Yajnir

Jonathan Penglin

Petite description d'une ville d'un monde plus grand.

Elle n'a pas été conçue, cette ville. Oh que non. C'est flagrant, comme un navet veineux et verruqueux au milieu d'un visage ravalé de vérole. Elle a crû. Elle a poussé, par mitoses successives de ses bas-fonds, de ses faubourgs noirs et puants. Elle a métastasé, diraient les plus désobligeants, ceux qui la regardent de haut, du haut de leurs tours d'ivoires. Elle est loin d'être mourante, pourtant. Ou malade. Elle vit, elle pulse, son cœur bat et son ventre gargouille. Elle mange et elle boit, et décharge boyaux et vessie dans la mer qui la borde, sans honte ni gêne aucune, et sans retenue.

Ses enfants viennent de la mer, pourtant, mais ne lui en tiennent guère rigueur. Car son ventre est chaud, et accueille sans distinction les vagabonds des quatre coins du monde, leur offre gîte et couvert, et plus si affinité. Pirates, brigands, anarchistes et fuyards, tout ce que le reste du monde compte d'éclopés et d'orphelins, d'égarés et d'aigrefins, tous savent qu'entre ses bras ils ne risquent plus rien. Plus rien de l'extérieur, bien sûr, car ses ruelles ne le sont pas, sûres. Loin de là ! Ses égouts sont autant intestins que veines, à charrier autant de sang que de merde, le tout en quantité.

Pourtant elle pousse, elle pousse. Et bien malin qui saura dire jusqu'où.

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