Apprivoise-moi

Etienne Bou

Dès les premières lueurs tu as courtisé mon âme. Comme si j'étais ton dû tu as fait virevolter mon corps en une explosion d'atome. J'ai simplement jailli sans avoir naquit et tu t'es servi. Tu as lu entre mes lignes, rabotant les copeaux de mon esprit, t'accoutumant de mes rimes et autres facéties. Et brutalement tu m'as figé au sein de ton herbier. Je n'avais pas la gueule d'une couverture alors tu m'as scellé entre tes murs et tu as attendu.. Patiemment.. Longuement..

Puis à l'automne tu t'es replongé dans ce livre à l'odeur grandissante.. Tu m'as feuilleté tel un roman didactique, s'enrichissant de chacun de mes maux, grignotant mes coquilles, effaçant ce qui te faisait défaut et sculptant tel Pygmalion l'image d'une parfaite décoction. Avant de me laisser paraitre tu m'as d'abord laissé naître. Je suis devenu ce petit être entre tes ongles graciles qui grandissait en animal docile, souriant, un alléchant alléché qui se délecte d'être un obligé.

« Si tu m'apprivoise, je te serai à jamais lié »

Tu m'as alors nourri de tes paroles, de tes contes et histoires folles. Tu m'as abreuvé de tes sentiments même les plus insignifiants. Et quand alors à l'horloge de mon cœur sonna le glas de notre union, tu as glissé ta main dans mes cheveux avec douceur, comme s'ils étaient fait de cristal, et tu as murmuré au creux de mon âme :

« A jamais et pour toujours, quitte à en crever »

L'esprit est un faible car seul, mais dans l'amalgame il se libère et se crée âme. Un atome de chair gravitant dans l'espace à l'instar d'une planète. Nous naviguons dès lors dans la firme des amants, des aimants guidés par l'attraction, la course de nos projections sculptant notre horizon.

Apprivoise-moi encore, que cela nous tienne jusqu'à la mort.

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