Ange roux

J'observe les flammes bleu sanguines des Enfers lécher paresseusement l'impureté de ton visage malingre. Les édifices d'os craquelés soutiennent les derniers fragments de ton corps désarticulé, et ci et là gisent les filaments de ta crinière de feu, couleur du diable, couleur de la passion mortelle. Un œil bleu pâle observe encore l'antre du mal, puisant sa force dans les rêves oubliés des pêcheurs brûlés lors du Châtiment Final. Tu as brûlé toi aussi. Brûlé. Brûlé comme une torche qui illumina un court instant les Ténèbres. Moment prophétique ou heureuse coïncidence, tu chamboulas les particules de mon support terrestre, dérobas mon cœur des doigts cachectiques de la grande prêtresse – la Faucheuse. Faisceaux de lumière parmi nos sombres idéaux, tu devins alors mon utopie ; l'être de délivrance. L'homme subliminal qui bien plus que de m'enseigner l'amour – cet abject et déroutant sentiment qui fini par te rendre esclave –, devait m'éconduire vers la terre promise des anciens ; la planète bleu. Ce monde infesté qui sous tes pas devait se décorer des feuilles orangers de l'automne, rendant l'espoir à mon cœur défraichi. Cette fourmilière qui n'aurait ainsi été là que pour supporter nos regards, nos échanges charnels et notre lueur rougeoyante. Pourtant tu mourus, là devant moi, emporté par la langue fiévreuse de la Mort. Tu me quittas, alors que tu venais seulement de m'apparaitre. Et sous le regard satisfait du maître des Enfers, je m'agenouillai une nouvelles fois, proclamant ma dévotion à l'obscurité, tandis que secrètement je faisais le deuil de toi ; utopie longtemps inconnue et trop vite oubliée.