À l'origine
Julien Darowski
À toi, qui m'a fait naître volcan,
Dans tes rivières de feu et de sang,
Je n'ai rien à apprendre,
Car tu sais, mieux que quiconque,
L'impalpable noirceur des sillons creusés par l'existence,
Tu sais les mers noyées de pétrole,
Tu sais les sables mouvants du désert,
Et les sempiternelles batailles,
Les plus vaines,
Celles déjà perdues,
Dans la boue des tranchées.
Tu sais la sécheresse avilissante des terres,
Craquelées par le temps.
Tu sais les ornements factices de nos armures.
Tu sais l'inextinguible soif et la faim dévorante,
Et l'oubli, et le manque, et l'absence.
Car je t'ai vue, ignifugée, traverser l'enfer,
Et cueillir des étoiles fanées,
Les faire renaître galaxies.
Je t'ai vue, de diamant et de cristal,
Pénétrer la glace des comètes sidérales.
Je t'ai vue, dans l'eau turquoise des lagunes,
Te jeter des falaises,
Et te relever indemne.
Je t'ai vue, sirène créatrice,
Inséminer la faune des abysses.
Tu allais, bleutée d'écailles,
Rebouchant les blessures des barrières de corail.
Je t'ai vue, orchidée solitaire,
Hisser tes tiges dans les éthers,
Et refleurir tes propres pétales
Au crépuscule des aurores boréales.
Je t'ai vue, rayonnante d'or,
Phœnix à l'azur des lacs,
Régénérer l'éclat de tes pigments
Dans le fuchsia rose des marais salants.
Je t'ai entendue, nymphe à la lisière des bois,
Commander aux arbres de se dresser,
J'ai touché tes membres millénaires,
Et dans tes racines et dans ton écorce,
J'ai puisé l'essentiel : le courage et la force.
Mais voilà le déluge, sanglots accouchés des nuages,
Qui s'abat sur nous comme une cascade torrentielle.
Toute la grêle du ciel s'effondre,
Des billes de verre fracturent ta peau,
Et je te regarde pleurer,
Impuissant, comme un enfant.
Je te sais géante insubmersible,
Je te sais nature évanescente,
Maman,
Je te sais reine du cosmos,
Mais si l'aube ne revient pas bientôt,
J'irai, moi-même, fendre les cieux,
Déchirer la toile céleste,
Pour rendre la lumière à tes paupières.
J'irai s'il le faut,
Déterrer des plantes gigantesques,
T'apporter, en perfusion, la sève et le miel des fleurs,
Je poserai des cataplasmes d'argile sur ton ventre,
Mais je te ne laisserai pas souffrir plus longtemps.
J'irai, au péril de ma vie,
Extraire le venin des crocs de serpents,
Pour en faire d'inespérés onguents.
Et, à mains nues,
Je dévierai la trajectoire des balles et des astéroïdes,
Je changerai l'inclinaison de l'orbite terrestre,
Pour te rendre et la lune et le soleil.
Je me battrai, je tuerai si je le dois,
Je serai le carburant de ta flamme,
L'essence de ton cœur, son combustible,
Car tu es la seule bougie qui brille dans la nuit.
Et, si ta mèche enflammée vacillait encore entre mes doigts,
Je me changerais en météores,
Je serais la foudre incendiaire,
La lave incandescente.
Tout serait poussières et débris sur mon passage,
Et cela finirait, comme à l'origine,
Dans la cendre épaisse des lambeaux embrasés.
magnifique !!!! sublime !!!! belle déclaration ..... bonne soirée a vous
· Il y a plus de 7 ans ·insane
Merci pour votre fidélité, ça me touche beaucoup. D'autant que c'est un texte fondateur. Bien à vous.
· Il y a plus de 7 ans ·Julien Darowski