Zoé en veut un Max ! chap6

Chapitre 6

Me voilà à présent, couchée dans mon lit, pleine de rêves en tête. Je me remémore cette journée étrange, et souris mentalement aux souvenirs de certains détails : cette pauvre vieille femme aux urgences, le bouquet de fleurs de Steve, ou simplement moi en robe rouge sexy à courir pieds nus dans les rues parisiennes !…Journée étrange, mais riche en émotions et plus facilement appréciable avec le recul encore…

J'ai si envie de partager ces anecdotes avec mes amies ! Envie de leur avouer que mon petit cœur recommence enfin de battre, envie de rire avec elles de mes bêtises, envie de connaitre leur avis sur mon gentleman de petit ami, besoin d'avoir leur soutien et encouragements sur mes recherches d'emplois ou leurs conseils sur comment me sortir de ce foutoir mensonger sans trop de dégâts…

Mais elles sont si peu disponibles ! Leur mari, leurs enfants, leur travail, la belle-mère, les devoirs ou autre rendez-vous chez le pédiatre….Pfff, pas toujours facile les copines maman ! Quand aux autres…Guère mieux ! Working girl ultra débordée, fêtarde super fatiguée ou accaparée par mille et une personne plus rapide que moi, et j'en passe !

En plus, avant d'étaler mon roman à l'eau de rose bien épineuse sur la place publique, je préfère évoquer avec Ambre déjà, ma toute nouvelle love story avec son collègue….

Love Story ? Vraiment ? Trop tôt en fait pour le dire….et même bien tard pour y réfléchir….Cette nuit estivale pourtant si paisible et étoilée s'annonce bien blanche si je continue mes incessantes réflexions mentales !

Mais c'est plus fort que moi ! Je suis là, couchée dans mon véritable lit cette fois, au 3^e étage du HLM où vivent mes parents…Papa est retraité depuis quelques mois, c'est arrivé plus tôt que prévu…La crise…Les classiques départs prématurés…

Il était soudeur et souvent loin de la maison. A présent il est ici constamment nuit et jour et je pense qu'il ne le supporte pas trop bien : il nous rend la vie insupportable en tout cas !

Il tourne en rond, se plaint de s'ennuyer, devient vite grincheux, irritable, fait des siestes pour passer le temps puis enchaîne les insomnies la nuit. Il refuse de s'inscrire dans un quelconque club sportif ou de jardinerie, afin de s'occuper plusieurs fois par semaine et rencontrer des hommes retraités aussi…Il ne tente même pas de s'intéresser à la photographie, aux maquettes de bateaux, au sport, à l'informatique….Il existe pourtant tellement de choses pour les hommes de son âge ! Il pourrait sortir un peu…Il s'éloigne de ses amis, qui eux, ont encore la chance de travailler et avoir des choses intéressantes à raconter…

Il me fait beaucoup de peine…Paradoxalement j'ai souvent envie de le frapper très fort !

Maman, elle, est nourrice pour 2enfants, Lucas 6ans, et Mattéo 24mois. Il lui arrive de garder occasionnellement la petite Constance 4mois et demi, ou de faire des petits ménages chez les Duran, les parents de Lucas, ça nous aide à mettre un peu de beurre dans les épinards. Maman est très active et ne s'arrête jamais. Lorsque son rôle de nourrice est fini, elle se rend à son club de gym ou à ses cours d'aquarelle. Elle participe aux marchés aux puces, se porte volontaire pour accompagner les enfants de l'école du quartier pour les sorties scolaires, fait les courses pour la voisine qui a certains soucis pour se déplacer, et rends visite 1fois par semaine ou 2 à sa mère en maison de retraite, qui la reconnaît à peine…Elle fréquente dès que possible ses 2 fidèles amies : Anita et Bernadette.

Ma mère est une femme formidable ! Je l'ai toujours vu tenir debout face aux épreuves de la vie : le tragique accident qui emporta son frère et son père, les fins de mois difficiles, ou encore son combat contre la leucémie lorsqu'Eric et moi n'étions que des enfants…  

Je suis très admirative de sa force de caractère, elle est calme et sereine, pleine de courage et de bonne volonté, j'aimerai avoir sa ténacité, sa patience, son sang froid et sa positive attitude…Elle est juste trop maternelle et trop proche de moi, soucieuse du moindre détail et du qu'en dira-t-on.

Mon quotidien chez eux n'est psychologiquement pas toujours très facile…A cause de mon âge déjà…Peu importe les parents, aussi géniaux peuvent-ils être, il est dur pour moi d'accepter de vivre encore chez eux à 33ans.

C'est simplement contre nature !

Mon ego en prend une bonne claque, ma liberté aussi…et comme si ça ne suffisait pas, le regard des autres, les commentaires extérieurs et surtout tous ces stéréotypes si faciles et si faux!!

Les gens me regardent comme une fille qui n'a pas évolué, qui doit avoir 15ans mentalement, ou qui est faignante sur le plan professionnel donc dépendante de ses parents sur le plan financier ; certains me voient comme une profiteuse au crochet de sa famille, une écervelée qui refuse de grandir et n' a pas coupé le cordon avec sa mère, une jeune femme entretenue et qui manque sans doute de maturité pour vivre seule, ou qui est incapable d'être ou rester en couple et vivre enfin sa vie là où la majorité des femmes de mon âge ont déjà fondé leur famille…

Et j'avoue que ça me fait mal…

D'autres sont persuadés que je suis homosexuelle et n'ose pas encore faire mon coming-out !!

Dans mes bons jours, ceux-là au moins ont le mérite de me faire rire. ☺

D'autres encore en deviennent carrément pathétiques à mes yeux : ils se lamentent tout simplement sur mon sort « la pauvre Zoé, elle s'en sortira jamais et puis de toute façon à son âge il est trop tard pour avoir des enfants surtout qu'elle n'a encore pas rencontré l'âme sœur »…

Plus rarement, il arrive aux gens de me trouver chanceuse et d'être persuadés que je n'ai pas de quoi me plaindre : je vis chez mes parents, donc je ne connais pas les difficultés du monde des adultes. Je travaille parfois et garde tout mon salaire pour le shopping, les sorties, le coiffeur…je n'ai pas la responsabilité d'une famille, les contraintes et impératifs d'être mère ou épouse, les disputes et concessions de couple je ne connais pas non plus, je ne connais pas soi disant non plus les problèmes financiers puisque je ne paye pas le crédit d'une maison en plus de la cantine scolaire des gamins, etc etc…

Incroyable le nombre de conneries que peuvent débiter les personnes de mon entourage sur mon sujet !

Tout le monde croit connaître mieux que moi ma vie et tous me jugent malgré eux, malgré moi….Au final, pour la plupart d'entre eux, ils ignorent tout.

Je suis Zoé Bertines, le fruit d'un mariage d'amour de presque 40ans ! Et si je vis toujours chez mes parents - ou « à nouveau » chez eux - c'est justement pour problèmes financiers…A 25 ans je me suis lancée dans la création d'entreprise, une véritable working girl pleine d'ambition, de courage, d'objectifs et de rêves…J'ai un BAC + 5 que j'ai obtenu en étant major de ma promotion ! J'ai fait le choix un beau jour de me lancer un beau défi professionnel : travailler pour moi ! Etre mon propre patron, j'en ai toujours rêvé et je l'ai fait !!

J'y ai investi la totalité de mes économies et obtenu un crédit à la banque afin de réaliser mes projets…J'étais ambitieuse, je voyais les choses en grand ; mais j'étais très calculatrice et réfléchie, raisonnée et raisonnable, travailleuse…Je ne compte plus les journées de 15heures de travail, et tous ces week-end passés seule derrière mon ordinateur. J'avais fini par obtenir de bons résultats dès la 3^e année de labeur, j'ai même embauché une personne à temps plein et une étudiante en contrat d'alternance, j'avais même pas 30ans !!

Mes amies sortaient au cinéma et s'offraient des soins en SPA, des fringues sexy…Moi, je lisais des guides financiers, et m'offraient des cours du soir pour apprendre l'Anglais…Mes amies dormaient peu car elles faisaient la fête et passaient des nuits torrides à profiter de leur santé et leur jeunesse…moi je dormais peu car je travaillais beaucoup entre 2 ruptures, toujours larguée par des mecs qui me reprochaient chacun à leur manière ma surcharge de travail et mon manque de disponibilité pour eux…

J'étais malgré tout très heureuse et fière de moi, fière de ce que j'étais devenue, alors que toutes mes amies étaient si joyeuses de pouponner ou de se faire passer la bague au doigt…J'avais mon bel appartement en banlieue, et j'en étais propriétaire !

J'étais jeune et consacrée à ma carrière, persuadée que le prince charmant saurait me retrouver le moment venu…

Puis un beau jour, le rêve s'écroule, la crise économique, les clients qui se font rares et brillent par leur absence sans toujours avoir remboursé leurs dettes, les fournisseurs qui augmentent leurs prix et rallongent leur délais par manque de personnel… J'ai fini par devoir me séparer de mes 2 collaboratrices, à mon grand regret…Puis de ma petite société dont j'étais si fière ! Et tout cela si vite et en laissant encore nombre de créanciers derrière moi, et la banque à rembourser…La loi est telle que je n'ai pas eu droit aux allocations de chômage pendant des mois, en tant que gérante d'entreprise…Alors l'accumulation des factures impayées et de leurs intérêts ne m'ont pas laissé d'autres choix que retourner chez mes parents afin d'économiser déjà le loyer et continuer à payer ce que je devais…J'ai dû revendre mon bel appartement mais en dessous de sa juste valeur et surtout en dessous de mon prêt immobilier que je finis de rembourser pour quelques mois encore…Le retour chez les parents s'est vite imposé comme une question de survie.

Et oui, devoir rembourser pendant des dizaines et dizaines de mois un prêt pour un appartement dans lequel vous ne vivez pas, alors que vous avez effectué tant de travail et de sacrifices, oui, peu de gens dans mon entourage connaissent cette rage, ce chagrin, cette frustration, cette injustice…

Les avocats, les assureurs, les banquiers, les ex clients, les courriers en recommandé, et les mises en demeure…Ma malchance s'est accentuée avec des réparations de voiture à faire ou un piratage internet de ma carte bleue !!! La poisse ! J'ai tout perdu, tout !

J'ai fait une petite dépression… Je me suis coupée du monde, de mes amis, même Ambre ma meilleure amie qui a su malgré tout rester à mes côtés…Jamais bien loin…Je me suis faite soignée pour un ulcère à l'estomac… J'ai fini par me prendre en main et consulter pour m'en sortir. J'ai refusé les antidépresseurs, les jugeant sans savoir comme étant certes efficaces mais traîtres donc effrayants pour ma part…

Ha cette sacrée loi d'attraction : quand dans la tête ça ne va pas, alors dans la vie rien ne va !

Je me suis relevée petit à petit, avec le recul, le temps qui passe, avec l'aide de mes parents, la présence d'Ambre et le soutien d'Eric mon frère, le travail du psy …

Mais surtout par moi-même, par mon envie de m'en sortir, mon travail d'introspection, d'ouverture d'esprit et d'acceptation face à mes erreurs, ma mauvaise gestion, mes prises de risque et les revers de médaille….Ma volonté sincère d'être à nouveau heureuse, peu importe sans entreprise ou petit ami…mais sans médicaments ni crise de larmes… !!

A présent je vais bien, tous ces souvenirs sont derrière moi, je m'en suis sortie grandie et avec une vision de la vie différente, et une certaine légèreté par moment je l'avoue !

J'ai mis du temps à comprendre que je n'ai jamais été victime : ni de la vie, ni de malchance…

On a tous nos malheurs, nos mauvaises nouvelles et autres aléas de la vie, qui nous touchent personnellement ou simplement en dommage colatéral…Mais on a tous nos propres choix de réaction face à cela ! Subir, s'enliser, se relever, se battre, recommencer autrement, laisser tomber, s'isoler, demander de l'aide…Etre dans le déni, dans la répétition de ses erreurs, dans la peur d'un prochain éventuel échec,…mille et une émotions et au moins autant de comportements à adopter !

J'ai toujours été et resterai l'actrice de ma vie et non la spectatrice ! De part mes choix et mes actes, et les conséquences doivent être assumées, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.

Mais certaines conséquences sont encore bien présentes ; j'enchaîne les petits contrats moyennement payés et les périodes de chômage et de délais de carence. Je n'ai aucune stabilité professionnelle, tantôt caissière, tantôt ouvrière, ou assistante de direction bilingue…et dire que j'étais gérante de mon entreprise !!! Pff…Je ne sais plus où aller, quelle voie choisir et comment y accéder et y réussir.

Et pourtant je sais parfaitement que j'en ai envie de cette réussite ! Je la veux à nouveau cette stabilité…Je me vois tellement retrouver cette fierté, cette sensation exquise d'être quelqu'un ! De se sentir à nouveau accomplie…Au moins sur le plan professionnel déjà…

Il me reste encore 4mensualités pour être enfin définitivement débarrassée de mon crédit immobilier pour mon ancien appartement. Décembre et ensuite tout sera fini ! Dès janvier je commencerai une nouvelle année en laissant ce stress comptable derrière moi, ce sera très symbolique et prometteur d'une nouvelle vie indépendante !

En attendant, le temps passe et ce soir je suis toujours Zoé, 33ans, dans ma chambre chez Papa-Maman, à ressasser le passé et d'un coup à souffrir encore de tous les jugements injustes, ignorants et infondés de mon entourage.

Stop ! Peu importe ce que les autres disent, moi je rêve d'un super travail, et je l'aurai ce job dans lequel je m'épanouirai chaque jour et qui en plus me permettra de voir grandir mon enfant et passer d'agréables moments avec l'homme de ma vie…

Euh, enfin non, non… stop là aussi…Je ne suis encore même pas endormie que je rêve déjà…Je suis fatiguée…il n'existe pas ce mec…l'amour n'existe pas !

Quoique…Et si j'avais tort en fait ? Et l'homme de ma vie, justement, si c'était Steve ? Il est tellement beau, élégant, intelligent, généreux, gentil, respectueux, si drôle et avec de la conversation…Il se comporte avec moi de façon exemplaire et si touchante. Je ne vais pas tout gâcher avec mes mensonges et je vais donc lui avouer qui je suis vraiment. Cette fois je me le jure…