A.L Obsess.

biler

Voici. Enfin. La première fois qu'il me vient l'envie d'écrire. Cela. comme s'il prenait sa place. Comme  s'il était là et qu'il n'était plus possible de le nier. Là, au sein de moi. Il me semble que cette brise qui souffle est d'une évidente beauté..

Tout de suite, il a dit : " C'est puissant". Je sais qu'il parle de nous, du courant puissant qui circule entre nous. si puissant qu'il me fait accepter l'inacceptable, reculer devant mes habitudes. Il est là avec son désir, subtil et violent, auquel je me plie parce que j'ai appris à croire dans les corps. Le vent se lève. C'est lui, je reconnais la sensation. J'ai arrêté d'écrire, ma peau a rougi, mon corps s'est resserré comme un animal aux aguets, surpris. J'endosse l'assaut comme une poignée de poivre ; d'un coup, l'instant est autre. Montée d'adrénaline. Je ne l'attendais pas. Je travaillais tranquillement, concentrée sur ma feuille.

Attente d'un nouvel assaut, comme une vague. Est-ce moi qui pense à lui ou lui qui pense en moi, si fort qu'il en couvre ma feuille et que les mots se liguéfient en désir ? Il a ce pouvoir de me liquéfier. Il le sait, il guette ce moment, s'emplioe à me transformer en source. Moi, je le couvre de mes eaux, il les respire, l'animal approche l'ange. Je n'ai plus envie de travailler. D'ailleurs, il est tard. J'oublie les heures et tout peut arriver. Le vent. La brise.

Hier la sensation de vide était grande. Au moment de me coucher, je me suis dit qu'il fallait le laisser tranquille ; je ne pouvais penser à lui, il était dans un autre lit avec une autre femme. J'ai étrangement bien dormi. Ce matin, j'avais envie de lui parler ; mais il n'est pas là. J'ai du mal à mettre au travail ; il me semble que s'il était là, je travaillerais mieux. Cette fois, les coulent. Enfin.

Tendue sur le fil de l'incertitude, je pense à cette femme qui ne dit mot : Femme, pourquoi préfères-tu le silence et le mensonge ? Que ne te lèves-tu ? Moi, je me lève, je dis mon amour, un amour chargé de son désir. Si je pense maintenant à lui, je sens ses bras m'enserrer, il martèle doucement en moi sa présence, je ne puis plus bouger tant est forte son étreinte, il m'écrase de son poids exprès pour que je ne sois plus qu'un soupir qu'il respire, son visage collé à mon regard, il me regarde. Je suis un désir de lui fondu, suspendu à son sexe qui imperceptiblement explore mon ventre et le fait sien. Quand me libérera-t-il du siège de son désir ? Je l'embrasse sans issue que mon désir. Exacerbé. Encore.

Je me réveille. Mes membres sans force me disent qu'il va bien, que probablement il fait toujours l'amour. Ma substance s'en va.

Combien de temps accepterai-je ? Combien de temps ? Il est trop tôt, ce matin pour qu'il imagine même m'appeler ...

Je marche dans la grande nature, me défaire de lui. Ombre d'une douleur que je ne nomme pas. Dure comme un arc. Je souffre, que je veuille ou non l'admettre. Fragile comme du verre et dans mes yeux une tristesse venue de très loin. D'où vient-elle celle-là ? L'amour est une évidence. Confiance. Certitude. L'amour n'est pas souffrance. 

A cause de je ne sais quelle émotion qu'il suscite en moi, je ne peux prononcer les mots décisifs que me sépareraient de lui : "la décision de le quitter m'aurait défaite entièrement". J'aime quand l'amour est simple.

Voilà qu'il s'allonge à mes côtés. Ici, maintenant, en mon creux, la vie est douce. La touche délicate, imperceptible de son esprit m'a enlevée hier soir, cette nuit et ce matin encore. Il n'y a rien de plus puissant que cette légèreté. L'espace se lève, nulle pesanteur, les corps se fondent dans l'osmose, les mots quels qu'ils soient naissent et meurent sans autre objet que de nous définir. Ils redisent ce que nous ne savons pas mais savourons, le goût de l'autre. Chaque geste, inutile, est une touche d'au-delà, Chaque caresse, gracieuse, enfonce l'autre un peu plus en nous-même. L'avenir est au présent. Communion. Nous sommes en communion.

Une colère fulgurante m'a prise. Un sentiment de frustration énorme : il me privait de lui. J'ai passé la faux sur le lien vif de mon amour, coupé le lien. Vide et glacée malgré le soleil qui plonge sur moi. Depuis plusieurs jours. La souffrance est intense, par vagues. Pourtant il dit son amour, il le répète ; mais les mots passent à la surface d'une chair blessée, sans guérir. J'ai froid.

L'amour est un mystère. Inexploré.

La glace qui pénètre mes membres, ce matin, je la reconnais. L'embaumeur avait frappé à la porte et fermé la chambre de mon père. Derrière la porte, il l'avait vidé de son sang. Et lentement, la glace avait saisi le mien.



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