A mon enfant...
anarchives
Je vis dans une prison de verre. Je souffre. J'étouffe. Je voudrai sortir, m'échapper. Tout, tout mais pas rester...
Je ne parle pas. Jamais. Je garde tout en moi, mon âme n'est plus qu'un mélange de peurs et de chagrins. Je ne peux pas m'exprimer, me libérer de toutes mes pensées auprès d'une oreille attentive. Comment pourrait-il en être seulement autrement ? Existe-t-il quelqu'un qui puisse m'écouter ici-bas ? Pour tout dire... Je ne crois pas. La télépathie est un don qui n'existe que dans l'imaginaire collectif.
Je reste immobile. Toujours. Je ne suis qu'une statue de chair figée qui observe le monde autour d'elle. Je suis le spectateur de ces êtres qui s'activent partout dans cette pièce claire où je vis désormais, qui courent d'un instrument à un autre, dont les voyants clignotent de moins en moins vite. Les lumières s'éteignent...
Tout ce blanc autour de moi me brûle les yeux... Seul le bouquet de fleurs orangés qui me fait face apporte une touche de couleur dans cet environnement immaculé. C'est bien le seul objet que je puisse voir nettement. Posé sur une table face à moi, il est là, il m'observe de ces yeux-pétales bleuâtres.
Le verre qui recouvre mes yeux voile le monde d'un léger trouble. Le cristal s'opacifie petit à petit...
Je vis mes derniers jours, je caresse l'espoir de m'en aller rapidement, sans douleur, mais il se dérobe à ma main. Les médecins viennent de moins en moins à mon chevet. Ils ne s'agitent plus que très lentement. Cela ne les empêche pas de continuer à m'injecter leurs médicaments. Médicaments... Ce sont des drogues qui me brûlent de l'intérieur, en réalité !
Et par dessus tout, j'ai mal à l'âme de te voir ainsi. J'aimerai coucher par écrit, de cette calligraphie fine et serrée que tu aimais tant, tout ce que j'ai pu vivre à tes côtés. Tes sourires, tes rires et les jeux d'enfant que tu as partagé avec moi... La douleur dans tes yeux leur a succédés de façon brutale, tu sais. De ton mètre vingt, tu ne comprenais pas ce qui m'arrivait. J'ai commencé à m'immobiliser, me statufier... Puis tout a empiré.
Je ne veux pas te voir te noyer dans tes perles salées, tu vas devoir être forte quand je ne serai plus là... Mon enfant, ma petite. Étoile de ma vie ! Que vais-je devenir sans la lumière que tes yeux diffusent alentour ? Je ne serai plus qu'un astre esseulé dans l'espace intersidéral... Peut-être aurai-je un satellite ou une planète voisine. L'espoir toujours, les souhaits. Mais cette fois-ci, je souhaite juste ne pas être seul.
Alors, ma fille, quand je ne serais plus à tes côtés par une nuit étoilée, cherche plus loin. Noie ton regard dans la nuit et cherche l'étoile brillant en vert... Cherche l'astre irradiant une lueur de la même teinte que nos iris.
Je ne vis plus, je vivote. Et la frêle flamme qui m'anime encore... La Mort aura tôt fait de l'éteindre.
Quelques jours plus tard, dans le cabinet d'un notaire, on pouvait entendre une voix masculine s’échapper de la porte entrouverte...
Des iris clairs, des souvenirs, c'est tout ce que je te lègue, ma puce. Il te reste bien sûr la montre de mon père et ses télescopes, ses jumelles... L'héritage de mon papa, ton héritage. Astronomie, observation des oiseaux... Il m'a légué bien plus que des objets : des passions. Ton papy et moi nous ressemblions tellement. Maintenant que je ne suis plus là, c'est à toi que tout cela appartient. Parce que tu es comme nous, animée des mêmes espoirs et des mêmes goûts. Je suis parti le rejoindre, mais je suis toujours tout près de toi, bien au chaud dans ton cœur.
Quand tu espionneras les astres à l'aide de ce télescope, je serai là, caché dans l'ombre d'une étoile, ou étoile moi-même.
Quand tu écouteras le chant des oiseaux et que tu les chercheras à l'aide de ces jumelles, essaye de me voir dans leur plumage si doux.
Je serai toujours là. Peu importe l'endroit ou le moment, je serai toujours près de toi.
Je t'aime, ma fille chérie. Et je t'aimerai toujours.
J'aimerai tant t'en dire plus, écrire tout ce qui me passe par la tête... Mais il me faudrait des kilomètres de papier. Et je ne les ai pas. Alors, tout ce que tu as à savoir est ce que ton cœur sait déjà, comme ce que le mien sait. Je n'ai pas besoin de les mettre en mot et de les noter sur cette page, non ?
Je t'aime.
Merci... Je suis heureuse d'être parvenu à écrire un texte pareil où l'émotion occupe un rôle plus qu'important.
· Il y a plus de 11 ans ·Il n'y a pas de quoi. J'ai hâte de voir le thème du prochain^^
anarchives
Des mots gorgés de sel ... il est beau cet adieu !
· Il y a plus de 11 ans ·Merci pour ta participation au défi ! Bravo :)
rafistoleuse