4 ans

Daniel Macaud

(Synopsis)

Bastien et Aurélie viennent d'avoir un accident de voiture. L'occasion de revoir toute leur vie défiler devant eux, avant de décider de survivre. L'occasion de revenir sur une histoire de 4 ans, depuis leur première rencontre, jusqu'à cette dispute en voiture, fatale... ?

(début du texte)

- Ça c’est moi: Bastien, 20 ans, beau gosse. Je sais, ça fait léger sur le CV, mais c’est suffisant pour attirer les gonzesses.
- T’es vraiment un porc !
- Attends, je finis la présentation ! Donc, je m’appelle Bastien, J’ai pas grand-chose dans le cerveau...
- Tout est tombé dans le slip, c’est pour ça !
- Arrêtes ! tu pourris ma présentation !
- Rooo, c’est pas grave, on a compris l’essentiel. A moi. Ça, c’est moi: Aurélie, 14 ans...
- Elle faisait plus vieille !
- Menteur !
- Avec ce que t’avais dans le soutif, je te jure !
- Non ?! Que pour mes seins ?
- Ben oui... Mais c’était avant hein ! C’est vrai !
- Ouais, rattrape toi tiens ! Bon je reprends:  je me trouve très belle, et je rêve du prince charmant.
- T’as pas grand chose non plus dans le cerveau !
- Hé !
- Chacun son tour !
- Attend un peu espèce de...
- Arrêtes, ça commence, tiens-toi bien.
- Oh la la !

Soir d’été dans les rues de la ville. La place principale, là où se trouve le cinéma, est bondée de monde. Sur les terrasses des cafés, les gens s’empressent de s’asseoir, commander un verre. par petit groupe, la soirée s’organise gentiment, dans la douceur de l’air du soir. Il a quelque chose, cet air, de pas commun. Comme un vent de passion à naître...

- Aurélie, t’en fais trop là !
- Mais ! Je fais ce que je veux !

Sur la place, elles sont un petit groupe de filles, en train de discuter. Elles ont faussé compagnie à leurs parents, en prétextant être chacune chez l’autre pour bosser les maths, parce que M. Bigot fait un contrôle demain, et que c’est hyper dur les fractions ! A quelques mètres d’elles, un jeune homme les regarde, les fixe, surtout une, qu’il ne lâche pas du regard.
- Obsédé !
- Hé hé hé !

LA fille. Celle qu’il désire. Il ne la connaît pas, la voit pour la première fois, mais il la veux ! C’est viscéral, charnel, sexuel. C’est juste une réaction de désir sauvage instinctif, mais c’est là, et ça ne le quitte pas. Enfin elle le regarde, elle s’approche.
- Pourquoi tu me regardes ?
- C’est quoi ton nom ?
- Aurélie. Pourquoi tu réponds pas ?
- Je voulais juste savoir ton nom.
- Pourquoi ?
- Parce que j’aime bien connaître les noms des filles avec qui je couche.
- Hein ?... T’es taré ! Et qui te dit que je vais dire oui ?
- Qui te dit que je vais demander ?
- T’es un grand malade ! Pauvre con, crie-t-elle en se retournant.

Elle s’en va, tourne les talons. il se sent con, alors il faut bien qu’il sauve la face, surtout qu’elle a crié un peu fort, ses copines s’en sont rendu compte. Elle les rejoint, et toutes commencent a discuter, rigoler. Il se sent con. Vraiment. Il tente:
- Ok, on se retrouve après votre ciné alors...

Elles se marrent et entrent dans le cinéma, en suivant la file d’attente. Et il s'assoit sur les marches de la place, en face du cinoche, et il attend. Il a le temps. C’est long, le temps, quand tu attends. Il a dû fumer un paquet entier de clopes. De toutes façons, il est à sec de tunes, il ne pourra pas lui payer un verre, alors il espère au moins la ramener chez lui, dans son appart’, et faire ce qu’il a à faire. Ensuite, elle fera ce qu’elle voudra. Une de plus. Il sait qu’elle va venir. Il espère. Il veux !

Enfin elles sortent. Il se lève d’un bond, et ne bouge pas, la fixe. “Allez, tourne la tête, regarde-moi”. Enfin. Elle l’a vu. Elle arrive. Elle parait énervée.
- T’es encore là ?
- Non, je suis mon alter ego mutant, en provenance d’une planète lointaine.
- T’es super marrant toi ! Et t’imagine que je vais venir avec toi ?
- Oui.
- Et pourquoi je te suivrais ?
- Je sais pas. Je te le demande, c’est tout.

Elle ne sait pas quoi répondre. Quelque chose en elle lui dit d’y aller, de foncer, de ne pas se poser de questions. Un appel du corps, une sorte d’instinct animal. Ce mec est beau gosse, c’est vrai, mais il a tout l’air d’être un parfait crétin ! Et justement... Pour un essai... Après tout... Elle pourra toujours dire non...
- Je vais prévenir mes copines.

Il sourit intérieurement. Il savait que ça marcherait. Il savait qu’elle dirait oui. Il soupire d’aise. Elle revient, un peu gênée. Il sait comment faire maintenant, pour la mettre à l’aise, la détendre, et qu’elle se laisse faire, jusque dans son lit. Ça, c’est facile, c’est son jeu préféré.

Elle ne sait pas trop comment se comporter. Tout est nouveau. D’un seul coup, il devient gentil, même galant. Il ne tente rien. Pas un geste déplacé. Ils discutent de tout et rien, en marchant dans la rue. La soirée est douce. Il est gentil. Qu’est-ce qui se passe ? Elle sait très bien ce qu’il veut. Il lui a dit. Pourquoi elle a dit oui ? Curiosité ? Envie ? Maintenant, elle a un peu peur. On arrive devant son appartement. Il s'arrête, la regarde fixement.

Il sait que le premier baiser, pour une fille, ça compte. Alors il prend son temps. Il la regarde un moment, avec un petit sourire gêné. Et c’est parti mon kiki. Tout en douceur.

C’était bien. Intense. Il embrasse bien. Elle se sent transportée. Pourtant, elle sait bien qu’il est gentil que par intérêt. Mais tant pis. Elle passera peut-être pour une gourde, mais tant pis. L’instant est trop beau. Romantique. Alors elle se laisse faire. Ils sont maintenant dans son appartement. Il y a quelque chose d’excitant, dans cette peur de l’inconnu.
- Tu veux bien éteindre la lumière ?
- Pourquoi ?
- S’il te plait...

Il se lève et va éteindre. La suite, dans le noir, n’est que sensation, peau contre peau, découverte. Tout va vite, trop peut-être, mais elle n’a plus le temps d’avoir peur. La douleur survient, brêve, intense. Et puis... Elle fond en larmes...

Il pense qu’il vient de faire une connerie. Il se lève, un peu pataud, avec son préservatif qui pendouille bêtement, et va allumer. Il la regarde, dubitatif.
- Ben pourquoi tu pleures ?
- C’est rien...
- Ben si, tu pleures...
- Fous-moi la paix.
- Oula, ok ! Je vais prendre une douche.

Il entre dans la salle de bain. Elle a envie de partir. Elle veux fuir. Elle ramasse ses affaires, se rhabille comme elle peut, et sort. Quand la porte claque, il sort de la salle de bain, une serviette autour de la taille, et comprend.
- Bon, elle a eu ce qu’elle voulait ! Cool !

Dans la rue, elle se sent désemparée, choquée. Elle essaie tant bien que mal de sécher ses larmes et d’avancer. Son premier réflexe est d’appeler sa meilleure amie. Elle doit parler à quelqu’un. Elle doit essayer de comprendre. Qu’est-ce qui lui a pris ? Texto parti. Réponse de Margaux: “viens”. Elle soupire. Les amies, ca fait du bien au moral. Elle reprend sa route. Elle est transie de froid, malgré la douceur de la nuit. Elle marche vite. Les sensations qu’elle a ressentie tout à l’heure ressurgissent, et lui tournent la tête. Vite ! Elle doit penser à autre chose.

Quand elle arrive chez Margaux, son amie l’attend sur le pas de la porte.
- Entre, mais fais pas de bruit, mes parents sont là.
- Merci.

Elles sont maintenant dans sa chambre, et de nouveau, Aurélie se met à pleurer, sans pouvoir s'arrêter. Sans pouvoir comprendre pourquoi. Margaux la serre longtemps dans ses bras. Finalement, elle parvient à se calmer, le moment pile que choisit Margaux pour la bombarder de questions.
- Alors ? Vous avez fait quoi ? Vous l’avez fait ? C’était comment ? Raconte ?
- Oui. On l’a fait.
- Ca fait mal ? Il a été violent ? Il a mis une capote ?
- Non... C’était... J’en sais rien, j’avais la trouille, et je me suis mise à pleurer.
- Bah, c’était un con. Mais... Il t’a forcée ?
- Non... J’ai pas osé lui dire d'arrêter... C’était bizarre... Il embrasse bien, mais après... Il a pas arrêté de jouer avec mes seins !
- Ben ca les mecs ! Et alors, ca fait quoi ?
- Je sais pas... C’est... C’est une catastrophe ! Si ma mère le sait, elle me tue ! Et mon père ce sera pire !
- T’es pas obligé de leur dire.
- Tu diras rien hein ?
- Juré ! Mais vas-y raconte tout !
- Arretes ! C’est pas marrant.
- Attends, tu sais que toutes les copines ont parlé que de ça, après ton départ ! On veut tout savoir !
- T’as promis de rien dire !
- Ben pour l’instant t’as rien dit ! Et t’as son numéro ? Tu vas le revoir ? Il s’appelle comment ? Il a quel âge ? Il fait quoi dans la vie ? T’es amoureuse ?
- Ben... J’en sais rien...
- Hein ? T’as posé aucune question ?
- Si, il s’appelle Bastien, il a vingt ans.
- Quoi c’est tout ?
- Ben... J’ai surtout parlé de moi.
- Pitié... Pas les chevaux ?
- Si... J’ai dit que j’adorais les chevaux.
- Oh la gourde !
- Arrêtes !

Elles étouffent un rire. Le choc passe un peu. Après tout, c’est elle qui l’a voulu. Oui. C’est SA décision. Pour une fois, elle a fait ce qu’elle voulait, et ses parents n’en sauront rien. C’est excitant un secret. Surtout quand on le partage avec sa meilleure amie.
- Ah ouais... Je savais que ca avait été aussi dur pour toi.
- Si... Mais ça c’est pas vraiment ta faute... Enfin si, mais...
- Hum... Je suis désolé. Vraiment.

Il a repris sa vie, comme si de rien n’était. Il bosse au McDo du centre ville. Petite paie, mais paie quand même. Toute la journée, il pue la frite et la viande dégueu. Un gros steack de quatre-vingts kilos qui empeste le tramway quand il sort du boulot le soir. Heureusement, l’équipe est cool. Et il y a Elodie. Elle est mignonne Elodie. Ils sortent ensemble, des fois. Pour un soir. Y’a rien de vraiment sérieux, et c’est bien comme ça.

Aujourd’hui, il est un peu dans la lune. Il fait ses sandwichs machinalement, sans vraiment réaliser ce qu’il fait. Elodie l’a vu tout de suite.
- Toi, t’es amoureux !
- Hein ? Moi ? Ouais, amoureux de tes fesses !
- Arrêtes tes conneries, j’ai un copain maintenant.
- Je suis pas jaloux.
- Sois original un peu !
- Oh ça va !
- Raconte.
- Deux Big, trois six, on se bouge !
- On en parle après ok ? Ca vient ! crie-t-il à l’attention de la voix qui braille.

Elodie ne répond pas. Elle devine. Elle sourit. Elle l’aime bien Bastien, et pas seulement parce qu’il est cool. Elle doit lui tirer les vers du nez. Avec une pince si nécéssaire.

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