Chapitre 14 - AMBER ET VANITY JANE

suemai

AMOUR, CRIMES, SEXE ET HUMOUR. J’ai récupéré le corps de Pinta et je l'ai brûlé , afin que ses cendres se mêlent rapidement à la terre et que germe un nouveau fruit.

Je te dois la vie par deux fois, alors, si j'te raconte qui j'suis, je te serai toujours redevable de deux vies. Tu me coinces solide, Doc!

C'est pas le but, Vanity. Tu ne me dois rien. Si t'as pas envie de me raconter, bien, tu laisses tomber. Pas plus grave que ça.

— J'suis métissée…

— Quoi…

— Métissée, tu sais c'que c'est?

— Mais si, je voulais blaguer… désolée, pas très réussi. Je le suis aussi, tu te rappelles. «Kahn…»

— C'est bon, Amber, pas de soucis.

Vanity Jane débuta. Sa mère était de race blanche et son père amérindien, un Pawnee. Une trentaine de nomades, de la tribu voyageaient à mi-chemin entre les frontières du Nebraska et du Dakota. Ils faisaient souvent halte tout près du lac Missouri.

— Tu connais?

— Je ne l'ai jamais vu, mais oui, de nom, poursuis…

— Mon père violentait ma mère, lorsqu'il était saoul. Je devais souvent m'interposer. Je pansais ses blessures et je regardais Isacc, mon père, d'un air méchant. Mais un jour, il la battit si fort, qu'il la tua. Là, je peux te dire que j'ai pleuré des larmes de rage. Quelques jours plus tard, je me suis emparée de sa carabine et je l'ai froidement assassiné. Ah, j'oubliais de te dire que J'avais un petit frère, du nom de Pinta. Il  n'avait que dix printemps. J'ai volé un poney et nous nous sommes enfuis. Je galopais un peu, ici et là, ne sachant pas où aller vraiment. Avec Pinta, on cherchait des points d'eau et on levait le campement. Nous vivions de chasse, cerf, chevreuil, pigeons et de petites bestioles, ça allait, parfois, jusqu'au serpent. Un jour, nous approchions d'un ranch, où plusieurs cowboys empilaient le foin. Pinta aperçut une grenouille et sauta au sol, il adorait jouer avec ces bestioles. Un coup de feu éclata soudain, et mon petit frère s'écrasa, mort, une balle lui ayant transpercé l'abdomen. Je ne pouvais plus rien pour lui. Inutile de dire ma rage. Carabine en main, j'ai galopé dans toute la prairie, et je les abattis tous, les uns après les autres. Le dernier, ma cartouchière vide, je lui ai brisé la nuque. Je les ai tous scalpés, et j'ai accroché leurs sales tignasses, tout autour du ranch. J'ai récupéré le corps de Pinta et je l'ai brûlé, comme le voulait la coutume, afin que ses cendres se mêlent rapidement à la terre et que germe un nouveau fruit. Puis, j'ai passé plus de trois jours à me saouler dans cet infect lieu. C'est à ce moment que je suis devenue Vanity Jane. J'ai juré que plus personne ne mourrait autour de moi; tous ces gens que j'aimerais et que je respecterais.

— Pourquoi t'appeler Vanity, demande Amber, tu ne ressembles pas à ça?

— Ma mère me donnait souvent ce surnom. C'est curieux, vous, les blancs, vous ne connaissez pas votre vocabulaire.

— Pourquoi les blancs et qu'est-ce que je ne comprends pas?

— Blancs, parce que je demeure une Pawnee, tout au fond de moi et que Vanity ne signifie pas «Vaniteux» au départ, mais «la vie et la mort, à la fois, ce que nous sommes et nous deviendrons.» Jane est mon véritable prénom. C'est un peu comme les scalpes. On dit souvent que les amérindiens scalpaient les blancs et accrochaient tout à leur ceinture, comme des trophées de chasse. Ce n'est pas faux, mais loin de la réalité. Un homme sans cheveux, n'en est plus un. Une bonne manière d'illustrer la chose, c'est de remarquer comment la chevelure des peuples anciens, demeuraient si précieuse. Des cheveux longs, soyeux et entretenus du plus grand soin. Une dernière chose sur nos mœurs, lorsque tu sauves la vie d'un Pawnee, il doit te protéger, toute sa vie durant. Il devient ta seule préoccupation. S'il meurt, tu dois aussi te sacrifier.  Maintenant tu connais ce que peu de blancs savent. Après trois jours, j'ai dessoûlé. J'ai choisi le meilleur cheval du ranch, je l'ai bien scellé, comme le font les blancs, j'ai volé des vêtements à ces hommes, dont ce cache-poussière, ce chapeau, des bottes des chemises et pantalons, tout ce qui m'allait, et tous leurs sous. Je suis repartie vers le nord.

— Vanity, tu ne me dis pas que tu pratiques encore ces traditions des Pawnees?

— Tout à fait Amber, maintenant, je t'appartiens et pour toute la durée de ma vie en ce monde. Je dois te protéger de tout.

— Ben là, t'es pas sérieuse… tu vas me coller aux baskets jusqu'à la fin de mes jours?

— C'est comme ça! Rigolo ton expression.

— Merde! Mais tu as une vie, Vanity… on en reparlera, tu veux poursuivre.

— Un jour, par hasard, je longeais un joli lac, petit mais magnifique. Sans le savoir, je me suis retrouvée à Tuxton, une ville éloignée de tout. À l'époque, il y avait bien plusieurs centaines d'habitants, un bureau de poste, une banque et tout ce qu'on retrouve dans une ville, normalement. Je fus bien accueillie. J'ai loué une petite chambre et j'ai dormi quelques jours, j'étais épuisée. Je fus éveillée par des coups de feu. Aussitôt je bouclai mon ceinturon, mes pistolets bien armés. Je me suis emparée de ma carabine et je suis sortie par l'arrière. J'entendais crier : «Les frères Brontning; le frères Brontning.» Trois cavaliers saouls, déambulais dans la rue, et tirait un peu partout. J'ai grimpé sur le toit du saloon et j'en ai abattu un. Les deux autres se sont précipités à l'intérieur. J'entendais des cris de panique et des coups de feu. Je me suis glissée par la porte arrière et sans crier gare je les ai abattus. C'est à ce moment, qu'on m'a suppliée de demeurer et de devenir sheriff de cette petite ville, moi une Pawnee. J'ai succombé. Je ne pouvais les abandonner. Et voilà j'y suis toujours. Quelques personnes, de celles et ceux qui se sont présentées à cette procession humiliante à la chambre, ces derniers jours, connaissent la ville de Toxton de nom, mon existence et ce que j'y fais. Mais d'aucuns n'y ont jamais posé le pied. C'est l'entente et Ils la respectent tous. Plusieurs familles de Valentine habitent avec nous maintenant, pour une multitude de raisons, surtout la sécurité. Ce voyeur de Sam Buckllet, surveille mes arrières, c'est un bon bonhomme. De temps à autres, ils se présentent des visiteurs venus d'un peu partout, parfois amis, parfois ennemis. Je liquide la racaille. Pour les autres ils nous demandent protection, alors on les adopte. Nous élevons du bétail, surtout des bovins, dans quelques champs entourant la ville. Ça nous fournit la base de notre alimentation. Je fais les courses une fois aux trois semaines. Je troque de la viande contre des produits essentiels. Voilà.

— Mais quel âge avais-tu, Vanity, à ton arrivée?

— Aux alentours du tiens, peut-être quelques années de plus.

— Ben, dis donc, c'est toute une aventure.

— Curieux, Amber, tu ressembles à une petite fille à qui on raconte une histoire pour la première fois. Christina et toi vous ne vous lisiez pas des trucs pour vous endormir?

Amber se secoua vite fait, et reprit une allure sérieuse.

— Oui… oui… bien sûr. Maintenant tu dois te reposer. Je regarderai demain pour la cicatrisation. Mais tu guéris assez rapidement, même que ça en est impressionnant.

Vanity tint à faire un câlin à Amber. «Ce qu'elle sent bon l'air frais de la prairie, pensa Amber.»

— Mais je vais te passer au propre avant, pas question de douche pour le moment.

— Hey! ho! Tu ne vas pas me violer, hein!

— Ce que tu es stupide, rigole Amber. Je reviens... … Maintenant, tu retires ces couvertures et tu me laisses te nettoyer.

— Mais c'est terriblement gênant Amber…

— Je t'ai déjà vu nue, alors…

— Mais là c'est différent, on se connait et on s'apprécie…

— «Elle a raison, pensa Amber, on s'est confié et ça change tout. De plus, me voilà avec un ange-gardien sur le dos,»

***

Christina reprenait du mieux rapidement. Le vin agissait à merveille, ce que ne détestait pas non plus Eltirra.

— Pourquoi tu m'as laissée l'autre jour, tu m'as fait peur, je croyais que tu m'abandonnais aussi?  

— Christina, ne dit pas de bêtises, jamais je ne t'abandonnerais et oublie qu'Amber ait fait une chose semblable. Elle avait ses raisons, je te l'ai déjà expliqué.

— Elle me manque Amber…

— Oui, à moi aussi, c'est une fille vraiment géniale, même avec ses petits défauts et un de ces caractères…

Elles rigolèrent toutes les deux.

— Mais, tu ne m'as pas répondu, Eltirra, où t'es-tu rendue?

— Rencontrer Maître Dasmati, un génie dans la confection de flèches de tir. Je m'en suis procurées une centaine. Il s'agit d'un grand homme, au sens spirituel du terme, un véritable orfèvre. Laisse-moi une minute… … voilà, regarde la facture de celle-ci, une véritable œuvre d'art, rien ne l'égale, une perfection. Elle est taillée dans le cœur du frêne et d'une totale symétrie. Le grain, enfin le poids, est parfaitement réparti.  Sa pointe, à trois entailles, est meurtrière. Il les signe toutes de ses initiales : «VD, Vittorio Dasmati.» Il ne travaille que sur commande et ne demande jamais rien. On lui laisse les sous, discrètement. Tel se veut la coutume.

— Mais comment connais-tu cet homme qui vit à New York, alors que tu n'y as jamais mis les pieds?

— C'est un grand ami de mon Maître de Corleone, Gionno Paldri. Il m'a introduit auprès de Maître Dasmati par lettre. Voilà comment je le connaissais sans jamais l'avoir vu. Ce fut un grand honneur, pour moi, de le rencontrer.

— Mais qui est Gionno Paldri?

— Ah, ça c'est toute une histoire. Je te raconterai un jour.

— Non… non… maintenant Eltirra, j'adore les histoires, enfin je crois… Avec Amber, on se lisait parfois de petits contes, plus jeunes, mais jamais d'histoires vraies.

— Bon d'accord, petite curieuse. Tu ne devrais pas dormir plutôt?

— Tu m'offres un verre de vin chaud et je t'écoute, d'accord?

— Bien sûr, je reviens… Voici, attention de ne pas te brûler les lèvres. Je me suis versée une coupe aussi.

— Une dernière chose, Eltirra, tu t'allongerais à l'inverse de moi, je voudrais caresser ton pied.

— Alors tu me laisses une minute que je me douche. Ça me donne l'impression que tu te portes vraiment mieux, lui sourit Elitrra

— Non, ça va aller comme ça, ils sont très propres et ils sentent très bons, j'en suis certaine. Fais-moi plaisir. Tu veux bien!

— Une petite peste tout comme Amber, ce que tu peux être enfant parfois.

— Je suis encore une petite fille, Eltirra.

Eltirra s'allongea, offrit son pied à Christina, qui le maintint tout contre sa joue et l'histoire débuta.

— Je devais avoir quinze ou seize ans. Un jour, je chassais comme toujours, ce fut et c'est toujours mon plus grand plaisir. Donc, un matin, quelques perdrix s'aventuraient de-ci, de-là, et je pointais, lorsque j'entendis : « Tu soutiens mal ta flèche, tes pieds sont beaucoup trop rapprochés et ton arc pas suffisamment bandé.» Je me retournai aussitôt et d'un ton suffisant, je demandai à cet homme ce qu'il en savait. Il se présenta. «Je me nomme Gionno Paldri. Je te regarde chasser depuis un moment. Tu as beaucoup de talent, mais aucunes techniques. Je peux t'enseigner les arts de l'archerie, que dis-tu de ma proposition.» Toujours arrogante, je lui offris mon arc et j'attendis. Gionno Paldri me fixa de ses yeux rieurs. Il souleva mon arc, me demanda quatre flèches supplémentaires et il les piqua au sol. Soudain, il poussa un cri, ressemblant à celui d'un oiseau de proie. Plusieurs perdrix s'envolèrent. Il atteignit cinq cibles, coup sur coup, et me rendit mon arc. Tout en ramenant le butin, je m'aperçus que chacune des flèches se logeait au même endroit, tout au centre du ventre de l'oiseau. Voilà qui éveilla considérablement ma curiosité. Je me retournai pour lui demander son secret. Il repartait sans me regarder, ayant déposé mon arc au sol. Mais il me donna rendez-vous au même endroit, le lendemain matin suivant. C'est ainsi que débuta ma formation d'archère. Mon Maître n'employait jamais le mot chasseresse. Seul, le terme archer revenait constamment. Avec le temps, j'appris que ce mot contenait son secret, un sens caché, un peu comme s'il s'agissait d'une vocation, d'un rituel. Pendant plus de trois ans, il m'enseigna tout. Une technique imparable, position du corps, traction, visualisation, évaluation de la vitesse, du vent, enfin la grande technique de l'archerie. Un jour, il me dit que j'avais tout intégré et que seul le temps pourrait me bonifier. Je ne le revis qu'à sa mort, assassiné par «Ferro» contre qui il se battait seul. Puis ce fut le tour de mes parents. Tu connais toute l'histoire et la raison de ma présence, lors de la vendetta, maintenant.

Christina s'était assoupie. Elle semblait heureuse et emprisonnait dramatiquement le pied d'Eltirra, qui ne pouvait plus bouger. Très lentement et au prix de mille efforts, elle finit par se libérer. Elle fit une bise à Christina, la couvrit et retourna au salon. Eltirra se rendait à l'évidence, qu'elle aimait Christina, davantage chaque jour. Un attachement et un besoin de l'autre qui l'effraya.

***

— D'accord, d'accord, on prend la route, Jane.

— Jane…? Ça sonne bien finalement. Je n'ai pas complété les emplettes. Voici la liste. Il nous faut ces articles.

— Bien, Vanity, tu me laisses tout entre les mains, pas question de forcer. Je conduirai.

— Mon camion???

— Bien sûr, on trouvera une petite place pour ma moto. Fais-moi confiance, tu feras une excellente copilote.

— Personne ne conduit mon camion, Amber, tu saisies!!!

— Alors je vais me laisser mourir.

— Ce que tu peux être bête et têtue…

— Je sais, on me l'a déjà fait remarquer.

Farine, fruits, petites friandises, des tonnes de café, de l'essence et quelques autres articles furent vite rassemblés. Sam pilotait une véritable armada et s'occupait de tout. Vanity se calait sur son siège, tellement elle se sentait humiliée. Le départ eut lieu. Direction Tuxton, petite ville perdue quelque part dans les «Sandhills.»      

  • Joli, les histoires parallèles de Vanity et Christina. Encore un épisode de transition beaucoup plus calme. Mais je sens que ça ne va pas durer...

    · Il y a presque 8 ans ·
    Mojitoo

    thesecretgardener

    • ça me donnait envie de connaître ces personnages, surtout Eltirra (aux jolis pieds), qui demeurait un peu (inconsistante, énigmatique) - comme si découvrir sa sexualité, enlevait un peu de ce coté volontaire, agressif, vengeur, incorruptible et, humanisait le héro :-))) cool que t'aimes. Tu préfères plus d'actions érotique ou physique ou les deux à la fois :::-)))))

      · Il y a presque 8 ans ·
      6a012876c02e5d970c019affb02dba970d 500wi

      suemai

    • C'est un tout. Il faut que les deux s'imbriquent dans l'histoire. Un fil porteur, des scènes d'action, des scènes érotiques, des moments forts, d'autres plus contemplatifs.
      C'est le savant mélange de tout ça qui rend le texte agréable, qui fait que l'on ne s'ennuie pas.

      · Il y a presque 8 ans ·
      Mojitoo

      thesecretgardener

    • bien la réponse que j'attendais de toi. Je me sens plus amoureuse qu'agressive, en ce moment, mais bon sang qu'Amber me tape sur les nerfs:-)))))))) bise

      · Il y a presque 8 ans ·
      6a012876c02e5d970c019affb02dba970d 500wi

      suemai

    • Ouais, bon ! Elle en énerverait plus d'un. Elle ne laisse pas indifférente.

      · Il y a presque 8 ans ·
      Mojitoo

      thesecretgardener

    • À qui le dis-tu :-)))))

      · Il y a presque 8 ans ·
      6a012876c02e5d970c019affb02dba970d 500wi

      suemai

    • Ben, à toi !

      · Il y a presque 8 ans ·
      Mojitoo

      thesecretgardener

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