Angles inexplorés

ttr-telling

- Qu'est ce qui vous traverse alors?

- Une tristesse... non, une détresse, folle, insondable. Un vide infini. Et de la colère, un peu.

- Vous pouvez m'en dire plus sur cette colère? contre qui? ou quoi?

- Contre la vie. Contre moi. Contre elle. Contre la vie parce qu'elle est affreuse. Partout où je regarde, la violence, la détresse, l'injustice... J'ai envie de vomir. Contre moi, parce que je savais très bien ce que je risquais. Je savais que c'était voué à l'échec, parce que toutes les putains d'histoires d'amour finissent par exploser... Et qu'en même temps je peux pas m'empêcher d'espérer. Et contre elle, parce qu'elle m'a demandé mon cœur, et qu'une fois que je lui ai tendu, elle n'a pas su quoi en faire, et elle est simplement partie avec...

- Donc ca c'est être "un peu" en colère?

- ...

- Et cette.. détresse?

- La détresse, elle vient de la réalité. De ma situation. De ce que je ressens. Je l'aime autant qu'il m'est possible d'aimer. Et surtout j'étais comblé à ses côtés. J'ai chéri chaque seconde passée à ses côtés, même les moments moins simples, même quand j'ai du veiller auprès d'elle pendant ses crises. C'est l'amour que j'ai pour elle qui me détruit.

- C'est votre amour pour elle qui vous détruit?

- Non bien sûr c'est pas ça, c'est le fait que notre relation n'ai pas continué comme je l'espérais. Mais pour moi aujourd'hui ca revient au même. Si je ne l'aimais pas comme je l'aime, je ne serais pas là aujourd'hui.

- D'accord... Et ce vide?

- Il fait partie de moi, je crois... je pense que c'est aussi une des raisons pour lesquelles je suis si mal aujourd'hui. Je pense que j'ai toujours trainé ce vide, et que la seule chose qui ai pu le combler à ce jour, ce sont mes relations amoureuses.

- Et il vient d'où ce vide selon vous?

- De moi, de ma vision du monde, je suppose... J'ai... J'ai toujours apprécié avoir une certaine autonomie. Sociale et affective, j'entends. Mes parents, et ma famille en général, m'ont suffisamment sécurisé je pense pour être bien avec moi-même. Le problème, c'est que au top de ma forme, célibataire, je n'ai jamais eu le sentiment de prendre "plaisir à vivre". Je m'intéresse à plein de choses, je suis relativement curieux, il y a des choses qui me plaisent en particulier. Mais le fait de ne pas avoir une personne privilégiée avec qui partager les sentiments que peuvent me procurer mes activités... c'est comme regarder un film d'aujourd'hui, mais en noir et blanc. C'est terne. Et avant que vous posiez la question, non, les amis ou la familles ne m'apportent pas ce lien, même si je peux partager des choses avec eux. Le lien que j'ai avec la personne que j'aime rend la chose différente. Mais je saurais pas l'expliquer mieux que ça.

- Donc, en tant que célibataire, vous avez toujours ressenti ce vide c'est ça?

- Je pense, oui.

- Et en quoi c'est différent aujourd'hui? A vous écouter cela semble particulièrement douloureux en ce moment, alors que vous dites que ca fait partie de vous.

- Parce que ce vide était comblé il y a encore peu de temps. Et que je l'avais oublié... On peut finir par s'habituer à des douleurs lorsque leur intensité ne varie pas, mais si elle s'arrête un jour, elle paraitra décuplée à son retour. Je pense que c'est ce qui se passe pour moi.

- Donc vous pensez être incomplet? Que sans l'Autre, il vous manque quelque chose?

- Pas vraiment... je pense être complet en tant qu'individu. Mais ma vie est incomplète sans une personne à aimer qui m'aime en retour.

- Je vois... donc si je résume : Vous estimez être bien avec vous-même, mais sans une personne privilégiée à vos cotés, la vie que vous vivez reste en noir et blanc. C'est ça?

- Je pense qu'on peut dire ça oui.

- Donc finalement, aujourd'hui, vous vous retrouvez à nouveau dans une vie en noir et blanc après avoir passé 2 ans dans une vie colorée.

- Si on veut, mais c'est pire que ça. J'me retrouve en plus avec un cœur en miettes, et une déception hyper douloureuse. Aujourd'hui j'en suis au stade où la seule chose qui me vient c'est "à quoi bon?". A quoi bon vouloir aimer, si c'est pour souffrir comme ça derrière? A quoi bon vouloir continuer? Et c'est pas comme ci c'est parce que la relation ne pouvait pas marcher, parce qu'on se tapait dessus ou parce que nous n'avions pas la même vision des choses. Elle m'aimait, elle était bien avec moi, elle avait envie d'être avec moi. Enfin, si elle était honnête quand elle disait ça. Mais parce que son passé la maltraitait encore, elle était incapable de se projeter plus loin dans la relation. Je veux dire, on avait tout... Sur le papier, notre relation avait tout pour fonctionner : de l'amour, de l'écoute, de la bienveillance, du respect, du désir. Alors quoi? Qu'est ce qu'il faut dans ce putain de monde pour avoir une relation qui vaut la peine?

- La séparation est encore relativement récente. Peut-être êtes vous encore dans l'idéalisation de celle-ci...

- Non. Je vous coupe net. Tout le monde essaye de jouer cette carte, mais non. Et croyez moi, j'aimerai pouvoir dire qu'il y avait des points noirs, qu'il y avait des choses qui m'énervaient, des choses que je "subissais". Mais il n'y a pas une seule fois, pas un seul instant, où j'ai pensé "ce serait plus simple avec une autre" ou "j'aimerai qu'elle soit différente". Je l'aime toute entière. Tout ce qu'elle est. Tout ce qui fait d'elle qui elle est. Donc s'il vous plait, je suis pas venu ici pour m'entendre dire "vous idéalisez la relation, vous verrez avec le temps vous vous rendrez compte que c'est mieux ainsi". Peut être qu'un jour je passerai à autre chose. Et je me le souhaite, si notre histoire n'a plus aucun avenir. Mais jamais je pourrai me dire "c'est mieux comme ça".

- C'est ce que vous pensez aujourd'hui.

-...

- Pourquoi est ce que vous êtes venu?

- Comment ça?

- Quand je vous écoute, vous avez déjà énormément réfléchis à ce qui vous arrive, pourquoi, comment. Et surtout, vous semblez convaincu que les conclusions de vos réflexions sont "les bonnes". Alors pourquoi est ce que vous êtes venu?

- Parce que malgré toutes mes réflexions, je m'en sors pas. Je stagne. Et je me suis dit que dans le meilleur des cas, vous pourriez m'aider à accélérer le processus de guérison, et dans le pire, que ca changerait rien. Donc j'avais rien à perdre a part un peu d'argent.

- Et comment vous pensez que je peux vous aider à "accélérer le processus de guérison"?

- A vous de me dire, c'est votre job...

- Vous dites que malgré vos réflexions vous vous en sortez pas. On peut peut être imaginer qu'elles n'ont pas balayé assez large, ou que les conclusions ne sont pas les bonnes?

- Je suppose qu'on peut l'imaginer, oui.

- Est ce que vous pensez que vous êtes prêts à accepter des conclusions différentes des vôtres?

- Si elles me semblent pertinentes, oui, évidemment. Et au pire des cas même si elles me semblent farfelues au premier abord, ca me donnera au moins un peu de matière à réflexion.

- Hmmm... Pourtant vous avez balayé très vite et de manière très catégorique la possibilité d'être en train d'idéaliser la relation dont vous m'avez parlé, de même que l'idée que cette fin puisse être une bonne chose pour vous.

- C'est vrai, parce que je me connais et que je sais identifier les options entendables et celles qui ne le sont pas.

- Et si vous vous trompiez?

- Aussi prétentieux que ca puisse paraitre, si je dis être convaincu de quelque chose, c'est que j'y ai suffisamment réfléchis pour être certain de ne pas me tromper. S'il s'avère qu'il y a un infime risque pour que j'ai tort, je dirai simplement "peut être". Et si en effet je me suis trompé, je n'ai aucun problème à l'accepter.

- Relativement prétentieux, en effet... Mais je ne pourrais pas prétendre mieux vous connaitre que vous-même, du moins pas encore. Ayez tout de même conscience que malgré votre assurance et vos certitudes, vous êtes malgré tout venu me solliciter.

- Parce qu'aussi imbu de moi-même que je puisse être, j'ai conscience qu'il y a peut être des angles que je n'ai pas exploré, ou des perspectives qui ne me sont pas apparues. Et c'est ça que j'attends. Des perspectives auxquelles je n'ai pas pensé, qui amèneraient des réflexions que je n'ai pas encore eu l'occasion d'avoir.

- Je vois... Et bien nous tâcherons d'explorer ça ensemble alors. Mais ce sera pour la prochaine fois, je pense qu'on va s'arrêter là aujourd'hui.


TTR.

  • Je suis devenu accroc à ces séances, tout est fluide et bien pensé, le peu de psys que j'ai vus me rappeler la confession gamin, je ne savais plus quoi dire face au manque de réaction.

    · Il y a plus d'un an ·
    Lwlavatar

    Christophe Hulé

    • oups, rappelais

      · Il y a plus d'un an ·
      Lwlavatar

      Christophe Hulé

    • Accroc carrément?? Haha content que ca vous plaise en tout cas :) Merci pour ce retour

      · Il y a plus d'un an ·
      Tree paper

      ttr-telling

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