patrice pour cet excellent travail qui montre une fois de plus ce que le mot journalisme veut dire. Et n'hésitez surtout pas, cher Patrice, à nous tenir informé de toute évolution de la situation;
PATRICE – Je n'y manquerai pas chère Michelle, à tout à l'heure, je retourne à mes investigations...
PRÉSENTATRICE – Abordons maintenant rapidement le volet des faits divers de notre journal. On nous signale une intoxication alimentaire liée à l'eau en Chine. On dénombre entre 30 000 et 50 000 morts, il est difficile pour l'instant de faire le point. Nous allons tenter de joindre notre correspondante en Chine, Isabelle Serman. Isabelle, vous m'entendez ?
ISABELLE (visiblement ivre) – Pas si fort, Mimi ! Tu me casses les oreilles !
PRÉSENTATRICE - ... Bonsoir Isabelle, je constate que la liaison est parfaite avec la Chine, et que...
ISABELLE – Et toi ta liaison avec Momo elle est parfaite aussi ? J'rigole, ma petite Mimi... Et par ça, ça va comme tu veux ?
PRÉSENTATRICE – Heu... je vous demandais donc, chère Isabelle, si l'information selon laquelle une importante intoxication alimentaire liée à l'eau de consommation touchait actuellement la Chine se confirme...
ISABELLE – Un peu mon n'veu ! Putain, y en a plein les trottoirs, des chinetoques crevés ! Ça pue la charogne partout, j'en ai la gerbe ! Heureusement, j'ai de quoi me soigner, moi ! Eh, j'touche plus à l'eau, moi, que du whisky, et du bon de préférence ! Holà, faut pas prendre de risque avec la santé ! T'es pas d'accord, ma poule ? (coupure d'image (extinction de la douche sur Isabelle))
PRÉSENTATRICE (faussement surprise) – Oh, je suis désolée, chers téléspectateurs, nous n'avons plus l'image de notre correspondante en Chine Isabelle Serman, nous allons donc passer à notre sujet suivant...
ISABELLE – Tu m'vois plus mais moi j't'entends, Mimi ! Alors j'te bise et j'retourne me coucher, j'ai comme un coup de barre. A plus et la bise à toute l'équipe !
PRÉSENTATRICE – (essayant de couvrir (mais pas trop) la voie d'Isabelle) – Notre sujet suivant... la faim dans... le monde. La famine s'étend... en effet sur toute l'Afrique et une grande part de l'Asie, ainsi qu'en Amérique du Sud. C'est un problème extrêmement préoccupant dont nous allons débattre avec notre invité sur notre plateau, en exclusivité pour notre chaîne, notre ministre de la solidarité internationale, madame Henriette Dupatain. Madame la ministre, la faim dans le monde, c'est un sujet gravement préoccupant, au sujet duquel les Français aimeraient bien connaître la position du gouvernement que vous représentez...
HENRIETTE – Eh bien, chères élecspectatrices, chers élecspectateurs bonsoir. Je remercie, chère Michelle, votre chaîne de permettre au Gouvernement de s'exprimer sur ce sujet crucial. Le Gouvernement, vous le savez, est très attaché aux valeurs qui lui sont chères. Nous ne perdons pas de vue l'objectif qui est le nôtre, c'est-à-dire d'atteindre le but que nous nous sommes fixé. Nous ne nous laisserons pas écarter par des politiciens politicards du chemin que nous avons choisi et que nous entendons bien poursuivre jusqu'à son but ultime, lequel but ultime est celui que nous avons choisi depuis le début de notre mandat. Les Français en ont assez de la langue de bois politicarde et attendent du parler vrai, des actions. Nous avons donc décidé d'intervenir énergiquement et selon les convictions qui sont les nôtres sur la scène internationale pour agir utilement contre la faim dans le monde. Nous allons en effet lancer une pétition qui visera à interdire, non seulement la faim dans le monde, mais également la malnutrition et l'aérophagie ! Nous allons en outre publier sur le site internet de l'UPM toute une série d'articles sur la cuisine économique. Nous participerons ainsi à l'éducation de ces masses en les aidant à construire elles-mêmes leur budget nourriture.
PRÉSENTATRICE – Je vous remercie, madame la ministre de ces excellentes nouvelles... mais n'avez-vous pas quelque mesure plus concrète, avec des effets plus immédiats ?
HENRIETTE – Vous êtes décidément bien impatiente, chère madame... Oui, bien sûr, fidèle à lui-même, notre gouvernement a également prévu quelques mesures destinées à rassurer les élecspectatrices et élecspectateurs. Il faut en effet stopper le plus vite possible et le plus efficacement possible cette dramatique progression de la faim dans le monde. Voici ce que nous allons faire. Nous allons dès le 1er janvier prochain fermer nos frontières à toute exportation de denrées alimentaires et constituer d'immenses stocks ici-même en France afin de conjurer tout risque de famine sur notre territoire. Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement une fois de plus n'hésite pas à innover et agir avec célérité et efficacité.
PRÉSENTATRICE – Merci madame la ministre d'avoir bien voulu répondre à nos questions et rassurer nos téléspectateurs sur l'action du Gouvernement face à ce grave problème. Ah, mais on me signale que Patrice Lefoutre cherche à nouveau à nous joindre... Patrice, m'entendez-vous ?
PATRICE – Ve vous entends parfaitement, Mifelle, ve vous entends parfaitement.
PRÉSENTATRICE – Je rappelle, cher Patrice, pour les téléspectateurs qui nous auraient rejoint récemment que vous êtes en direct devant l'hôtel...
PATRICE (l'interrompant) – Pas exvactement, fère Mifelle, ve me trouve actuellement à la clinique des Glyfines, la plus profe de l'hôtel de Melinda Fsuckwell...
PRÉSENTATRICE – Je vous prie de bien vouloir m'excuser, cher Patrice, mais doit rectifier pour nos téléspectateurs, il s'agit en fait de la célèbre chanteuse Melinda Fuckwell, actuellement incognito à Paris. Mais je me trouve terriblement inquiète, cher Patrice, vous me parlez de clinique, la célèbre chanteuse américaine serait-elle souffrante ?
PATRICE – Eh bien... pas à ma connaifanfe, fère Mifelle. Ve fuis allé au bout de ma mifion de vournaliste et ai tenté d'entrer en contact avec un employé de l'hôtel...
PRÉSENTATRICE – Et alors, Patrice, alors ?
PATRICE – Heu... v'ai fini par apprendre qu'il ne s'avifait pas de Melinda Fuckwell avec un F comme Fernande, mais Melinda fuckwell avec un f comme Fuzanne. Ce qu'entendant, les badauds amassés sur le trottoir me font tombés defus à bras raccourfi, prétexftant que ve leur avais fait rater leur feuilleton préféré à la télévivion... D'où la clinique... Voilà, voilà... Ve vais rendre l'antenne, ifi Patrife Lefoutre, envoyé fpéfial... heu...
NOIR
BERNADETTE, EMPLOYÉE DE MAISON
UN COUPLE EN PÉRIL
Entrée et salon d'un appartement. Juste un peu de mobilier.
BERNADETTE – Bonjour monsieur ! Je suis bien chez M. et Mme Dutour ?
ANTOINE – Effectivement, mais si c'est pour nous vendre quelque chose, ce n'est pas trop le moment !
BERNADETTE – Pas du tout, monsieur Dutour. Je me présente : Bernadette Dieudonné. Je viens pour la place d'employée de maison.
ANTOINE – Je ne suis pas au courant. Ce doit être encore un coup de ma femme, mais je doute qu'elle aie envie de donner suite maintenant !
JULIE (qui entre en furie avec ses valises) – Salaud ! Et tu crois que tu vas l'emporter au Paradis ! Eh bien tu apprendras qu'avec moi il vaut mieux se méfier de l'eau qui dort ! Adieu, tu recevras de mes nouvelles par mon avocat !
ANTOINE – (à Bernadette) Au revoir, madame, désolé, j'ai autre chose à faire que de m'occuper de vous. (à Julie) Mais enfin, Julie, tu ne peux pas partir comme cela ! Je te dis que c'est un malentendu ! Et ce soir, en plus !
JULIE – Ben voyons ! Monsieur ne veut me garder que parce que je suis décorative ! De mieux en mieux ! Encore une bonne raison pour ne pas rester une seconde de plus à respirer l'air que tu as pollué !
ANTOINE – Et les enfants, Julie ! Pense aux enfants ! Qu'est-ce qu'ils vont devenir, sans toi ?
JULIE – Les enfants, ils ont 18 et 20 ans ! Ils n'ont plus vraiment besoin que je leur change les couches ! Ils pourront venir me voir quand ils voudront. Eux. Je les contacterai sur leurs portables ou par internet. Allez, salut, minable ! (elle sort en claquant le pendrion...)
ANTOINE – Mais enfin, Julie... Et merde, elle est partie.
BERNADETTE – (à Dieu) Dites, mon Dieu, sans vouloir critiquer, vous êtes sûr que c'est bien là que je devais venir ? Parce qu'à par leurs problèmes de cœur, ils n'ont pas l'air d'être vraiment dans le besoin...
DIEU (off) – Aie confiance, Bernadette... Un peu de patience et tu verras.
BERNADETTE – (à Dieu) OK, c'est vous le chef ! Moi, ce que j'en dis...
ANTOINE – Mais, vous êtes encore là, vous ? Vous pouvez partir, ce n'est pas moi qui vous ai demandé de venir et vous comprendrez que j'ai autre chose à faire que du social...
BERNADETTE – (à Dieu) Vous voyez, mon Dieu, qu'est-ce que je disais ? (à Antoine) Bon ben, tant pis, alors... Au revoir, monsieur Dutour. Et bon courage pour la suite... (elle va pour sortir, pas trop vite quand même...)
ANTOINE – Hep ! Attendez une seconde ! Vous êtes libre, ce soir ?
BERNADETTE – Heu... Oui, mais j'étais venue là pour travailler, pas pour me faire draguer. Et puis pour tout vous dire franchement, je trouve un peu cavalier de votre part de m'inviter à dîner alors que votre femme vient juste de claquer la porte ! Vous allez un peu vite en besogne. Vous n'êtes pas du genre à porter le deuil, vous...
ANTOINE – Non, non... Vous vous méprenez. Ou je me serai mal exprimé. Ma proposition est des plus honnête, il s'agit de travail, mais juste pour la soirée.
BERNADETTE – Les bouche-trou, ce n'est pas trop mon truc, mais dites toujours, on ne sait jamais...
ANTOINE – Voilà... J'avais invité ce soir mon patron et sa femme à dîner. Je voulais en profiter pour lui demander une augmentation, mais si je suis seul, je ne m'en sortirai jamais. Et si ça se passe mal, à la place d'une augmentation, je risque même peut-être de perdre ma place. Alors si vous pouviez me dépanner...
BERNADETTE – Pour faire la popotte, le service, la vaisselle ? Pas de problème, je suis un vrai cordon bleu. Et puis question salaire, je me paierai en nature avec un bon dîner, ça me suffira. Avec un coup à boire, quand même !
DIEU – Hum, hum...
BERNADETTE – Un petit coup à boire, bien sûr...
ANTOINE – En fait, vous ne m'avez pas bien compris, madame... Dieudonné, c'est ça ? Ou alors je me suis mal exprimé...
BERNADETTE – C'est que ça commence à devenir une habitude, chez vous, de mal vous exprimer. Je comprends que votre femme ait eu envie de vous quitter. Et appelez-moi Bernadette, ça ira plus vite.
ANTOINE – Ne plaisantez pas, s'il vous plaît. Ce n'est pas seulement d'une employée de maison, dont j'ai besoin, ce soir, c'est aussi d'une femme...
BERNADETTE – Ho là ! Pour qui vous me prenez ? Il y a des spécialistes de cela qui existent. Si vous voulez, je peux vous dire où en trouver. Mais ne comptez pas sur moi pour la bagatelle. Je ne mange pas de pain de fesse ! (à Dieu) Dites-donc, mon Dieu, c'est encore une de vos blagues ? Je dois rire ?
DIEU – Tu sais, Bernadette que parfois je désespère de toi ? Il y a des moments où tu ne comprends rien à rien. Ecoute ce qu'Antoine essaie de te faire comprendre...
BERNADETTE – (à Antoine) Bon alors, c'est quoi, votre truc ?
ANTOINE – C'est tout simple et très honnête, vous allez voir. Il s'agirait bien sûr de m'aider à préparer et servir le repas, mais aussi, et surtout, de jouer le rôle de ma femme vis-à-vis de mon directeur. Un travail de comédienne, en quelque sorte...
BERNADETTE – (à Dieu) Dites, mon Dieu, « tu ne mentiras point », ce n'est pas vous qui avez écrit ça un jour, non ?
DIEU – Bernadette, tu commences à m'énerver. Occupe-toi de ton boulot et laisse-moi travailler, je n'ai pas que toi à m'occuper, imagine-toi !
BERNADETTE – (à Dieu) OK, boss, j'assume... mais quand même ! (à Antoine) Dites, je me suis trompé de date, là ! On est le 1er avril ? C'est mardi-gras ? Faut que je me déguise ? Vous trouvez vraiment que j'ai le look de la femme d'un cadre supérieur ? Parce que sans indiscrétion, quand je vois votre maison, vos meubles et tout le reste, vous devez toucher un peu plus que le RSA, non ?
ANTOINE – Ne vous inquiétez pas, je pense que l'on trouvera dans la garde-robe de ma femme quelque chose qui vous ira. Vous devez faire à peu près la même taille qu'elle. Quant au reste, j'essaierai de vous donner le maximum d'informations le temps que nous préparerons le repas. Alors c'est d'accord ?
BERNADETTE – D'accord, mais c'est bien parce qu'il faut. Personnellement, je n'aime pas trop ce genre de coup fourré. Bon, c'est où la cuisine, que je me fasse une idée ?
ANTOINE – Par ici, la première porte à votre droite. De mon côté j'appelle les enfants pour les mettre au courant et qu'ils ne fassent pas de gaffe tout à l'heure. Courage, nous avons deux bonnes heures devant nous ! (Bernadette sort, Antoine crie pour appeler ses enfants) Caroline ! Pierre ! Venez dans le salon, s'il vous plaît ! J'ai quelque chose d'important à vous dire !
CAROLINE – Si c'est pour nous dire que Maman a encore fait ses valises, ce n'est pas la peine, on a entendu...
PIERRE – Et on la comprend... j'ai vu les photos qui ont été envoyées par mail... dans le genre compromettant, c'est réussi. Tu caches bien ton jeux, mon vieux père !
ANTOINE – Mais ça suffit, à la fin ! Puisque je vous dis que ce sont des photos truquées ! C'est quelqu'un qui veut me faire une blague ! Je suis sûr que d'ici deux ou trois jours on saura de qui il s'agit, un de nos copains va bien vendre la mèche...
CAROLINE – Et l'adresse de l'expéditeur, qu'est-ce que tu en fais ? Lulu@orange.fr ! C'est qui cette Lulu ? Une pute ou une collègue de bureau ?
PIERRE – En tout cas, Maman lui a envoyé un message, je ne savais pas qu'elle connaissait autant de mots grossiers ! Elle s'est lâchée, la mère !
ANTOINE – En attendant, on réglera tout ça plus tard. L'urgence, et c'est pourquoi je vous ai demandé de venir, c'est que dans moins de deux heures mon patron sera là à dîner avec sa femme. Et comme votre mère n'est pas là, j'ai demandé à Bernadette de tenir son rôle pour la soirée. Alors ça m'arrangerait que vous ne fassiez pas de gaffe et que vous fassiez semblant que Bernadette soit vraiment votre mère. OK ?
CAROLINE – Bernadette ? C'est qui cette Bernadette ?
PIERRE – On ne la surnomme pas Lulu, par hasard ?
ANTOINE – Mais non ! Pas du tout ! Elle arrivait par hasard, justement, au moment où votre mère partait. Elle venait pour un poste d'employée de maison. Je n'étais pas au courant, je pense que c'est Julie qui l'avait convoquée. Elle allait repartir quand je me suis dit qu'elle tombait à pic pour me sauver la soirée et, peut-être, mon avenir professionnel.
CAROLINE – Bernadette, la femme qui tombe à pic ! On se croirait dans une série télé, ma parole !
PIERRE – Sauf que moi je n'ai pas envie d'embrasser cette Bernadette devant ton patron juste pour lui faire croire que c'est ma maman chérie ! Faut pas charrier !
ANTOINE – Ne t'inquiète pas, Pierre. Vous avez quartier libre toute la soirée. Je vous paye le resto et le cinéma, je ne veux pas vous revoir avant 23 heures. D'ici là, si mon patron n'est pas parti, vous passez vite fait, vous lui dites bonjour et vous filez vous coucher en nous disant bonne nuit de loin. Comme cela, ça limitera le risque de gaffes et vous n'aurez pas à embrasser votre chère maman de remplacement. Mais au cas où, je vais quand même vous la présenter. Elle est dans la cuisine, je vais la chercher.
CAROLINE – Bon. Le point positif, c'est qu'il nous offre le resto et le cinéma, profitons-en. Que Maman parte en claquant la porte, on est habitués. Par contre, cette histoire de photo risque de poser un gros problème de couple...
PIERRE – Tu as raison. Je te propose de mener une petite enquête, et aussi d'essayer de gérer nos parents. Ce sont de véritables enfants.
ANTOINE – Caroline, Pierre, je vous présente Bernadette, qui a gentiment accepté de sacrifier sa soirée pour sauver la mienne et ma relation avec mon patron.
BERNADETTE – Bonsoir les enfants ! Enfin quand je dis les enfants... vous n'êtes plus des bébés ! Je peux vous appeler par vos prénoms ? Moi c'est Bernadette. Ça passera mieux que Maman et comme cela se fait dans certaines familles, je pense que le patron de M.Dutour ne fera pas la différence.
CAROLINE – B'jour.
PIERRE – Brmm.
ANTOINE – Bon, eh bien moi je vais vous laisser faire connaissance, je reviens dans trois minutes, le temps d'essayer de joindre votre mère sur son portable. (il sort)
BERNADETTE – Allez, ne faites pas la gueule, les jeunes ! Je sais que la situation n'est pas facile, mais ce n'est pas la peine d'en rajouter ! Essayons plutôt de faire rapidement connaissance pour ne pas vendre la mèche quand le patron de votre père sera là.
CAROLINE – Brmm.
PIERRE – Brmm.
BERNADETTE – Vous allez rire, mais je n'ai pas bien compris ce que vous venez de dire. Vous avez avalé un sèche-cheveux ou un rasoir électrique ? (à Dieu) Dites, mon Dieu, vous me donneriez un petit coup de main que ce ne serait pas de refus...
CAROLINE – Oh ça va, hein ! Foutez-nous la paix, on ne vous a rien demandé.
PIERRE – C'est vrai quoi, quelle idée il a eue, mon père, de vous demander de remplacer notre mère ?
BERNADETTE – Miracle ! Ils parlent !
CAROLINE – Très drôle...
DIEU – Pour répondre à ton aimable demande, ma bonne Bernadette, tu peux leur parler de certaines plantations particulières au fond du jardin de leurs parents, et du petit commerce qu'ils ont monté avec leurs récoltes... Cela devrait t'aider à les amadouer...
BERNADETTE – (à Dieu) Merci chef, super !
DIEU – Pas de familiarités, Bernadette ! Combien de fois te l'ai-je répété ?
BERNADETTE – (à Dieu) Oh pardon, mon Dieu, c'est que je prends cette histoire tellement à cœur ! (à Pierre et Caroline) Bon, dites, Caroline et Pierre, vous serez gentils de prendre les choses autrement. Je ne suis là que pour rendre service.
PIERRE – Service à qui ? A notre mère ou à Lulu ?
BERNADETTE – A vos deux parents ! Bande d'ingrats ! Quant à cette Lulu, je m'en occuperai après.
CAROLINE – Parce que vous la connaissez ?
BERNADETTE – Pas encore, mais je connais quelqu'un qui la connaît forcément et qui va pouvoir nous aider. Faites-moi confiance.
PIERRE – Du bluff ! Nous, tout ce que l'on veut, c'est retrouver nos parents ensemble.
CAROLINE – Et ne comptez pas trop sur nous pour vous aider à lécher le cul du patron de notre père !
BERNADETTE – Devant votre aimable et spontanée collaboration, est-ce que vous seriez davantage convaincus si j'allais proposer à votre père de faire un petit tour au fond du jardin et y découvrir certains végétaux prohibés ? Hein ?
PIERRE – Quoi ? Mais comment vous savez ?
CAROLINE – C'est vrai, comment vous avez fait ?
BERNADETTE – C'est mon secret. Disons que j'ai des relations bien placées...
PIERRE – Puisque vous faites du chantage, nous allons collaborer...
CAROLINE – Mais on fera le minimum, faut pas exagérer, quand même !
ANTOINE (revenant sur le plateau) – Elle refuse de répondre ! Alors, les enfants, vous avez fait connaissance avec Bernadette ? Tout va bien ?
BERNADETTE – Le mieux possible ! Nous nous sommes découverts une véritable complicité après avoir parlé de végétaux. Vos enfants adorent les plantes, vous le saviez, monsieur Dutour ?
ANTOINE – Première nouvelle, mais je ne peux qu'encourager. Le jardinage, la nature est ce qu'il y a de mieux pour apprendre la vie. Mais cessez de m'appeler monsieur Dutour. Appelez-moi Antoine. Prenons l'habitude de nos prénoms avant que nos invités n'arrivent.
BERNADETTE – D'accord, Antoine, alors vite en cuisine, nous n'avons plus une minute à perdre !
ANTOINE – Je vous rejoins, Bernadette, le temps de donner la consigne à Caroline et Pierre pour dresser le couvert. (Bernadette sort) Les enfants, je compte sur vous pour nous faire une belle table, je joue mon avenir sur cette soirée. Dès que c'est fait, vous avez quartier libre. Merci d'avance... et pour votre mère, ne vous inquiétez pas trop. Je suis sûr que nous saurons très vite qui est cette Lulu... (il sort)
CAROLINE – Merci pour la corvée ! Heureusement qu'il y a le resto et le ciné derrière ! Allez, au boulot, galérien...
PIERRE – Tu sais quoi ? J'ai bien envie, plutôt que d'aller au cinéma après le resto, d'emmener mon ordinateur portable et de quêter la Lulu sur internet en traînant un peu au resto.
CAROLINE – Super idée, petit frère. On va éplucher cette photo, essayer de savoir si c'est un montage comme le dit Papa, et puis fouiller un peu sur le net pour quêter la Lulu, comme tu dis.
PIERRE – Ouf, ça y est, la table est mise, les domestiques peuvent disposer ! (on sonne) Et voilà le taulier de Papa ! Je vais le chercher pendant que je te laisse accueillir ces nobles invités...
CAROLINE – Lâche, pourquoi moi ?
PIERRE – Le charme féminin sœurette... (il sort vers la cuisine pendant que Caroline sort vers l'entrée)
CAROLINE (qui revient suivie du couple d'invités) - … et si vous voulez bien vous donner la peine de vous installer au salon, mon père va venir vous accueillir dans un instant.
PATRON – Votre père ? Son épouse n'est pas là ?
CAROLINE – Si, si, bien sûr, mais je pense qu'elle va s'attarder un peu en cuisine. Elle vous rejoindra plus tard.
PATRONNE – Elle fait la cuisine elle-même, avec ses mains ? Comme cela doit être amusant !
PATRON – Il suffit, Bernadette. Vous, vous n'avez jamais rien su faire de vos dix doigts, alors...
PATRONNE – Parce que vous, mon ami, vous seriez capable de faire quelque chose des appendices qui prolongent vos bras ? A part signer des documents, peut-être ?
PATRON – Mais je joue au golf, moi. Et pas si mal que cela !
PATRONNE – Ce n'est pas ce que semblait sous-entendre votre directeur-adjoint l'autre jour...
PATRON – Laissez Luderche en dehors de cela, voulez-vous, et cessons cette discussion qui ne doit guère intéresser mademoiselle...
CAROLINE – Oh, ne vous inquiétez pas. Mes parents aussi ont parfois des petites disputes... comme tous les couples.
ANTOINE (qui arrive) – Monsieur Duchausson ! Et Madame ! Quelle joie de vous recevoir chez moi ! J'espère que ma fille Caroline ne vous a pas dit trop de bêtises le temps que j'arrive...
PATRON – Nullement, mon cher Dutour, nullement. Elle est au contraire charmante et c'est plutôt elle qui a subi nos bêtises à mon épouse et moi-même. Germaine, je te présente Antoine Dutour, l'un de mes proches collaborateurs ; Dutour, je vous présente mon épouse Germaine.
ANTOINE – Enchanté, chère madame. Mon épouse peaufine le repas en cuisine et va nous rejoindre d'ici quelques minutes.
PATRONNE – J'ai en effet hâte de faire sa connaissance ! Si j'osais, cher monsieur Dutour, je vous demanderais bien une faveur...
ANTOINE – Osez, chère madame, vous savez que je ne peux rien vous refuser...
PATRONNE – Eh bien voilà... Ce qui me ferait vraiment plaisir, c'est de rejoindre madame Dutour à la cuisine et voir comment elle fait... J'aimerais tellement, moi aussi, savoir faire la cuisine. Mais vous savez ce que c'est, avec les domestiques. Ils font tout et il ne nous reste plus rien à faire...
ANTOINE – Mais avec joie, chère madame. Elle se fera un plaisir de vous initier. Ma fille Caroline va vous accompagner auprès d'elle. Après, Caroline, toi et ton frère pourrez disposer.
CAROLINE - PIERRE – Au revoir monsieur Dutour, à tout à l'heure Papa. (ils sortent)
PATRON – Vos enfants ne restent pas dîner avec nous ?
ANTOINE – Oh, vous savez, monsieur Duchausson, les jeunes avec les jeunes, les vieux avec les vieux ! Nous serons plus tranquilles et eux s'ennuieront moins.
PATRON – Vous devez avoir raison, je suis probablement vieux jeu... Mais il me semble que l'unité familiale est le socle de notre société. Je ne supporte plus, voyez-vous, ces couples qui se séparent pour un oui ou pour un non, ces couples qui se trompent, ces enfants qui s'éduquent tout seuls devant la télévision ou un ordinateur ! Voire qui se droguent ! Les vraies valeurs se perdent ! Vous ne trouvez pas ?
ANTOINE – Tout à fait, monsieur Duchausson, tout à fait... Nous en parlions encore aux enfants à midi, mon épouse et moi-même...
PATRON – Et l'église, mon bon Dutour, l'église... plus personne n'y va. Je suis sûr que vous-même...
ANTOINE – ... Oh mais si, nous y allons... régulièrement. Chaque fois que nous retournons dans notre village natal. Je ne supporte que la petite église de mon village, sans ors ni décorations.
PATRON – Vous devriez essayer Saint-Eustache, c'est ce brave Lucien... Lucien Luderche, mon adjoint, qui me l'a conseillée. Toute simple, le père Raymond, qui fait les offices est, ma foi, tout à fait dans son rôle, et le stationnement est des plus aisé !
ANTOINE – Saint-Eustache...
PATRON – Mais oui, Dutour. Je compte sur vous et votre famille dimanche prochain. L'office est à 10 heures. Et puis ce sera symboliquement une façon de réunir les forces vives de l'entreprise : mon adjoint Luderche, vous et, bien sûr, moi-même !
BERNADETTE (qui revient avec Patronne) – Hélas non, cher Monsieur Duchausson, mon mari a oublié que dimanche prochain nous déjeunons chez mes parents en Charente...
ANTOINE – Suis-je bête ! J'avais complètement oublié... Merci Julie de me l'avoir rappelé.
BERNADETTE – Non, c'est Bernadette !
PATRON – Bernadette ? (à sa femme) Mais qu'avez-vous encore été raconter, ma pauvre amie ?
PATRONNE – Mais je n'ai rien dit, moi ! Je me prénomme Bernadette, certes, mais je n'ai rien à voir avec la réunion de famille de madame Dutour !
BERNADETTE – Oh ? Quelle coïncidence... Bernadette, c'est aussi le prénom... de la sœur de Maman... elle m'a téléphoné tout à l'heure pour me rappeler cette petite réunion de famille...
ANTOINE – Eh oui... Tatie Bernadette... Julie.
BERNADETTE – Et donc, cher monsieur Duchausson, il faudra vous contenter de la présence de votre cher collaborateur monsieur Luderche pour l'office de dimanche prochain. Il s'agit bien de Lucien Luderche, si je ne m'abuse ?
PATRON – Précisément, chère madame. Vous le connaissez ? Quelle coïncidence !
BERNADETTE – Par ouïe dire... C'est... mon père qui m'a un peu parlé de lui. Mais si nous passions à table !
PATRONNE – Avec joie ! Je meurs de faim et de vous avoir vu préparer toutes ces victuailles m'a mis en appétit comme jamais.
Noir très court, bruits de couverts, on débarrasse la table et la lumière revient sur les deux hommes assis au salon un verre à la main.
PATRON – Votre femme est véritablement charmante, mon cher Dutour, quelle chance vous avez !
ANTOINE – Mais madame Duchausson n'est pas en reste... et pleine d'une certaine candeur très rafraîchissante à une époque où tout le monde est blasé de tout.
PATRON – Vous êtes trop aimable, Dutour. C'est une enfant... une adolescente, tout au plus. Mais lorsque nous étions jeunes... Bref. Ce fut une soirée des plus agréables et je vous en remercie.
ANTOINE – Vos paroles m'honorent, monsieur Duchausson... et si je puis me permettre...
PATRON – Quoi donc Dutour ? Vous n'allez quand même pas avoir le culot de me faire le coup de la demande d'augmentation au moment du cognac ? Si vous saviez le nombre de mes collaborateurs qui m'ont invité uniquement dans ce but ! Quelle naïveté !
ANTOINE – Une augmentation ? Quelle idée ! Cela ne me serait jamais venu à l'idée...
PATRON – Parce que si c'est une augmentation que vous souhaitiez me demander, d'une part cela aurait été extrêmement maladroit de votre et part, et d'autre part...
ANTOINE – D'autre part, monsieur Duchausson ?
PATRON – D'autre part... j'aurais préféré ne pas vous en parler ce soir pour ne pas gâcher cette excellente soirée... mais ce n'est vraiment pas le moment.
ANTOINE – Vous avez des soucis avec l'entreprise, monsieur Duchausson ? Je peux peut-être vous aider ?
PATRON – J'en doute, Dutour. Luderche m'a remis ce matin le dernier tableau de bord, et la situation est grave. Nous allons devoir restructurer l'entreprise...
ANTOINE – Je suis étonné. Pourtant l'usine tourne à plein régime. Non ?
PATRON – A plein régime mais en perdant de l'argent. Je suis comme vous. Je ne comprends pas pourquoi, et je vais m'y atteler dès demain. En attendant, les chiffres sont têtus et nous allons devoir nous séparer de quelques collaborateurs...
ANTOINE – Quel malheur pour ces pauvres gens...
PATRON – Pauvres gens... dont vous faites partie, hélas, mon bon Dutour.
ANTOINE – Moi ? Mais, si je puis me permettre, monsieur Duchausson, je ne manque pas de travail et ne pense pas avoir fauté !
PATRON – Certes non, ce n'est pas vous qui êtes en cause. Nous allons simplement supprimer votre service et confier la mission de la comptabilité à un cabinet extérieur. Ce bon Luderche m'en a trouvé un pas trop cher ; un ami à lui qui a consenti un tarif défiant toute concurrence.
ANTOINE – Eh bien ! Il ne manquait plus que cela ! Moi qui espérais vous proposer une évolution de notre système comptable qui présente des failles...
PATRON – Désolé, Dutour. C'est trop tard. Les failles ont creusé un trou financier qu'il va falloir boucher en faisant des économies. Mais j'ai confiance en vous, vous allez rebondir. Vous avez toutes les capacités pour devenir responsable financier d'une société.
ANTOINE – Rebondir... avec la conjoncture économique et à plus de quarante ans... ce n'est pas gagné, vous savez.
PATRONNE – Alors les hommes ? On papote ?
PATRON – Te voilà enfin Bernadette ! Mon cher Dutour, chère madame Dutour, nous vous remercions à nouveau mon épouse et moi-même de cette excellente soirée, mais nous allons prendre congé. Tu viens, Bernadette ?
PATRONNE – Eh bien alors au revoir... et merci encore.
BERNADETTE – Au revoir, mais je vous en prie, tout le plaisir était pour nous. Bon retour chez vous !
ANTOINE – Bonsoir, monsieur Duchausson. A lundi ?
PATRON – Bien sûr, Dutour, à lundi, nous avons quelques éléments à régler avant... avant, quoi. (ils sortent)
BERNADETTE – Ouf, partis ! Je n'en pouvais plus de cette Bernadette nunuche et de cet empaffé qui la chaperonne ! A part la gaffe du début, ai-je bien tenu mon rôle et mérité mon repas ?
ANTOINE – Oui, oui..
BERNADETTE – Oulala ! Ça n'a pas l'air d'aller fort, vous ! Vous n'avez pas obtenu ce que vouliez ?
ANTOINE – Non seulement je n'ai pas obtenu ce que je voulais, mais en plus j'ai appris que j'allais être viré !
BERNADETTE – Hein ? Vous avez fait une connerie ?
ANTOINE – Même pas ! J'avais bien vu qu'il y avait des choses pas claires dans la comptabilité... mais c'est pire que je croyais. Ils suppriment le service comptable pour le confier à un cabinet extérieur. Et moi, je saute !
BERNADETTE – Eh bien moi, je trouve cela dégueulasse ! (à Dieu, pendant que Antoine est effondré sur le canapé) Mayday, mayday, mayday, y-a quelqu'un là haut ? Ici Bernadette, j'appelle Dieu tout puissant... Je répète, ici Bernadette, je…
DIEU – Oh, ça va, j'arrive ! C'est quoi, ce bazar, Bernadette ? J'étais en train de m'occuper du conflit à la tête du parti socialiste... j'espère que tu me déranges pour quelque chose de sérieux !
BERNADETTE – C'est la cata côté famille Dutour, mon Dieu. Les enfants, c'est pas trop grave, je peux gérer avec le tuyau que vous m'avez donné. La photo truquée, là aussi, vous m'avez donné la piste à suivre, je gère. Et du coup, le couple pourra se retrouver et mieux s'occuper des enfants. Mais ils ont une nouvelle emmerde !
DIEU – Tu sais ce qui me ferait plaisir, Bernadette ?
BERNADETTE – Ben non...
DIEU – C'est que tu t'exprimes un peu moins vulgairement et grossièrement quand tu t'adresses à moi. Je suis ton patron, quand même !
BERNADETTE – OK boss. Or donc une nouvelle mésaventure est venue ternir la journée de la famille Dutour. Antoine Dutour, ici présent a appris récemment dans au cours d'un dîner auquel il avait convié son directeur, que ce dernier avait pour projet de le licencier de l'entreprise dans laquelle il travaille. La cause dudit licenciement est une situation financière semble-t-il très fortement préoccupante. Peut-être, du haut de votre omniscience, de votre omnipotence et de votre omniprésence pourrez-vous condescendre à m'apporter quelque aide, ce dont je vous serai d'une infinie reconnaissance. C'est mieux ?
DIEU – Te fous pas de ma gueule !
BERNADETTE – Ah, vous voyez, vous aussi...
DIEU – Mais c'est toi, aussi. Tu fais tout pour m'énerver. Tu as de la chance de faire du bon boulot, tu sais.
BERNADETTE – Bon, et pour mon histoire ?
DIEU – Ma réponse sera limpide. Même cause, mêmes effets : c'est Lulu ! Mais je ne vais pas te mâcher le travail, mène ta petite enquête et viens me faire un rapport quand tout sera rentré dans l'ordre. Je te laisse, il faut que j'aille surveiller le pape qui va encore dire des conneries sur les préservatifs si je le laisse faire.
BERNADETTE – Lulu ? Bon Dieu, mais c'est bien sûr, c'est limpide !
CAROLINE (qui entre) – Ça y est ? C'est fini ? On peut rentrer ?
PIERRE – Parce que nous, on n'a pas perdu notre temps ! On trouvé un truc qui va t'aider à faire revenir Maman !
CAROLINE – Alors, à qui il va faire un gros bisou, mon petit Papounet ?
PIERRE – Allez, Papa, c'est la fête ! On t'a résolu ton problème, Maman va revenir !
CAROLINE – Tu n'as pas l'air content ?
PIERRE – C'est vrai, tu nous fais la tronche ?
CAROLINE – Bernadette, vous savez ce qu'il a ?
BERNADETTE – Oui. Bravo pour votre travail, on va s'occuper de ça et faire revenir votre Maman, mais votre père a quelque chose à digérer avant : il a appris que son patron allait le licencier...
CAROLINE – Oh merde !
PIERRE – Allez, Papa, Maman c'est plus important que ton boulot, non ? Et puis on a confiance en toi, on est sûr que tu vas retrouver rapidement un autre travail !
BERNADETTE – Ils ont raison, Antoine, ne vous laissez pas aller et laissez vos enfants vous montrer ce qu'ils ont découvert.
PIERRE – Alors voilà. Depuis le début, cette photo me disait quelque chose ; une impression de déjà vu. Alors avec Caro, nous l'avons examinée de très près, agrandie sur l'ordinateur, et, finalement, nous avons trouvé.
CAROLINE – J'ai trouvé ! C'est moi qui ai trouvé l'indice qui nous a mis sur la piste !
PIERRE – Bon, d'accord, c'est toi. Mais c'est moi qui ai eu l'idée de faire cette recherche plutôt que d'aller au cinéma.
ANTOINE – Un point partout, balle au centre. Si vous en veniez au fait.
CAROLINE – C'est parti : regardez la photo bien en détail. Sur le mur, derrière le couple tendrement enlacé, on voit un calendrier.
ANTOINE – Effectivement. Mais c'est difficile à lire.
PIERRE – Mais comme je suis champion d'informatique, j'ai agrandi le détail en le rendant le plus net possible.
CAROLINE – Et nous avons constaté premièrement que ce calendrier est américain, il est au nom de la Coward Bank of California ; deuxièmement qu'il est calé sur le mois de juillet de l'année dernière. Juillet de l'année dernière où nous étions tous en vacances en Espagne...
PIERRE – Et par une rapide recherche, nous avons retrouvé l'original de la photo, que voici, avec l'acteur John Paterson dans les bras de la comédienne Suzan Homegard lors du tournage du film « If you where here » !
CAROLINE – Nous avons envoyé un SMS à Maman pour lui dire brièvement, et normalement elle ne devrait pas tarder !
PIERRE – Si elle arrive à le lire, parce qu'elle n'est pas très douée pour se servir de son portable...
BERNADETTE – Et Lulu ? Vous avez une piste ?
CAROLINE – Non. Mais on va lui envoyer un mail d'insultes en lui expliquant que son canular a été déjoué et qu'elle peut aller se faire fou...
BERNADETTE – On a compris, on a compris. Mais j'ai une meilleure idée. Nous allons essayer de le piéger...
ANTOINE – De le piéger ? Vous pensez qu'il s'agit d'un homme, pas d'une femme ?
BERNADETTE – Pour tout vous dire, un personnage haut placé avec lequel je suis en relation m'a donné un tuyau sur son identité. Mais je ne peux rien dire et dois me débrouiller pour le piéger et prouver sa félonie. En attendant, je vous laisse aller adresser un mail à Lulu, j'ai un coup de fil à passer.
JULIE – Bonjour tout le monde ! Antoine, mon chéri, pardonne-moi de ne t'avoir pas fait confiance ! Prends-moi dans tes bras, vite...
ANTOINE – Julie ! Enfin te voilà ! (il la prend dans ses bras)
JULIE – Oh ? Bonjour madame, je ne vous avais pas remarquée... Vous êtes ?
ANTOINE – Bernadette, tu l'as croisée en partant tout à l'heure... Du coup, elle est restée pour m'aider pour le repas avec mon patron. De plus, elle sait, par un ami à elle bien placé qui est cette Lulu et va essayer de nous aider à la piéger.
JULIE – Super ! Merci madame Bernadette de votre aide. Dis, mon chéri, si tu venais m'aider à défaire mes bagages dans la chambre ? Madame Bernadette peut bien rester toute seule un petit moment, non ?
ANTOINE – Oui, bien sûr, mon amour. Allons-y !
PIERRE – Et nous, en s'en va adresser un mail à Lulu la foireuse !
CAROLINE – On va faire péter sa messagerie ! (ils sortent)
BERNADETTE – Enfin seule ! Maintenant, à nous deux Lulu ! (elle décroche le téléphone) Allô ? L'annuaire divin ? C'est Bernadette à l'appareil, je voudrais être mis en relation avec monsieur Lucien Luderche...
SAINTE ZITA – Luderche avec un L comme Lucien ?
BERNADETTE – Mais c'est sainte Zita ! Comment vas-tu ma vieille ? Heureuse de t'entendre !
SAINTE ZITA – Moi aussi, sauf que tu n'as pas changé côté politesse !
BERNADETTE – Excuse-moi. Luderche avec un L comme Lucien, oui...
SAINTE ZITA – C'est parti ! Je te le passe. A la prochaine fois !
BERNADETTE – Merci et bonne éternité ! Bonjour, je suis bien chez monsieur Luderche ? Lucien Luderche ?
SAINTE ZITA (en aparté) – Je vois que la confiance règne...
On peut imaginer une douche sur chacun des personnages pour simuler la distance.
LUDERCHE – Tout à fait. J'espère que vous ne m'appelez pas pour me vendre une connexion internet ou une cuisine parce que vous êtes mal tombée.
BERNADETTE – Rassurez-vous, cher monsieur, je n'ai rien à vendre. C'est à Lulu la friponne que je souhaite parler...
LUDERCHE – Mais il n'y a personne ici qui porte ce nom ! Et que voulez-vous, à la fin ? Avant que je ne vous raccroche au nez !
BERNADETTE – Ne me raccrochez surtout pas au nez, monsieur Luderche, vous le regretteriez...
LUDERCHE – Pas de menace, hein ! Au fait !
BERNADETTE – Aimeriez-vous, cher monsieur Luderche, que votre patron, monsieur Duchausson, ait connaissance d'un certain compte bancaire suisse sur lequel des fonds sont miraculeusement tombés depuis quelques années ?
LUDERCHE – Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler. De toute façon, ces comptes sont anonymes.
BERNADETTE – Je vous que nous nous comprenons... Ce qui est gênant, c'est que certains virements au profit de ce compte coïncident avec certaines factures que vous avez classées comme irrécouvrables dans votre comptabilité...
LUDERCHE – Vous ne pourrez rien prouver ! Et puis comment avez-vous eu vent de ces... opérations ?
BERNADETTE – Des amis haut placés. Nous pourrions également parler du lien qui vous lie au cabinet comptable que vous avez recommandé à monsieur Duchausson... et de la petite commission que vous toucherez sur leur prestations...
LUDERCHE – Il suffit ! J'en ai assez entendu ! Vous oseriez me faire chanter ?
BERNADETTE – Quel vilain mot ! Savez-vous que je pourrais aussi transmettre à monsieur Duchausson copie d'un mail signé Lulu (Lucien Luderche, c'est assez facile à prouver) et adressé à monsieur Dutour ?
LUDERCHE – Bon... admettons. Que voulez-vous ? Et qui êtes-vous, d'abord ?
BERNADETTE – Une amie de monsieur Dutour... dotée de certaines relations.
LUDERCHE – Et après ?
BERNADETTE – Après ? Vous avez le choix : la démission ou la prison.
LUDERCHE – ...
BERNADETTE – Monsieur Luderche ? Lulu ? Vous êtes là ? Je ne vous entends plus !
LUDERCHE – Mais c'est impossible !
BERNADETTE – Oh que si ! Un détail, quand même : votre démission sera assortie du remboursement des 592 000 € qui restent sur votre compte en Suisse, sur les 678 000 € empruntés... ainsi que de la très chaude recommandation de monsieur Dutour pour vous remplacer à votre poste. Cela va de soi, n'est-ce pas.
LUDERCHE – Et moi ? Qu'est-ce que je deviens ?
BERNADETTE – Vous commencez par bénéficier de l'impunité pour votre malhonnêteté, ce qui est mieux que la prison... et puis je suis certaine que votre beau-frère vous trouvera une petite place dans son cabinet comptable...
LUDERCHE – Et vous me donnez combien de temps ?
BERNADETTE – Demain matin. Monsieur Duchausson a prévu de licencier monsieur Dutour... autant prendre les devants. Allez, heureuse de vous avoir connu et bonne soirée, monsieur Luderche. (elle raccroche)
CAROLINE – Vous êtes encore là, Bernadette ? Tant mieux, j'aurais été désolée de ne pas vous dire au-revoir.
PIERRE – Devinez le message que l'on envoyé à Lulu !
BERNADETTE – Attendez que je me concentre... (à sainte Zita) Zita ? Tu m'entends, Zita, tu es encore là ?
SAINTE ZITA – Sainte Zita, se cela ne t'écorche pas les lèvres ! Un peu de respect pour mon grade. Qu'est-ce que tu veux encore ?
BERNADETTE – Un dernier tuyau... juste pour impressionner ces jeunes gens... Pour le fun, quoi.
SAINTE ZITA – Tu sais que je n'ai pas le droit. Mais enfin bon, puisque tu as bien travaillé, je te le souffle à l'oreille. Salut et à bientôt.
BERNADETTE – Merci sainte Zita. (à Caroline et Pierre) Je crois que j'ai deviné... Mais vous ne manquez pas d'air !
CAROLINE – C'est du bluff, vous n'avez rien deviné du tout !
BERNADETTE – Mais si ! La fausse adresse internet au nom de monsieur Duchausson et puis ce message pour enjoindre, sous un prétexte fallacieux – le coup du pari, c'est limite, quand même – à Luderche de venir à la messe de dimanche habillé en rose.
PIERRE – Je le crois pas ! Mais comment elle fait ?
CAROLINE – Vous, vous êtes voyante ou un truc du genre !
PIERRE – Alors vous allez pouvoir me donner les sujets du bac ?
BERNADETTE – Désolée, jeunes amis, mais je n'ai pas le droit de faire des choses malhonnêtes. Je me ferais virer si cela se savait.
CAROLINE – Allez... Juste une fois...
BERNADETTE – Non, non, n'insistez pas. Et puis il est temps que je m'en aille. La soirée a été bien remplie, je vais rentrer sagement chez moi.
PIERRE – Vous ne voulez pas revenir demain ?
BERNADETTE – Demain, je pense que j'aurai une autre mission. Vous saluerez vos parents pour moi, je préfère partir discrètement. Dites à votre père de ne pas s'inquiéter, il devrait avoir une bonne nouvelle lundi matin en allant au travail. Et puis ne ratez pas le messe de dimanche ! Ne serait-ce que pour voir Lulu...
CAROLINE – Alors au revoir, Bernadette...
PIERRE – Au revoir, dites, vous n'auriez pas un mail, que nous puissions vous donner des nouvelles ? Et vous envoyer une photo de Lulu ?
BERNADETTE – Si, bien sûr. bernadette@dieulepère.org.
CAROLINE – Dieulepère.org, c'est le nom de votre boîte ?
BERNADETTE – Le nom de mon patron, plutôt. Allez, je file. Bonne chance pour la suite et saluez vos parents pour moi. (elle sort)
PIERRE – Dieulepère ! Tu parles d'un nom à la con !
CAROLINE – Avec un nom comme ça, pas étonnant qu'il ait monté une entreprise de service !
PIERRE – N'empêche, cette Bernadette, elle est forte !
NOIR
LA CULTURE AVEC UN GRAND Q
Un studio télévisé. Des sièges, une table.
PRÉSENTATEUR – Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bonsoir. Bienvenue à bord de « La culture avec un grand Q », votre magazine culturel hebdomadaire. Nous commencerons ce soir par un invité littéraire. J'ai le grand plaisir de recevoir sur notre plateau Michel Tenroc, auteur du déjà best-seller de l'année, un livre au titre incroyablement court mais au contenu incroyablement dense. Il s'agit, vous l'avez deviné du livre tout simplement intitulé « Moi ».
TENROC – Bonsoir.
PRÉSENTATEUR – Cher Michel Tenroc, bonsoir. Les spectateurs de la chaîne et moi-même vous remercions de votre présence ce soir sur notre plateau.
TENROC – Tout le plaisir est pour moi, vous savez...
PRÉSENTATEUR – Cher Michel Tenroc, votre dernier ouvrage, qui est en même temps le premier, est devenu en l'espace de trois semaines le best-seller de l'année. Les lecteurs se l'arrachent, l'on vous voit sur toutes les chaînes de télévision, l'on vous entend dans toutes les radios, pas un magazine n'a manqué de parler de vous... Bref, vous êtes devenu en quelques semaines la coqueluche de la France. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
TENROC – Il faut croire que, en toute modestie, mon ouvrage apporte un peu de sang neuf, de nouveauté dans le paysage littéraire français...
PRÉSENTATEUR – Effectivement, cher Michel Tenroc, un livre comme le vôtre, en dix-sept ans de carrière de critique littéraire, je crois bien n'en avoir pas lu. Je vais me permettre de vous demander, si vous le permettez, d'en lire un court extrait à nos spectateurs... du moins les rares qui n'ont pas encore lu votre livre.
TENROC – Mais avec plaisir. Voyons... celui-ci : « Levé de bonne heure, j'ai pris mon petit-déjeuner habituel, à savoir un bol de café accompagné de trois biscottes beurrées et tartinées de miel. Ce jour-là, je remarquai que mon beurre commençait à devenir rance et notai sur le pense-bête apposé au réfrigérateur d'en acheter le lendemain. J'ai en effet pris l'habitude de noter sur un petit morceau de papier d'environ 10 cm de côté les courses à faire en fin de semaine. C'est là un moyen simple et efficace de ne rien oublier d'essentiel le moment venu de faire ses achats en magasin... » Dois-je continuer ?
PRÉSENTATEUR – Cela suffira, cher Michel Tenroc, je vous remercie. Cet extrait est une parfaite démonstration du contenu de votre ouvrage. Le style est simple, direct, efficace. Quant au contenu, c'est une véritable fusée à étages, une poupée russe : un premier niveau consacré au quotidien, à la vie du héros avec toutes ses péripéties, un deuxième qui apporte un recul sur la vie en général, et enfin un troisième niveau qui touche à la philosophie. Par exemple, dans le court extrait que vous venez de nous lire, la parabole du beurre rance pose le problème de la vieillesse et de notre position face à elle. Accepter la vieillesse, c'est finir le vieux beurre, coûte que coûte ; y renoncer et en acheter d'autre, c'est prôner l'euthanasie et abréger les souffrance de la fin de vie, voire, pour certains une certaine croyance en la réincarnation... Tant de choses en si peu de lignes !
TENROC – C'est vous qui le dites... Voyez-vous il n'incombe pas à l'artiste de commenter son œuvre. Chaque lecteur, avec son vécu, son inconscient, y retrouve ce qu'il y cherche, une part de lui-même.
PRÉSENTATEUR – Et c'est là la véritable vocation de l'œuvre artistique. Aider chacun à se révéler à lui-même... Oserai-je, cher Michel Tenroc, vous demander de nous lire un second extrait de votre livre ?
TENROC – Avec grand plaisir... j'avais tout à l'heure hésité entre deux passages, je vais donc vous livre le second : « Ce lundi 12 juin j'arrivai au bureau avec deux minutes d'avance. J'en profitai pour me curer les ongles, chose que je n'avais pas eu le temps de faire la veille. J'avais en effet passé le dimanche un grand moment dans mon jardin à biner, nettoyer, désherber... tant et si bien que la journée est passée sans que j'aie eu le temps de faire l'entièreté de mon programme dominical. Ce lundi, donc, à huit heures sonnantes, j'appuyai sur le bouton d'allumage de mon ordinateur de bureau. Il s'agit d'un modèle relativement récent, performant et tout à fait adapté aux besoin de mon travail... »
PRÉSENTATEUR – Merci à nouveau, cher Michel Tenroc pour ce nouvel extrait de votre ouvrage « Moi ». On retrouve à nouveau cette thématique liée à la fuite du temps, à la gestion de ce temps qui s'écoule trop vite pour nos pauvres vies humaines. Mais également, vous soulignez le contraste entre l'homme, animal, habitant de la planète Terre (par l'allusion au jardinage) et l'homme moderne, noyé dans la technologie (votre ordinateur). Et, si j'ai bien lu votre livre, pour vous, trouver l'équilibre entre ces deux aspects de la vie ne peut se faire que par une bonne gestion du temps. Le temps pour la nature, le temps pour la technologie...?
TENROC – C'est votre analyse... Chacun y trouvera ce qu'il y cherche. Je n'ai recherché aucune démonstration, voyez-vous, seul le fait d'écrire, d'aligner les mots, d'empiler les pages m'importait. Mon but était d'écrire un livre, rien de plus.
PRÉSENTATEUR – Mais alors, cher Michel Tenroc, permettez-moi d'insister. Signifiez-vous que votre livre ne recherche aucune signification, qu'il s'agit d'une enveloppe vide dans laquelle chacun y met ce qu'il souhaite ?
TENROC – Vous commencez à comprendre, mon vieux. Je n'ai rien à dire, moi. Je me suis contenté de décrire dans le détail ce que je faisais chaque jour pendant un mois. Point. Le reste, c'est vous et les lecteurs qui le supposez...
PRÉSENTATEUR – Mais alors, quel est le but ultime ? Le besoin d'exprimer quelque chose, la satisfaction de voir votre nom sur une couverture ? Rencontrer les autres ?
TENROC – Vous approchez. En fait, c'est tout simple. J'ai décidé il y a un an de devenir riche et célèbre. Ce livre est une étape sur mon chemin. J'étais artisan, j'en avais assez de travailler 70 heures par semaine pour gagner à peine plus que le smic. Alors j'ai écrit ce machin, ce livre comme vous dites. Puis j'ai vendu ma maison. Avec l'argent, j'ai financé l'édition du livre et, surtout, la campagne de promotion. Je me suis bien débrouillé parce que je suis, entre autres, ici ce soir. Résultat, à force d'en entendre parler partout, les gens achètent mon livre, et je touche le gros lot. Sans trop me fatiguer.
PRÉSENTATEUR – La promotion... certes, mais elle ne fait pas tout. Le talent est là tout de même, non ?
TENROC – Eh, vous voulez que je vous rappelle le nombre de billets qui se trouvaient dans l'ouvrage que je vous ai fait parvenir ? Et si vous voulez l'autre moitié...
PRÉSENTATEUR - ... Les billets... les billets d'humeur que vous aviez écrits en marge de votre livre ! Excellents, cher Michel Tenroc, excellents ! Mais vous parliez de votre livre comme une étape ? Quelle sera la prochaine ? Une suite à votre ouvrage ? Une adaptation théâtrale, cinématographique ?
TENROC – Pas du tout. A votre avis, quand on ne sait pas faire grand chose et que l'on veut devenir riche, quel est le meilleur métier ?
PRÉSENTATEUR - …?
TENROC – La politique, mon vieux ! Alors je touche le pactole avec ce bouquin, qui aura déjà rendu mon nom célèbre, et je mise tout sur une super promotion aux prochaines législatives. Avec ce que je vais mettre comme pognon, j'aurai mon premier mandat, après c'est du velours...
PRÉSENTATEUR – Vous supposeriez alors que l'argent peut tout acheter ?
TENROC – Tout, peut-être pas, mais vous, c'est sûr et pas mal de gens aussi. Suffisamment, en tout cas, pour me permettre d'atteindre mon but.
PRÉSENTATEUR – Mais de la littérature à la politique... Vous comptez rallier un grand parti ? Fonder votre propre ligne politique ? Ce sont deux mondes différents.
TENROC – Pas si différents que cela. C'est du commerce dans les deux cas. Et pour répondre à votre question, je créerai mon propre parti, le MOI, comme le titre de mon livre : le Mouvement de l'Ordre Indépendant. Ça ne veut rien dire, mais c'est facile à retenir, c'est l'essentiel.
PRÉSENTATEUR – Eh bien nous allons vous remercier, cher Michel Tenroc et vous souhaiter autant de succès en politique qu'en littérature.
TENROC – Je vous en prie, tout le plaisir était pour moi ! Ha, ha, ha ! Pour moi !
PRÉSENTATEUR – Après la littérature, le cinéma. Nous accueillons maintenant le célèbre cinéaste franco-brésilien Emilio Zola dont le dernier film « Désespérance » est à l'affiche depuis mardi dernier dans de nombreuses salles de France.
ZOLA – Bonjour.
PRÉSENTATEUR – Cher Emilio Zola, le titre de votre film, « Désespérance » est on ne peut plus approprié à son contenu. Mais je préférerais que vous présentiez vous-même le synopsis à nos téléspectateurs.
ZOLA – Avec plaisir. L'histoire est toute simple. Une fillette est abandonnée par ses parents dans la banlieue glauque d'une grande ville qui peut être n'importe grande métropole du monde. Là où la misère se concentre. Elle se fait d'abord voler le peu qui lui reste, ensuite, elle est recueillie par un couple de proxénètes qui la battent pour la faire travailler et la privent de nourriture lorsqu'elle ne ramène pas assez d'argent. Puis les ennuis, les vrais, commencent. Elle deviendra infirme dans des circonstances que je laisse découvrir aux spectateurs et connaîtra quelques autres désagréments dont je préfère laisser la surprise. Tout cela jusqu'au dénouement que je m'interdis bien évidemment de dévoiler ici.
PRÉSENTATEUR – Un histoire particulièrement triste, en effet. Et cela est accentué par le réalisme de la mise en scène et l'ambiance extrêmement sombre de la totalité des scènes. A vrai dire, on distingue à peine les comédiens qui semblent évoluer dans un crépuscule sans fin...
ZOLA – J'ai en effet souhaité que le spectateur soit porté du début à la fin dans la même ambiance, qu'il soit plongé dans cette atmosphère lugubre.
PRÉSENTATEUR – Il y est tellement plongé que votre film, comme je le soulignais tout à l'heure, défraye la chronique. On a compté en effet depuis sa sortie dans les salles obscures pas moins de 5 suicides à la sortie des cinémas. Le Gouvernement a même envisagé d'en interdire la projection.
ZOLA – On touche là la force du vrai cinéma. Le septième art ne doit pas singer la vie, il doit l'être, la créer.
PRÉSENTATEUR – À ce détail près que cette vie donne parfois, dans le cas de « Désespérance », la mort... Alors pourquoi, cher Emilio Zola, alors que la vie en général n'est pas spécialement drôle ni légère, pourquoi noircir encore le tableau par le cinéma ?
ZOLA – C'est comme l'histoire du fou qui se tape sur les doigts avec un marteau...
PRÉSENTATEUR – J'ai peur de ne pas saisir, cher Emilio Zola...
ZOLA – Il n'est pas si fou que cela : quel plaisir quand il arrête de taper. C'est pareil pour mon film. C'est tellement noir que la vie, même avec toutes ses saloperies, devient rose à côté de lui. Sauf pour les personnes trop sensible, bien sûr, qui ne résistent pas.
PRÉSENTATEUR – Vous souhaitez donc rendre les gens plus heureux, non pas, comme certains cinéastes, en les faisant rire, mais en leur montrant qu'il sont heureux à côté de ce qu'ils auraient pu connaître...
ZOLA – Complètement, vous avez tout compris.
PRÉSENTATEUR – Eh bien merci encore, Emilio Zola, et j'invite tous les spectateurs à courir découvrir votre film « Désespérance », à condition toutefois de n'être pas trop sensibles.
ZOLA – Merci et à bientôt.
PRÉSENTATEUR – Autre volet de notre magazine culturel autre expression artistique. J'ai maintenant le plaisir d'accueillir sur ce plateau Piotr Ouliakov, le célèbre artiste russe qui vient exposer dans les rues de Paris. Piotr Ouliakov, bonsoir !
PIOTR OULIAKOV – Baragouinage russe
TRADUCTRICE – Bonsoir !
PRÉSENTATEUR – Je rappelle à nos téléspectateurs qui ne connaîtraient pas l'œuvre de Piotr Ouliakov, que celui-ci crée des sculptures éphémères à partir de matériau vivant, à savoir les passants, les automobilistes, les cyclistes, etc. Sa dernière œuvre en date, en avril dernier à Milan, 800 kilomètres de bouchons filmés en hélicoptères, un record mondial, c'était lui ! C'est également lui qui a osé provoquer un verglaçage généralisé dans tout Londres en janvier dernier, provoquant ainsi une panique monstre, embouteillages, glissades en tous genres, etc., tout cela filmé par la BBC et retransmis en direct ! Un succès mondial qui, aujourd'hui encore, marque les esprits !
PIOTR OULIAKOV – Baragouinage russe
TRADUCTRICE – Vous oubliez la pluie de peinture verte sur toute la ville de Miami en mars 2006, commande du maire de la ville pour montrer au monde entier l'engagement écologique de sa ville !
PRÉSENTATEUR – Effectivement, je n'avais pas rappelé cette autre inoubliable exposition de l'artiste. Et demain, cher Piotr Ouliakov, que nous préparez-vous pour embellir notre belle ville de Paris ?
PIOTR OULIAKOV – Baragouinage russe
TRADUCTRICE – Je ne peux rien dire pour l'instant, il faut compter sur l'effet de surprise. Sinon, l'œuvre n'est plus une œuvre mais un simple machin commercial. Il faut laisser la place au hasard, à la créativité individuelle de chaque individu qui contribue ainsi à l'œuvre.
PRÉSENTATEUR – Mais permettez-moi d'insister, cher Piotr Ouliakov, même un léger indice, une petite piste ravirait nos téléspectateurs...
PIOTR OULIAKOV – Baragouinage russe
TRADUCTRICE – Non, non, n'insistez pas, je ne puis rien vous dire. Vous m'en voyez désolé...
PIOTR OULIAKOV – Mais c'est qu'elle se fout de ma gueule, la traductrice ! C'est pas du tout ce que j'ai dit ! Je vous ai dit d'aller vous faire foutre et d'arrêter de me faire chier avec vos questions à la con ! Elle oublie que je suis né à Sarcelle, la gonze !
PRÉSENTATEUR – Oh ? Quelle surprise ? Mais vous parlez français, alors, cher Piotr Ouliakov ?
PIOTR OULIAKOV – Ben oui, mon gars, t'es pas comme Jeanne d'Arc, t'as pas entendu des voix ! J'suis bien français, mais c'est plus facile de vendre de l'art avec un nom russe, crois-moi...
PRÉSENTATEUR – Mais cela n'enlève en rien à la beauté de vos créations, et permet à nos téléspectateurs de découvrir en exclusivité que le plus grand génie actuel de l'art brut est un Français.
PIOTR OULIAKOV – Qu'est-ce t'as dit Mescouilles ? Qui c'est qu'est une brute ?
PRÉSENTATEUR – Mais personne, cher Piotr Ouliakov, on parle simplement d'art brut pour décrire cette forme d'art qui met en scène la vie, qui laisse une part à l'improvisation, à une créativité de dernière minute...
PIOTR OULIAKOV – Ouais... Essaie pas de te foutre de ma gueule. En attendant, je t'invite demain à venir gare Montparnasse. C'est là que ça va commencer, et j'aimerais bien que tu participes !
PRÉSENTATEUR – Mais avec joie, cher Piotr Ouliakov, dois-je prévoir une tenue particulière ? Un accessoire ?
PIOTR OULIAKOV – Rien du tout, ma poule, tu viens comme t'es... Tu verras, je te laisse la surprise ! (rire gras)
PRÉSENTATEUR – Eh bien merci et au revoir, cher Piotr Ouliakov. Passons maintenant au dernier volet de notre magazine culturel : le théâtre. J'ai le plaisir de recevoir Jacqueline Dumont dont la première de la pièce « Y'a encore rien à la télé ! » aura lieu ce soir-même au théâtre de L'Escalier B. Jacqueline Dumont bonsoir.
JACQUELINE DUMONT – Bonsoir !
PRÉSENTATEUR – J'aimerais que vous nous présentiez vous-même votre pièce. Sans trop en dévoiler tout de même pour laisser aux spectateurs le plaisir de la découverte.
JACQUELINE DUMONT – Mais avec grand plaisir, cher Michel. Il s'agit d'une pièce à dimension sociologique dont l'ambition est de redonner à la télévision la place qui est la sienne. Cette pièce, dont je suis l'auteur et le metteur en scène représente une soirée à la télévision, avec ses émissions cultes, ou du moins un condensé d'émissions types. Et le but ultime est de montrer aux spectateurs la finesse, la délicatesse, la profondeur du discours télévisuel.
PRÉSENTATEUR – Mais ne pensez-vous pas, chère Jacqueline Dumont, qu'ils feraient tout aussi bien de rester chez eux à regarder la vraie télévision ?
JACQUELINE DUMONT – Pas du tout, cher Michel ! Il s'agit d'un concentré de télévision qui montre les moments les plus intenses de ce média, ceux qui marquent le plus les foules. J'aimerais que les gens comprennent de quelle manière ils sont guidés, accompagnés dans leurs pensées par ceux qui dirigent la planète. La culture, aujourd'hui, passe par la télévision, c'est elle qui façonne les pensées et celles des adultes de demain. Je souhaitais lui rendre l'hommage qu'elle mérite, tout simplement.
PRÉSENTATEUR – Mais la télévision est très décriée. On lui reproche d'isoler les gens, de rompre le lien social.
JACQUELINE DUMONT – Mais pas du tout, cher Michel ! La télévision n'isole pas les spectateurs mais au contraire les rassemble – isolément et individuellement, je vous l'accorde – autour du même spectacle qui les fait rêver et oublier leurs soucis quotidiens.
PRÉSENTATEUR – Soit. Mais ce même spectacle, comme vous dites, ressemble tout de même sacrément à un nivellement par le bas, comme si l'on voulait empêcher les Français de réfléchir, les endormir socialement…
JACQUELINE DUMONT – Alors là, cher Michel, vous jouez carrément la carte de la provocation. Les programmes télévisuels sont là bien au contraire pour permettre aux citoyens, après une dure journée de labeur, de se détendre, de se reposer, et d'être en pleine forme le lendemain pour retourner au travail. S'ils dépensent trop d'énergie intellectuelle dans des loisirs subversifs et contre-productifs, c'est toute l'économie nationale qui sera en péril. Songez-y, cher Michel. Je vous assure que ma pièce est un vibrant hommage à la grandeur méritée de la télévision.
PRÉSENTATEUR – Eh bien je vous remercie de ces précisions, chère Jacqueline Dumont. Et je souhaite à votre pièce, « Y'a encore rien à la télé ! », le succès qu'elle mérite elle aussi. Et, surtout, que les spectateurs seront au rendez-vous ce soir au théâtre de l'Escalier B.
JACQUELINE DUMONT (se levant et comptant les spectateurs dans la salle) – Oh, eh bien, une cinquantaine (à adapter, bien sûr…), et des bons...
NOIR FINAL