Angoisse
jo75
Elle est là, avachie dans son lit, le regard dans le vide. Enfin, elle l'entend vibrer. En moins d'une seconde, elle se redresse, se jette sur son téléphone. Son cœur se serre d'appréhension avant de lire le message. Les mots défilent sous ses yeux, rassurants, gentils. Elle sourit. L'angoisse qui commençait à naître dans son corps disparaît petit à petit, tout comme elle est apparue. Mais pour combien de temps encore ?
Elle jette un dernier coup d'œil au miroir. Elle est prête. Son pouls s'accélère à l'idée de le revoir. Cela fait 3 semaines maintenant qu'ils se fréquentent. Soudain, son téléphone vibre. Elle regarde l'écran : un message de lui. Elle retient sa respiration. Ca y est, il va annuler le rendez-vous, c'est fini, pense-t-elle, la boule d'angoisse lui serrant le ventre. Elle lit le message « J'ai hâte de te voir ». La boule dans son ventre se desserre, elle respire de nouveau, sourit.
Il est là, debout près du banc, il l'attend. Il la voit, s'approche d'elle, le sourire aux lèvres. Son cœur à elle bat la chamade. Ils s'embrassent, se baladent dans les rues de Paris, main dans la main. Elle est heureuse, oublie toute l'angoisse qu'elle ressent dans sa solitude, face à elle-même. Après la balade, ils vont prendre un thé chez lui. Elle s'assoit sur son lit et la fièvre la gagne de nouveau. Elle regarde les draps blancs et y cherchent des cheveux longs, qui pourraient trahir une présence féminine, le passage d'une éventuelle rivale dans ce lit où elle a dormi à ses côtés. Elle essaie de repousser cette pensée qui la taraude, mais celle-ci revient de plus belle, encore plus forte.
Il la rejoint, deux tasses de thé à la main. Soudain, elle entend un bip. Il regarde son téléphone, lit le message. Elle se penche discrètement, essaie de voir si c'est un nom de femme qui s'affiche. « Guillaume », lit-elle. Elle se calme de nouveau, chasse la peur qui la tenaille au plus profond d'elle-même, tapie dans son inconscient, chasse cette jalousie qui n'a pas lieu d'être mais qui n'est qu'un symptôme de sa névrose.
Ils se quittent à l'aube, pour aller travailler. Elle dépose un baiser sur ses lèvres, attend qu'il lui propose un autre rendez-vous, mais il lui souhaite seulement une bonne journée. La peur commence de nouveau à lui nouer l'estomac. Ne serait-ce pas de l'indifférence ? Ne serait-elle pas assez bien pour lui ? La boule grossit, plus forte que jamais, lui broyant les entrailles. Elle essaie de chasser les pensées négatives mais rien n'y fait. Son cerveau chauffe, elle crie dans sa tête. L'angoisse, la peur du rejet sont maintenant devenus douleurs pour son corps. Elle ne souffre plus mentalement, mais également physiquement. Comment faire taire ces pensées négatives, ces peurs, cette névrose ? La souffrance la gagne. Le doute s'installe. Il ne veut plus d'elle. C'est devenu une certitude. Ce le sera, jusqu'au prochain appel, au prochain message rassurant.
Pourquoi ? Pourquoi vivre en permanence dans l'angoisse, dans la peur du rejet ? Elle ne parvient pas à trouver cette insouciance et ce lâcher-prise qui lui permettraient de pouvoir profiter de chaque instant vécu, de savourer chaque seconde de sa vie au lieu de se prendre la tête à en avoir mal au crâne. Comment gagner cette sérénité d'esprit qu'elle ne possédera jamais ? Elle est malade, elle le sait. Les larmes de désespoir face à son état névrotique lui brouillent la vue. Le tourbillon de pensées négatives s'accélère dans sa tête, son estomac se noue. Elle voudrait tout arrêter mais n'y parvient pas. Il n'y a qu'une solution pour faire taire à jamais cette jalousie, cette peur de l'abandon, du rejet, ces continuelles sautes d'humeur. Il faut y mettre fin, amputer la douleur à sa source. Elle l'appelle, met fin à leur relation naissante. Ca y est, elle est libérée, n'éprouvera plus aucune douleur. Ni aucune émotion d'ailleurs.
Une nouvelle fois j'ai beaucoup aimé. Elle a un gros problème d'estime de soi cette malheureuse fille. Cela lui pourrit la vie. Il faudrait que tu écrives plus souvent. Tu es trop rare.
· Il y a plus de 10 ans ·Cleo Ballatore
Merci beaucoup Cleo ! Ton commentaire me fait vraiment très plaisir ! Malheurement c'est l'inspiration qui se fait rare...
· Il y a plus de 10 ans ·jo75
D'accord avec Kaitlynn, vous savez trouver les mots. Beau texte.
· Il y a plus de 10 ans ·retsig
Merci beaucoup Retsig ! Ce n'est pas évident de retranscrire une sorte d'état second proche de la folie :/
· Il y a plus de 10 ans ·jo75
J'aime ta manière de mettre des mots sur les impressions et sentiments.
· Il y a plus de 10 ans ·Kaitlynn Plinhe
Merci beaucoup Kaitlynn !
· Il y a plus de 10 ans ·jo75