A Paule V. Ma chère amie,

A Paule V. 

 Ma chère amie,

J'ai reçu ton courrier envoyé de ta maison de retraite. Quand te décideras-tu à abandonner ce travail qui ne rime à rien, qui n'est rien de toi. Tu me dis vouloir venir à Paris mais je ne serais plus là à compter de lundi prochain. J'ai été obligée de vendre le peu que tu m'as laissé en partant emportant tout le reste c'est-à-dire l'essentiel de mes sentiments or ceux qui me restent ne sont pas négociables y compris chez ma tante. Ne subsistaient que quelques vêtements, un ou deux jeans et quelques polos que j'ai échangé contre des victuailles pour subsister. Depuis j'ai tout essayé mais personne n'est prêt à débourser ne serait-ce qu'un euro pour me permettre d'acheter le timbre d'une prochaine lettre. Celui-ci voit partir mes derniers centimes. Je garde malgré tout ton étole, il y a encore ton parfum et j'aime à me dire que ton odeur est ton dernier présent. Tu m'écris tes craintes quant à l'accueil général qui te serait réservé lors de ta venue mais qu'attends-tu ? Un concert d'applaudissements ? Tu t'imagines que ton époux va revenir mais il ne reviendra pas ni maintenant ni jamais et tu vas passer le reste de ta vie à déambuler dans le paysage sinistre d'hypothétiques liaisons pour m'oublier. Ton mari n'est qu'un prétexte pour fuir notre histoire et tu vas continuer à errer, à t'ennuyer, à lasser le monde.

Je reconnais mes colères, je reconnais mes torts, je reconnais ma jalousie consécutive à la puissance de mon amour pour toi et toi ? Je ne te demande pas où tu en es, tu t'enfoncerais dans le mensonge d'une justification quelconque d'une rupture que tu as désirée mais que tu regretteras amèrement. Songe à ce que tu étais avant moi et sois sincère ou tu souffriras pour le restant de tes jours si tu continues à te mentir ainsi. Tu souffriras atrocement du manque de moi.

Je ne retourne pas chez ma mère car je n'ai pas envie de croiser mon imbécile de frère. Si tu veux m'écrire, adresse tes courriers à Jerry qui habite maintenant avec Yan, 5 rue Saint-Benoît. 75006 Paris. Il me fera suivre tes lettres.

Je t'ai fait la promesse d'être gentille, agréable, prévenante et de beaucoup moins m'isoler dans ma bulle d'écriture. Je désire - non je veux ! – que tu entendes ma supplique, reviens. Tu n'as rien à faire loin de moi. Je te le dis et redis, je reconnais mes torts mais ton absence m'a fait changer. Je ne me mettrai plus jamais en colère et sache que j'ai jeté le pistolet dans la seine, du haut du pont Mirabeau. 
Si ton mari pour ton plus grand malheur revient, je ne t'écrirais plus, plus jamais.

J'attendrais ton appel jusqu'à lundi soir, mardi midi au plus tard. Je n'ai qu'un mot : Reviens-nous

Je t'aime, je t'aime comme jamais personne ne t'a aimée et personne ne t'aimera, jamais ! 

"Hospes Comesques"

 Bien à toi. Marguerite

Musique :  AGATHE C : SANS TOI