Approche constitutionnelle de la Présidence de Nicolas Sarkozy
mazdak-vafaei-shalmani
Le président intronisé par son peuple
L’élection présidentielle en France, depuis la proclamation de la Vème République, et la correction démocratique apportée à la constitution de 1958 par le Général de Gaulle, qui a conduit à l’élection du président de la République au suffrage universel direct, a métamorphosé la vie politique. S’accommodant de l’instabilité gouvernementale, de la valse des ministres et du gouvernement des notables, la République est le prolongement de la volonté du peuple, mais elle est personnifiée par un homme que les révisions constitutionnelles successives et les médias amèneront à se confondre avec elle, au point que certains commentateurs l’analyseront comme une Monarchie Républicaine.
Nicolas Sarkozy, anti-soixante huitards de conviction, propulsé sur le devant de la scène médiatique au moment des splendeurs et de la décadence de son mentor Edouard Balladur, ennemi fascinant de Jacques Chirac avec qui il mènera une guerre aussi pathétique qu’Œdipienne est sans aucun doute le personnage le plus exubérant de la Vème République. Après son discours mobilisateur de « Versailles » pendant la campagne présidentielle, où il réveillera l’identité française enfouie depuis des années dans des sacs à l’odeur putride de généraux moins fréquentables, et rejeté jusqu’alors par une gauche qui ne voit que dans une forme d’internationalisme social le seul frein à une mondialisation déréglée, Nicolas Sarkozy se hisse à la hauteur d’un président de tous les français, après Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing. Français du Cac, ou ouvrier de la première génération, tous se reconnaissent en lui. Pourtant, l’homme est atypique, il pousse son verbe à l’injure, interpelle à la manière de l’une de ces racailles qu’il veut laver au karcher. Il commande dans son cabinet au Ministère de l’intérieur comme un barbu de seconde zone pourrait "éduqué" une famille entre coups de gueule et règlements de compte, et il se dit que Claude Guéant (actuel Ministre de l’Intérieur), appartenant à la garde noir du Chef de l’Etat serait son souffre-douleur préféré. Tous ceux qui se sont confrontés frontalement à Sarkozy, en ont payé les conséquences, y compris dans la classe médiatique, et tous ceux qui l’ont servi sans broncher en ménageant la vanité et l’impudeur de l’homme qui pense avoir encore 20 ans ont été un jour ou un autre récompensés. Même Thierry Mariani, fidèle parmi les plus adeptes, oubliés des remaniements successifs a fini par tenir une place de choix au Ministère des Transports, le salaire de la peur sans doute.
Le discours de Versailles, point de départ de la conquête sarkozyste, a été considéré par les observateurs comme un bouleversement dans le champ politique. Fascinant, car il a su se présenter comme le président de tous les français, de tous ceux qui pensaient que l’identité française malmenée par des dizaines d’année de mondialisation, allait tout bonnement disparaîtreS’appuyant sur la mémoire de Jacques Chaban-Delmas, dont l’épouse siège au premier rang de la tribune en face de Nicolas Sarkozy, le verbe de Sarkozy est tranchant, il met au cœur de la société française l’identité, cette exception culturelle française que J.M Messier s’amusait à décrire pendant ses heures de gloire, et surtout le travail, pierre angulaire du système de Nicolas Sarkozy.
Ces thèmes porteurs de l’UMP, qui fondent la rupture que prône tout candidat à la fonction présidentielle est clamée par un homme aux gouts et au style bling-bling quelquefois contestés. Machiavel faisait remarquer que le prince devait distinguer « ce qui est » et « ce qui doit être ». Sarkozy l’a appris à merveille.
Mais alors qu’on peut s’interroger sur la réaction douteuse du politique, qui, une fois élue, ira fêter sa victoire au Fouquet’s entouré des plus grandes fortunes de France et de Navarre, bien loin, de la France du travail et de son identité millénaire ; il me semble que le discours de de Versailles préfigure déjà la révolution libérale de Nicolas Sarkozy.
Dans un premier temps, l’omni-président est déjà un omni-candidat. Sans aucun doute, comme d’autre avant lui, et à l’instar du père véritable de son parti politique, il se présente comme un homme providentiel avant de représenter un programme ou a fortiori un parti.
Dans un second temps, l’identité française, tristement ramené, à l’identité du terroir, celle que l’on acquiert par le sang, ou par le bouillonnement des veines, annoncent déjà la création du Ministère de l’immigration et de l’identité nationale, configuration inédite qui rappelle tristement le ministère chargé des relations coloniales ; mais exception faîte de sa dimension nationaliste, la comparaison s’arrête là. En même temps, le président qui on le verra, arrivera toujours à prendre le train en marche, commet ici une grossière erreur politique, puisqu’elle le prédestine à amputer son programme de rupture d’une grande partie en soutenant des thèses dépassées à l’heure où les employeurs du CAC tiennent à ce que les gouvernements favorisent l’immigration économique.
Enfin, cette obsession du travail, cette empathie pour l’effort, accompagnée d’une méfiance quasi-hystérique pour ceux qui ne produisent pas de richesse ou n’en produisent plus, est le paradigme du système de Nicolas Sarkozy, ceux-là en sont tout simplement exclu. Il s’agit là d’un autre aller simple en Charter même si l’on ne traverse pas les frontières mais plutôt les classes sociales.
Le domaine réservé : réinventé par Nicolas Sarkozy
En 1964, au cours d’une conférence de presse, alors que le Général de Gaulle au sommet de sa popularité n’est toujours pas déstabilisé par les premiers remous de la vague libertaire, et que les amis européens craignent de voir l’Europe de Schuman enterrer dans le jardin de l’Elysée, le nouveau président de la Vème République trace les frontières entre la fonction présidentielle et la fonction ministérielle. La constitution, dont l’ambiguïté a été porté si haute qu’elle en devient la marque de fabrique de son artisan principal, Michel Debré, et en même temps qu’elle confond la souveraineté nationale et la souveraineté populaire, dispose : « Le premier ministre conduit et détermine la politique de la nation », quant au président il doit jouer formellement le rôle d’arbitre entre les institutions. Or le fait majoritaire, autant que la théorie du domaine réservé que la doctrine attribue aujourd’hui au premier président de la Vème République (V .Jean Gicquel Droit constitutionnel et institutions de la Vème République) et qui confère une pleine compétence au Chef de l’Etat en matière de représentation sur la scène internationale et donc de politique étrangère, ainsi qu’en matière défense (« le Président de la République est « le chef des armées ») a restreint des années durant le rôle du premier ministre, fusible utile de la présidence, jusqu’à la renaissance de la fonction et la redécouverte des prérogatives ministérielles au moment de la première cohabitation. Mais Matignon à mi-chemin entre administration centrale du chef de l’Etat, et exécutif de l’Etat, sera toujours « un enfer » que le président manipulera à sa guise même en période de cohabitation (refus de signer les décrets d’application des lois).
Sarkozy va étendre le domaine réservé jusqu’à une forme de domaine unique.
Sarkozy a été confronté à deux crises majeures pendant la première moitié de sa présidence, la première politique, l’a conduit à tenir tête à l’énigmatique puissance Russe en Géorgie, la seconde, conjoncturelle, fut la crise économique et financière de 2008 née des actifs pourris de l’immobilier, les subprimes.
Si le président a su prendre de la hauteur, il le doit selon FOG ("Monsieur le président"), à son caractère trempé dans le feu. Sans l’aval formel de ses voisins européens, il ira se déplacer jusqu’à Moscou, sans même un mandat, et représentera une Europe désunie mais volontaire. Il y a toutefois un bémol à la victoire politique de Nicolas Sarkozy, volontaire et téméraire jusqu’à l’extrême. Il s’était juré pendant la campagne présidentielle de tenir tête à l’insipide Vladimir Poutine, qui balayera son humanisme de situation d’un revers de main. Sarkozy reviendra avec un accord, plus favorable au Russe qu’au Georgien, mais cet arbitrage ne constitue pas l’acte de décès de la République Géorgienne. Le président Dimitri Iakachvili acceptera timidement l’accord. Le précédent est grave, et il postule l’impérialisme russe renaissant. Mais le volontarisme de Nicolas Sarkozy a su prouver qu’une fois encore son bagou seul pouvait faire l’affaire
Il n’est pas question ici de discuter du bien-fondé des plans de sauvetage successifs de Nicolas Sarkozy pour éviter le cataclysme. En revanche, il faut noter sa capacité à rassembler les partenaires européens sous la même bannière, y compris la poule aux œufs d’or allemande.
V. Naomie Klein crise économique de 2008
Conclusion : Sarkozy l’omni-président, omni-responsable
Pourtant, jamais Sarkozy n’a été aussi impopulaire que pendant son hyper-présidence. L’homme qui, le jour de son discours devant le Congrès du Parlement, a été caricaturé par le journal de gauche libération, en bon monarque siégeant sur un trône en osier, a lui-même pris conscience, que la règle de l’enfer à Matignon, du bon vieux fusible que les médias détraquent dans la foulée des crises, est aussi vrai à l’Elysée. Alors le président de tous les français, le président de cette France en crise, est devenu au gré des reportages amoureux, et des petits articles assassins de la presse indocile, le responsable de la crise. Nicolas Sarkozy a beau être obsédé par la culture d’entreprise et la religion des statistiques, il a longtemps cherché des responsables partout, et calqué la gestion des services publics sur celle d’une entreprise de seconde zone à l’ère thatchérienne, il ne reste pas moins aux yeux des français le moteur de la France qui ne marche pas. Alors Sarkozy prend du recul, il laisse à son ministre Claude Guéant, la lourde tâche de vider les indésirables, il confie à Jean-François Copé la mission de jeter des pavés bleus marines sur le bitume gris de la République de la liberté et de l’égalité, et se contente dans la grande tradition gaulliste de son domaine réservée. La dernière révolution en France a été politique la prochaine sera sans doute sociale, mais Nicolas Sarkozy a assez d’opportunisme pour endosser un rôle qui loin d’être en phase avec les idéaux libéraux, ne s’allient même pas avec son mode de vie qu’il a médiatise à outrance.
Mais qui sait?
"Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre..." (Préambule de la constitution de la monarchie bourgeoise).
Ils me fatiguent cette année...et avec les chaines infos, il n'y a pas un jour sans un meeting ! En revanche, j'ai adoré le meeting de Marine Le Pen qui a été diffusé il y a deux semaines : elle parlait des pâturages avec tellement de fierté que j'ai failli m'installer dans la Creuse(LOL).
· Il y a plus de 12 ans ·mazdak-vafaei-shalmani
Moi ce qui me fait marrer en politique, ce sont tous ces sauveurs de la France auto-proclamés, ils me font penser à ces commerciaux qui coincent la porte du client pour pouvoir entrer et vendre leur came. On leur a rien demander, mais pour s'en débarrasser on prend quand même leur marchandise, qu'ensuite on s'aperçoive qu'elle est avariée et qu'elle nous a été sur-facturée, il est trop tard...
· Il y a plus de 12 ans ·arthur-roubignolle