Accepter

ttr-telling

- Bonjour Damien, comment vous sentez-vous aujourd'hui?

- Bonjour... Mieux... je dirai. Ce qui, entre nous, n'est pas difficile au vu de mon état précédent. Malgré tout, sans pouvoir dire que "ça va", j'ose prétendre que ca tend vers le mieux...

- Et ben c'est déjà bien ! et qu'est-ce qui vous a permis de "tendre vers le mieux" alors?

- Hum... Je dirai que c'est la semaine atroce que j'ai passé.

- "Atroce"? Le mot est fort...

- Le mot est adapté, je pense. J'ai eu quelques jours de repos, pendant lesquels je n'ai pratiquement pas quitté mon lit. Et du coup, blottis sous ma couette, à regarder le plafond, j'ai tenté de mettre le temps que j'avais à profit : j'ai décortiqué en long, en large et en travers la moindre de mes émotions, le moindre de mes sentiments. J'ai suivi le fil du moindre lien qu'il m'était possible de faire. Ces heures passées à réfléchir et à méditer n'ont mené qu'à un maigre résultat, mais un résultat quand même...

- C'est quelque chose que vous faites souvent?

- De?

- De vous analyser comme ça.

- Hum... je dirai pas "souvent" non... Mais disons que je l'ai déjà fait un certain nombre de fois, et depuis longtemps... J'ai commencé au début de mon adolescence je pense...

- Ah oui en effet..! C'est plutôt rare... Et vous en avez sorti quoi de cette dernière analyse alors?

- Et bien... Jusqu'à présent, j'ai, de ma vie d'adulte, toujours réussi à ne me concentrer que sur les choses sur lesquelles je pouvais influer. J'ai donc laissé les évènements sur lesquels je n'avais aucun pouvoir me traverser sans tenter d'y faire barrage, en m'économisant au passage de nombreux efforts inutiles. Du moins c'est ce que je pensais... J'ai fini par réaliser que mon romantisme, couplé à ma conviction qu'une relation ne peut se contenter d'exister par elle-même, m'ont mené à vouloir contrôler quelque chose qui ne m'appartient pas : la volonté de ma moitié à se battre pour notre relation.

- Euh... vous pouvez m'en dire plus sur votre "romantisme" et votre "conviction"?

- Oui oui... alors... Disons que je me suis toujours considéré comme un romantique. A savoir quelqu'un qui aspire à une relation spéciale, qui durerai jusqu'à ma mort, avec une même personne, et que je suis prêt à me jeter corps et âme pour défendre cette relation.

-D'accord, et ce que vous disiez sur votre conviction que... qu'une relation ne peut pas exister par elle-même, c'est ça?

- Oui... Je n'ai jamais aimé ces phrases se voulant compatissantes et déculpabilisantes telles que "si ça doit se faire, ça se fera", ou "si vous vous êtes séparés c'est que ça devait arriver". Non. Si ça ne se fait pas, c'est qu'au moins l'un des deux n'en avait pas la volonté. Et si ça s'est arrêté, c'est qu'au moins l'un des deux n'en avait plus la volonté. Une relation et les sentiments qui y sont liés se construisent, se travaillent, évoluent. Si nous ne voulons pas faire les efforts nécessaires pour garder vivante la flamme qu'elle représente, il est pour moi évident qu'elle finira par s'éteindre. C'est en ça que je disais que, pour moi, une relation ne peut pas exister par elle-même. C'est à nous qu'il revient de la façonner.

- D'accord, je comprends.

- Que ce soit bien clair : je ne dis pas que la personne qui n'a plus la volonté de se battre pour sa relation est nécessairement celle qui y met un terme. "Avoir la volonté de se battre et de faire ce qu'il faut pour construire la relation", ça veut dire, selon moi, tout mettre en oeuvre pour que la relation s'épanouisse de manière saine. Ca peut se passer de nombreuses façons : se remettre en question, changer de comportement, se montrer plus attentif, plus présent, ou à l'inverse moins envahissant, plus confiant... Il s'agit de s'adapter aux besoins de chacun. Mais ce qui est sûr, c'est que si un seul des partis concernés se bat, il pourra y mettre toute la ferveur du monde, jamais il ne pourra se battre à la place des autres. Jamais il ne pourra espérer rendre perenne une relation ne reposant que sur sa seule envie, ses seuls efforts, ses seuls sentiments. Une relation amoureuse repose sur l'ensemble des partis. Les forces peuvent varier en fonction des besoins et des possibilités de chacun, l'un pouvant soutenir l'autre durant un temps, avant d'inverser la tendance plus tard, ou simplement de trouver l'équilibre. Mais si l'un des deux abandonne purement et simplement, même le plus solide des rocs ne pourra soutenir la relation...

- Donc finalement, même vous, vous n'en êtes pas capable?

- On pourrait croire que vous vous moquez... Et donc c'est là que j'en suis aujourd'hui. Il me faut accepter que ma moitié a abandonné, et que tous mes efforts pour changer ça ne pourront qu'approfondir ma plaie déjà béante. La seule chose sur laquelle je peux tenter d'influer aujourd'hui, c'est ma cicatrisation, et l'acceptation de ce vide que je traine depuis tant d'années, et que je prenais soin de ne pas regarder...

- Et combien de temps avez vous pris pour arriver à ces réflexions disiez vous?

- Je sais pas... j'ai du passer l'équivalent de trois ou quatre jours dans mon lit donc... Ouais, quatre jours..?

- Mmmh...

- ...

- Et ça vous fait quoi, cette conclusion?

- ... Je sais pas. Ca a un coté... soulageant ? Et en même temps... C'est dur d'accepter qu'il y ai encore une chose sur laquelle je n'ai aucun pouvoir... C'est... Désespérant... un peu...

- C'est dur pour vous de pas avoir le contrôle?

- ... Vous devriez être psy vous savez..?

- ...

- Et en plus non, pas vraiment. Ca dépend pour quoi... Disons que quand vous pensez avoir le pouvoir de faire quelque chose pendant des années, et que du jour au lendemain vous vous rendez compte qu'en fait, pas du tout... Bah c'est chiant. Je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai l'habitude de laisser couler les choses sur lesquelles j'ai pas d'emprise. Et y'en a un paquet. Mais je le sais que j'ai pas d'emprise dessus. Et depuis longtemps pour la majorité. Mais là... Bah c'est nouveau finalement...

- Comment vous vivez le changement?

- Comment ça..? Lequel?

- Le changement de manière général. Comment vous vivez les changements qui s'imposent à vous ?

- ... Bah comme tout le reste. Si j'y peux rien, je fais avec. Si j'y peux quelque chose, je fais ce que je peux pour rendre le changement le plus positif possible. Je comprends pas quel lien vous faites là...

- Vous venez de dire que c'est quelque chose de nouveau, pour vous, l'idée de pas avoir d'emprise sur... euh... "la volonté de votre moitié à se battre pour votre relation".

- C'est ça que vous appelez un "changement"..? Je le rapprocherais plus d'un deuil à la limite... Alors oui vous pouvez me dire qu'un deuil implique un changement blablabla... Mais la réponse finale c'est : Je vis le changement aussi bien que n'importe quoi d'autre.

- D'accord d'accord... Bon. Vous me semblez avoir tout de même sacrément avancé depuis la semaine dernière. Qu'est ce que vous en pensez?

- ... Honnêtement...?

- C'est le but.

- Bah... "sacrément avancé" je trouve ça un peu exagéré. J'ai réussi à sortir une nouvelle réflexion de mon plafond, mais ça reste pas dingue... Et surtout c'est pas grâce à vous...



TTR.

  • Un vrai feuilleton, le stoïcisme en amour, c'est accepter que ce domaine est aussi indomptable que les catastrophes naturelles On a beau s'abîmer dans l'introspection et "essaye" de changer, c'est oublier que l'autre fera bien ce qu'elle/qu'il veut.

    · Il y a plus d'un an ·
    Lwlavatar

    Christophe Hulé

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