Altiplano
tiare
Delphine si te recuerdas,
Arrêt sur les hauts plateaux à plus de 4000 m d'altitude.
De la buée sur les vitres. Il fait froid. Les nuages défilent sur la route et se confondent avec la fumée environnante. Des militaires passent. Des indiens descendent, d'autres montent. Ils trimballent des boissons chaudes, des fruits, des bâtons de canne à sucre, se restaurent de ceviche, de poulet bouilli...
C'est un non lieu avec des bicoques et des chanchos épars, au loin quelques lamas méprisants. Lainages et tenues dentelées d'Otavalo apportent un peu de douceur. Ceux-là vivent en haut. Sans eau ni lumière.
Le corps robuste, les mains bouffies. Les enfants sont trapus, le visage écarlate, barbouillé, l'air entre-deux. Ils travaillent déjà dans la boue.
C'est gris. Rien à voir avec le ciel surréaliste de Quito, bleu intense, traversé de sculpturales formes mouvantes planant bas. D'ici trois à quatre heures, nous serons dans l'Oriente, la grande Forêt amazonienne, dense et humide.
Sur cette mythique route des Andes, vestige des temps anciens, on est presque toujours au bord du vide. Avec mauvaise fortune, on peut très bien d'un col à l'autre, partir sur une flaque d'eau huilée par le trafic et dégager dans un virage sec sous les décibels de cette salsa hystérique alors finir minable au fond de ce décor grandiose broyé dans un amas de chair, de sang et de ferraille.
Conductor loco, toréador de trucks, latin lover!
Tu n'arrêtes pas de mater Delphine depuis le début avec ton air hilare!
C'est pour quand la sortie de piste ?
Je n'ai pas quitté des yeux la croix de Jésus pendue à l'avant.
Aie-je signé aujourd'hui pour une mort imminente ?
Cette question me taraude depuis le début du voyage.
Ecuador, Terre volcanique, Terre de Feu et de Cendres.
Ecuador, Terre d'accueil des miens aux heures noires de l'Histoire.
De tes entrailles jusqu'à la cime des arbres, je voudrais maintenant m'anéantir en toi.
Alléluia.
Mais, je croise son regard et je reviens. Une fillette s'est logée entre nous. Quelques paroles échangées en anglais. Il va étudier les plantes tropicales dans un centre de recherche en pharmacologie. Moi, je resterai quelques jours au bord du rio Napo.
Bondé, le bus de la mort repart. J'oublie ma peur. Les chutes d'eau n'en finissent pas de tomber et les vallées de s'étendre traversées de nébulosités.
Slowly, il me happe. Smoothly, le relief s'estompe.
On abandonne les polaires. Plus on descend, plus il fait chaud et moite.
Déjà une végétation débordante exulte.
Je m'enfonce dans le voyage. La route se fait droite et le bus trace.
Stranger you haunt me. Deep inside...
Soudain, dans cette jungle informe, le bus stop.
C'est pour nous. Je dois me lever et gagner vite la sortie.
Je le laisse à ses endémies. J'en porte les maux.
Merci pour le partage! Une bien belle évocation.
· Il y a plus de 12 ans ·Frédéric Clément