à ma mère...

Crois-moi, t'écrire n'est pas une chose aisée

Et je devine déjà que si d'aventure

Je faiblis et j'essaie encore d'apaiser

Ta fierté abîmée sous cette froide armure

Tu traceras pour moi un chemin sans virages

Tes espoirs déçus renaîtront de leurs cendres

Et qu'importe mon coeur mis à nu dans sa cage

Invisible à tes yeux ne pouvant le comprendre

Maman, pourquoi donc confondre ton doux visage

Avec celui ennemi que j'abhorre et banni?

Car le crois-tu vraiment que l'amour s'envisage?

Non tu ne sais que trop comment il éblouit

Nos candides vingt ans sont jugés décadents

On parle liberté: ils nous brûlent cent fois

Nous toisent, nous blâment, nous blessent trop souvent

Quand l'enfer est ailleurs et le diable sournois

S'il est vrai qu'il est bien trop cruel à nos âges

De subir chaque jour une haine sans fin

La question n'est pas tant de vivre avec courage

Que de ne pas regretter d'avoir vécu en vain

Ne peux-tu te réjouir du sourire de ta fille?

Et cesser d'ignorer mon éclatant bonheur?

On oubliera si tôt l'avis des imbéciles

Mais celui de ma mère restera dans mon coeur

Claire Arbogast