A mon père...

nomade

Si vous m’avez aimée, enfant, sur cette terre,

Ne laissez pas l’aïeul triste et solitaire.

Sachez trouver en vous l’appui pour ses vieux jours,

Soutenez son moral, montrez-lui votre amour,

Comme après un festin, bien repu, un peu ivre,

Qu’il sente remonter en lui la joie de vivre.

Les années ont pesé, il a dû tant peiner

Se lever aux aurores, au soleil ahaner

Sous le froid réchauffer de pauvres mains ouvertes,

Et ses doigts engourdis par la tâche offerte,

Avec peine tenant l’outil, car les gerçures

Autant que le travail crevaient sa peau si dure.

Pourtant, lorsqu’il rentrait le soir à la maison,

Ouvrant alors ses poings, vous trouviez des bonbons

Son visage prenait, sous des rides précoces

L’aspect d’un homme heureux au rire de ses gosses.

Nous étions son soleil, son ciel, son horizon,

Ses yeux bleus s’égayaient d’un millier de rayons,

Car, ayant tout perdu dans la plus triste guerre,

Il retrouvait sa joie, son bonheur d’être père.

À ses lèvres montaient pour vous mille récits,

Chevaliers, paladins, héros aux noms précis,

Remportaient chaque jour de nouvelles victoires,

Et vous, vous réclamiez encore plus d’histoires.

Il redisait ses contes pour la énième fois

Et alors lentement le doux son de sa voix

Vous emportait, comblés, vers des lieux féeriques

Faisant fermer vos yeux sur des rêves magiques.

Lui vers son dur labeur reprenait le chemin,

Après de doux baisers vous disant « à demain »,

Son ardeur au travail avait force nouvelle,

Sa vie à nos côtés pour lui était si belle.

Mais les ans ont passé et vous et vos enfants,

Avez pris des chemins, pour lui, déconcertants.

Il vit avec au coeur toujours ses souvenirs,

Le temps qui va passant emporte ses soupirs,

Joies, angoisses, espoirs, non ne le laissez point,

Terminer son chemin sans l’appui d’une main,

Maudissant son destin, ses plus durs lendemains

L’absence à ses côtés d’une vieille compagne

Et l’ennui dans le froid au fond de sa campagne.

La solitude hélas ! Mène vers le tombeau.

Sa présence ne doit pas être un lourd fardeau.

Au nom de cet amour qu’eut pour vous votre père,

Écoutez le conseil venant d’un coeur de mère…

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