Lucie Otter

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  • Paris, France
Biographie


Il est près de 21h, nous patientons depuis ce début d'après-midi, flânant sous les arcades et discutant avec animation de tout et de rien. Le sable nous chatouille les pieds et l'air marin emplit nos narines. Il fait noir, les gens autour de nous commencent à regarder l'heure. Nous sommes sur une serviette, une banale serviette de plage humide, posée à même le sol. Nous sommes tous les trois là, bavardant, insatiables curieux que nous sommes, sur le spectacle qui va suivre, riant des gens qui ont payé pour avoir une place minable au milieu de la plage. Une voix enjouée sort des hauts-parleurs et nous annonce que ce que nous attendons va commencer. Nous sommes comme des enfants, agenouillés et assis en tailleur, attendant tous que l'homme finisse cet interminable monologue, pour entendre des mélodies rêveuses. Ca y est, la foule applaudit, l'homme s'incline et s'écarte. L'orchestre apparaît, joue un air, puis deux, puis trois. Nous chuchotons, rions en silence, lovés dans cette bulle qui s'est formée autour de nous. Chacun d'entre nous a le sourire aux lèvres, ce fichu sourire qui ne veut pas disparaître, nous inventons Richard, et son histoire macabre, ses victimes, les lieux où il les a enterrées ou cachées, tout en chantant à voix basse chacune de ses aventures. Nos jambes s'engourdissent et nos dos deviennent douloureux, alors nous nous allongeons. Discrètement, nous pointons du doigt les lucioles qui volent, dispersées au gré du vent, près des nuages sombres de cette nuit, écoutant d'une oreille distraite le fond sonore qu'est cette opéra. Soudain, un nom, que je reconnais: Grand corps malade. J'avais étudié l'un de ses textes en classe. C'était beau, étonnament intelligent et profond, pour ce qui doit être enseigné à des quatrièmes. Sa voix grave sort des enceintes, et nous découvrons ce texte, interpété mieux que lors de n'importe quel concert, l'orchestre derrière lui, enjolivant une voix doucereuse, rauque et ensorcelante, déjà gravée dans nos mémoires. Mon sourire ne s'atténue pas, et refuse de disparaître. Je suis entre vous deux, la tête calée sur un sac à dos. Tes chveux blonds viennent chatouiller mes épaules, et son calme, à droite, m'étonne et me ravit. Nous sommes tous les trois étendus là sur le sol. Un de nos bras se lève de temps en temps pour dire gaiement: "Là, regarde, une autre!" et les autres acquiescent ensemble, d'une voix effacée, qui se fait la plus sourde possible pour ne pas perdre une miette du concert...

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Lucie Otter
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