ZAVENTEM JE T'AIME

Su Kil Nam

            ZAVENTEM JE T'AIME

 

-      J'avais bien dormi, la journée d'avant était une journée d'angoisse ponctuée de stress. Normal, le soir nous allions jouer deux pièces que j'avais écrites. Mes amis et amies étaient là. Ce fût une soirée joyeuse où tout le monde riait, chantait, s'amusaient. Pour terminer la soirée, nous sommes allés boire un verre, pour être honnête plusieurs verres. J'étais dés-angoissé et déstressé, je pouvais enfin me laisser aller. Ce fût une excellente soirée. Vous comprenez pourquoi j'avais bien dormis.

-      Ce matin, la tête enfoncée entre mes épaules et après avoir fait ma toilette, je regardais les rushs de la soirée. Que de bons souvenirs …

-      J'avais prévu de retourner à la brasserie, car la veille n'ayant pas assez d'argent le patron m'a fait une fleur et me permit de payer le lendemain.

-      Le sourire aux lèvres il m'accueille avec joie, des amis à lui étant là il y avait une atmosphère de bonne humeur. En rentrant, il y avait un homme, la mine déconfite et à cet instant, Stéphane, le patron me révèle ce que son ami vient de vivre.

-      Il me dit : « mon ami a échappé à l'explosion de Zaventem ». Tout de suite je fronce les yeux, il voit à mon visage que je ne suis pas au courant et il m'explique : mon ami devait prendre l'avion ce matin, il faisait la file avec ces bagages quand on lui a demandé de changer de file, il s'exécute, sort de la file fait plus ou moins 10 / 15 mètres et BOUM, explosion… je reste sans voix et bien que bridé mes yeux se sont écarquillés. Sont amis a filmé avec son gsm et à ce moment-là je prends conscience de ce qui s'est passé. La vidéo montrait un nuage de fumé d'explosion, des gens aidant d'autres gens. Le souffle de l'explosion a tout détruit. Le plus dur, pour cet homme que je ne connais pas, c'est qu'il a vu un homme se faire démembré par l'explosion. Il est resté où il était, à attendu un instant et est sorti. Je voyais au travers de son regard une peur, un choc, quelque chose d'inexplicable. Il nous a montré le reste des vidéos, à téléphoner pour rassurer sa famille.

-      Dans la Bible, en Ecclésiaste, Salomon écrit qu'il y a un moment pour rire, un moment pour pleurer, un moment pour travailler et un moment pour arrêter de travailler. Entre rire et sarcasme, les personnes autour de la table faisaient des calembours, des blagues, des jeux de mots. Du coin de l'œil je regardais cet homme qui essayait tant bien que mal d'être avec nous mais je ressentis une profonde tristesse, colère, peur dans ses yeux.

-      Je les ai quittés après avoir été invité. En sortant, l'homme était là, seul et regardait sans cesse les vidéos. Je n'ai pas pu me taire et je l'ai invité à aller voir un médecin. Son visage s'était assombri mais esquissa un petit sourire.

-      Sur le chemin, des questions se bousculaient en moi, une émotion de tristesse, d'injustice, de colère, de peur se battait pour avoir la première place dans ma conscience. Je me dis : « c'était écrit » me rappelant les paroles du Christ. Mais je ne pouvais pas m'arrêter là. Peut-être par pudeur je retins mes larmes mais mes pensées, elles, elles étaient là. Quand je pense qu'hier soir j'ai lu un texte que j'avais écrit et que j'avais appelé ‘ mon cœur pleure'. Oui je me dis qu'aujourd'hui mon cœur pleure.

-      Peu de voiture, je me dis que peut-être le carrefour était fermé mais qu'il fallait que j'y aille pour acheter mes légumes et me faire ma soupe hyper protéinée. Je ne pouvais chasser de ma mémoire les photos que je venais de voir.

-      Comment est-ce possible, LE ROI DU MIDI EST-IL EN TRAIN DE MONTRER LE BOUT DE SON NEZ ?

-      J'ai ressenti un vide, un néant s'emparer de moi, une lutte dans mon esprit me disant c'est normal et de l'autre colère, tristesse. Je me suis rappelé de mon premier scénario « INNOCENCE » que j'avais écrit, je me dis « je suis encore loin de la réalité ». Je dois écrire, il faut que j'écrive tout ce que je ressens mais pour dire quoi, que les méchants ce sont eux et que les gentilles c'est NOUS ! Je pense qu'il n'y a pas de gentilles et pas de méchants. Je me dis que c'est le monde tout entier qui ne tourne pas rond et ça on trouve ça normal. En attendant, nous souffrons tous d'une incompréhension totale.

-      J'ai honte d'être ce que je suis, j'ai honte d'être un être humain, oui j'ai honte. De toute façon avec ou sans moi la terre tournera toujours sur son axe. Mais mon empathie pour les victimes m'envahit et de nouveau je me repose des questions. Ce n'est plus des questions, je ressens au fond de moi un vide, je marche mais mes jambes ne suivent plus, mon regard n'a plus d'éclat. Je me sens aplati comme une crêpe. Une seule question me vient à l'esprit pourquoi, oui pourquoi ? et là je commence à composer des phrases :

 

o   Un jour de soleil, un vent frais,

o   Je me sens bien et amusé de la veille.

o   Pourtant en un quart de seconde

o   Mon monde bascule.

o   Je découvre décontenancé

o   Qu'une bombe a explosé.

o   Mes jambes commencent à trembler,

o   Mon esprit à se retourner.

o   Comment peut-on au nom d'un dieu

o   Commettre un acte aussi odieux ?

o   Mon regard ce fixe et ce vide,

o   Bien que des gens passent devant moi,

o   Je ne les vois pas.

o   Qu'est ce qui se passe

o   Pourquoi autant d'audace ?

o   Peut-être pour dire

o   qu'on est les plus forts

o   qu'on est les plus malins,

o   mais est-ce un signe d'intelligence 

o   que de tuer des innocents ?

o   Pour le compte de qui ou de quoi ?

o   Religion, Nation, Globalisation, …

o   Je ne trouve pas de réponse

o   Car je ne me pose peut-être pas

o   Les bonnes questions.

o   Ce que je sais,

o   C'est que mon regard est vide,

o   Vide de sens et de méfiance.

o   Je regarde les gens qui passent

o   Sans vraiment les regarder.

o   Je m'assois sur un muret,

o   J'allume une cigarette,

o   Au moins je sais qu'elle,

o   Au bout du compte,

o   Me donnera peut-être le cancer

o   Mais, tous ces gens ?

o   Tous ne fumaient pas

o   C'est facile d'utiliser des mots comme

o   Fanatiques, Terroristes, Djihadistes, …

o   Mais au fond,

o   Ne sommes-nous pas responsables ?

o   Le temps passe

o   Et on le laisse passer.

o   Peut-être, si on avait fait mieux notre travail

o   Il n'y aurait pas eu autant de faille.

o   J'ai envie de pleurer

o   Pour toutes ces victimes assassinées.

o   Mais rien ne vient

o   Peut-être par pudeur

o   Peut-être par peur

o   Rien ne vient.

o   Après tout je ne suis qu'un homme

o   Parmi tant d'hommes.

o   Je suis un rêveur

o   Mais j'ai une conscience,

o   Qui me fait dire

o   Ce que je pense.

o   Aujourd'hui je pense

o   Je pense, je pense et je pense

o   Qu'il n'y a que le chagrin

o   Qui résonne dans un coin

o   Où d'habitude là

o   J'ai des idées

o   Que je peux exprimer

o   Savourer, expédier ou inventer

o   Rien ne vient.

o   Alors en allant plus loin,

o   Je me dis qu'il y a quelqu'un

o   Qui a mis une barrière

o   Pour me faire taire.

FIN

         

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