Ailleurs, juste à côté de nous.
Marc E.
Basem est un jeune garçon d'une dizaine d'années. Loin de toute anormalité, il aime ce que les enfants aiment. Jouer, apprendre, questionner, ne pas tout comprendre et ne pas devoir le faire. Il aime la compagnie des autres enfants. S'entraîner au football, comme ses deux grands frères. Ses journées s'organisent de façon classique. Il se lève tôt le matin, déjeune puis il se rend à l'école de son quartier. Ce matin, encore une fois, les professeurs ne sont pas là. Ce matin, encore une fois, les cours lui seront dispensés autrement.
Le vis-à-vis n'est plus nécessaire. L'éducation se partage différemment. Le même enseignement est alloué à des milliers d'enfants parlant des langues diverses. Ils se dépensent dans la même cour, géante et variée, faite de forêts, de sentiers et de secrets. Il n'y a que pour manger que Basem retrouve ces copains de quartier. Ce matin-là, il n'avait croisé que Tayssir et Maysan alors qu'il tapait dans une balle avec Simon, Thomas et Nicolas. Ils parlèrent très brièvement des leçons de mathématiques, mais Maysan n'avait de toute façon pas la forme. Les derniers jours avaient été difficiles pour elle dans la réalité. Tous étaient pressés de retourner en cours car au loin, un concert terrifiant hurlait en faisant trembler les murs, creusant des lézardes qui menaceraient bientôt d'éclater.
Ils font partie d'un nouveau programme initié par l'ONU, se basant sur les nouvelles technologies de réalité virtuelle, dont le nom officiel est la Présence. Immergés dans des lunettes et casques, ils sont reliés à tous les enfants du programme, issus de multiples localisations sur Terre. L'immersion apportée par le jeu vidéo, conduite à l'origine par l'entreprise Oculus VR, a vu ses progrès décuplés par différents réglages et idées. Des études sur la vision, ce que nous appelions "effets d'optique" ont permis d'en révéler bien des secrets. Nombre d'entre vous ont pu se rendre compte de l'incroyable plongée qu'offrent ces systèmes. Après quelques minutes, nous nous habituons au vertige, nous commençons à apprécier les distances. Nous y sommes et rien n'est plus vrai. C'est un pas nouveau dans la mondialisation. Ces systèmes accessibles au plus grand nombre permettent des interactions dépassant celles de la réalité. Les cours sont traduits instantanément alors qu'un havre entoure les enfants.
Ce matin-là, Basem avait beaucoup transpiré, et l'appareil avait surveillé son rythme cardiaque ainsi que son taux d'hydratation. Il n'y avait que peu de problèmes ; aucune blessure ne ternissait une journée d'école. Les cours, attribués selon les modèles des meilleures écoles modernes et souvent privées, donnaient libre choix à l'enfant. Celui-ci allant, avec d'autres, vers les activités qui le passionnaient le plus.
Il leur était difficile de quitter cet endroit où ils étaient libres. Distants d'une réalité qu'ils ne comprenaient plus et qu'ils ne voulaient plus comprendre, ils apprenaient ailleurs, loin de nos erreurs.