A Las Cruces Des Destins (6)

stockholmsyndrom

En général, les gars qui dealent de la drogue font ça pour se gagner du fric facile, consommer à l'oeil où se prendre pour Tony Montana. 


C'était pas mon cas.


J'étais bénévole par la force des choses, je payais ma dette aux Corona.


Le deal était simple: ils m'envoyaient refourguer leur came la nuit dans les rues de Las Cruces et en échange, ils me laissaient en vie.

J'étais comme pris en otage.  

J'étais logé sur les hauteurs de la ville, dans une ancienne grange transformée en un squat quatre pièces, au milieu d'une dizaine d'autres otages rendant les mêmes services que moi, à la différence qu'eux, ils faisaient juste ça pour pouvoir se défoncer à l'oeil H24.

Les conditions de vie étaient rudes, insoutenables, on dormait par terre et les sanitaires étaient aux abonnés absents, c'était un véritable camp de concentration, on était traités comme du bétail, rectification, on était du bétail, néanmoins, j'ai jamais vu personne se barrer, le junkie n'hésite pas une seconde à vivre dans la merde toute une vie s'il a assez de came à s'injecter dans la peau pour s'évader dans un autre monde.

Un gars restait sur place pour garder le troupeau, un autre venait nous emmener à manger une fois par jour. Les habitants du lieu étaient squelettiques, ils préféraient l'héro et la méth, c'était le seul point positif, j'avais toujours du rab.

Il arrivait souvent que mes colocataires deviennent violents, les viols et autres tentatives de meurtres étaient monnaie courante, j'ai vu de mes propres yeux l'assassinat d'un mec à coup de seringue usagée dans l'oeil, et j'en ai fait des cauchemars pendant un certain temps, deux gars de la bande des Corona sont venus balayer le sol, et la vie à suivi son cours.

Néanmoins, toutes ces choses là étaient liés à la consommation de drogue, je ne me droguais pas, alors je passais entre les gouttes.

J'étais jour et nuit confronté à la véritable misère du monde, j'avais jamais été face à face avec des choses aussi extrêmes, autant pour la drogue que pour la violence, on était en 2016 dans un pays démocrate et civilisé, et j'étais en plein coeur de l'enfer.

Au début ça m'a paru insurmontable, j'ai pensé à faire comme les autres, me charcuter les veines, au bout de trois jours, j'ai commencé à chercher un moyen de me suicider, et puis j'ai fini par m'habituer.


On glandait là toute la journée et la nuit, on allait abreuver les fêtards et autres toxicomanes du saint graal.


J'avais ma propre voiture de fonction et Corona avait jugé bon de me rendre le Smith&Wesson factice qu'il avait retrouvé dans la Torino, en guise d'arme de fonction.

C'était sa façon à lui de se foutre de ma gueule, si jamais ça chauffe, crible les de billes...


Si je me faisais buter? Il en avait rien à foutre, il créait l'offre, et la demande, y'avait une armada de toxicos à ses pieds prêts à me remplacer.

Et si je parlais aux flics? C'était la taule assurée, vous le savez bien, les flics dans cette ville, c'était Corona.


J'étais de corvée tous les soirs.


On transportaient pas grand chose, de la Marie Juana et un peu de cocaïne, le reste du buissness, on en voyait pas la couleur, c'était l'échelon supérieur, les choses sérieuses, donnez des quantités de came en tout genre à un dépendant à la vie à la mort et dans cent pour cent des cas, il sera fera la malle avec la marchandise.


C'était un buissness juteux, je voyais du monde tous les soirs, de toutes catégories sociales, c'était de la pure folie, j'avais mes clients fidèles, un peu comme dans les bonnes boulangeries, certains même tapaient un brin de causette, vous seriez étonnés si je vous disait que certains prêtres ressentaient parfois le besoin d'aspirer de la farine par voie nasale pour pouvoir pénétrer celle du seigneur? Celui du quartier ou j'opérais parlait à Dieu tous les trois jours.


Un paquet de fric défilait sous mes yeux, on dit que l'argent n'a pas d'odeur, c'est faux, il a l'odeur du vice et la vanité, et ses effluves en me passant devant le nez commençaient à me faire tourner la tête.

Il était pour autant impossible d'en détourner ne serait ce qu'un peu, le prix du gramme était ferme, impossible de négocier, et nos quantités à l'aller comme au retour étaient vérifiées, un simple mauvais calcul et tu te retrouvait avec une balle entre les deux yeux, les narcos sont des gens tordus mais carrés, tout un concept.


J'ai passé trois mois en détention, certainement les plus longs mois de ma vie.


Le calvaire s'est arrêté un soir où la providence allait être une nouvelle fois au rendez-vous.


...


C'était une nuit comme les autres.

Un gars est venu frapper à la porte, c'était l'heure d'aller bosser. 

J'ai descendu le versant de la colline, direction les quartiers Nord à la réputation sulfureuse. 

Les lumières de la ville en contre bas brillaient de milles feux, des lucioles harmonieuses soulevant les effluves d'un vent frais dans une atmosphère paisible qui contrastait avec les tourments d'un quotidien morose et violent.

S'en devenait machinal depuis quelques temps, je m'allumais un joint d'herbe sur le trajet pour me décontracter un peu, je m'étais mis à fumer, j'avais l'impression d'avoir trouvé la potion magique rendant mon existence moins douloureuse. 

Ce soir là j'en ai enchaîné trois, c'était la première fois que j'allais dealer dans les quartiers Nord. 

J'avais mon pistolet à bille et une vieille bagnole prête à tomber en ruine, mon atout défense et mon atout fuite si ça tournait mal. J'espérais donc de toutes mes forces que tout se déroulerait bien.

Je me suis engouffré dans les ruelles fumantes, l'accent y était hispanique, la vie colorée, le monde entier, toujours aussi bruyant. 

On m'avait désigné un endroit pour faire mes petites affaires, un jardin public sur Del Rey Boulevard d'après le petit bout de papier qu'on m'avait refilé.

Lieu plutôt calme, avec l'avantage de la discrétion, la lumière étant quasi inexistante et les arbres abondants.

Le jardin avait aussi l'inconvénient d'être glauque et malveillant, en pleine nuit, les gens viennent pas faire leur jogging ou promener leurs chiens, ils viennent s'adonner au business de la mort, je pouvais tomber sur n'importe qui, la page faits divers ne manque jamais de paragraphes. 

J'ai mis le flingue dans mon pantalon, la marchandise dans les poches et j'ai été faire le piquet à une centaine de mètres de la voiture. 
J'ai pas vu grand monde ce soir là, mis à part quelques fantômes sous les capuches, les gens avaient ici certainement plus de facilité à se procurer ce qu'ils voulaient qu'ailleurs. 

Je suis resté sur place environ quatre heures de temps, le minimum requis par ma hiérarchie.

J'étais sur le point de plier le camp, quand un nouveau client au loin a pointé le bout de son nez. 

Pour le coup, cette silhouette minuscule était vêtue d'un jogging, mais elle venait pas vers moi en trottinant. Une ombres noire dans l'obscurité, voilà ce que c'était.

Sous son sweet, pas la moindre parcelle de peau, sous sa capuche, les traits effacés d'un bout de visage impossible à identifier.

J'ai d'abord pensé à un adolescent, c'était assez fréquent et je détestais ça, j'avais moins de remords avec l'herbe, c'était déjà limite, mais refourguer les sachets de cocaïne aux gosses, ça me dépassait, comme un relent d'humanité, comme si j'avais hiérarchisé la misère et la souffrance, y'avait quelque chose de malsain, les autres, je m'en foutais, ça me faisait ni chaud ni froid, mais les gosses, ça me brisait le cœur.


J'ai hésité à partir.


L'inconnu s'est approché de moi, le pas décidé.

À quelques mètres, il a brusquement ralenti, puis a fini par s'arrêter net, avant de redémarrer et de continuer son chemin en déambulant devant mes yeux. Incompréhension totale, flic? Simple marcheur? Gamin qui n'ose pas franchir le pas? J'étais légèrement tendu, je gardais les yeux sur ce drôle d'animal nocturne tout en analysant les environs. 

Il a fait quelques mètres avant de rebrousser chemin tout en réajustant sa capuche pour se présenter devant moi. J'ai posé la main sur mon flingue.


"Héro?"


C'était une voix aiguë et féminine. J'ai répondu non.


"Coco?"


Ouais, ça j'en avais, alors on à discuté affaires. 

L'atmosphère s'est légèrement détendue, mais la fille paraissait nerveuse, tête baissée, les mains dans les poches, comportement assez suspect, j'avais peut-être à faire à un flic, j'ai longtemps hésité à lui sortir la came, de peur qu'un escadron sorte de derrière les arbres où autres feuillages pour venir me coller un flingue sur la tempe en plein flagrant délit, puis j'ai quand même fini par le faire. 

Elle m'a d'abord donné le fric, je lui ai tendu le sachet. 




C'est quand elle s'est emparée du sachet que j'ai vu la gourmette trônant sur son poignet et découvert à ma grande surprise qui elle était.


...


Vous l'aurez compris, ou peut-être pas d'ailleurs, j'avais devant moi Lily, la prostituée au grand coeur qui m'avait offert sa culotte, et subtilisé par la même occasion la gourmette qui trônait sur son poignet en un échange je suppose équitable à ses yeux le jour où l'on s'étaient rencontrés, mais j'avais pas exactement la même vision des choses. 

Je comprenais maintenant la réticence qu'elle venait d'avoir à s'approcher de moi, une relation voleur-volé ça fait des étincelles.

Elle m'avait de suite reconnu et voulais éviter que je fasse de même. 

Et elle avait bien raison. 

Cette gourmette, c'était tout ce qui me restait de ma pauvre mère, alors autant vous dire que mon cœur s'est mis à battre très fort pour alimenter toutes les artères et les veines de mon corps de torrents de rage. 

J'ai attrapé son poignet et l'ai sérré sous le coup de la colère, elle s'est agenouillée se tordant de douleur, quand on me tord les nerfs, je tord des bras, c'est comme ça que ça marche. 


Ou que ça devrait marcher.

Puisque vous avez certainement dû remarquer que je n'ai jusqu'à là pas fais preuve de beaucoup de courage depuis le début de cette épopée. 


J'étais face à une femme et je dois dire que ça facilitait les choses, mais l'affaire concernait ma maman et je jure devant vous messieurs les jurés lecteurs que si ça aurait été Mike Tyson en face de moi, ça aurait fichtrement rien changé. Moi et mon petit côté Sicilien.

Je lui ai envoyé deux trois noms d'oiseaux dans les oreilles avant de sortir mon arme et de la lui coller sur le front en lui ordonnant de me rendre mon bien, que celui qui a dit qu'il était difficile d'obtenir ce qu'on voudais d'une femme vienne frapper à ma porte.

Elle était sur le point d'obtempérer et d'enlever la gourmette, quand il nous a sauté dessus:


" Pose ton arme! "



J'avais eu raison de me méfier des arbres et des feuillages.

J'ai de suite pensé à un flic en civil, j'ai de suite pensé que je venais de me faire une nouvelle fois baisé par Lily, somptueuse et vénéneuse, , désireuse et dévoreuse, pute et indic, la fameuse double casquette, le combo gagnant, chacun assure ses arrières comme il peut, et c'est souvent au détriment de ma petite personne. 

Le gars a braqué son arme sur moi et je dois avouer que j'ai complètement paniqué, j'ai riposté en faisant de même. 

Je sais ce que vous vous dites, braquer un représentant de l'ordre avec un flingue factice, c'est pas la meilleure idée que j'ai pu pondre, mais j'ai suivi mon instinct, et je m'amuse souvent à croire que la vie m'a doté de la variété la plus élaborée de ce dernier, je marchais toujours comme si une entité mystique en charge de mon destin me tirerai toujours d'affaire au moment venu.

Cela comportait quelques inconvénients parfois, notamment quand la fameuse entité ne répondait pas présent, mais que voulez-vous, tout le monde a besoin de quelques jours de RTT de temps en temps, même les anges gardiens.


" Les mains en l'air! T'es en état d'arrestation enfoiré! "


En état d'arrestation. Enfoiré.


Ces trois premiers petits mots, et tout ce qu'ils colportaient, n'ont fait qu'un tour dans ma tête, on pourra considérer qu'enfoiré était à ce moment précis justifié, s'il était un gentleman, je ne pouvais en être un à ces yeux.

J'ai détalé comme un lapin, et devinez quoi, l'entité qui s'occupait de mon dossier venait de me donner raison, puisque le destin avait mis sur mon chemin un jeune flic timide incapable de plomber un fugitif, j'aurai pu avoir à faire à un vieux sadique chevroné adepte de bavures en tout genre, god bless américa, mais j'étais tombé sur un froussard qui ne savait rien faire d'autre que de brailler de m'arrêter, ce que je n'ai jamais fait, évidemment.

Dans les films à Hollywood, on nous présente les flics en athlètes super déterminés et entraînés, on désigne le gentil flic, le méchant bandit, le méchant est souvent celui qui se fait plaquer au sol et menotté par manque de condition physique. Il faut croire que dans la vraie vie les cartes sont redistribuées, mon poursuivant avait certainement dû égarer sa recharge de ventoline dans le jardin pendant la course poursuite: quand je suis arrivé à la voiture, il était déjà un lointain souvenir perdu dans les ténèbres des dessins de la nuit.

Était je vraiment méchant et bandit? Je vous laisse juger ça seul, mais je veux juste stipuler pour ma défense que je n'étais à ce moment là pas maître de ma propre vie et suis plus est, on m'avait dérobé de l'argenterie, et ça ça mettrai en rogne n'importe quel quidam que porte cette terre, je le soulignerai devant le barreau.

J'ai démarré la voiture à toute vitesse et j'ai commencé à démarrer.

Je me suis senti tiré d'affaire.

J'ai entendu quelqu'un frapper sur les vitres de la voiture en marche.












C'était Lily.


Je sais pas pourquoi j'ai fait ça.


Je lui ai ouvert la porte.











Je lui ai ouvert ma vie.





J'ai roulé fort jusqu'à sortir de Las Cruces, la croisée de nos destins.

La ville ne le savais pas encore mais c'était un Adieu.


On s'est engouffrés dans la nuit noire et on s'est plus arrêtés. Quand je me suis enfin senti à l'abri, j'ai baissé la cadence et j'ai crié mon soulagement à la lune. J'avais pris la fuite, j'avais de nouveau la sensation d'être libre comme le vent, j'emmerde les Corona, j'emmerde cette ville, qu'ils aillent tous se faire foutre.


Lily se balançait sur son siège, ravissante petite fille enfermée dans un corps de femme, ses éclats de rire repeignaient la nuit sombre de milles couleurs. Toujours cachée sous sa capuche, mais mes souvenirs demeuraient intacts, j'étais accompagné de la plus ravissante des lady's du patelin, certes, mais c'était pas un rendez-vous galant: Je l'ai pas ramenée chez elle pour aller boire un dernier verre, elle ne m'a d'ailleurs jamais demandé de le faire, elle m'a suivi sans s'embarrasser avec les questions, j'étais aussi du genre à laisser la vie s'exprimer à ma place. Pour une raison qui m'échappe encore aujourd'hui, ce soir là, elle a pris le train en marche, elle était pas de celles qui pleurnichaient sur les quais froids et humides, je crois tout simplement qu'elle m'aimait bien, elle est montée dans cette voiture et s'est laissée porter, légère comme la plume, tout simplement, c'est comme ça que ça s'est passé.


" T'es un genre de gangster? "


À la tonalité de sa voix, j'ai interprété sa curiosité comme un désir de vérité assaisonné d'une pointe d'admiration. J'ai répondu:


" T'es un genre d'indic ? "


" Tu crois vraiment que je serai monté dans ta bagnole pourrie si c'était le cas? "


Là, elle marquait un point. En vérité, j'en avais pas grand chose à foutre, je voulais juste récupérer ma gourmette.


" Pourquoi t'es montée?"



" J'ai un faible pour les parrains de la pègre bruns et ténébreux comme toi, darling. "



J'étais nul en interprétation, elle était en train de se payer ma tête.

J'ai pas répondu, alors elle a repris:


" T'as de la came plein le coffre. "


Voilà la véritable raison, j'aurai pu m'en douter, y'avait pas une once de romantisme à l'origine de cette fuite en binhomme, d'après elle, elle avait fait ça par pure vanité.

Sa réponse soulevait d'ailleurs un problème me ramenant à la réalité: jusqu'à présent, j'avais pris beaucoup de risques, mais n'avais jamais eu l'embarras du choix. Maintenant que j'avais dis bye bye a Las Cruces et la clique des Corona, j'avais plus besoin de me balader avec des multitudes de produits stupéfiants sur les routes du pays.

Je comptais bien me débarrasser de toute cette merde, et par la même occasion éviter d'alimenter cette pauvre fille en poison, à par pour l'herbe, je voyais plutôt ça comme un médicament et je comptais bien continuer à me renouveler des ordonnances.


" Tu devrais pas toucher à ce genre de trucs, ça va pas t'aider tu sais. "



" Va t'faire foutre papa j'suis majeure " elle m'a répondu en riant aux éclats. 


J'aimais son rire aigüe, il avait quelque chose d'innocent et d'enfantin, il avait quelque chose d'authentique et appelait à la tendresse, mais ne vous méprenez pas, si la mutine petite poupée assise à côté de moi vous fait penser à une sage fillette angélique, sachez qu'il n'en est rien, et que souvent, les anges leurrent.


" Oh ça va! C'est pas vraiment pour moi... Enfin si, un peu mais... comment dire... 

Tu vois les gars dans les bureaux, ils ont leur pose café entre deux trois dossiers, tu vois ou pas? Bah nous dans notre profession ya pas de machine a café tu vois, on donne un coup d'aspirateur à la table et hop, ça repart! 

Faut au moins ça! 

Tu comprends?

C'est pas vraiment ma faute en fait, moi j'adore le café!"


Oui Lily, j'ai très bien compris, t'essaye de me dire qu'il te faut un quelque chose pour tenir le cap, un anti douleur, quelque chose pour occuper tes pensées, qu'il te faut au moins ça pour pas gerber sur tous ces gros porcs qui vont te baiser à la chaîne, tu me le dis avec tes mots, avec ton sourire.

Malgré son vocabulaire plutôt vulgaire et violent, j'étais touché par la façon qu'elle avait de rendre ça anodin.

Sa vie était certainement chaotique, encore plus que la mienne, magnifique Lily soit elle, elle avait beau être née fleur de macadam, diamant brillant parmi les tocs, l'existence lui avait donné cette chance pour la transformer en fardeau, fardeau qui briserai, brise et brisera maintes poupées de crystal sur le sol de cette terre cruelle, mais elle, elle gardait une certaine joie de vivre au demeurant naturel, elle respirait la vie et sa beauté la plus primaire, comme un orage d'été, comme le soleil qui brûle. 

Il n'empêche, on maquille la misère. Comme on maquille les putes.


" J'en ai rien à foutre, on a tous nos problèmes. De toute façon je te filerai rien, je compte tout jeter."


Elle a eu un rictus:


" Je suis pas sûr que ton boss appréciera. "


" J'ai plus de boss, je démissionne. "


" Chouette chéri! Je te trouvais sur les nerfs ces temps ci à la maison." 


Je suppose qu'elle se trouvait drôle.


" Alors si je comprends bien t'es en fuite? "


J'ai laissé place au silence, c'est comme ça que je fais quand je veux répondre aux questions idiotes.


" C'est fou ça, a chaque fois que je te croise, t'es toujours en train de te faire frapper où poursuivre et de prendre la fuite."


"On s'est croisés que deux fois."


" Mouais...


T'en a pas marre de trimballer ta vie de chien battu qu'on lapide à tous les coins de rue?"


Quelle spontanéité. 

Quelle tête à claques.

J'en suis resté muet de colère. J'ai senti qu'elle me fixait, comme bien me faire comprendre qu'elle m'avait démonté de toutes pièces en moins de deux. J'ai regardé droit devant moi. Elle a continué avec ses questions à la con: 



" Bon, et du coup on va où ? "



Elle commençait vraiment à me taper sur le système, je lui ai répondu que je n'en savais rien, ce qui était vrai d'ailleurs, en agrémentant le tout de quelques mots assez évocateurs pour lui ordonner de fermer sa grande gueule.

Contre toute attente, elle m'a écouté.

Un peu de calme.

Ce dernier a duré quelques minutes, avant qu'elle revienne dans la discussion avec une proposition:


" Écoute mec, on va faire un deal, j'te rend ta gourmette, et toi en échange tu me file tes sachets de farine, ok? "


C'était la phrase de trop, je sais pas vraiment pour qui elle se prenait, toujours était il qu'elle était pas en position de négocier, elle était dans ma voiture et j'aurai très bien pu lui faire payer son vol, la laisser au beau milieu de nulle part, abuser d'elle où encore la tuer et finir par récupérer ma gourmette en lui pissant dessus, mais je devais pas avoir une tête d'un mec qui mets ses hypothèses en action, puisque cette maudite poupée de crécelle était en train de me prendre de haut en toute décontraction.


Alors la colère est montée.

J'ai sorti les sachets de cocaïne de mes poches et les ai jetés par la vitre de la voiture.


Elle a riposté en jetant la gourmette.


La sanguine. T'est tombée sur un gars de la même race que toi ma belle! J'ai tiré le frein à main, suis descendu de la voiture pour en faire le tour et je l'ai éjectée de l'habitacle avec violence physique et verbale.

Elle était par terre, au bord d'une route sans fin, on avait facilement avalé une heure de route, l'horizon était bouché par la nuit noire mais durant tout le trajet, je n'avais pu voir que le bitume et ses lignes de démarcation, et je peux vous assurer qu'à l'endroit où je l'ai laissée, c'était le vide absolue. 

Je suis remonté dans la voiture et j'ai fait demi tour en démarrant sur les chapeaux de roue.



Je l'ai laissée dans la nuit glaciale sans aucuns scrupules et je suis parti à la recherche de la gourmette.

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