Adan

leab

Paris. On rencontre beaucoup de monde la nuit, on danse, on rit, on parle fort et on boit encore.

Les gens sont tous un peu les mêmes. Ils sont tous là un peu pour les mêmes raisons. Ils ont quasiment tous un verre à la main ou une cigarette à la bouche. Comme un code nocture universel.
On veut s’amuser, on s’enivre, on danse, on est bien. Jusqu’à demain.

Parmi tous ces gens, un homme dénote.
Une silhouette longiligne, des pantalons serrés, une chemise à col pointu boutonnée jusqu’au cou, quelque fois un chapeau ou un foulard, on le croirait venu des années 70.   
Il ne boit pas. Il ne fume pas. Il observe.

une foule de jeunes femmes esseulées s’agglutine autour de lui.
Il sourit mais pas d’un large sourire, juste un coin de bouche retroussé et l’oeil amusé.
Une femme déjà bien avinée lui offre un verre qu’il refuse presque aussitôt.
La femme est surprise.
Je m’approche lentement, je voudrais l’entendre.
Sa voix est douce et chantante, il a un petit accent hispanique et lui explique qu’il ne boit plus depuis longtemps.
La femme bêtement se vexe.

Il s’appelle Adan. Il est musicien. Il aime observer les gens comme un enfant à qui l’on raconterait une histoire.
C’est la nuit qu’il vit et qu’il aime déambuler dans les rues de Paris.
Il n’appartient à aucun groupe, il se laisse juste porter par les flots noctambules. Peut être tente-t-il d’échapper à la solitude comme nous tous, ou peut être satisfait-il sa curiosité.
Il aime être surpris et je crois qu’il aime les gens, simplement.
C’est la nuit qu’il trouve son inspiration pour écrire.
Il écrit des chansons.
Il rentre souvent chez lui à l’aube, se saisit de sa guitare et compose à propos de gens rencontrés dans les bars.

Adan c’est un être à part.
On ne sait jamais vraiment où il est ni où il va, il est insaisissable et en même temps très proche de vous.
Adan c’est pas n’importe qui, il a appris avec les plus grands. Et lorsqu’il vous murmure une mélodie à l’oreille c’est dans un autre monde qu’il vous emmène. Même s’il a joué dans un groupe de punk rock quand il était ado, pas une once de violence n’émane de lui.  
On le remarque de temps en temps au fond d’une salle de concert, comme une ombre intimidante et réconfortante à la fois.
Adan il a des histoires que l’on croirait sorties d’un roman de Lewis Carol.
Il y a l’histoire de sa mère aussi.
Abandonnée par son père pianiste dès son plus jeune âge, elle ne cessait de jouer et rejouer du Chopin en pleurant.
Et puis un jour elle est partie.
Adan avait huit ans, il était triste et abandonné.
Il raconte que pour se défaire de cette malédiction il a enterré le piano de sa mère dans le jardin et qu’il a planté un cerisier à l’endroit exact de la tombe.
L’arbre a grandi et le chagrin est parti.

Si vous sortez la nuit vous rencontrerez peut être Adan, regardez le, écoutez le, c’est un poête de paris.

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