Zones Blanches

destournelles

Chapitre Premier

Jacques se réveilla en sursaut.

Haletant, le cœur battant à grands coups, il regarda autour de lui. « Tout va bien, calme-toi », se dit-il. Il se trouvait à bord de la vieille Espace familiale avec ses parents, son frère et sa sœur, et ils roulaient sur l’autoroute en direction du sud… pour trois semaines de « vacances bien méritées », comme disait son père. Derrière la vitre de sa portière, un paysage rassurant défilait : une succession ininterrompue de champs et de petits villages aux maisons pelotonnées autour d’une d’église et de son clocher. Il s’était endormi et il avait fait un cauchemar, voilà tout. Quel genre de cauchemar, il n’en avait aucune idée, aucun souvenir ; il en gardait juste une impression désagréable, à la manière d’un mauvais goût qui persiste dans la bouche.

Comme si elle avait senti son trouble, sa mère, à l’avant, se tourna vers lui. Ses lunettes de soleil relevées sur son front lui faisaient comme une deuxième paire d’yeux.

_ Ça va, Jacques ? Tu as l’air tout chose.

_ Ça va, oui. Je crois que j’ai fait un cauchemar…

_ Laisse-moi deviner…, murmura son père. Tu as rêvé que tu passais trois semaines de vacances avec ta famille, c’est ça ?

Il se mit à rire, et Jacques ne put s’empêcher de sourire, même si derrière la plaisanterie il y avait une part de vérité.

Il avait eu seize ans en mars, et il estimait qu’à seize ans, on était en âge de partir avec des copains et surtout sans ses parents. Mais ses parents, justement, en avaient décidé autrement. Ils avaient mis sur le tapis des arguments plus ou moins valables, comme son passage d’extrême justesse en première ou la petite fête qu’il avait organisée sans permission dans l’appartement alors qu’ils étaient partis pour le week-end à Bruxelles… Ou encore le fait qu’il n’ait pas assez d’argent sur son compte en banque pour se payer lui-même son séjour. Il n’avait pas su comment défendre sa cause et le jugement avait été rendu, sans appel possible : cette année encore, il ne couperait pas aux habituelles trois semaines de vacances en famille.

Certains avaient eu plus de chance que lui : Victor, Benjamin et Kevin, qui était dans la même classe de seconde que lui, au lycée Victor-Hugo à Paris, allaient passer une semaine à la Couarde, sur l’Île de Ré. Au programme, camping, plage, boîtes, filles… et tout ce que les parents n’avaient pas besoin de savoir. Jacques, lui, devrait encore supporter son frère, sa sœur et ses parents. Ces trois semaines risquaient de lui paraître interminables. Le fait qu’Hervé et Caroline Leroy aient économisé pour louer une villa avec piscine et jardin dans le sud-ouest de la France, au bord de l’océan, n’y changeait rien. Il ne connaissait personne, là-bas.

_ Et si on s’arrêtait un peu ? proposa sa mère en se penchant pour baisser le son de la radio. Il me semble avoir vu un panneau annonçant une station-service dans une dizaine de kilomètres. Tu prendras de l’essence, Hervé. Et on en profitera pour faire une petite pause.

Machinalement, Jacques baissa les yeux sur son téléphone portable pour voir depuis combien de temps ils étaient partis.

L’appareil était éteint.

Tiens, bizarre.

Il voulut le rallumer, n’y arriva pas. La batterie était-elle épuisée ? Il avait pourtant laissé l’appareil en charge toute la nuit en prévision du long trajet en voiture. Pas de téléphone, cela voulait dire pas de musique, pas d’échange de SMS avec ses amis et pas d’Internet, et de Facebook, quand il y avait un réseau ouvert à proximité. Et pas d’heure non plus. Alors que des heures de route, il leur en restait beaucoup.

Ces vacances commençaient vraiment mal.

À côté de lui, son frère et sa sœur n’avaient l’air de trop s’inquiéter. Thomas, 11 ans, était comme d’habitude absorbé par les deux écrans de sa console DS. Malgré les écouteurs qu’il portait pour ne pas gêner les autres, Jacques entendait quelques-uns des bruits, les plus aigus, de Full Metal Alchemist, le jeu de baston sur lequel il passait des heures à s’abrutir. Et entre eux, Iñes, qui fêterait ses 9 ans pendant les vacances, dormait comme un bébé, sa peluche favorite serrée contre elle. Jacques regarda par la fenêtre. C’était tout de même curieux de faire un rêve qui laissait une impression aussi forte, aussi tenace, et de ne pas être capable de s’en rappeler quoi que ce soit. Il avait beau se concentrer, se creuser la tête, rien ne lui revenait. Pas même une image, aussi fugitive fût-elle. Juste cette sensation persistante d’avoir vécu quelque chose d’aussi intense que pénible.

Il décida de se changer les idées et pensa à Élise, avec qui il sortait depuis le début de l’année. Elle lui manquait déjà. Ils avaient passé toute la soirée de la veille ensemble jusqu’à minuit. Ils s’étaient promenés sur les quais de la Seine, du côté de l’Île Saint-Louis ; ils avaient pique-niqué au bord de l’eau ; puis ils s’étaient offert des glaces et avait marché jusqu’à la passerelle des Arts pour y accrocher un cadenas. Jacques l’avait acheté la veille et avait juste gravé dessus : « Jacques et Élise ». Ils s’étaient embrassés, longtemps, sans reprendre leur souffle. Jacques avait tout oublié, alors, y compris le fait qu’il ne reverrait plus Élise avant le mois de septembre, juste avant la rentrée.

Ça n’était pas de chance : quand Jacques rentrerait de ses trois semaines de vacances en famille, au début du mois d’août, Élise partirait à son tour pour presque un mois dans l’Allier, où la famille de sa mère avait une maison. Elle lui parlait souvent de cet endroit. Certaines années, ils s’y retrouvaient parfois à plus vingt, cousins et amis, se répartissant comme ils pouvaient dans les corps de bâtiments de cette vieille ferme qu’ils retapaient et agrandissaient un peu plus chaque année. Les plus jeunes devaient même parfois dormir sous la tente, dans le grand jardin. Visiblement, on n’avait pas le temps de s’ennuyer, là-bas : en plus des balades dans la campagne, à vélo ou à pied, on aidait les agriculteurs du hameau pour les moissons ou pour s’occuper des animaux et du potager, on ramassait les prunes ou les mûres pour faire des grosses tartes ou des confitures, on préparait d’immenses barbecue, on allait à la pêche, on bouquinait sous le grand noyer, on se baignait dans la rivière, on visitait des châteaux, on allait à des vide-greniers… À entendre Élise, cet endroit était le paradis sur Terre. Malheureusement, les petits copains – et les petites copines – n’y étaient pas encore autorisés.

Avant de quitter Élise en bas de chez elle, rue de la Roquette, Jacques lui avait fait un cadeau. Un livre, un gros livre : le premier tome des Mémoires d’Outre-Tombe, de Chateaubriand. La lecture était une des passions communes qu’ils s’étaient découverts et qui les avaient un peu plus rapprochés. Quelques semaines plus tôt, Jacques s’était acheté l’ouvrage après avoir entendu un écrivain en parler à la télévision. Une inspiration lui avait soufflé d’en acheter un autre exemplaire pour l’offrir à Élise. Il avait aimé l’idée qu’ils liraient le livre pratiquement en même temps, à des centaines de kilomètres l’un de l’autre. La lecture tendrait entre eux un fil invisible, et d’une certaine manière, ils seraient toujours ensemble.

Élise avait pris l’épais volume. Elle avait embrassé Jacques ; elle était très émue, il l’avait senti. Il y avait eu comme un moment de flottement, puis elle avait posé le livre sur la selle d’un scooter stationné devant son immeuble et elle avait ouvert le sautoir du collier qu’elle portait. C’était une chaîne en or toute simple, avec juste un petit cœur. Elle l’avait passé autour du cou de Jacques, l’avait de nouveau embrassé. Ils étaient ensuite restés serrés l’un contre l’autre, longtemps, sans rien dire. À chaque inspiration, Jacques s’imprégnait d’Élise, il cherchait à emprisonner un peu plus d’elle, pour le garder, l’emporter avec lui. Elle avait fini par s’écarter, et récupérant le livre, elle avait rejoint l’entrée de son immeuble, elle avait composé le code de la porte qui s’était bientôt fermée sur elle.

Jacques était resté un moment sur le trottoir, la main gauche fermée sur le petit cœur suspendu à son cou… comme en cet instant : sans s’en rendre compte, il avait fermé ses doigts sur le bijou en or. Il resta ainsi, cherchant à tenir à distance le malaise qu’il éprouvait un peu plus tôt et à dissiper le vague cafard que lui inspiraient les trois semaines à venir, en famille et loin d’Élise.

Quelques minutes plus tard, son père ralentit et mit son clignotant. Il s’engagea sur la voie d’accès à la station-service.

_ Je ne sais pas si c’était une bonne idée, tout compte fait, déclara Caroline, la mère de Jacques.

Il y avait du monde, en effet, beaucoup de monde. Mais maintenant qu’ils étaient là, autant en profiter. Hervé Leroy hésita entre deux des nombreuses files d’attente aux pompes, se décidant finalement pour celle de gauche. Il se retrouva derrière un 4x4 Toyota en provenance des Yvelines. Trois têtes firent aussitôt leur apparition derrière la lunette arrière. Et sans attendre, trois affreux gamins se lancèrent dans un concours de grimaces dont les membres de la famille Leroy étaient les spectateurs privilégiés.

_ On a tiré le gros lot..., remarqua Hervé. Le mieux est de ne pas s’intéresser à eux. Ils se fatigueront avant nous.

Thomas se contrefichait des trois grimaceurs : il était toujours immergé dans les écrans de sa console de jeu. Ses doigts pianotaient sur les touches en faisant entendre un cliquetis agaçant. Jacques, lui, détourna les yeux de ces trois idiots, tout en songeant qu’à une époque pas si lointaine il se livrait avec joie au même genre d'âneries. Il promena son regard autour de lui. Tous ces gens en T-shirts et en shorts, toutes ses voitures chargées de bagages… C’étaient indéniablement les vacances. Mais Jacques n’arrivait pas à se mettre dans l’ambiance. Il pensait à Élise. Sans parler de cette drôle d’impression qui ne le lâchait pas depuis qu’il s’était réveillé.

À sa gauche, sur une aire de stationnement visiblement réservée aux poids lourds, il remarqua un gros camion. Il le remarqua parce que c’était un gros semi-remorque d’un rouge inhabituel, presque aveuglant, et parce qu’un homme, sans doute son chauffeur, était adossé à la remorque, une jambe repliée derrière lui. L’homme regardait dans sa direction. Jacques eut même le sentiment qu’il le fixait. Ce qui était évidemment stupide, puisqu’ils étaient trop loin l’un de l’autre et parce que les vitres de l’Espace était teintées.

Hervé Leroy se tourna vers sa femme :

_ Tu n’as qu’à y aller avec les enfants, Caro. Je vous rejoindrai dans la boutique.

_ Tu as raison. Ça nous fera gagner un peu de temps.

Elle se tourna vers la banquette arrière.

_ Ah ! Mlle Iñes fait surface, justement. Ça va, ma choupette ?

Iñes cligna des yeux, pas vraiment réveillée. Elle regarda autour d’elle et fronça les sourcils, comme si elle était étonnée de se trouver là. De sa main droite, elle repoussa une des boucles châtain clair qui lui tombaient sans arrêt devant les yeux. Thomas, qui avait commencé de descendre, lui prit le bras pour la secouer.

_ Allez, grouille !

De l’autre côté, Jacques lui défit sa ceinture de sécurité.

_ Dépêche, Iñes ! lança-t-il.

Et comme sa sœur ne semblait pas décidée à réagir, il ajouta :

_ On va s’acheter un paquet de Granola.

Il se tourna vers leur mère, qui hocha la tête. La mention de sa marque favorite de gâteaux sortit Iñès de sa torpeur, et quelques instants plus tard, ils marchaient en direction de la grande boutique de la station-service tandis qu’Hervé attendait patiemment son tour pour faire le plein d’essence. Le soleil de juillet brillait dans un ciel d’un bleu soutenu. Curieusement, pourtant, il ne faisait pas très chaud. Jacques ne ressentait aucune température particulière, en fait.

Ils entrèrent dans la boutique, et leur mère se tourna vers eux.

_ Qui veut faire pipi ?

Personne ne se manifesta.

_ Iñès ? On ne s’arrêtera pas juste pour toi si tu as envie. Alors, c’est maintenant. Pense à ton paquet de Granola…

L’argument eut raison des réticences de la fillette. Elle prit la main que sa mère lui tendait et elles se dirigèrent vers la porte des toilettes féminines. Jacques et Thomas se précipitèrent aussitôt vers le linéaire des gâteaux et des confiseries. C’était le moment du voyage que Jacques préférait, le principe étant que chacun avait droit à un article de son choix, qu’il fallait tout de même parfois partager avec les autres. Avec son frère, ils passèrent en revue tout ce que la boutique proposait en matière de bonbons, de barres chocolatées, de gâteaux, de chips, de soda. Ils comparèrent les prix avec ceux pratiqués à Paris, au Monoprix ou chez l’épicier de la rue Saint-Antoine.

Après une longue hésitation, Jacques se contenta d’un Coca Zéro, puis il se promena entre les autres rayons. Il jeta un coup d’œil vers l’endroit où son père prenait de l’essence, mais une camionnette Wolkswagen orange l’empêchait de voir. Hervé en avait sans doute fini et allait les rejoindre.

_ Vous avez trouvé votre bonheur, les garçons ?

C’était Caroline, qui était de retour. Iñès tenait comme un trésor son paquet de Granola, ou plutôt ses paquets. Il y avait une promotion – « achetez-en deux, le troisième vous est offert » -, et cette peste avait dû réussir à convaincre sa mère de ne pas laisser passer une telle aubaine. Avec Iñès, Caroline se laissait de toute façon facilement convaincre.

_ Le propriétaire de la Renault Espace immatriculée BD 765 BB, dans le 75, est prié de quitter la zone des pompes et de venir régler aux caisses, annonça une voix féminine dans la boutique. Merci. Je répète : le propriétaire la Renault Espace immatriculée BD 765 BB, dans le 75, est prié de quitter la zone des pompes et de venir régler aux caisses. Merci.

Caroline se figea, les sourcils froncés.

_ C’est… nous, non ? demanda-t-elle en interrogeant Jacques du regard.

Il haussa les épaules. La sonorisation de la boutique n’était pas terrible, et il n’était pas sûr d’avoir bien saisi les numéros de la plaque d’immatriculation. Des Espace, il en apparaissait de tous les côtés, au moment des vacances. Et pour cette journée de départs en vacances, il y avait aussi beaucoup de 75. Il rejoignit l’avant de la boutique. L’Espace était bien devant une des pompes et d’autres véhicules attendaient derrière. Son père, lui, était invisible.

Étrange.

En même temps, Hervé avait peut-être rejoint la boutique sans qu’ils s’en rendent compte. Il était peut-être aux toilettes. Non, c’était absurde : il n’aurait pas laissé sa voiture aux pompes. Autre explication : il était tombé sur quelqu’un qu’il connaissait, c’était déjà arrivé, et il bavardait tout près de là. Mais Jacques n’y croyait pas.

Cela faisait bizarre de voir la voiture, comme ça. Elle était comme abandonnée.

_ Je crois que c’est bien de nous qu’ils parlent, dit-il en rejoignant sa mère.

_ Tu as vu la voiture ?

_ Oui. Devant une des pompes.

_ Et ton père ?

Jacques secoua la tête.

_ Pas vu.

_ Tu peux aller vérifier là-bas, s’il te plaît ? demanda Caroline. Avec Thomas et Iñès, on va le chercher ici.

_ Le propriétaire la Renault Espace immatriculée BD 765 BB, dans le 75, est prié de quitter la zone des pompes et de venir régler aux caisses. Merci. Je répète : le propriétaire de la Renault Espace immatriculée BD 765 BB, dans le 75, est prié de quitter la zone des pompes et de venir régler aux caisses. Merci.

Jacques avait l’impression que tout le monde le regardait quand il sortit de la boutique. Il jetait des coups d’œil un peu partout, tentant de repérer la silhouette de son père, avec son polo bleu marine et son jean délavé. Mais Hervé demeurait invisible. Lorsqu’il arriva au niveau de l’Espace, elle lui donna de nouveau cette drôle d’impression d’abandon. Il actionna la poignée de la portière arrière qui s’ouvrit. Au même moment, le conducteur de la première des voitures qui attendaient derrière klaxonna.

Jacques se tourna vers la Toyota et écarta les bras en signe d’impuissance.

_ On cherche mon père, dit-il.

La passagère, à l’avant, passa la tête par sa vitre ouverte.

_ Que se passe-t-il ?

_ C’est mon père. On ne sait pas où il est.

La femme fronça les sourcils et répéta au conducteur, qui conduisait torse nu. Jacques le vit secouer la tête et hausser les épaules, visiblement excédé. Derrière, un automobiliste klaxonna, aussitôt imité par un autre. Certains essayèrent de changer de file, mais ce n’était pas toujours évident.

Jacques, lui, était désemparé.

Et sa détresse ne fit qu’augmenter quand il aperçut sa mère qui arrivait de la boutique. Seule. Elle paraissait affolée.

_ Je… je ne comprends pas. Il est introuvable.

Elle baissa les yeux sur le bouchon du réservoir. Il avait été remis à sa place. Et la clé, avec celle de la voiture, y était toujours.

Jacques vit sa mère regarder de tous les côtés, vraiment paniquée.

Et derrière, les Klaxons reprirent de plus belle.

Jacques ferma la main sur le cœur d’Élise. Son regard croisa celui de sa mère.

_ Il s’est passé quelque chose, Jacques, lui dit-elle dans un souffle. Je ne sais pas quoi, mais je sens qu’il s’est passé quelque chose… 

********

Chapitre 1er

Jacques, 16 ans, le narrateur du livre, se réveille en sursaut d’un mauvais rêve. Il est dans la voiture de ses parents qui roule en direction du sud, avec son frère et sa sœur, en route pour trois semaines de vacances. Peu après, ils s’arrêtent à une station-service. Chacun va de son côté. Mais à la fin, stupeur : le père a disparu.

Chapitre 2

Ils le cherchent partout, sans résultat. Il s’est évanoui dans la nature. Moment de panique. Jacques remarque un homme, près d’un camion. Ils reprennent la route malgré tout, le père étant coutumier de certaines surprises. C’est peut-être encore le cas. Au moment de quitter l’autoroute, Jacques aperçoit un panneau : « L’Autoroute 666 vous remercie et espère vous revoir un jour. Enfin, peut-être ».

Chapitre 3

Ils suivent des petites routes. Ont du mal à se repérer. Jacques remarque quelques bizarreries. Ils finissent par arriver chez la personne qui doit leur remettre les clés de la maison qu’ils ont louée – personne qui ressemble étrangement au routier de la station-service. Mais au moment de partir, nouveau coup de théâtre : cette fois, c’est un des enfants, le frère, qui s’est volatilisé.

Chapitre 4

De nouveau sur la route. Le soleil se couche. L’atmosphère s’est alourdie. La mère veut toujours se persuader, et les autres avec, que le père leur a fait une surprise et les attend à la maison. Jacques n’y croit pas. Sur le bord de la route, il aperçoit un autostoppeur qui ressemble encore à l’homme de la station-service. Ils arrivent enfin à la maison qu’ils ont louée, et là, stupeur…

Chapitre 5

La maison ne ressemble pas du tout à ce qu’ils attendaient. Elle est grande, moderne, toute en blanc, avec du carrelage partout. J’aime pas, dit la sœur, on dirait un hôpital. Et ni le père ni le frère ne s’y trouvent. Dans une pièce, il y a un tableau avec un personnage qui ressemble encore à l’homme de la station-service. Ils dînent en silence et vont se coucher. Jacques finit par s’endormir, mais il est réveillé par un fracas épouvantable.

Chapitre 6

Réveil de Jacques, le cœur battant à se rompre (comme dans l’ouverture du livre). En plus du vacarme, une lumière venue du dehors illumine sa chambre. Et puis, brusquement, tout s’arrête. Il attend. Finit par se lever. Va voir sa mère, mais le lit est vide. Il se rend dans le salon. À travers la baie vitrée, il découvre leur voiture détruite. Avec sa sœur, qui s’est levée, ils se mettent à chercher leur mère. Mais Jacques sait déjà qu’ils ne la trouveront pas.

Chapitre 7

Ils ne sont plus que deux, le frère et la sœur. Ils ont peur, décident de ne plus se quitter. Ils essayent de comprendre ce qui se passe. Ça n’a pas de sens. À un moment, la fille sorte à l’insu de Jacques, qui l’aperçoit soudain courant dehors. Il part à sa poursuite. Course dans les bois de pins qui environnent la maison. Il tombe à deux reprises. Et à un moment, il s’arrête. Il est persuadé de l’avoir perdue. Une voix lui demande alors : « Tu ne l’as pas entendu ? »

Chapitre 8

C’est sa sœur. Elle lui explique qu’elle a entendu la voix de leur père. Qui l’appelait, lui parlait… Elle est sereine ; lui mort de peur. Ils marchent dans la forêt noire. Jacques entrevoit des silhouettes, croit entendre des voix. Quand ils finissent par apercevoir la maison, Jacques se met à courir, puis s’arrête pour attendre sa sœur. Mais elle a disparu. Il est seul. Il se retourne vers la maison… et se retrouve nez à nez avec l’homme de la station-service.

Chapitre 9

Il est ivre de rage. Persuadé que l’homme est responsable de tout ce qui arrive à sa famille. Il se met à l’insulter, lui demande des explications. Mais l’autre ne fait que lui répéter en pleurant qu’il est désolé, qu’il n’y est pour rien, qu’il ne sait pas ce qui s’est passé… Et soudain, il disparaît à son tour, sous les yeux de Jacques – seul, désemparé. Alors qu’il regagne la maison, il sent un changement autour de lui, quelque chose qui l’enveloppe.

Chapitre 10 + épilogue

Il marche sur une plage, ou un désert, infinis. Il se remémore ce qui s’est passé. Étrangement, il se sent bien. Des images lui traversent l’esprit. Il ne cherche plus à comprendre. Il est serein. Autour de lui, le sable est de plus en plus blanc. Le ciel et la terre semblent se rejoindre. Et dans une lumière de plus en plus éclatante, deux chemins se présentent à lui. Il hésite, avant de s’engager sur l’un d’eux.

Epilogue (en une page) : un article de journal raconte le terrible accident sur l’A6 entre une voiture transportant une famille de cinq personnes et un semi-remorque, dont le chauffeur a perdu le contrôle de son véhicule. L’homme est décédé sur le coup. Quant à la famille, ils ont tous été miraculeusement sauvés, après des périodes de coma plus ou moins longues.

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