Andropause. JESSIE . Chapitre 43

Jp Scriblerus

Résumé des chapitres précédents : Au retour des congés d'été, tandis que Jessie l'ex de Sébastien prépare sa vengeance, Charles Villepou le père de Sébastien hanté veut voir son confesseur.

Chapitre 43

Un prêtre aujourd'hui.

    Le Père Patrice était un prêtre de soixante-dix ans, un franciscain qui connaissait les Villepou, avait baptisé dans une autre paroisse Sébastien et leur donnait la communion chaque dimanche.

     Il connaissait aussi Jessie Cassegrain qu'il apercevait à la messe lors du dimanche mensuel qu'elle concédait jusqu'alors aux Villepou.

     Il l'avait pour ainsi dire repérée parce qu'il avait observé l'étrange relation qu'elle avait suscitée auprès d'un jeune prêtre bien fait de sa personne qu'elle fixait avec dévotion lorsqu'elle lui tendait la langue sur laquelle il posait l'hostie.

   D'ailleurs Jessie était la seule de cette communauté familiale qui tendait la langue, les autres prenaient l'hostie sise sur la coupelle, puis la faisaient fondre sur leur langue en s'en revenant à leur place : " Le corps du Christ."

    Ainsi le Père Patrice portait tous les péchés véniels et mortels dont les Villepou, notamment, consentaient à délester leur conscience dans le confessionnal. Mais il n'y avait jamais croisé Jessie Cassegrain.

       Comme tous les prêtres du monde ou les serviteurs des dieux reconnus, habités par une foi désespérée, le Père Patrice portait la croix du devoir tout en portant en outre tous les péchés de l'humanité, c'est à dire tous les péchés de ses paroissiens alors qu'il portait déjà cette autre croix qu'était celle de sa foi minée par ses doutes, et alors même qu'il ne pouvait s'empêcher de croire à une forme d'être suprême.

   Investi de sa mission et fort des expériences que confère l'âge, le père Patrice mieux que le gendarme, le procureur, l'enseignant, le juge, le boulanger, le buraliste, la bouchère ou la kiné, le psychanalyste, le médecin de famille, le grand-oncle, la maman, le grand-frère, ou la petite soeur, savait pénétrer l'âme de ses paroissiens.

   Dans la torpeur humide, obscure presque glauque du confessionnal, la confiance du pénitent est absolue. Cette confiance est d'autant plus absolue que dans ce joue-à-joue ou dans ce souffle-à-souffle aigre que ne filtre qu'une grille de bois, le prêtre écoute, échange, délivre les pénitences, conseille, prie, absout, libère les consciences dans un long flux de susurrements salvateurs et rédempteurs.

    Le pécheur en sort la tête haute, fière, se croyant de nouveau immunisé, promu, pardonné, purifié. Dieu a dissout tous ses péchés du plus accessoire au plus substantiel, du plus véniel au plus mortel, du plus pur au plus glauque.

   Et le prêtre est une tombe.

     Oui Dieu existe car je l'ai rencontré écrivit un jour sur son petit cahier d'écolier à petits carreaux qui lui tenait lieu de journal, Charles Villepou.

   Nous dira t-il un jour comment...

    L'on n'évaluera jamais le poids et la valeur de celui que l'on enterre, lorsque l'on enterre un prêtre lesté de tous les miasmes de ses paroissiens.

      Le père Patrice n'était pas de ces éminences écclésiastiques à l'embonpoint obligé, imbues de leurs titres et de leurs compétences théologiques, qui du haut de leur chaire - qu'il avait tenue en ce qui le concernait à maintenir dans sa chapelle - affligeaient leurs paroissiens le dimanche de sermons grondants leur promettant la foudre prochaine de Dieu et l'enfer éternel.

    Il savait trop bien ce qu'était le péché. Il n'avait que le charisme de ses convictions, et son âge, son effacement volontaire, son débraillé, n'incitaient à le prendre ni comme directeur de conscience, ni comme confesseur.

     Le Père Philippe pourtant par le jeu de l'âge commun, des circonstances, des méandres de la vie, par la force de l'habitude, par les épanchements déjà déversés au cours des ans étaient devenu le religieux référent des Villepou.

      Il avait le physique étique, le cheveu rare, la complexion blafarde, la barbe de trois jours, le chandail de famille tricoté mains, chaussant des Timberland chaussures tout-terrain. Alors l'on avait peine à imaginer que Dieu se fût révélé à lui et lui eût confié une mission d'intercesseur quand l'on est constitué pour si peu d'entregent. Mais les voies du Seigneur sont impénétrables, d'ailleurs c'était lui le Père Patrice qui tous les matins à six heures et demie jouaient les sacristains, ou le frère convers et ouvrait la grille du jardin de la chapelle des Franciscains.

                                                          *

     C'est Arlette Villepou en ce deuxième dimanche de septembre qui suivait la rentrée qui entreprit le Père Patrice à la sortie de la messe.

     Charles filait un mauvais cocon, ne communiait plus, Sébastien ne venait plus à la messe. Le noyau familial se dissolvait.

     Certes le drame familial qui s'était joué et les avait secoués avant l'été était un mobile, mais insuffisant aux yeux d'Arlette qui estima que dans ce contexte, la prière était la meilleure drogue possible, le meilleur soutien imaginable pour son mari et son fils qui désertaient soudain respectivement la communion et Dieu et la messe du dimanche. Elle fit part de sa préoccupation à Charles Villepou, un soir en allant au lit.

     Allez on va au lit, misère des jours quand ils s'achèvent sur cette litanie du couple allez on va au lit qui conclut leur inanité, allez on va au lit ...

   Charles répondit qu'il n'était plus en situation de communier et Sébastien avait naguère déclaré que Dieu n'avait jamais existé. Arlette haussa les épaules, ça veut dire quoi je ne suis pas en situation, ça veut dire quoi Dieu n'existe plus, t'as entendu ça à la télé ? ça vient de sortir ! Ces messieurs font leur crise ! Il faut aller en parler au père Patrice, j'ai l'air de quoi moi le dimanche toute penaude comme une bigote, dans la file des communiants, sans mon mari ni mon fils. Communie Charles ça ne t'engage à rien, que je sache tu n'es pas en état de péché mortel ! Charles se tendit.

    -  La communion ma chère est une affaire personnelle, et mes rapports avec Dieu ne regardent que moi.

   -  Toi aussi tu es comme ton fils, Dieu tu ne connais plus ?

   -  Je viens de te répondre Arlette.

  - Il faut absolument que nous ayons un échange avec le Père Patrice, je vais essayer de lui en dire deux mots dimanche.

 -  Tu n'as pas à te mêler de mes affaires Arlette, Dieu relève de l'intime de chacun.

  - Mon pauvre vieux tu es sous le choc d'un retour d'âge, c'est l'andropause, il faut que tu ailles consulter le docteur Godard. Il faut que tu me règles tout ça au plus vite et avec Dieu et avec le toubib.

       Arlette Villepou entreprit donc le père Patrice à la sortie de la messe ce dimanche-là.

  -  Mon père l'on ne va plus très bien depuis quelques semaines. Je crois que notre famille traverse une crise de la foi. Charles comme vous l'avez perçu ne se rend plus à la messe ainsi que Sébastien qui dit que Dieu n'a jamais existé.

  - Mon père, enchaîna Charles Villepou, Arlette est complètement frappée, la voici désormais qui s'arroge le droit de régenter ma conscience. En revanche oui, si je peux avoir un échange avec vous ça ne mange pas de pain.

     Ils convinrent d'un rendez-vous, le lendemain lundi à dix neuf heures au presbytère.

     Arlette était déjà sur le trottoir. Le prêtre mit la main sur l'épaule de Charles dans un mouvement de compassion solidaire.

      Arlette était satisfaite, le père Patrice était un sage. Charles Villepou dit au prêtre : " Mon père ce sera un tête-à-tête entre vous et moi."

   -   No problème mon ami lui sourit le prêtre.

                                            µµµ

12052013 .

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A Suivre

               Tête à tête entre Dieu et le diable .

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  • Le Père Philippe pourtant par le jeu de l'âge commun, des circonstances, des méandres de la vie, par la force de l'habitude, par les épanchements déjà déversés au cours des ans étaient devenu le religieux référent des Villepou.
    Que vient faire le Père Philippe ici ??? Qui est-il ???

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Printemps   2011   n%c2%b0 n%c2%b0 016 n b

    akhesa

  • Alors Père Patrice ou Père Philippe ??? J'ai perdu le fil ou le 2ème est-il le fils du premier ??? ;-) à défaut de perdre la foi

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Printemps   2011   n%c2%b0 n%c2%b0 016 n b

    akhesa

    • bonsoir mon amie, vous m'inquiétez ... Vous avez dû mettre les bonshommes dans un shaker et voilà comment ils en ressortent dans votre esprit ... jusqu'alors je suis les personnages sans difficultés bien qu'ils m'angoissent curieux de savoir comment cette situation va évoluer ... Merci

      · Il y a plus de 10 ans ·
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      Jp Scriblerus

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