Yoka
eaurelie
Tu es parti, mon tout petit. Tu es parti il y a 5 jours maintenant. Cinq minuscules jours. Le temps est une machine bien particulière. J'ai la sensation que tu es parti il y a des mois maintenant et pourtant, non, tu es parti il y a 5 jours, mon bébé. Les hospitalisations m'avaient appris à vivre sans toi déjà mais toujours avec cette optique que tu reviendrais à la maison. Aujourd'hui, tout est dur dans ton absence mais l'atroce, c'est le définitif. L'absolu. Tu ne reviendras plus jamais demander un câlin.
Je ne peux plus voir une porte fermée dans la maison. çà me brise en deux. Pourquoi ? Parce que tu détestais çà. Soit tu miaulais et te suspendais à la poignée jusqu'à ce qu'on vienne t'ouvrir, soit tu poussais la porte et tes 3 kilos tout mouillés envoyaient valser la porte contre la chambranle. Alors que 15 centimètres d'entrebâillement auraient suffi.
Maintenant, les portes fermées ne miaulent plus. Les poignées ne bougent plus toutes seules dans le grincement d'une peinture lacérée par des griffes. Maintenant, les portes ne bougent plus toutes seules.
Maintenant, une porte rabattue ne s'ouvre plus et reste désespérément rabattue.
Nous avons arrêté ton cœur au milieu de la nuit. Je m'étais endormie, tu as brutalement gémi puis vomi avant de te jeter hors du lit et resté prostré au pied du lit, en respirant mal. Je savais en passant cet appel qu'on écrivait les dernières lignes. Mais l'espoir me tenait encore.
Je t'ai à peine regardé. Je ne t'ai pas mis dans ta caisse. J'étais centrée sur mes pleurs, sur ma nausée, sur l'inéluctable.
Nous avons arrêté ton cœur vers 1h du matin le Vendredi 14 Janvier 2022.
La véto venait de nous annoncer les plus mauvais chiffres jamais énoncés jusqu'à alors. Tu te battais depuis presque trois mois contre une anémie hémolytique monstrueuse. Incontrôlable.
Elle aura finalement eu raison de toi. Tu ne mangeais plus, tu bougeais à peine. Tu voulais vivre, je le sais. Tu n'avais pas encore tout dit.
Mais quel avenir, mon bébé ? Une semaine à la maison, une semaine à l'hôpital avec transfusion obligatoire ? et on recommence ?
Les traitements ont marché. Le 2e a marché. On a pris le risque de l'interrompre 2 jours, le temps d'aller fêter Noël. Nous n'aurions pas du. JE n'aurais pas du. Ton corps a cessé de répondre à la molécule, trop fort.
Mais je n'arrive pas à regretter. Ton corps mettait un tel acharnement à te tuer que je me doute que la molécule aurait fini par faillir...
ll restait un traitement à essayer. Je ne l'ai pas fait. T'ai-je tué pour autant ?
Les résultats de ce traitement n'étaient pas concluants, tu étais trop spécifique pour que ce traitement, déjà incertain, fonctionne au maximum de ses possibilités dans ton cas. La véto n'était ouvertement pas pour ce traitement. Mais elle savait combien je t'aimais. Elle me le répétait en boucle. A chaque visite. Toute l'équipe de la clinique avait fini par le connaitre, ses particularités physiques faisant que chaque traitement était établi avec l'aval de plusieurs corps médicaux. Il avait aussi son caractère de merde qui le rendait très difficile à ausculter.. Alors qu'à la maison, c'était une guimauve.
J'ai fini par lui dire, mon tout petit. Tout ce que tu représentais pour moi, tout ce que tu avais fait pour moi.
Tu m'as sauvé la vie. Tu es arrivé, crevette plus petite que ses gamelles, au milieu de ma vie un beau Samedi matin de Décembre. En cette année maudite de 2013 où j'avais perdu mes deux grands mères ainsi que le premier amour de ma vie. Ma vie ne tenait pas. Tenait mal.
Et tu as déboulé, tout foutu en l'air, tout rebattu.
On s'était trouvé.
Pour le meilleur et finalement, pour le pire.
J'ai beaucoup de mal à me dire que tu es parti pour de vrai. Pour moi, tu fais ta vie dans la pièce d'à côté.
Mais, dès que je commence à y penser, je te revois partir. Dans ton couffin. Tu ne nous as pas regardé en partant. Tu étais au fond de ton couffin, collé à lui. Tu n'as pas ronronné non plus.
Je ne sais pas si j'ai pris la bonne décision quand je repense à ces moments.. Tout le monde me dit que si et je sais, tout au fond, sous l'amas de douleurs, je sais aussi que j'ai pris la bonne décision.
Tu survivais depuis 3 mois. De la survie dégueulasse entre 2 rechutes. Mais on s'aimait. Oui, on s'aimait tellement.
L'amour animal est inconditionnel. Et surtout, sans paroles. L'amour animal est juste actes.
Actes sincères, volontaires, qu'on ne peut pas venir pervertir.
Et c'est pour çà que je t'aimais si fort. Parce que je voulais t'aimer autant que toi, tu m'aimais.
Je voulais te donner le monde. Te donner une vie de roi. Toi qui n'avais jamais demandé à naitre ni à vivre ici bas.
Nous étions fusionnels. Nous étions toujours l'un avec l'autre. Toujours. En contact.
Quand on est rentré sans toi, cette nuit là, on a du se coucher direct parce qu'on travaillait dans quelques heures. Irréel, impensable. Le rouleau-compresseur du Quotidien.
Mon tout petit, on est rentré sans toi et en passant la porte, tu étais partout. Toute ta vie s'étalait devant nos yeux. Ton coin pour dormir, l'arbre à chat où tu aimais guetter les oiseaux, ta balle oubliée sous la table.
Le pire, c'est la chambre. Je ne peux pas y rentrer sans avoir un haut-le-cœur depuis que tu es parti. J'y passais un temps fou pendant mes repos, les heures passées à faire des câlins ou juste à profiter ensemble. Tu réclamais toujours mes bras quand on était tous les deux. Toujours à te lover au plus près de mon visage, de mon cœur. Et j'aimais tellement jouer à l'ordi sur le lit, tellement lire sur le lit, qu'en repos, oui, on pouvait y passer la journée. Toi sur ma poitrine, dans le creux de mon bras, la tête sur mon pied ou alors enfoui sous le plaid, dans le chapiteau que formait mes jambes repliées. Toujours l'un avec l'autre.
Tu venais nous rejoindre le soir aussi. On rabattait la porte pour étouffer les bruits de la maison et on savait, dans la minute qui suivait que tu l'ouvrirais en grand pour laisser passer ton royal popotin. Tu montais d'un bond sur le lit, soit sur moi, soit entre nous et ensuite tu choisissais mais en général, tu commençais ta nuit entre les jambes de S. et puis, au milieu de la nuit, tu venais te lover contre mon visage, dans le creux de mes bras et tu te rendormais.
Ces instants, spontanés, me crevaient le cœur d'amour à chaque fois.
Je t'aimais trop. Bien trop. Mais c'est comme çà qu'on doit aimer.
Vous comprenez pourquoi je ne supporte plus les portes fermées ou rabattues très fort ? Parce qu'elles ne s'ouvriront jamais plus sur lui. Il ne viendra jamais plus réclamer un câlin au milieu de la nuit. Il ne me miaulera plus quand je rentrerais du travail.
Le soir, l'ouverture de la porte d'entrée est une épreuve aussi. Avant, on devait calculer de fou pour se baisser et l'empêcher de sortir, curieux comme il était.. Maintenant, j'ouvre en grand et j'attends. Merdiquement, quelques secondes, le temps de réaliser que je ne l'entendrais jamais plus dévaler les escaliers pour me souhaiter la bienvenue (oui, des fois, je rentrais alors qu'il faisait sa sieste en haut, sur le lit).
Je n'entendrai plus et ne verrai plus jamais ce bébé. J'ai un millier de photos de lui. çà me parait tellement peu. J'en ai déjà fait le tour plusieurs fois depuis 5 jours. J'ai regardé certaines vidéos mais le voir, vivant, sur mon petit écran, me fait trop mal.
En rentrant, on était vide, épuisés, choqués. On a dormi 3 heures jusqu'au réveil.
Le soir suivant, on s'est couché. J'ai eu des hallucinations auditives. Je l'ai entendu marcher autour du lit. Et j'ai cru que j'allais devenir folle. La douleur, si vous saviez.
L'espoir fou, démesuré, immense.. Suivi du KO de la réalité. Tout çà en, à peine, une seconde. La douleur.. La douleur..
Je crois que je suis dans la phase de Déni. Je connais pas l'ordre des autres. Je suis en paix parce que je sais qu'il ne souffre plus. La prise des médicaments était un enfer pour lui. Je suis en paix parce que toute cette pression, toute cette angoisse s'arrêtent enfin. Les Up & Down à chaque rechute, à chaque sortie d'hospitalisation m'usaient, nous usaient.. On y croyait. On y croyait comme des fous. Mais çà ne servait plus à rien. La maladie avait gagné.
Tu me manqueras toute ma vie, mon tout petit. Je sais même pas si je te reverrais une fois passée de l'autre côté. J'aimerais y croire. Qu'on referait notre vie, tous les 3.
Il a beaucoup souffert aussi. Beaucoup, violemment. Mais il ne pleure plus maintenant. Il n'y a que moi, le soir, en nous couchant, qui pleure. C'est plus fort que moi, c'est trop douloureux.
On dort la porte grande ouverte maintenant. Tant pis pour le froid et les bruits. Cette porte me hante.
J'ai rêvé du chat cette nuit. Toute la 2e partie de nuit. Je me suis réveillée avec une gueule de bois terrible. Je revois encore la scène.
Il est dans une grande gamelle de croquettes et il mange, dos à moi. Et je le regarde, il est dans la maison de mes grands parents. Et je me dis "non, je ne peux pas l'appeler ni aller le toucher. Je ne peux pas, je sais qu'il n'est pas réel. Que ce n'est pas possible"
Même au pays des rêves, cette réalité. Alors qu'on pourrait tout à fait vaincre la réalité dans ce monde-ci.
Alors, je l'ai juste regardé manger goulument ses croquettes, le cœur en miettes.
On me dira " Ce n'était qu'un chat ".
Je ne vous dirai rien. Je ne peux pas perdre de temps à raconter à des patinoires ce qu'était ce chat et quel était cet amour incroyable qui me liait à lui. Nous étions fusionnels. C'était mon Daemon.
Voici ton épitaphe, mon bébé. Ces mots me remplissaient bien trop le corps. Mais je ne pouvais pas prendre le temps encore.
Aujourd'hui, c'est chose faite.
Je t'aimerai toute ma vie, mon tout petit. Reste auprès de moi, toujours, s'il te plait.
Tu t'appelais Yoka, tu as vécu à peu près 8 ans et 3 mois dont 8 ans et 1 mois avec moi. Tétais mal sevré, t'étais trop petit quand t'as débarqué dans ma vie mais c'est ce qui a fait de toi le petit être si fort, si doux que tu étais.
Je suis désolée de ne pas avoir réussi à te sauver la vie. Parce que tu as sauvé la mienne, mon Bébé.
Et pour çà, merci. A tout jamais, Merci pour tout ce que tu as apporté à ma vie puis à la sienne...
On t'aime. On t'aime. On t'aime.
Je t'aimerai toute ma vie, mon Bébé. Tu me manqueras toute ma vie. Si tu pouvais te réincarner et te remettre sur ma route, çà serait cool. On avait encore tellement à vivre ensemble.