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hieros
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Gros plan sur une roue d'avion. Elle tourne sur une piste. Bande son des moteurs qui montent en puissance, montent, montent. Rupture, zoom arrière, l'avion décolle. Noir. Silence.
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Un café parisien. Un écran télé. Sébastien et Eric boivent un verre, un œil sur les infos. Partout dans le monde, des fans de Michael Jackson se sont réunis pour conjuguer la perte d'un mythe. Soudain, interruption et flash spécial : l'airbus 330 qui assurait la liaison Paris Rio a disparu des écrans, 220 personnes à bord. Gros plan sur Sébastien, blanc comme un linge. Son portable, posé sur la table, sonne. C'est Béa. On n'entend pas ce qu'elle dit, seulement les réponses de Sébastien. Oui. Oui. A 19h30, hier soir, à Roissy. Il raccroche. Lève les yeux vers Eric qui le regarde, interrogatif et terrorisé d'avoir déjà compris.
Eric : C'était l'avion de Julie ?
Sébastien : C'était l'avion de Julie.
Transition 4 secondes : macro plan sur la braise d'une cigarette avec, en fond sonore, le bruit d'un réacteur d'avion à la place de l'inspiration du fumeur.
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Flash back : retour au début de la journée de la veille
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Au bout de la cigarette, un homme nu allongé sur un lit, drap blanc sur le bas du corps. Assise sur le bord du lit, Julie.
Julie : C'est obligé, la cigarette dans la chambre ?
Charles : Toujours, après l'amour, tu sais bien.
Julie : L'amour ? Tu appelles ça, l'amour ? Une baise de 3 mn, douche comprise ?
Charles : Mauvaise foi, une fois de plus : la douche, c'est maintenant que je vais la prendre.
(il se lève et se dirige vers la salle de bains. Julie le suit, visiblement énervée)
Julie : Je n'ai pas joui, Charles.
Charles (entrant sous la douche) : Pardon ?
Julie : Je n'ai pas joui.
Charles : Fallait pas te retenir.
Julie : Salaud. Ça fait des mois qu'il n'y a plus personne quand on est tous les deux dans un lit. Des mois ! Tu ne me vois plus, tu as la tête ailleurs, c'est n'importe quoi. Avant-hier, j'ai chialé comme une gamine, impossible de dormir, tu n'as même pas eu un geste, rien. Tu t'es juste retourné, je t'empêchais de dormir. Ça te passera, tu m'as dit ! Ça te passera !
Charles (sortant de la douche et s'essuyant) : Et j'avais raison. Tu as fini par t'endormir.
Julie : Salaud. C'était mon anniversaire et tu n'y as même pas pensé.
Charles (s'interrompant et s'approchant d'elle en faisant mine de lui tendre les bras) : Oh, Julie, là, pour le coup, tu as raison, j'ai complètement oublié. Mais qu'à cela ne tienne : bon anniversaire, ma chérie (il essaie de la prendre dans ses bras, elle se dégage).
Julie : J'en peux plus, Charles. On n'est plus un couple. Toi, moi, ça me fait penser à mes parents. Quoi, on va finir comme eux, chacun dans sa chambre pour se supporter ? Jamais, tu m'entends, Charles, jamais !
(elle sort de la salle de bains en claquant la porte).
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Transition : gros plan sur la porte qui vient de se fermer - bruit de réacteur d'avion – fondu au noir, bruit caractéristique du métro parisien, la porte s'ouvre, Julie entre dans la rame, des larmes pleins les yeux. Elle avance comme un zombie et s'assied sur une banquette. En face d'elle, un homme, brun, la quarantaine, mince, habillé tout en noir, un côté 19ème siècle, qui lit un manuscrit. Entendant Julie renifler, il lève la tête. Il la regarde, perplexe.
L'homme en noir : Ne pleurez pas, ça ne vous va pas.
Julie, relevant la tête : Pardon ?
L'homme en noir, sortant un mouchoir rouge de sa poche : Tenez. Arrêtez de renifler, vous m'empêchez de lire et j'ai peu de temps.
Julie, se mouchant et revenant à elle : C'est important, ce que vous lisez ?
L'homme en noir : Important, oui. Ca peut devenir un livre. J'aime les livres.
Julie : Vous écrivez ? C'est de vous ?
L'homme en noir, souriant : J'ai écris ces lignes, oui. De là à vous dire que c'est de moi, c'est un sentiment qui me reste extérieur.
Julie : Ca parle de ?
L'homme en noir : Vous êtes journaliste ?
Julie : Heu, oui. Pourquoi ? Je suis indiscrète ?
L'homme en noir : Non. C'est moi qui vous ai adressé la parole. J'aime les livres et la logique. Je vous ai causé, faut continuer.
Julie : Alors, dîtes. Ca parle de quoi, votre livre ?
L'homme en noir : Ca tourne autour de ce que j'ai appelé la synchronisation des affects.
Julie : La quoi ?
L'homme en noir : L'histoire de ces sentiments surfaits qu'on partage de plus en plus en même temps, où qu'on soit dans le monde, pourvu qu'il y ait une radio, une télé ou internet.
Julie : Vous voulez dire ? Par exemple ?
L'homme en noir : Une star qui meurt, une équipe qui gagne, un avion qui s'écrase, une terre qui tremble : vous connaissez, non, vous aussi, ces nouvelles qui, d'un jour à l'autre, mobilisent la planète et toutes ses pleureuses ?
Julie : Oui, je vois. Vous pensez qu'il y a un phénomène spécial avec ça ?
L'homme en noir : Je ne pense rien. J'observe et…
Julie, tournant la tête : Oh, désolée, il faut que je descende !
L'homme en noir, qui tend sa main vers sa poche de veste et en sort une carte de visite : Tenez, ma carte. Je crois à la logique mais pas au hasard : je suis sûr que nous nous recroiserons.
Julie, se levant et sortant de la rame, carte en main : Vous croyez ? A bientôt alors !
Sortie de la rame, Julie sur le quai jette un œil sur la carte de visite : elle est noire, il n'y a rien marqué dessus, ni recto, ni verso. Elle lève la tête pour voir l'homme. Il n'y a personne dans la rame.
Gros plan sur la porte du métro qui se referme - bruit de réacteur d'avion – une autre porte s'ouvre, le décor a changé, bureau de Julie.
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Julie classe des documents sur son bureau. Elle pleure en silence et essuie ses larmes avec sa manche de temps à autre. Une femme total BCBG, 50 ans, tailleur et compagnie, entre sans frapper.
La rédactrice-en-chef : Julie, vous avez avancé sur le dossier Arrondi Solidaire, ce truc, là, pour laisser aux pauvres tout ce qui dépasse après la virgule sur une fiche de paie ?
Julie (essayant de se contenir et de masquer son état) : Non, Delphine, je suis désolée. Je n'ai pas eu le temps.
Delphine : Comment, pas eu le temps ? On boucle à 16 heures, j'ai besoin de l'article pour la page 7. On fait comment ?
Julie : Je m'y mets tout de suite, ça ira vite. C'est pas compliqué.
Delphine : Je compte sur vous (elle fait mine de repartir puis se retourne d'un coup). Vous êtes sûre que ça va, Julie ?
Julie : Pas bien, non, je ne vais pas bien.
Delphine : Charles ?
Julie : Charles, oui.
Delphine : Ah, ma pauvre fille, quand vous cesserez d'aimer les hommes, vous ferez comme moi et ça ira mieux !
Julie : Mais vous n'avez jamais aimé les hommes !
Delphine : Justement, c'est dire si j'ai une longueur d'avance sur vous question bonheur ! Allez, j'attends l'article dans une heure.
(elle sort et claque la porte. Julie marque un temps d'arrêt. Des larmes perlent à ses yeux. Elle se rassied et se prend la tête dans les mains. On entend trois petits coups discrets qui frappent à la porte. Rien ne se passe. Trois coups encore et Julie relève la tête, se mouche et se redresse sur son fauteuil).
Julie : Oui, entrez !
(Un homme jeune, piercing à l'arcade, tatouage dans le cou et tenue alter-baba-surfer, passe la tête avec un sourire timide)
Sébastien : Bonjour, Julie. Je viens de livrer une maquette à ta patronne. Je ne te dérange pas ?
Julie : Bonjour, Sébastien. Non, entre, ça va.
Sébastien : Non, ça ne va pas, tu viens de pleurer. Charles ?
Julie (s'énervant) : Mais c'est dingue, ça ! On dirait vraiment que je suis sa chose : une petite larme et ça y est, tout le monde soupçonne Charles d'y être pour quelque chose !
Sébastien : Et ce n'est pas le cas ?
Julie (elle relève les yeux vers Sébastien et s'effondre à nouveau en pleurant) : Si, bien sûr. (Un temps, elle se mouche). Pardonne-moi, Sébastien. Je suis nerveuse. Ça fait des mois que ça ne va plus avec Charles et je craque un peu.
Sébastien (s'approchant d'elle et l'entourant de ses bras) : Pleure, Julie, pleure. Je suis toujours le meilleur copain des femmes en pleurs.
Julie : Tu es gentil, toi.
Sébastien : Prudent, disons. Mais toi, je t'aime vraiment bien. Tiens, prends ton sac et suis-moi. On va aller s'en jeter un au café d'en bas.
Julie (elle hésite un instant, prends son sac) : J'ai un article à faire, c'est super urgent.
Sébastien : Pas de problème, tu es de retour dans une demi-heure.
Julie : Ok. Allons-y.
(elle referme la porte derrière elle, gros plan sur la porte, bruit de réacteur d'avion qui se poursuit sur fondu au noir puis sur un scooter qui passe derrière la vitre d'un café. Au premier plan, Julie et Sébastien, devant deux cafés et deux verres).
Sébastien : Allez, Julie, un petit sourire. Tiens, je te montre comment on fait pour le carajillo. Tu prends ton calva, tu le verses dans le café, tu mélanges bien et là… hop, cul sec ! (il s'exécute en même temps qu'il parle, elle fait les mêmes gestes).
Sébastien : Alors, ça te fait pas un peu de soleil au fond de ta nuit ?
Julie : Oui, peut-être…
Sébastien (se tournant vers l'écran télé géant qui débite des conneries en couleurs) : Tiens, regarde, ça donne la mesure du vrai monde. Tu vois l'hystérie autour de cette fille qui s'est fait raser le crâne dans le RER par des fachos ? Depuis deux jours, c'est comme un axe autour duquel la planète et nos cerveaux devraient tourner. Ah, tiens, ça me fout la gerbe : patron, deux autres ! Moi, je dis : avec l'homme, le pire est parfois certain. Et avec la femme, il est toujours sûr ! Si ça se trouve, elle les a rêvés, ces fachos !
Julie : Seb, délire pas non plus, c'est pas drôle. Imagine à sa place !
Sébastien : Mouais. N'empêche. Ça délire. Avant, y avait le sport, le sacro-saint grand sport. Et le foot et le tour de France et Laurent Garros en chemise croco et tous les moutons aux mêmes heures devant leur télé ! Ça se cantonnait à la grande agitation des corps sur fond de niaiseries consensuelles. Black blanc beur, tu te souviens le film à la Pagnol qu'on nous a servi pour la coupe du monde ? Et aujourd'hui, y en a même qui se font virer du parti socialiste parce qu'ils font remarquer que tous les joueurs de l'équipe de France sont noirs ! Ben quoi, c'est un problème de dire que les blancs sont moins bons que les blacks au foot ? Des fois qu'on en déduise un peu vite que les blancs sont peut-être meilleurs dans d'autres trucs ? Des fois qu'on s'imagine que le réel résiste aux idéaux ?
Julie : Cool, Seb, calme-toi. J'ai vraiment pas envie t'entendre tes histoires ce matin !
Sébastien : Ok, ok. N'empêche : un avion qui s'écrase ou un Michel Jackson qui clamse et c'est toute la planète qui pleure comme un seul saule. Je hais.
(vue extérieure sur l'intérieur du café. La discussion se poursuit entre Julie et Sébastien. Ils se lèvent et sortent. Sébastien prend Julie dans ses bras avant de la quitter).
Sébastien : Tu vas y arriver pour ton article ?
Julie : T'inquiètes pas, c'est le genre d'article que je pourrais écrire en baisant !
Sébastien : Je ne sais pas si ça me donne envie de lire l'article ou de baiser avec toi mais je retiens !
Julie : Et toi, tu repars ?
Sébastien : Oui, gros boulot sérieux maintenant, j'ai 50 g qui m'attendent chez Eric.
Julie : La beu que tu m'as fait goûter la semaine dernière ?
Sébastien : Tout pareil et même mieux. Ça t'intéresse ?
Julie : Je ne sais pas (elle sort une cigarette). Appelle-moi dans deux heures, on verra. (il lui tend un briquet, gros plan sur l'allumage, zoom arrière, ce n'est plus la main de Sébastien mais celle d'un homme qui allume la cigarette de Béa).
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Zoom arrière. Une salle de restaurant parisien très chic. Une table ronde. Trois couverts. Un couvert avec trois fourchettes et trois couteaux. Trois verres également. Béa. En face d'elle, un homme sans âge, petite taille, tout mince, visage carré, lunettes, jean et gilet en cuir noir, l'air sympathique et complètement allumé.
L'homme en jean (avec un fort accent brésilien) : Merci, Béa. Vous êtes venue. C'est bien. Vous savez que Paris, tout seul, je n'aime pas.
Béa : Ecoutez, Hernando, j'aime beaucoup ce que vous écrivez, vous le savez, je fais tout pour lisser les angles avec votre éditeur mais je suis votre agent, pas votre mère. Je ne peux pas passer mon temps à vous tenir la main pour un oui, pour un non. Et d'ailleurs, on attend qui, là ? Pourquoi ce couvert en plus ?
Hernando : Ce n'est rien, ma chérie, ce n'est rien. Hernando est prudent. C'est tout.
Béa : Prudent ?
Hernando : Oui, on ne sait jamais. Quelqu'un peut venir !
Béa : Mais qui ? Vous avez invité quelqu'un ?
Hernando : Non, non. Mais vous savez. Un autre ou la mort, n'importe qui peut arriver. Hernando doit toujours prévoir.
Béa : Et les trois couverts, les trois verres, c'est pour trinquer avec la faucheuse aussi ?
Hernando : Ne moquez pas, Béa. Ca porte malheur. Un plat, un couvert, j'ai toujours appris comme ça. C'est propre, c'est net, c'est bien.
Béa : Bien. Ecoutez, Hernando, je pars en voyage demain soir. Je vous fais visiter un dernier appartement demain midi : vous avez intérêt à le trouver à votre goût parce que sinon, je laisse tomber, vous irez voir une agence et ça me fera des vacances. J'ai eu un mal de chien à trouver un appartement avec deux cuisines : cette fois, c'est à prendre ou à laisser.
Hernando : Ok, ok, ne vous énervez pas. Vous avez pensé aux salles de bains ?
Béa : Quoi, les salles de bains ?
Hernando : Trois, il m'en faut trois, c'est obligé.
Béa, se levant, ramassant son sac et partant, visiblement excédée : Allez, Hernando, demain, 12 heures, sans faute, 86 rue de Courcelles. C'est votre dernière chance.
Elle sort du restaurant, traverse la rue du Fbg Saint Honoré et entre dans une brasserie en face. Elle se dirige directement vers un homme assis, de dos. C'est Charles.
Béa : Tiens, tu n'es pas en retard pour une fois ? Quelque chose à te faire pardonner ?
Charles : Lâche, Béa, lâche. Il nous reste une demi-heure avant mon prochain rendez-vous, j'ai besoin d'un café, je t'ai déjà dit que c'était moi et moi seul qui décidait où, quand et comment. Pas toi. Tiens, regarde, tu es tellement nerveuse que t'as fait une tâche sur ta robe (il trempe son doigt dans le café qui vient de lui être servi, le tend vers Julie et le pose au milieu de son décolleté, entre ses seins. La tâche d'abord ronde coule et glisse sur la peau, disparaît sous la robe...)
Béa : Ventre.
Charles (regard vide, sceptique) : ...
Béa : Nombril.
Charles : ...
Béa : Pubis.
Charles : ...
Béa : ... et chatte ! (elle renverse ses cheveux en arrière, gorge offerte, resplendissante).
Charles (sourire de respect, coin d'œil admiratif) : Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, ça te dit quelque chose ?
Béa (elle se lève et commence à chanter) : Träume, die bei Nacht entstehen
und den Tag vergehen...
Charles (début de panique parfaitement maîtrisé) : Ok, ok, Béa. On se calme deux secondes et on joue sérieux.
Béa (tout sourire) : Enfin... je n'attendais que ça.
Charles : Pour l'appart, je suis sûr de moi. Le top sans bling bling. La classe qui en rajoute pas. L'Italie sans Berlusconi, la France sans Sarkozy, le meilleur du bon goût discret, tu sais que tu peux me faire confiance.
Béa : Bien, Charles, bien. Mais mon client est aussi taré qu'écrivain. Et t'avoueras que même toi, ça t'a fait comme un choc en le lisant. Il y un avant et un après avec ce mec là. C'est vrai pour ses livres, c'est juste pire quand tu le connais vraiment. Total arraché, sans connexion wifi avec le réel, un ballon dans l'espace. Alors, pour l'appart, excuse-moi de ne pas me réjouir mais c'est quand même le 22ème que je visite avec lui depuis 10 jours. Et y en a qui trouve mon boulot d'éditeur sympa !
Charles : Avec moi, il va freiner et garer son char. C'est exactement ce que tu cherches.
Béa : Ok, Charles, on verra bien tout à l'heure.
(silence)
Charles : Oui, Béa ? Autre chose ?
Béa : Si je te dis que ça commence par un « j » ?
Charles : Oh, non, non, Béa, s'il te plaît, pas Julie !
Béa : Si, Julie, justement si ! J'en ai jusque là des hôtels et des apparts vides. Trois ans que ça dure. Moins qu'une pute : une esclave ! Parce que c'est quand même de ça dont on parle, tu es d'accord ? Ok, je voulais devenir ta chose, ok, je le suis devenue, ok, je kiffe jusqu'à la moelle. Mais elle fait quoi, la chose, maintenant ? Elle fait quoi ? Elle se pose où ? Entre toi et Julie, j'ai beau regarder, je vois pas ma place.
Charles : Well, well, well, my little droogies : tout ça pour dire ?
Béa : Juste ça, Charles. Je pars ce soir pour le Brésil. Un plan de fille à papa, trois mois au soleil et des mots chaque jour pour écrire un guide. Un guide bobo chic, le genre routard qui aurait une voiture.
Charles : Trois mois ? Explique-moi : je t'ai blessée, profondément, je n'ai rien vu, je suis un salaud, je mérite la mort ?
Béa : Je suis sérieuse, Charles.
Charles : Bon. J'aime les ultimatums, ça oblige à se bouger. Je dîne ce soir avec Julie. Demain matin, je te le jure, nous ne serons plus ensemble.
Béa : C'est pas demain matin qui m'intéresse. On verra dans trois mois quand je rentrerai de Rio.
Charles ouvre son téléphone portable et appelle Julie. On entend la voix du répondeur de Julie (« Bonjour, vous êtes bien sur le portable de Julie, etc.). A côté de Charles, un serveur vient de pousser un grand chariot argenté, de lever une grande cloche et d'allumer une immense omelette norvégienne. A la place du bruit des flammes, on entend un bruit assourdi de réacteur d'avion.
Charles : Oui, Julie, c'est Charles. Rappelle-moi vite, s'il te plaît, il faut absolument que je te parle. (Il raccroche et regarde Béa) Je peux faire plus ?
Béa : Je pars, Charles.
Charles : Après notre rendez-vous, quand même, avec ton grand homme ?
Béa : 19h30 à Roissy, c'est écrit.
Charles (soudain pressé, sortant son portefeuille, réglant la note et se levant avec un sourire sadique) : Les femmes qui en ont, y a pas à dire, on se sent moins seul ! Tu n'as pas la moindre idée de ce qui t'attend pour payer ce bad trip : je vois pas d'autre explication à ta témérité !
(Ils quittent le restaurant, elle le prend par le bras, très intéressée)
Béa : C'est vrai que c'est comme un compte-à-rebours si on y pense. Il te reste 6 heures pour quitter Julie et augmenter sérieusement tes chances de pouvoir me punir. (Soudain féline et proche) Et ce serait quoi, d'ailleurs, cette punition... (leurs voix s'estompent, ils disparaissent dans la rue, la caméra recule, vite, de plus en plus vite, puis tourne à gauche, recule encore, tourne à droite, entre et stoppe brutalement dans un bouiboui bobo où règnent calme et volupté).
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Au comptoir, Eric et Sébastien. Ils ont l'air chez eux. Au menu, bière aux yeux rouges, la beu donne soif.
Eric (qui vient de vider la moitié de son verre d'un trait et le repose) : Paaah, ça va mieux. Ca devient rare, la beu qui donne soif !
Sébastien : C'est comme celle qui fait rire, t'as remarqué ? Y en avait dans le temps, je me souviens bien. On rigolait, on rigole plus. Ca vient de la beu ou ça vient de nous ?
Eric : Si tu vas par là, y a plus grave. On baisait et on baise plus !
Sébastien : Ca, faut reconnaître. La faune s'est éclaircie. A la trentaine, c'est l'hécatombe chez les copines. Ca devient sérieux. Et les copains avec des copines, ils y passent aussi. A coups de mômes et de cigarettes qu'on arrête et de fêtes qu'on fête plus et de sport qu'on se met à faire. D'un coup, tous les ados deviennent des vieux. Quand t'échappes au rayon, t'es comme nous : tout nu au milieu de la voie ferrée et t'as raté le train !
Eric : Faut toujours que tu phrases. Moi, je sais pas faire. Ce que je vois, c'est que je dors seul. Et que j'en crève.
Sébastien : Déconnes pas, tu as ta fille. Adorable. Une vraie chance.
Eric : Bien sûr, bien sûr. Mais ma fille, je préférerais qu'elle ait un père heureux. Déjà qu'elle a une mère absente…
Sébastien : Ah, oui, Béa, au fait : vous en êtes où ?
Eric : J'hésite. Je n'arrive pas à dire si elle est complètement conne ou parfaitement méchante.
Sébastien : Qu'est-ce qui s'est passé encore ?
Eric : … hier soir, je l'ai invitée au resto pour son anniversaire !
Sébastien : Et elle est venue ?
Eric : Oui.
Sébastien : … et ?
Eric (mâchoires serrées, yeux brillants) : Rien. Elle a été tellement odieuse que je crois que je ne réalise pas encore. Comme un grand froid glacé à l'intérieur.
Sébastien : C'est-à-dire ?
Eric : Elle m'a parlé comme à un débile, à m'expliquer la vie et à me prendre la tête à cause des réactions que j'avais. Mais ces réactions, c'est elle-même qui les provoquait ! Du début à la fin, elle m'a traité comme une merde. Moi, le père de sa fille, putain !
Sébastien : Ouais. Non seulement il y a moins de biches mais en plus, on comprend pas du tout celles qui restent !
Eric : J'ai vu un mec à la télé l'autre jour, il avait inventé un truc pas mal, la synchronisation des effets ou je sais pas quoi…
Sébastien : Synchronisation des affects.
Eric : Ah, tu connais ?
Sébastien : J'ai vu l'émission.
Eric : Alors, drôle, non, cette idée de synchronisation ? De plus en plus, on aurait tous les mêmes sentiments au même moment. Comme une mondialisation du cœur. C'est pas con !
Sébastien : Moi, j'ai surtout retenu cette histoire d'impossible synchronisation des affects entre homme et femme. Ca expliquerait quand même l'espèce d'hiver glacé qu'on traverse tous à Paris après 40 ans. Enfin, tous… Non : juste moi, toi, nos amis et tous les amis de nos amis. Si tu connais cinq copines, t'es sûr d'en trouver trois sur meetic. Et si tu as de la chance, une quatrième sur un site de cul. Mais dans tous les cas, c'est les mythos du cœur et la grande solitude. Y a pas que toi qui dors seul. Y a la moitié de Paris.
Eric : C'est ça que j'aime chez toi, c'est ton sens du mot qui fait du bien ! Ca me réconforte vachement de savoir que je ne suis qu'un connard au milieu des connards.
Sébastien : Ben, t'as déjà moins froid !
Eric (levant sa troisième bière et trinquant) : Ah, t'es con. Allez, schuss, on vide et on y retourne, j'ai envie d'une clope.
(Ils paient, le téléphone de Sébastien sonne, il décroche).
Sébastien : Non, tu ne déranges pas… Oui, on peut dire ça, on a fini notre journée !... Ecoute, rejoins-moi chez Eric, on boira un verre là-bas, ok ? Je t'embrasse.
Eric : C'était ?
Sébastien : Julie. En ce moment, c'est mortel de sentir sa tristesse.
Eric (mâchoires serrées) : Charles, bien sûr ?
Sébastien : Evidemment. Ce matin, elle était en larmes quand je suis arrivé à son bureau.
Eric (son œil s'éveille) : Et tu l'as consolée ?
Sébastien : On a bu trois coups, elle allait mieux, oui. Mais là, je sens que c'est reparti. Je lui ai dit de nous rejoindre chez toi, t'as entendu.
Eric : Très bien entendu. Et ça me plaît. Moi, s'il y en a bien une que je réconforterais volontiers, c'est Julie !
Sébastien : Ah, ouais, tu la kiffes ?
Eric : Kiffes, kiffes, l'autre, il nous la joue banlieue. Reviens. Je disais juste que je la trouvais bandante !
(Ils se lèvent en riant, quittent le bar et disparaissent sur le scooter de Sébastien).
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Un appartement bobo, déco tribale. On reconnaît l'appartement de Julie et Charles. Julie a ouvert une valise sur le lit et la remplit de fringues qu'elle jette sans soin. Elle pleure en silence. Quitte l'appartement avec sa valise. Devant l'immeuble, elle se dirige vers la station de taxi et commence à attendre. Elle compose un numéro sur son portable.
Julie : Angie ? C'est Julie… Pas bien non. Je quitte Charles. Je peux dormir chez toi ce soir ?... Merci, Angie. Vers 19h, je pense. Je t'embrasse. A tout à l'heure.
Un taxi vient de s'arrêter. Le chauffeur sort, saisit la valise de Julie et la place dans son coffre tandis que Julie s'assied à l'arrière. Le chauffeur prend le volant. Il est habillé tout en blanc et ressemble comme un frère à l'homme en noir que Julie a croisé dans le métro. Seule différence : son accent haïtien.
Le chauffeur : Vous allez ?
Julie (en se mouchant) : 66 boulevard Saint Germain.
Le chauffeur : Vous avez la larme à l'œil. Vous partez, vous quittez, vous abandonnez ?
Julie (un peu surprise) : Triste, oui. Je m'échappe.
Le chauffeur : Partir loin, c'est bien. J'ai fait ça. A 20 ans, Port-au-Prince direction Paris pour atterrir dans un taxi.
Julie : Vous n'avez jamais eu envie de repartir ?
Le chauffeur : Jamais. Quand je suis venu, j'ai pris l'avion pour la première fois. Je me suis juré que ce serait la dernière.
Julie : Un problème avec l'avion ?
Le chauffeur : Une peur cruelle. A devenir blanc ! Mawu interdit à l'homme de voler. Jamais on ne doit toucher le ciel. Jamais.
Le taxi s'arrête à l'adresse indiquée.
Julie : Je vous dois combien ?
Le chauffeur (tout à coup transpirant et comme mal à l'aise) : Rien. C'est offert. Comme le conseil, écoutez-le bien : ne volez jamais !
(Ils sortent du taxi, le chauffeur sort la valise et la tend à Julie)
Julie (interloquée) : Mais… je vous reconnais. Nous nous sommes croisés ce matin dans le métro !
Le chauffeur : Non, impossible. Je ne quitte pas mon taxi.
Julie (tendant la carte noire) : Et cette carte, c'est bien vous qui me l'avez donnée, non ? Pourquoi ? Il n'y a rien de marqué dessus !
Le chauffeur (prenant la carte qu'elle lui tend et jetant un œil dessus, puis levant un regard gêné vers Julie) : Patrick Legba, c'est ça que je lis. Et que je préfère oublier tout de suite. Bonne vie !
(Il remonte précipitamment dans son taxi, démarre et s'éloigne. Le bruit du taxi qui s'éloigne devient de plus en plus grave et ressemble de plus en plus au vrombissement d'un moteur d'avion. Noir).
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Un appartement parisien immense, vide, très lumineux. Des bruits de pas, des voix.
Charles : … grand salon, quatre fenêtres, vue sur le Luxembourg : vous le vouliez, je vous l'ai eu !
L'écrivain : Oui, oui, mais où est la troisième salle de bains ?
Charles : Comment, la troisième salle de bains ?
L'écrivain (tournant autour de lui des regards presque perdus) : Béa ! Où est Béa ? C'est mon agent, elle vous a bien expliqué, non ?
Bruits de talons hauts. Béa arrive du fond du couloir, en robe fourreau rouge.
Béa (en regardant Charles et en faisant semblant de ne pas le connaître) : Salut. Vous êtes le type de l'agence ?
Charles (rouge et nerveux) : Oui, enfin, oui, c'est moi que vous avez eu au téléphone pour la recherche d'appartement.
L'écrivain (prenant Béa à partie) : Mais je ne comprends pas où est la troisième salle de bains !
Béa : Voyons, vous savez bien que nous en avons déjà parlé. Vos deux baignoires ne se boucheront jamais en même temps, vous n'avez pas besoin d'une troisième pour être certain de vous laver ! Nous en avons discuté hier soir et vous étiez d'accord !
L'écrivain : Je sais, oui. Mais j'ai été trop rapide. La dernière fois, j'ai pas dormi pendant six mois. Non, non, il faut la troisième salle de bains.
Charles : Bien, très bien. Je vous raccompagne et soyez-en sûr : demain, à 11h, je vous fais visiter ce que vous cherchez. (Le tirant par le bras vers la porte) Demain, 11h, vous verrez. Bonne soirée, M. Hernando.
L'écrivain : A demain, Béa. 11 heures.
Béa : A demain.
(Ils se retrouvent seuls).
Charles : Je me lasse de ton plumier, Béa. Ses envolées gracieuses au sujet de n'importe quoi, ça me chauffait déjà. Mais là, wahou : mon fil ne résiste pas à ce genre de gros poissons, ça va casser.
Béa : Tu l'as quasiment mis dehors. Je le connais. Dans un premier temps, il adore qu'on l'impressionne et qu'on le maltraite. Et puis ça lui revient, il rebellise aux bords mais sans courage. Demain, il t'en voudra à mort et ce sera à moi de faire le tampon. Tu le sais, ça ?
(Le téléphone de Charles sonne. Il répond et se tourne vers la fenêtre)
Charles : Non, Julie, pas ce soir, pas possible. Trop de dossiers pour demain. Samedi, oui. Mais peut-être, je ne peux pas être sûr. Non, Julie, tu ne vas pas recommencer ! Non…
Elle a raccroché. Lentement, il range son téléphone dans sa poche de veste, se retourne et cherche Béa du regard. Personne. Le silence. L'appartement. Charles passe de pièce en pièce. Dans la dernière, aux volets à moitié fermés, Béa est là. Nue, en talons. Face au mur, bras en croix levés. Sourire en coin sur les lèvres de Charles. Il déboucle son ceinturon. S'approche. Et commence à lui cingler le dos. Lentement. Très fort. Elle crie. Elle hurle bientôt. Au moment où l'écran devient noir, son et image subliminale : le spectateur croit avoir entendu des cris, plusieurs voix terrorisées, pas seulement la voix de Béa, il y avait autre chose et comme une explosion, trop rapide pour être bien comprise.
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Chez Eric. Julie est arrivée. En pleurs, haineuse, hors d'elle.
Julie : Je n'en peux plus, Eric, je n'en peux plus. Pour se voir, maintenant, c'est pire que de prendre rendez-vous avec un ministre. Connard ! Salaud !
Eric : Calme, Julie. Tu veux faire quoi ? Le quitter ?
Julie : Oui. Mais je vais manquer de force. Il faudrait que je parte. Loin.
Eric : Partir ? Mais ton boulot ?
Julie : Je m'en fous. Je pars, je refais ma vie, j'oublie…
Seb : C'était mon rêve, ça. J'ai tout quitté pour le Maroc, une fois. J'ai tenu deux mois avant de retrouver les ponts de Paris et de respirer !
Eric est aux petits soins avec Julie. On voit qu'elle lui plaît. Le téléphone de Seb sonne. C'est Béa.
Seb : Oui, Béa ?... Et tu as besoin de ce billet d'avion avant 18 heures ?... C'est toi qui pars ? A Rio ? Ce soir ?... Ok, ok : je récupère le pli et je te l'amène.
Eric : C'était Béa ? Elle part à Rio ?
Seb : Oui, trois mois, pour un guide touristique ou je ne sais quoi ?
Julie (interdite) : Vraiment ? Elle part ? Elle part quand ?
Seb : Ce soir. Faut que j'y aille d'ailleurs. Je récupère le billet dans une agence de voyage et je lui porte au bureau. On se revoit ici tout à l'heure, Julie ?
Julie : Je ne sais pas, on verra. Peut-être…
Eric : Allez, Julie, je te refais un thé et je vais te remonter le moral.
Seb : Bon, à toute. (Il sort).
Sur la table basse, Eric ouvre une petite boîte dont sortent des petits cailloux façon sucre candy.
Eric : Julie, je sais que tu es plutôt vanille côté interdits. Mais pour une fois, tu vas te décoincer un peu et tester ça avec moi.
Julie (hésitante) : C'est quoi ?
Eric : MDMA. Avec du speed, ça donne de l'ecstasy.
Julie : Et ça fait ?
Eric : C'est doux, tu vas voir. Ca va juste booster ta dopamine et tu vas être heureuse, même sans aucune raison de l'être. 100 mg chacun, ça suffit pour ce que tu as.
Il prépare, pèse sur une petite balance, méticuleusement, puis introduit les cailloux dans une capsule de médicament vide. Il place une pilule devant Julie et lui ressert du thé.
Eric : Voilà. Pas d'alcool à partir de maintenant. Il faut boire beaucoup, du thé, de l'eau. Tu avales ça et on attend une heure.
Julie saisit la pilule, l'avale, Eric aussi. Il se lève, lance un cd. Useless, K&D sessions. Debout, il commence à danser lentement. Par moment, l'image semble sauter et se floutter : premiers effets du MDMA. Il enlève sa chemise. Il est super bien foutu. Julie le regarde fixement, étendue sur le sofa. Fascinée. La drogue monte. Eric se retourne, se déshabille lentement, sensuellement. C'est maintenant comme un dieu blanc qui danse dans le contre-jour. Il tend sa main vers Julie. Elle se lève, lentement, comme dans un rêve d'eau. Ils commencent à danser, il la déshabille avec une animalité timide. Ils sont nus. Ils s'enlacent. Ils tombent sur le grand lit.
Fondu au noir et bruit de réacteur d'avion.
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Béa dans son bureau. Lunettes sur le nez. Très business woman. On frappe à la porte.
Béa : Entrez.
Seb (passant la tête) : Salut, Béa.
Béa : Ah, c'est toi. Entre. Tiens, voici 1 500 euros.
Seb : Mais d'habitude, c'est pris directement sur le compte de l'agence, non ?
Béa : Cherche pas à comprendre. C'est anonyme, on va dire. Même le billet doit le rester : pas de nom, je l'ai bien précisé à l'agence. Personne ne sait que je pars.
Seb : Même pas Charles ?
Béa : Si, il est au courant. Mais il ne pense pas une seconde que je vais vraiment partir.
Seb : Et tu pars vraiment ?
Béa : Oui, je te l'ai dit, trois mois. Charles, Julie, Julie, Charles, ras-le-bol : je veux de l'air, je veux oublier Paris. Allez, file et ramène-moi le billet avant que je quitte le bureau. 16 heures, dernier délai, il faut que je repasse chez moi chercher ma valise.
Seb (sortant) : Ok, Béa, à tout à l'heure.
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Seb taille la route en scooter, récupère le billet et retourne chez Eric. La porte est ouverte. Personne dans le salon. Il pose le billet d'avion sur la table basse. Sons sexuels du fond de l'appartement. Seb s'approche de la chambre. Julie, nue, à quatre pattes, est en train de se faire défoncer allègrement par Eric. Elle aperçoit Seb. Ne détourne pas le regard. Hypnotisme. Seb entre dans la chambre, referme la porte, noir à l'écran en même temps que la même séquence de cris, hurlements en bande son subliminale ultra-courte, une explosion visible invisible. Silence.
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Le salon d'Eric. Julie, une serviette autour du corps. Elle est seule. Se sert une tasse de thé, s'assoit. Sur la table basse, une pochette Air France. Elle l'ouvre. Le billet Paris-Rio. Au nom de l'agence du père de Béa. Elle semble comprendre quelque chose. Elle hésite. Prend le billet, retourne dans la chambre. Seb et Eric, nus, dorment sur l'immense paddock. Elle saisit ses vêtements, elle s'habille, ferme la porte sans bruit et quitte l'appartement.
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Quelques minutes plus tard, on sonne à la porte. Quelqu'un de visiblement très énervé. Eric ouvre un œil, se traîne jusqu'à la porte et ouvre. C'est Charles.
Charles : Il est là ?
Eric : Qui ?
Charles : Seb, ce con, je le cherche, je suis sûr qu'il est là, toujours fourré chez toi pour rouler un stick !
A moitié endormi, Seb entre dans le salon.
Charles : Putain, je t'ai cherché partout depuis midi, je t'ai appelé trois fois, qu'est-ce que tu foutais ?
Seb : Cool, Charles, c'est quoi ton problème ?
Charles : Béa part pour Rio ce soir. Pour me faire chier, uniquement pour me faire chier. Je l'ai eue au téléphone, je sais que c'est toi qui devais récupérer le billet : donne-le moi !
Seb : tu rigoles ou quoi ? Tu veux que je perde ce job, tu en as un autre à me proposer ? De toutes façons, le billet…
Seb s'interrompt en regardant la table basse. Il vient de comprendre.
Seb : putain, le billet, Julie l'a pris !
Charles : Julie ? Julie était là ? Qu'est-ce que tu racontes ?
Seb est paniqué. Eric et Seb se rhabillent en hâte.
Eric : Il faut la rattraper. Elle n'est pas dans son état normal.
Charles : Comment ça ? Ne me dis pas que tu lui as fait goûter une de tes saloperies ?
Eric : Oh, Charles, c'est vraiment pas le moment de parler ça.
Seb : Vite, putain, l'avion décolle à 19h30 à Roissy, on n'y sera jamais.
Tous les trois se précipitent hors de l'appartement et s'engouffrent dans le coupé de Charles. Il démarre sur les chapeaux de roue. Bruit de moteur d'avion, fondu au noir, comptoir d'Air France. Béa, de dos.
Béa : Oui, je sais bien, mais je dois absolument partir ce soir. Ca doit bien vous arriver, non, des gens qui perdent leur billet à la dernière minute ?
L'hôtesse : Bien sûr, madame, mais sans réservation à votre nom, je ne peux vraiment pas faire grand-chose.
Une main vient taper du doigt sur l'épaule de Béa qui se retourne, tout à coup livide.
Béa : Julie !
Julie : Bonjour, Béa.
Béa : Mais qu'est-ce que tu fais là ? Comment… ?
Julie, sortant son billet de son sac : C'est ça que tu cherches ? Ton billet pour Rio ?
Béa : Seb te l'a donné !
Julie : Non, je lui ai volé.
Béa : Pourquoi ?
Julie : Ecoute, l'enregistrement va durer encore une demi-heure, j'ai besoin de boire un café, allons nous asseoir…
Béa : Ok.
Elles se dirigent toutes deux vers un café dans l'aéroport et s'attablent.
Julie : Je sais pour toi et Charles.
Béa : Tu sais quoi ?
Julie : Cette histoire de cul qui n'en est plus une, ce truc qui lui prend la tête et fait qu'il ne me voit plus. Je n'en peux plus. Ca ne peut plus durer. Je te le laisse et je pars.
Béa : Qui te dit que j'ai envie de lui, que j'ai envie de rester ?
Julie : Allez, Béa. Ca fait cinq ans qu'on se connaît maintenant. On ne s'est jamais beaucoup aimées, c'est vrai, mais on se connaît, je te connais. Charles, tu l'as dans la peau, ça se voit, ça se sent et le pire, c'est qu'il a autant besoin de te sauter que tu as besoin de l'aimer.
Béa : Je n'ai jamais voulu ça, Julie. Jamais…
Julie : Je te crois. Tu n'as pas plus que moi calculé quoi que ce soit. Les choses se font comme ça, sans nous. Et un matin, on se réveille, on est dans une histoire qu'on n'a pas voulue et on n'a pas l'histoire qu'on voulait. Moi, je dis stop. Je crois que je n'aime plus Charles.
Béa : Tu ne l'aimes plus mais tu étais pourtant triste à en crever ces derniers jours, faudrait être sourde pour ne pas en avoir entendu parler.
Julie : J'étais triste, oui. Je le suis encore. Mais c'était toi ou moi, il y en a une de trop, tu le sais.
Béa : Je le sais si bien que c'est moi qui avais décidé de partir, pas toi !
Julie : Calme, Béa. Pierre Gripari a écrit un jour : pour savoir si on aime quelqu'un, il faut se demander si on aime ses odeurs. Et bien, moi, tu vois, les odeurs de Charles, je les aimées et je ne les supporte plus, je te les laisse…
Un silence pesant s'installe. La détestation entre Julie et Béa remplit l'air, la tension monte et on sent que de ce silence ne pourra rien sortir de plus.
Bonjour !
L'homme en noir croisé par Julie dans le métro vient d'apparaître et se tient debout, devant la table de Julie et Béa. Elles semblent saisies.
Julie : Vous, ici, encore ? Dans le métro, dans le taxi, mais qui êtes-vous, qu'est-ce que vous me voulez ?
Béa (livide) : Tu connais cet homme ?
Julie : Ca fait deux fois qu'on se croise depuis ce matin !
Béa (baissant les yeux sur sa tasse de café) : Ne lui parle pas, ne le regarde pas !
Julie : Quoi ? Mais tu le connais, toi aussi ! C'est quoi, ce délire ?
L'homme en noir : Calmez-vous. Nous avons, je crois, une connaissance commune avec votre amie : Hernando, c'est ça ?
Béa (nez dans sa tasse) : Hernando, oui.
Julie : Mais qu'est-ce que vous faites ici ? Qu'est-ce que vous voulez ? Et pourquoi cette carte de visite toute noire ? Pas un nom, rien, sauf pour ce taxi qui vous ressemblait comme deux gouttes d'eau ! Pourquoi ?
L'homme en noir : Nous avons peu de temps maintenant. Le destin va s'envoler. Vous devez choisir. Vite. Partir ou rester, chacune devra suivre son chemin. (Il pose lentement deux cartes noires sur la table). Choisissez. (Julie en prend une, Béa hésite puis glisse sa main sur la carte restante). Retournez votre carte. Celle de Julie est noire, celle de Béa est blanche. C'est vous qui partez, Julie. Bon voyage. Il se retourne et s'éloigne à grands pas. Gros plans sur Julie et Béa qui se regardent sans se voir, le temps semble suspendu, bruit de réacteurs, fondu au noir).
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Seb, Eric et Charles arrivent à l'aéroport. Sur l'horloge du hall principal : 19h22. Charles se précipite au comptoir Air France. Rien à faire. Trop tard pour joindre qui que ce soit. L'avion est déjà en bout de piste.
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Charles, Seb et Eric dans l'aéroport, debout face à d'immenses baies vitrées.
Devant eux, un avion d'Air France passe, accélère.
Gros plan sur une roue de l'avion. Bande son des moteurs qui montent en puissance, montent, montent. Rupture, zoom arrière, l'avion décolle. Noir. Silence.
Un café parisien. Un écran télé. Sébastien et Eric boivent un verre, un œil sur les infos. Partout dans le monde, des fans de Michael Jackson se sont réunis pour conjuguer la perte d'un mythe. Soudain, interruption et flash spécial : l'airbus 330 qui assurait la liaison Paris Rio a disparu des écrans, 220 personnes à bord. Gros plan sur Sébastien, blanc comme un linge. Son portable, posé sur la table, sonne. C'est Béa. On n'entend pas ce qu'elle dit, seulement les réponses de Sébastien. Oui. Oui. A 19h30, hier soir, à Roissy. Il raccroche. Lève les yeux vers Eric qui le regarde, interrogatif et terrorisé d'avoir déjà compris.
Eric : C'était l'avion de Julie ?
Sébastien : C'était l'avion de Julie.
Génial, intriguant, bien mené, à quand la suite ? CDC
· Il y a plus de 11 ans ·laera