20H

Kanon Gemini

la messe est dite.

     L'heure fatidique. Celle de la grande messe où notre télévangéliste va nous faire expier nos péchés. Autant je ne regarde jamais le JT, autant cette fois-ci, comme beaucoup de français, j'avais le regard hagard, sur mon écran, attendant la sanction. Je me doutais, au vu des derniers chiffres de la contamination, que la vis allait encore être serrée. Les éléments de langage des journalistes laissaient peu de place au doute.

     L'allocution commence dans un silence de mort, et la nouvelle me fit l'effet d'un uppercut: Confinement, limite de déplacement, attestation, pas de déplacements inter régionaux, écoles fermées, vacances scolaires déplacées.

     Il m'a fallu quelques instants avant de digérer la nouvelle. Tous les projets portent en fumée en 2 minutes. La plupart sans importance, c'est sûr. Si ce n'est que quand ça fait un an qu'on ne peut faire aucun projet à quinze jours, l'usure se fait sentir. Cette période aura accouchée d'une séparation et d'un amour inespéré, d'une garde d'enfants à aménager, et d'un nouveau départ à zéro. Les projets étaient simples, et tout ce qu'il y a de plus modeste. Un tatouage en Avril, des vacances scolaires en Mai pour aller voir mon père, lui présenter mon amour et ma nouvelle famille.

     Car oui, ça fait un bout de temps que je ne l'ai pas vu mon père. Très longtemps. Trop longtemps. Et là, ce qui ne m'arrive jamais, arriva. Une crise de larmes. De vrais sanglots. J'ai été me mettre sous la couette pour cacher ma peine et ma frustration. Vous me direz que c'est enfantin et égoïste. Oui, complètement. Mais comme beaucoup , je pense avoir besoin d'une vision sur plus de deux semaines, de faire des projets, de vivre et non de survivre dans un enfer métro, boulot, dodo. Donc oui, j'ai pleuré égoïstement. Et bêtement, j'ai recommencé à faire des projets en me disant que cette fois-ci, ça le ferait. Egoïstement et bêtement.

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