Afterwork avec Alice/5 (et fin...).
Oui. Bon. Mozart a aussi composé sa première œuvre à 10 ans...
— C'est quand même étonnant non cette impression d'avoir vu ce type chez Hassan avec toi et encore tout à l'heure ?
— Lucas, arrête. Moi je me tue parce que je n'absorbe rien, toi tu vas mourir à tout absorber.
— Qu'est ce que tu dis, je n'ai rien entendu ?
Alice s'est posée sur mon divan, je lui ai proposé un thé qu'elle a accepté et avant qu'elle ne change d'avis suis en train d'ouvrir à toute vitesse les placards de ma cuisine. Il faudrait qu'un jour je fasse un peu de rangement dans cet appart.
L'impression générale est correcte mais la poubelle mériterait d'être vidée, les bouquins de la table du salon remplacés par quelques Vogue en édition américaine et les fauteuils vintage repeints.
J'ai ramassé un peu de linge sale et allumé une bougie à peine entré.
— Lucas mon ange, on ne va pas coucher ensemble tu sais. Et je t'aime. Alors cool.
La délicatesse de ma sœur me ramène sur Terre.
— Merci Alice. Bon, qu'est ce que tu veux boire ?
— Si tu as du thé c'est parfait. Je grignoterai bien un petit truc aussi…
Je la rejoins avec une théière pleine, j'ai posé aussi une petite assiette de cookies que je m'empresse de nommer « Maison », un peu de cassonade et un peu de crème longue conservation. Je me suis fait un « Ti-punch ».
— Désolé, plus de lait
— C'est parfait mon frère. C'est quoi ça ? Dit-elle en montrant le bouquin qu'elle vient d'extirper du divan.
« Les hauts de Hurlevent ». Je n'en finis pas de commencer ce livre mais l'oublie toujours lors de mes déplacements et le remplace selon l'humeur par un polar ou la télécommande du satellite.
— Tu l'as lu ?
— Dévoré, tu veux dire ? C'est magnifique. Tu te rends compte qu'elle n'avait même pas 30 ans quand elle l'a écrit et qu'elle vivait comme une sauvage au fin fond de l'Angleterre.
— Oui. Bon. Mozart a aussi composé sa première œuvre à 10 ans.
— C'est malin. Et je pense que c'était 5 ans.
— Non, je n'ai pas lu.
— Tu devrais. Ça réconcilie avec aujourd'hui de savourer ça. C'est comme… Un « Ti-punch » mais que tu boirais vers 7 heures du soir sur l'Océan, avec le phare de Cordouan sous le soleil couchant. Les Hauts de Hurlevent me ramène toujours chez nous.
— On ne peut pas dire qu'on ait vraiment eu une enfance presbytérienne, thé tous les jours 17 heures et soupe de gruau avant de rejoindre nos chambres une bougie à la main quand même.
— C'est parce que tu ne te souviens pas de tout mon frère. Tu as oublié nos après-midi de sauvages pour le bon, et quelques soirées d'épouvante... Pour le moins bon. Un jour je te les rappellerai.
— Oui, c'est ça, un jour… Je reviens.
J'ouvre la porte fenêtre et allume une cigarette sur le balcon une désagréable sensation dans le ventre. Heureusement, la nicotine produit rapidement son effet, mais les traces de ce malaise me restent collées au corps.
Quelques bribes de conversations montent de la rue, dans l'immeuble d'en face un seul appartement est encore éclairé. Celui du veilleur de nuit. Je m'amuse depuis que j'ai emménagé à essayer de comprendre son espace.
Au moins 3 fenêtres donnant sur la rue. L'une d'entre elles correspond à la cuisine. Je l'ai déjà vu y préparer un café et ouvrir des placards à vaisselle.
Derrière cette pièce, ce qui semble être un couloir vers lequel il se dirige à droite plus souvent qu'à gauche. Comme il en revient rapidement j'imagine que ce doit être un genre de cellier ou de buanderie.
A gauche de cette fenêtre une autre qui ne s'allume que rarement et que je n'ai jamais vu ouverte. Une salle de bains ?
A gauche encore, une pièce qui m'a l'air assez grande et dans laquelle je le vois arriver de droite ou du fond. J'en déduis que le couloir doit faire toute la longueur de cet espace et qu'une porte donnant sur la pièce que j'ai identifié comme la salle de bains, celle-ci doit donc être une chambre. Mais je n'y vois pas de lit. J'aperçois une grande bibliothèque. Pleine. J'y ai aussi remarqué des tableaux ou des photos sur le mur de gauche et celui du fond. L'éclairage n'est qu'indirect, sans doute y a-t-il un espace de lecture dans le coin de droite car je le vois très souvent s'y diriger un bouquin à la main.
Il se tient pour le moment dans cette dernière mais il est occupé à parler à quelqu'un que je ne distingue pas tout en repassant.
Il semble très attentif à ce qu'il fait mais lève régulièrement les yeux vers son invisible interlocuteur.
Je le vois s'interrompre et poser son fer puis sans bouger de place poursuivre sa discussion. Puis, la lumière de droite s'éteint et son interlocuteur s'approche de lui. Grand, cheveux longs, jeans, trench gris. Tous les 2 regardent leurs montres, échangent encore quelques mots et l'inconnu aux cheveux longs sort par la porte du fond. Il a, au préalable embrassé mon voisin sur les 2 joues.
Alice a branché mon IPod. « Grace » de Jeff Buckley. Je rentre.
Elle s'est endormie sur le divan. Tant pis pour le taxi. Je la dépose dans mon lit et lui passe un Tee-shirt avant de la border. Je sors aussi de mon dressing une chemise et des sous vêtements propres pour demain. J'éteins la lumière mais laisse la porte du séjour entrouverte.
Elle n'a pas fini son thé mais il ne reste plus de cookies dans son assiette. Je pose le tout dans l'évier. Je ferai la vaisselle demain.
Ma salle de bains donnant sur le séjour, je ne risque pas de réveiller Alice, je reste un bon moment sous la douche avant d'avaler 2 Advil par prudence puis m'installe dans le fauteuil. Elle a laissé son portable, 9 appels en absence, Bertrand. Je prends le mien, Alice était crevée, elle dort à la maison, ne t'inquiète pas, elle va bien, et elle t'aime. A bientôt, Lucas.
Alice a laissé « Les hauts de Hurlevent » en place. OK. Mais d'abord une clope.
Je regagne le balcon. Plus de bruit maintenant. J'ai laissé la musique sans toucher aux réglages, il reste juste la voix de Jeff « Oh drink a bit of wine we both might go tomorrow. Oh my love... ». Toutes les fenêtres de l'immeuble d'en face sont éteintes.
Tant pis pour Emily Brontë, je regagne ma chambre et me faufile sous mes draps.
Avant de me retourner, je cale mon visage dans les cheveux de ma sœur et respire son odeur d'iode, de grand air.
Je ne crains rien ; nous sommes ensemble.
Ces personnages sont magnifiques, leur amour est beau à lire. Vivement la suite :)
· Il y a presque 9 ans ·ade
ça doit être dur à écrire toute cette émotion, ces personnages m'ont prise par le bout du cœur en tous cas ;))
· Il y a presque 9 ans ·julia-rolin
Merci Julia.
· Il y a presque 9 ans ·Heureux que cela vous ait plu.
Vraiment.
C'est tellement encourageant et aidant aussi qd on est un peu à court de souffle... Comme Lucas en ce moment.
Le pauvre ;-)
L'histoire n'est pas finie, c'était juste une partie de leur vie.
A bientôt.
jireoparadi