Apparitions - Interplanétaire - Les secrets de l'amitié
Véronique Locart
1-Apparitions
Sully est fatigué. Sur la petite route sinueuse de campagne, il se concentre pour atteindre sa demeure. Soudain, Sully freine tout ce qu’il peut. Qu’est-ce que c’est ? C’est si beau, si féérique … je deviens fou … je ne suis même pas sûr que cela existe vraiment.
Une belle femme blonde est suivie par deux chevaux blancs. Ils traversent la route de façon lente et aérienne. Ils sont lumineux, tels des fantômes. La jeune femme s’arrête un bref instant, tourne la tête vers la voiture de Sully, le regarde de son regard bleu limpide, puis reprend sa démarche aérienne. Arrivés de l’autre côté de la route, les deux chevaux disparaissent. La jeune femme hésite, puis disparaît.
Sully se secoue, passe ses doigts sur ses yeux pour tenter d’effacer les restes de vision. Il reprend la route. Il pense être devenu fou, il met cette vision sur le compte de la fatigue. Enfin, la maison !
-Mon chéri ! J’ai eu peur qu’il ne te soit arrivé quelque chose de grave. Tu as tardé.
-Je suis fatigué. Je vais me coucher dès que je passe le seuil de la maison.
-Entrons. Léon rentrera ta voiture dans le garage. Je t’ai préparé ton lit avec des draps propres.
-Merci. Bonne nuit, Louise.
-Bonne nuit, mon chéri.
Sully gagne sa chambre, se déshabille, prend une douche, il enfile un caleçon. Il se glisse sous la couette pour s’endormir aussitôt.
Au cours de la nuit, Sully se réveille en sursaut. Il est en présence du fantôme féminin. Elle semble vouloir l’attirer à elle, en lui tendant la main.
-Qui êtes-vous ? Pouvez-vous parler ?
La jeune femme ne répond pas. Elle le fixe intensément du regard. Ses yeux bleus limpides et translucides sont emplis de tristesse, de supplication. Ils semblent dire «viens». Sully ne bouge pas de son lit, tétanisé. Je suis fou. Demain, je consulte un psy. Le fantôme disparaît lentement. Puis, Sully est de nouveau seul dans la chambre. Il préfère ne plus y penser. Toutefois, il trouve difficilement le sommeil réparateur dont il a grand besoin.
Il fait un soleil magnifique. Sully est attablé sur la terrasse à l’arrière de sa maison pour prendre son petit-déjeuner. Louise s’approche de lui pour le resservir en café.
-Prend une tasse et assied-toi avec moi. J’ai à te parler.
Elle se sert un café. Elle repose la cafetière.
-Je t’écoute.
-Tu vas me prendre pour un fou.
-Tu sais que je peux tout entendre, surtout émanant de toi.
Sully inspire, lance un bref regard à Louise et plonge son regard au fond de sa tasse.
-Hier soir, à l’approche de la maison, sur la petite route, une jeune femme … fantôme … accompagnée de deux chevaux blancs … fantômes eux-aussi … ont traversés la route devant moi. La jeune femme s’est même arrêtée pour me regarder.
-Tu dois mettre cela sur le compte de la fatigue tant physique que nerveuse.
-Le pire de tout, c’est que je me suis réveillé cette nuit. La jeune femme était dans ma chambre. Elle me suppliait du regard de venir à elle. Bien sûr, je n’ai pas bougé de mon lit.
-Lui as-tu parlé ?
-J’ai essayé. Elle n’a pas répondu. Elle n’a fait que me regarder intensément en me tendant le bras.
-Tu as fait un rêve, si magnifique soit-il.
-Comment expliques-tu que ce soit toujours la même jeune femme, sous forme de fantôme ?
-Je t’avoue que je n’en sais rien. Si cela se renouvelle, tente de lui parler, de faire un geste vers elle.
Sully se frotte la tempe, il sourit. Il regarde Louise avec insistance.
-Tu es géniale. Je t’avoue avoir vu un fantôme à deux reprises, tu me conseilles de copiner avec lui, la prochaine fois qu’il m’apparait, rigole Sully.
-Toi, tu es si beau, tu es si agréable à vivre, que je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu prends ton petit-déjeuner avec ta gouvernante plutôt qu’avec une charmante demoiselle.
-Peut-être que celles que je rencontre ne me sont pas destinées.
-Que vas-tu faire ? Te reposer, j’imagine que tu es venu t’isoler ici pour être au calme.
-Je compte bien me mettre à l’abri des médias pour un certain temps. Je vais penser, écrire, revoir mes amis. Tu pourras prévoir une soirée avec Matilde ainsi que Marceaux ? Ils dormiront certainement ici. Je n’irais pas les voir avant quelques jours.
-Tu me préciseras le jour de ton choix pour la soirée, que je puisse m’y préparer. Je dois aller aérer toutes les pièces, il fait si beau que je vais en profiter.
Louise s’éclipse vers la cuisine. Sully se sert de nouveau un café. Il pense à la jeune femme. Qui est-elle ? Est-elle morte ? Veut-elle lui faire comprendre quelque chose ? Il faut qu’il accepte la main tendue, si elle réapparait de nouveau.
-Tiens, tiens, tiens … je ne te savais pas de retour chez toi. Bonjour, Sully, dit la voix de Matilde.
-Bonjour. Comment sais-tu que je suis de retour ? Demande-t-il en se levant pour l’embrasser.
-Je rends visite à Louise très régulièrement pour prendre de tes nouvelles.
-Tu en as par les médias, sauf si tu ne les lis pas, ou si tu ne les regardes pas. Assieds-toi. Café ?
-S’il te plait, merci.
Un silence léger s’installe pendant que Sully sert une tasse de café à Matilde.
-Es-tu venu t’isoler un peu, loin des tumultes de ta notoriété ?
-En effet. Tu es la première à venir me voir. Serais-tu libre ce vendredi soir ?
-Pour toi, je serais toujours libre, tu le sais. Que veux-tu faire vendredi soir ? Que je te tienne chaud dans ton lit ? Que je tienne compagnie à ton âme solitaire ?
-Un peu des deux, rit-il avec ce sourire éblouissant qu’elle adore. Plus sérieusement, je vais donner une soirée pour mon retour parmi vous. Je compte inviter quelques amis, en comité réduit.
-Compte sur ma présence. A quelle heure veux-tu que je me présente à ta porte ?
-Vers dix-huit heures, en tenue de soirée. Tu seras ma cavalière, si tu le veux bien.
-J’accepte le rôle avec joie. J’aime te rendre service. Devrais-je rester le week-end entier ?
-Uniquement si tu le veux, toi.
-Hum … activités physiques en vue … j’adore …
-Il ne faut plus que l’on ait cette relation. Restons amis. Cela me suffira. A toi aussi.
-Serais-tu en train de me … larguer ? De rompre ?
-Je romps notre lien physique. Cette partie-là ne m’intéresse plus, pour le moment. Toutefois, j’ai besoin de ton amitié. Tu me fais du bien. Ta légèreté, ton insouciance, me comblent.
Un silence lourd s’installe entre les deux amis de toujours. Sully se lève, s’étire. Il fait quelques pas pour se dégourdir les jambes. Il se tourne vers Matilde.
-Viens faire un tour avec moi, j’ai besoin de m’exposer au premier soleil de ce printemps.
-Entendu, soupire Matilde.
Elle se lève, s’étire, elle aussi, fait quelques pas vers Sully. Elle lui prend la main, habitude gardée depuis qu’ils sont enfants.
Vendredi après-midi, c’est l’effervescence dans la maison de Sully.
-Sully ! Je suis heureuse que tu sois là ! Je viens de me faire virer de la cuisine par Louise.
-Matilde, tu sais bien que Louise est toujours excessive lorsque nous recevons.
Matilde embrasse Sully sur la joue, étant aussi grande que lui.
-Tu as l’air … aussi fatigué qu’il y a quelques jours, quand tu es arrivé, dit-elle observatrice.
-Je passe des nuits pratiquement blanches. Une histoire bizarre me poursuit. Et puis, je mets toujours quelques jours à m’habituer au changement de rythme. Au fait, ma chérie, je ne t’ai pas dit, mais tu es merveilleusement belle.
-Merci, soupire Matilde. J’ai cru que tu ne le remarquerais jamais. Regarde, j’ai aussi passé la bague que tu m’as offerte lorsque nous avions dix ans lorsque tu m’as demandé en mariage.
Sully éclate de rire. Il se tourne vers Matilde et arrête d’avancer. Ils se regardent intensément.
-Ma chérie … je t’aime … mais pas de la façon dont tu le voudrais. Cette amitié, j’y tiens. Je n’ai pas besoin d’amour venant de toi. Je ne ferais que risquer de te perdre.
-Tu ne me perdras pas, sauf quand je rencontrerais mon âme sœur, murmure Matilde.
Les amis de Sully arrivent un à un ou bien en couple. Un groupe de quatre charmantes jeunes femmes se précipitent sur lui. C’est surtout Marceau qui est attiré par les quatre femmes.
-Tu devrais les oublier. Tu ferais mieux de t’intéresser à Matilde, lui suggère Sully.
-Tu n’es plus en couple avec elle ?
-Matilde ? Nous n’avons jamais été vraiment ensemble sinon pour nous réconforter l’un l’autre.
La pelouse est très remplie. Sully ne se rappelait pas avoir autant d’amis et de connaissances.
Marceau entraîne Matilde pour un slow langoureux au milieu de la piste. Sully s’appuie à la table afin de les regarder évoluer au milieu du hall qui est transformé pour l’occasion en piste de danse. Son regard est attiré par une beauté blonde qui vient d’entrer dans le hall. Elle semble chercher quelqu’un du regard … bleu limpide et translucide. Elle ressemble étrangement au fantôme qu’il a vu à deux reprises et dont le rêve ne le quitte plus. Il ne se gêne pas pour aller déranger Matilde et Marceau en plein slow. Il désigne la belle blonde du menton.
-Qui est-ce ? Demande-t-il.
-Tu ne la connais pas ? C’est ma voisine. Sidonie Le Bouchaud.
-Elle est célibataire. Tu peux y aller, rigole Marceau. Bon … tu nous laisses ?
-Désolé. Je vais faire connaissance avec cette beauté.
Matilde est jalouse du regard insistant qu’à Sully pour Sidonie. Marceau s’en aperçoit.
-Bonsoir, je suis …
-Bonsoir. Je sais qui vous êtes. Je suis …
- … Sidonie Le Bouchaud, je sais.
La jeune femme le regarde avec un air interrogatif.
-J’ai mes sources. Ce qui m’intrigue, c’est de savoir comment vous saviez que je recevais ce soir.
-Regardez ce flyer. C’est artisanal, mais convivial.
Sidonie lui tend un flyer en papier glacé sur lequel sont annotées son adresse et la manifestation de ce soir. La mention « venez nombreux » figure en gras.
-Je crois savoir de qui est l’idée de ce document.
-Dois-je rebrousser chemin ?
-Restez au contraire. Soyez la bienvenue. Je dois faire le tour des personnes présentes. Si vous voulez bien m’accompagner… ma cavalière m’a lâché et je suis, donc, un hôte délaissé.
Il présente son bras à Sidonie qui y enroule le sien avec prudence. Les questions se bousculent dans la tête de Sully et lui brulent les lèvres.
2-Interplanétaire
Paméla réalise qu’elle est perdue, sur une nouvelle planète à explorer. Elle marche sur un sol desséché, il n’a pas été arrosé depuis longtemps. Quelle météorologie existe ici ? Y-a-t-il des saisons ? L’air est respirable pour l’humaine qu’elle est, c’est déjà bien. Elle sent une présence, derrière des bosquets d’herbes séchées, herbes qu’elle n’identifie pas. Sur cette planète, rien n’est comparable à ce qu’elle connait sur terre. Le sol ressemble à celui du désert du Chili, en plus pourpre. Le ciel est extrêmement bleu limpide. Le soleil est jaune poussin.
-Je suis venu en paix.
L’enfant est auprès d’elle en quelques dixièmes de secondes. Incroyable, cette rapidité ! Il la hume, elle lève lentement les bras en l’air, pour lui montrer qu’elle est soumise à son étude olfactive. Son pantalon de treillis, son buste, sa tête et ses cheveux sont humés. Redressé sur la pointe des pieds, le garçon est aussi grand qu’elle. Il est chauve, ses yeux sont ronds et violets. Son visage est fin. Son corps est maigre, il n’est vêtu que d’un short fabriqué à l’aide d’un tissu à turban.
-Sais-tu parler ?
Il caquète comme une poule, le bruitage est toutefois maîtrisé, lent et agréable aux oreilles de Pamela. Le garçon s’écarte et recommence son bruitage. Cette fois-ci, Pamela se bouche les oreilles. Le bruit est strident, comme une sirène d’alarme. Elle ne se sent pas rassurée, seule face à cet être étrange. Où sont passés les autres membres de l’équipe ? Les reverra-t-elle ? Elle entend des bruits de pas. Elle voit le garçon qui se réfugie dans les jambes d’un être de la taille d’un homme jeune. Il ressemble au garçon. Paméla remarque qu’il possède des cheveux courts, brun. Il est bien fait de sa personne. Il est vêtu d’un pantalon de lin, en tout cas, c’est très ressemblant, ainsi qu’une chemise faite dans le même tissu. Des chaussons recouvrent ses pieds. Il observe Paméla avec intensité, inquiet, il est resté à une distance raisonnable. Une de ses mains caresse le crâne du garçon, l’autre détient un bâton très fin, très long, planté dans le sol, ce bâton est plus haut que l’homme. Il se met à caqueter doucement. Le garçon lui répond dans le même langage. Paméla n’ose pas faire de geste qu’il pourrait mal interpréter.
-Je suis venue en paix. Me comprenez-vous ? Dit-elle lentement.
Les caquètements s’arrêtent. L’homme approche lentement, le garçon accroché à ses jambes. L’homme s’arrête à une courte distance de Paméla. Les caquètements gracieux reprennent entre les deux êtres. L’homme la fixe toujours.
-Je ne vous veux aucun mal, ajoute Paméla, en articulant.
L’homme tend le bras vers l’épaule de Paméla. Il la touche du bout du doigt. Son tee-shirt blanc est trempé de sueur. L’homme rapporte son doigt à ses narines. Paméla sent une goutte de sueur perler et glisser le long de sa mâchoire. L’homme la saisit sur son doigt et la porte à sa bouche. Incroyable qu’il ne sue pas comme elle ! L’homme approche encore. Leurs corps peuvent se toucher. Paméla rougit. L’homme lui plait. Sauf qu’elle n’est pas là pour le plaisir, uniquement pour la recherche, l’exploration. L’homme lui saisit les poignets, il se penche pour plonger ses yeux violets dans le bleu de ceux de Paméla. Elle se sent soudainement légère, décomposée, puis à nouveau entière et solidement ancrée dans le sol. Elle baisse les yeux sur ses pieds. Ses rangers sont englués dans des mains faites de bois, qui ne font qu’unes avec le sol. Paméla redresse la tête et regarde autour d’elle. Elle ne voit pas grand-chose, puisque l’homme obstrue une large partie de son champ de vision. Il fait sombre, il fait frais. Des caquètements crépitent autour d’elle. L’homme se remet à caqueter plus fort. Il doit certainement avoir demandé le silence, puisque les caquètements des autres ont cessé. Une belle femme approche. Ses vêtements sont identiques à ceux de l’homme, sauf qu’une longue jupe remplace le pantalon. Une chevelure brune cascade autour d’un visage identique à celui de l’homme. Ses yeux sont du même violet. Ces êtres, sont-ils tous aussi beaux ?
-Libère-là. Elle est une gentille, dit la femme d’une voix douce.
-Vous parlez mon langage ?
La femme la regarde. Le violet de ses yeux devient clair, lumineux. Paméla se sent habité dans sa tête. Cette impression étrange cesse aussi vite qu’elle a commencé.
-Des gens comme toi sont prisonniers. Ils ont blessé notre gardien sud.
-Comment avez-vous appris à parler mon langage ?
-Les prisonniers, j’ai regardé dans leur tête. Tout ce que je vois, je le garde ici.
Elle désigne son crâne. Les mains au sol disparaissent. Les rangers de Paméla sont libérés.
-Merci. Les prisonniers sont toujours chez vous ?
La femme éclate de rire. Ce qui déclenche les éclats de rire des autres êtres.
-Ils sont prisonniers pour toujours, affirme la femme.
L’homme est toujours contre Paméla. Il est immobile. Ses yeux violets se dilatent.
-Que fait-il ? Demande Paméla, n’osant pas bouger malgré sa libération.
-Il te trouve jolie, il veut que tu restes avec lui. Il te sonde.
-Dois-je le regarder ? Souffle Paméla.
-Tu peux t’assoir, pas sortir de cette grotte.
Paméla suit la femme. Elles s’assoient sur un banc de marbre. L’homme s’assoit de l’autre côté de la grotte, sans la quitter des yeux. Paméla regarde l’abri et compte précisément onze adultes et deux enfants. La femme regarde tour à tour Paméla et l’homme. Elle sourit tristement. L’homme se détend et le violet de ses yeux redevient normal.
-Il dit que tu n’es pas faite pour lui. Vous serez séparés. La raison est que tu repartiras.
Paméla observe l’homme. Si un tel spécimen de beauté existait sur sa planète, elle en ferait son mari, sauf que ce n’est pas possible. Ils sont issus de deux mondes différents et chacun voudra rester sur sa planète.
-Il est mon frère. Il a adopté mon enfant. Je suis la seule à pouvoir faire des enfants à un homme et lui, il est le seul à pouvoir faire des enfants à une femme.
-Que deviennent ceux avec qui vous faites des enfants ?
-C’est une tradition. Dès que l’enfant nait, le créateur ou la créatrice est tuée. Ils n’ont pas le droit de faire des enfants à d’autres.
-Vous dormez, vivez et mangez dans cette grotte ?
Paméla ne comprend pas comment vivent ces êtres.
-Nous possédons des appartements. N’y sont invités à entrer que ceux que nous choisissons, mon frère et moi. Les autres vivent dans des chambres, les hommes ensemble, les femmes ensemble. Au fond, dans la partie la plus humide, il y a le cachot, là où sont enfermés ceux que tu cherches.
-Puis-je leur rendre visite ?
Paméla continue de parler lentement afin que la femme puisse la comprendre.
-Mon frère t’emmène si je le lui demande.
-S’il te plait, j’aimerais les rassurer sur mon sort et leur dire que …
-Tu pourras les libérer si tu appartiens à mon frère, affirme la femme.
Paméla regarde l’homme, il est concentré sur le crâne de sa sœur. Il doit communiquer par la pensée. Elle répète ce qu’il lui demande.
-Il comprend ce que je dis ?
-Je traduis dans ma tête ce que tu dis. Mon frère capte mes pensées et les lis au fur et à mesure qu’elles apparaissent. Il est le chef de notre communauté. C’est lui qui décide de tout. Si tu dois faire libérer tes amis, il faudra que tu lui plaises. S’il veut que tu partages sa couche, tu devras te soumettre, sinon tes amis seront nos partenaires et tués.
-Quand tu dis que je dois partager sa couche, c’est uniquement dormir avec lui ?
-Tu seras sa femme pour une nuit … toute la nuit … et même deux nuits.
Elle est concentrée sur le crâne de son frère. L’homme doit être en train de lui dicter ce qu’elle doit imposer à Paméla pour faire libérer ses coéquipiers.
-Je veux leur rendre visite ne serait-ce que pour leur montrer que je vais bien, insiste Paméla.
Elle regarde l’homme tout en parlant. Il faut qu’il comprenne que l’exigence s’adresse à lui. L’homme fait un signe de tête affirmatif à sa sœur. Il se lève et approche de Paméla. Il la regarde et propose sa main. Paméla interroge la femme du regard.
-Si tu veux voir tes amis, il va t’y emmener, mais tu dois prendre sa main.
Paméla se lève. Son regard accroche celui de l’homme. Elle pose sa main dans la sienne avec prudence. En quelques dixièmes de secondes, elle s’est matérialisée devant une porte de cellule. La porte est faite de glace, de bois, de lin et de marbre. Des interstices ont été faits dans le tissu. Ses coéquipiers sont pieds et poings liés à des mains de bois.
-Paméla, libère-nous ! Dit l’un des coéquipiers.
-Il faut que je passe dans le lit de cet être pour que vous soyez libérés. Il est le chef de cette communauté et toutes les décisions passent par lui, leur explique Paméla.
L’homme appuie sur le crâne de Paméla. Elle est projetée contre un mur. Elle s’est fait mal à la cheville en tombant. L’homme est aussitôt auprès d’elle. Il enroule ses longs doigts sur sa cheville. En un clin d’œil, Paméla ne ressent plus la terrible douleur qu’elle percevait l’instant d’avant. Elle le remercie. Il appuie un doigt sur sa tempe et en un dixième de seconde, Paméla est nue, suspendue, maintenue par des mains de bois ancrée dans le mur. Elle regarde droit devant elle pour remarquer que l’homme est nu, suspendu au mur qui fait face à Paméla. Une chaleur l’envahit. C’est si intense que Paméla se laisse aller au plaisir. Elle ne sort pas de la chambre pendant deux jours et deux nuits. Elle est allongée sur le matelas ou bien suspendue et maintenue par des mains de bois. L’homme ne la lâche pas du regard, lui insufflant du plaisir à intervalles réguliers.
Epuisée, Paméla se réveille dans la grotte commune, vêtue de son treillis. Ses trois coéquipiers ont été douchés, à l’instar d’elle-même. Ils sont raccompagnés par le jeune garçon qui avait accueilli Paméla. Leur vaisseau interstellaire a été réparé. Ils regagnent la planète terre en possession des informations que Paméla a récolté. Elle désire repartir sur la ‘chaste planète’, telle qu’elle l’a secrètement nommée. Sauf que … son ventre s’arrondi.
3-Les secrets de l’amitié
L’amitié est un sentiment profond, vécu par deux amies unies pour le pire et le meilleur. Elles se le prouvent tout au long de leur vie. Flavie et Phany, se sont imposées cinq règles principales.
La première règle : tout se dire, même les choses les plus désagréables, sans qu’aucune ne se fâche contre l’autre.
La seconde règle : tout partager, sauf ce qui est précisé dans la quatrième règle.
La troisième règle : si l’une d’elles tombe amoureuse d’un garçon, l’autre devra en être informée immédiatement. Cet amour ne devra pas être un sujet de discorde.
La quatrième règle : ne pas tomber amoureuse du même homme. Si c’était le cas, l’homme devra disparaitre, de n’importe quelle manière, afin de ne pas créer une discorde entre elles.
La cinquième règle : seule la mort pourra les séparer.
Leurs parents respectifs ne se sont jamais formalisés de ces règles et de la cadence à laquelle leurs deux filles se fréquentent. Ils ont apprécié leurs soutiens respectifs lors de moments douloureux, tels que les décès des grands-parents de l’une et de l’animal de compagnie de l’autre. Les échecs de l’une, sont les échecs de l’autre. Les victoires de l’une, sont les victoires de l’autre. Les quatre parents savent que les deux filles ne font qu’une et ils respectent cette fraternité depuis leur plus tendre enfance.
-Je suis fatiguée, se plaint discrètement Flavie à Phany.
Elles sont en cours de philosophie appliquée, en faculté de lettres qu’elles ont intégré depuis deux ans maintenant. Elles en sont à leur troisième année. Elles ont vingt ans et sont d’une beauté à couper le souffle. Bizarrement, elles se ressemblent tant physiquement que psychologiquement. Souvent, les autres étudiantes les prennent pour des sœurs, voire des jumelles. Elles partagent le même appartement universitaire. Elles possèdent chacune une chambre bien à elles. Néanmoins, souvent, elles se retrouvent dans le même lit.
-Pourtant, tu as ronflé cette nuit, tu as dormi comme un loir, rit discrètement Phany.
Aussi blonde que son amie, les mêmes yeux bleus profonds, le même visage fin, Phany est toutefois la forte tête.
-J’ai l’impression d’avoir …
Un intervenant entre dans l’amphithéâtre. Il doit être âgé d’à peine trente ans. Les deux filles sont scotchées devant la beauté du jeune homme. Elles se font du coude pour partager en silence leurs émotions. Phany regarde autour d’elle. Les autres étudiantes sont toutes subjuguées. Les garçons grognent après leurs copines, qui bavent devant ce spécimen rare dans cette université.
-Je prendrais bien son zéro six, murmure enfin Flavie.
-Figure toi que tu n’es pas la seule, renchérit Phany. Moi aussi, et une trentaine d’autres filles.
Flavie regarde autour d’elle. Phany a raison. Son regard se pose sur le jeune homme. Il s’approche d’elles. Il leur jette un bref regard. Il passe son chemin, mais se retourne à demi sur elles, étonné de sa propre attitude envers ces deux étudiantes.
Les deux amies sont sorties du restaurant universitaire. Elles se sont installées sur un banc du jardin. Il fait beau, malgré la fraicheur qui s’installe. Le jeune homme s’approche d’elles. Il les observe un instant.
-Puis-je converser avec vous un instant ? J’ai une demi-heure de liberté.
-Asseyez-vous ici, propose Phany avec un large sourire en désignant la place entre elles.
-Je préfère m’assoir au sol, répond-il en installant sa veste et en s’asseyant par-dessus.
-Si vous aviez à choisir une petite amie parmi les étudiantes présentes, laquelle serait-ce ?
-Ce que Flavie veut savoir … avez-vous une petite amie ?
-Je suis fraichement célibataire. Si j’ai le choix, ce serait l’une de vous deux, sans hésitation.
-Laquelle de nous deux ? Insiste Flavie.
-Vous vous ressemblez fortement. Je ne sais pas trop. Il faudrait que j’apprenne à vous connaitre et je ferais ensuite un choix.
-Et si nous étions toutes les deux intéressées par …, commence Phany.
-Vous me suggérez un couple … à trois ? Demande-t-il en pâlissant.
Les deux filles sont fixées sur le visage, les lèvres, le corps de ce beau mâle.
-Non … ce que je veux dire … comment nous départageriez-vous ? Explique Phany.
-J’avoue que j’éprouverais des difficultés. Nous pourrions voir cela un peu plus tard … ce soir, par exemple … un professeur arrive, j’ai besoin de le voir.
Il s’est déjà levé, tourne les talons et se retourne vers elles.
-Mon prénom … Louis. Vous vivez sur place ?
-L’appartement trois dans l’immeuble Saumon, précise Flavie.
-J’y serais après les cours, lance-t-il en s’éloignant.
Il leur adresse un sourire qui les émerveille. Elles sont silencieuses pendant un moment.
-Tu te rappelle notre règle numéro quatre ? Demande Phany.
-Je suis certaine que c’est exactement ce qui est en train d‘arriver. Nous sommes, toutes les deux, amoureuses du même mec, murmure Flavie.
-Il va devoir disparaitre et dès ce soir, marmonne Phany. Tant pis, il aurait pu nous faire de beaux enfants, être le mari idéal, l’amant parfait, l’ami dont tout le monde rêve d’avoir.
Les deux filles n’arrivent pas à se concentrer de l’après-midi. Elles s’échangent des petits mots pour essayer de trouver la méthode afin de faire disparaitre le beau Louis. Le processus est mis en place lorsque Louis arrive à la porte de l’appartement des deux amies. Elles le font entrer. Elles se sont vêtues de la même façon, comme souvent.
-Waouh ! Je ne vais pas arriver à vous départager, s’exclame Louis en riant.
Elles le font asseoir dans le petit salon dans lequel tout est recouvert de plastique.
-Bizarre votre décoration. Au moins, vous ne salissez rien.
-Vous ne savez pas à quel point nous n’avons pas un instant pour faire le ménage.
-Phany a raison. Nous travaillons nos études de cas à chaque instant.
-Je me suis renseigné sur vous deux. Vous n’êtes pas des sœurs. Vous êtes amies. Un conseil important figure dans chacun de vos dossiers. Il est fortement déconseillé de vous séparer.
-A la vie, a la mort, déclare Phany.
-A la vie, à la mort, renchérit Flavie.
-Comment faites-vous avec les garçons ?
-Jusqu’à aujourd’hui, il n’y avait pas de problème. Tout ce que nous demandons à nos compagnons, c’est de ne pas chercher à nous séparer lorsque nous sommes ensemble. Il ne peut pas refuser non plus à sa petite amie, d’emmener l’autre lors de sorties quand elle l’a décrété. S’ils respectent nos désirs d’être ensemble, tout se passe bien, explique Phany.
-Pourquoi jusqu’à aujourd’hui ?
-Ce qui a changé, c’est que nous sommes toutes deux intéressées par toi, dit Flavie.
-Je suis, donc, celui qui devra vous départager ?
-C’est impossible puisque l’autre en souffrira vis-à-vis de toi et vis-à-vis de celle que tu choisiras. Donc, la seule solution qui existe à nos yeux …, commence Flavie.
-C’est que tu dois disparaitre de notre environnement, sans retour possible.
Louis se redresse sur le canapé.
-Attendez … seriez-vous en train de me dire qu’il faut que je parte d’ici ? Que je quitte le pays ? Que je disparaisse de la circulation ? Que je … meurs ?
Les deux amies se regardent, elles échangent un clin d’œil. Elles se tournent vers Louis.
-C’est exactement ce que nous t’expliquons. Tu dois mourir, ce soir, sourit Phany.
-Ai-je le choix des armes ? Rigole Louis, croyant à une mauvaise plaisanterie.
-Non … j’ai choisi le couteau de cuisine. Notre cuisinière … chez nous … me l’a prêté pour que je puisse découper les aliments un peu trop … résistants.
Il pâlit en voyant avec quel couteau Phany s’amure.
-Comment allez-vous expliquer mon meurtre ?
-Tu as tenté de nous violer … nous ne voulions pas que tu nous touches, pourtant tu as insisté. Une réaction brutale de ma part, j’ai voulu défendre mon amie de toujours … réaction violente, je te l’accorde. Je t’ai planté ce magnifique objet dans le dos.
Louis entrouvre les lèvres. Il se lève et esquisse le geste de partir. Il actionne la poignée de la porte. Elle est fermée à clefs. Il sait que ces portes d’appartements universitaires sont solides, mais que les serrures cassent facilement, ce qui empêcherait sa fuite. Il s’adosse à la porte. Les deux filles ont profité de son inattention pour se débrailler, imitant à la perfection une tentative de viol. Leurs seins ronds et jeunes sont magnifiques. Il ne serait pas en position de faiblesse, il se laisserait tenter à les gouter de ses lèvres. Les filles approchent de lui. Il tape à la porte et commence à appeler à l’aide. Sauf que les filles l’ont devancé, elles crient plus fort que lui. Flavie l’attire à elle avec une telle force, qu’il en est surpris. Il se laisse tomber sur elle, au sol, au milieu du petit salon. Flavie hurle faussement au viol. Phany plante le couteau dans le dos de Louis en hurlant à l’aide et au viol. Le crime parfait pour un faux viol, mais auquel n’importe qui croira. Les deux filles crient toujours tout en déboutonnant le pantalon de Louis. Elles le lui abaissent, ainsi que son boxer. Elles aèrent sa virilité, qui est étonnement excitée. Finalement, cet élément sera essentiel pour faire croire à une véritable tentative de viol.
L’enquête policière est terminée. Les deux amies n’ont pas été violées, mais il s’en est fallu de peu. Louis était un jeune homme bien sous toutes les coutures. Il ne pouvait que forcer le respect de chacun. Les deux amies garderont, à jamais, gravé en elles, le meurtre de Louis. Afin d’éviter qu’un tel drame ne se reproduise, elles ont décidé de terminer leurs études depuis une retraite religieuse, non loin de l’université. Ainsi, elles profitent de la bibliothèque de l’université, des conseils des professeurs de lettres, sans habiter sur les lieux du drame. Pour leurs parents, il est normal, que les filles ne réintègrent pas leurs universités.
Lorsque Flavie rencontre Florent, celui qui devient son époux, Phany tombe amoureuse de Rémy, le frère de Florent. Les deux mariages furent célébrés le même jour. Elles donnent naissance, chacune, à deux enfants blonds. Personne ne sait, que cette amitié profonde et indélébile, cache un noir secret. Jusqu’à ce que l’un des enfants, devenus adulte, découvre par hasard, une partie du secret.