117 cm

117 cm, je suis exactement à 117 cm de moi.

Vous vous me voyez là, enfin là, alors que moi j'suis là et j'me vois là.

Enfin tu vois!

Mais, mais j'ai pas toujours été comme ça,

j'veux dire avant j'étais comme vous.

Enfin avant que ça n'arrive, j'aurais été debout, là, sur la scène,

devant vous, et non ici, précisément à 117 cm de là où je devrais me trouver.

J'ai longtemps essayé de me persuader que j'étais comme tout le monde,

j'veux dire “normal”, je sais bien qu'on est tous unique.

Mais quand j'y pense, j'ai toujours été, comment dire...

pas à l'aise, ouais, pas à l'aise.

Comme si une petite voix me murmurait que j'étais pas à ma place,

qu'on me trouvait bizarre...

Aussi loin que j'me souvienne j'ai toujours été en conflit avec l'être qui brille à l'intérieur de moi,

celui qui pense que la tête est un vaisseau spatial qui peut t'emmener où tu veux.

Ça vous arrive à vous de penser à l'infini?

Et la musique des planètes et leurs pulsations, vous y pensez?

Ça sonne toujours trop grave en fait.

Et puis y'a eu cette météorite.

Tout ça, tout ce qui m'est arrivé, là où j'en suis maintenant, c'est de sa faute.

Une météorite de 150 tonnes, ça laisse des traces!

On se rend compte à quel point on est petit face à ça.

Quelle chance y avait-il que je rencontre cette météorite de 150 tonnes?

1 chance sur des milliards…

Vous m'direz c'est comme les galaxies, pourquoi on a atterrit sur celle-ci?

-Quoi??? Pas eu de dégâts, comment ça ? Ah oui c'est vrai, seulement une antenne sur l'immeuble en face de chez moi...et moi… et moi…

Y'a que quand je dors... quand je dors j'arrive presque à me rejoindre.

J'me rapproche de moi-même, centimètre par centimètre, jusqu'à peut-être 25 cm et puis j'me réveille.

A nouveau 117cm,

vous imaginez pas le nombre de problèmes quand on réside à 117 cm de soi.

Après c'est juste une question d'organisation, faut rester organisé c'est tout

Chez moi j'm'en sors à peu près, ça va, ça se passe plutôt bien...

mais évidemment, on peut pas tout prévoir…

-Mmhhh? Nan, depuis que j'ai perdu mon travail, je sors plus trop et j'évite les interactions. J'ai peur qu'on me juge, d'être regardé comme un fou.

Mais je suis pas fou, vous savez!

Je...comment dire... je traverse une zone de turbulence, comme si j'étais resté dans le champ de météorite quand elle m'a percuté. C'est ça, j'ai des problèmes de champs gravitationnels.

Tout ce que je voudrais maintenant, c'est retourner à ma place,

j'voudrais sauter dans le vide de l'espace

en espérant qu'il y ait un parachute sous ma carapace.