AMOUR OU PASSION
effie
Autrefois j'avais une soeur jumelle. Ma meilleure amie. Il y a longtemps que nos chemins se sont séparés.
Elle travaille toujours, en haut de cette tour où personne ne peut l'atteindre, à part ses geôliers. On ne se parle plus. Ou si peu.
Des esprits malfaisants l'observent toute la journée. Ils traquent la moindre erreur pour la rapporter à sa hiérarchie et la sanctionner. Mon amie croit qu'elle n'a aucun droit, seulement des obligations. Elle est retenue prisonnière à son bureau. Son patron est un démon qui se nourrit de vierges effarouchées. Elle a créé une prison dans son esprit, et les murs se sont refermés.
On se ressemblait tellement il y a longtemps, très longtemps.
C'était avant que je ne trouve les clefs.
Les clefs de ma propre prison.
Grâce au magicien.
Un jour, en effet, j'ai croisé la route d'un magicien. Je ne savais pas que c'était un magicien. J'ai été séduite d'emblée. Le coup de foudre, dit-on ! J'en ai quasiment perdu la vue. Ou la raison.
Il ne ressemblait à personne d'autre. Je ne pouvais pas détacher mon regard de sa personne. Une telle force intérieure émanait de lui. Sa prestance naturelle imposait le respect. Il avait l'air de quelqu'un de savant.
Je le suivais partout, de loin, timidement, comme un petit chien. Il a fini par se rendre compte de ma présence et il s'est retourné. J'en suis restée pétrifiée. Il m'a demandé si je voulais faire un bout de chemin avec lui. Je n'ai pas hésité.
Alors il m'a pris la main pour me transporter dans un lieu magique. J'étais éblouie par tant de splendeurs. Autour de nous, ce n'était que grands espaces et couleurs. Ne connaissant que les couloirs sombres, bas de plafond, j'étais prise de vertiges et m'agrippais à lui.
Une fois apprivoisée, il me passa autour du cou un collier de saphirs auquel pendaient trois clefs minuscules. Il m'expliqua que leur pouvoir était inversement proportionnel à leur taille. Chacune d'elle symbolisait une prison qui m'empêchait d'accéder au bonheur et c'était à moi de découvrir quelles portes elles ouvraient. Lorsque les trois clefs auraient servi, je n'aurais plus besoin de lui.
En cheminant à ses côtés, j'ai jeté deux clefs devenues inutiles. J'ai commencé par ouvrir la prison des souvenirs en acceptant tout ce que j'avais traversé, le bon comme le moins bon, et en les laissant dormir définitivement. Je n'étais plus attachée à mon passé. Libérée d'un grand poids, je renaissais au présent et découvrais la vie.
J'ai jeté la deuxième clef lorsque j'ai compris que je semais moi-même les embûches sur mon chemin. C'est à moi que revenait la mission d'abandonner tous les préjugés, peu importe les conventions. Ma liberté grandissait, j'étais heureuse.
J'ai fini par ôter le collier. Je voulais conserver la dernière clef. Je ne souhaitais pas devenir tout à fait libre de mon coeur. J'avais encore besoin du magicien.
Mon amie n'a pas dû rencontrer de magicien. Comme moi autrefois, elle est prisonnière d'elle-même. Pourtant, il m'arrive de l'envier quand la troisième clef se fait très pesante.
A la fois original et joli ce conte !
· Il y a environ 6 ans ·Louve