Another Plague : Prototype Alpha (3)
Mathilde En Soir
Le lendemain matin, j'ai eu beaucoup de mal à me réveiller. Recevoir en pleine figure toute la rancœur d'Alexandre m'a laissé dans un profond désarroi. Il est perdu et moi aussi. Nous avons préféré ne plus reparler de tout ça pour l'instant, afin d'éviter que Peter, enfin Alpha, se sente responsable. Ce n'est peut-être pas un humain, mais je le considère comme un être doué de sensibilité. Ce matin, je me rends avec celui-ci chez le psychiatre que l'on m'a attribué depuis que j'ai accepté l'expérience il y a deux ans. Chaque mère porteuse voit au moins une fois chaque mois un psychiatre ainsi qu'un médecin délégués par le Congrès à l'origine du projet Another. Peter semble inquiet, et désorienté. Devant la porte d'entrée de l'immeuble où se trouve le cabinet, j'essaye de lui tirer les vers du nez.
« Peter, qu'est-ce qu'il y a ? »
« Non rien, j'ai vu Alexandre dans le salon hier soir après que tu sois partie te coucher. Je suis restée en retrait, je ne voulais pas qu'il me voit. Il avait l'air mal, il se prenait la tête dans les mains et il disait des insultes. »
« Ne t'en fais pas, il a passé une mauvaise journée. »
« Quand il s'est retourné vers moi, il pleurait. Il m'a regardé méchamment. C'est à cause de moi, c'est ça ? »
« Nous nous sommes accrochés, c'est tout. »
« Maman, il t'aime beaucoup. Si je n'étais pas là, vous seriez heureux. Je crois qu'il est jaloux que tu t'occupes de moi, et il a raison. »
« Ne dis pas ça ! Bon, tu veux tout savoir ? Tu es grand maintenant, je peux te parler en adulte. Tu sais qu'Alexandre ... n'est pas ton père biologique, n'est-ce pas ? Avant ta naissance, nous avions décidé d'avoir un bébé. Cela a échoué, plusieurs fois. On a essayé de comprendre pourquoi. Suite à plusieurs consultations, les médecins ont vu qu'Alex n'avait aucun souci, par contre j'avais quelque chose qui n'allait pas. Un jour, le verdict est tombé. Je ne pouvais pas tomber enceinte. Ca a été très dur à encaisser, autant pour moi que pour lui. Après, on a eu recours à un donneur anonyme. C'est incroyable car ça a marché, tu es arrivé dans nos vies, et tu connais la suite. Si on ne te parle pas du passé, c'est pour éviter de te déstabiliser. Tu sais, il ne sait pas trop comment se comporter avec toi, en père ou en ami. »
« Mais mon vrai père, tu l'as déjà vu ? Tu crois qu'il sait que j'existe ? »
« Oui … en quelque sorte. Mais tu serais vite déçu si tu le rencontrais. Allez, on y va ! »
« Bonjour Mademoiselle Mirayssis, bonjour … Peter ! Comment allez-vous ? »
« Très bien, merci ! »
« Asseyez-vous ! »
Le bureau du docteur Othland est très spacieux, et bien rangé. Comme à son habitude, Peter préfère s'allonger sur l'unique canapé plutôt que de se poser sur l'un des fauteuils en velours.
« Alors, j'ai mis à jour avec l'accord du docteur Parosson votre dossier, tout se passe très bien pour l'instant ! Il m'a dit qu'à la dernière consultation Alp… je veux dire Peter se portait au mieux pour son âge. Comment te sens-tu, fatigué ? »
« Oui, ça va. »
«Et vous, ma chère Rachel ? Monsieur va bien ? »
« Oui, nous sommes un peu surchargés de boulot mais tout se passe bien. »
« Euh, monsieur, je peux aller aux toilettes ? »
« Oui, c'est au fond du couloir à droite, mon garçon ! … Bon, il est parti, Rachel, je vois bien que vous n'allez pas bien … »
« Disons que j'essaye de faire face, d'ailleurs vous avez failli gaffer tout à l'heure, vous alliez l'appeler Alpha ! »
« Excusez-moi, mais parmi mes patientes mères porteuses, vous êtes la seule qui cachez à votre prototype sa véritable nature ! »
« Oui, et je veux que ça reste ainsi. Peter se sent déjà très différent des autres, qui sont moins robustes que lui, qui n'ont pas à faire des dizaines d'analyses médicales …
« … qui n'ont pas une mère aussi jeune … »
« Pour ça, c'est arrangé. Je lui ai toujours caché mon âge. »
« C'est très dangereux ce que vous faîtes, mademoiselle Mirayssis, d'un point de vue légal mais aussi pour la santé d'Alpha. Il va désormais se poser des questions. Je suppose qu'il n'a jamais eu connaissance du dossier …»
« Non plus, j'ai essayé de lui en parler hier, mais je n'y arrive pas … »
« Nous pourrions accomplir un travail plus approfondi et très bénéfique pour vous, pour votre compagnon et pour Alpha si il savait qui il est vraiment. Il s'adapterait plus facilement à la vie qui l'attend. »
« Oui, ça serait plus simple pour vous, ça vous ferait une nouvelle recrue en plus… »
« Vous avez tendance à oublier que si vous avez menez cette grossesse, c'est dans le cadre d'une expérience, et non pour assouvir votre besoin obsessionnel d'être mère. Je suis désolé … d'ailleurs j'aimerai consulter votre compagnon pour compléter le dossier. »
« Mêlez-vous de vos oignons, notre besoin d'enfant ne vous regarde pas. On parle de Peter. »
« Revenons-en à lui, s'il pouvait rencontrer d'autres prototypes comme lui, il deviendrait plus fort. »
« Je ne veux pas, je ne peux pas lui dire ce qu'il est ! Laissez-moi, vous et les autres, laissez-le avoir une vie normale avant qu'il ne parte… »
« Qu'entendez-vous par vie normale ? Alpha n'est pas humain, c'est contre nature de lui faire croire qu'il l'est. C'est à vous que vous mentez, Rachel. Mes confrères n'approuvent pas ce que vous faîtes et ils ont raison. Lui faire croire qu'il a un père alors qu'il n'est qu'une machine ...»
« Vous n'avez pas le droit de dire ça ! »
Une des secrétaires du cabinet pousse un hurlement.
« Qu'est-ce que c'est que ça ?! Rachel, c'est Alpha, qu'est-ce qu'il a fait ?! »
Je sors du bureau en courant et me dirige vers les toilettes pour hommes. La secrétaire en question est près de la porte d'entrée, horrifiée, pleurant toutes les larmes de son corps. Je comprends lorsque je jette un coup d'œil à mon pied droit. Du sang coule sous la porte, tâchant le beige de ma ballerine. Je prends mon courage à deux mains et pénètre dans ce qui semble être l'enfer. J'aperçois un homme gisant au sol, le corps ensanglanté. Je manque de défaillir lorsque j'aperçois Peter, figé, le regard vide, les poings serrés et en sang. Il se précipite dans mes bras, manquant de me faire tomber à la renverse tant il est musclé et grand. Il me serre contre lui de toutes ses forces.
« Je suis désolé, je ne voulais pas … je sais pas pourquoi … »
« Peter ! Qui est-ce ?! Pourquoi tu l'as frappé ?!! »
« C'est un mec qui travaille ici, … il est entré dans les toilettes et m'a dit qu'il m'avait vu en entrant dans le cabinet tout à l'heure. Il a parlé de toi, il m'a demandé qui t'étais, … et quand j'ai répondu, il a dit … »
« Calme toi, regarde-moi, s'il-te-plaît regarde-moi ! Qu'est-ce qu'il a dit ? »
« Il a dit que t'étais mignonne … il a ajouté qu'il allait te faire ta fête en sortant… J'ai cru que j'allais le tuer … Je voulais le tuer … Personne ne s'en prendra à toi …»
« C'est pas vrai …. Ecoute, il respire encore … Je te jure que tout ira bien… ».
Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'il n'y a aucune trace d'impact, ni d'éraflure sur le mur des toilettes … Tout s'est joué à sa force …
A suivre…
Merci, la suite est écrite mais ne paraîtra pas pour l'instant.
· Il y a plus de 10 ans ·Mathilde En Soir
Passionnant. Je suivrai donc...
· Il y a plus de 10 ans ·valjean