Ariane

Véronique Locart

Ariane ouvre sa connexion internet sur le site de chat habituel. Elle y est enregistrée depuis de long mois. Jusqu’à ce soir, seul un homme paraît l’intéresser. Il semble sensible à leurs échanges, lui aussi. Elle est impatiente de le voir se connecter. Il est enfin là, il la sollicite de suite.

-Bonsoir, belle Ariane. En forme ?

-Je vais bien, merci. Vous, pas trop épuisé ?

-N’en parlons pas. J’ai peu de temps ce soir. J’ai de nouvelles fonctions assez lourdes. Il faut que je m’y consacre. Je risque de ne dormir que très peu. Ariane, j’aimerais vous rencontrer dans la réalité.

-Je ne sais pas … j’aimerais … vous rencontrer, tout en souhaitant préserver l’inconnu.

-Rencontrons-nous. Nous fixerons un rendez-vous lorsque mes affaires seront moins prenantes.

Au fur et à mesure des soirées, leurs échanges sont de plus en plus chauds. Ariane est conquise. Son contact masculin se connecte sous un pseudo «Beau brun ». Ce soir, c’est encore plus chaud.

-Imaginez que mes lèvres se déplacent de vos lèvres vers vos épaules. Ensuite, lentement, elles se posent sur vos seins. Légèrement, ma langue contourne vos tétons, les frôlant à peine. Mes mains ne sont pas inactives. L’une cambre votre hanche contre moi, l’autre caresse votre intimité.

-Stop ! Je suis subjuguée par tant de délicatesse. Nous ne devrions plus avoir ce genre d’échanges.

-Je vous choque ?

-Au contraire ! Vous me donnez envie de vous rencontrer et de subir vos assauts.

-Je suis navré, je dois vous quitter. Un peu de frustration ne fait pas de mal. A bientôt.

-Au revoir « Beau brun ».

 Le lendemain matin, Ariane est à l’atelier avec ses deux collègues.

 -Vous avez vu la tête de notre nouveau boss ? Demande Sophie, la blonde, à ses collègues.

-Non ! Comment est-il ? Demande Ariane, qui possède de magnifiques cheveux châtains.

-Il est sexy ! Beau, grand, brun, musclé, des yeux bleu limpide, une bouche à faire frissonner.

C’est la brune, Corinne, qui répond en se plongeant dans ses pensées sulfureuses.

-De qui parlez-vous, mesdemoiselles ?

Soudain, c’est le silence de plomb qui tombe à la tonalité de la voix. Ariane se tourne vers le nouvel arrivant. Il pose son regard bleu sur les trois collègues, pour s’arrêter sur les yeux vert d’Ariane.

-Je ne vous ai pas encore rencontré mademoiselle … ?

-Ariane. Je suis Ariane Colomb. Rien à voir avec Christophe Colomb, ajoute-t-elle avec humour.

Carry tente de rester indifférent au prénom. Il connait une Ariane sur le site internet.

-Je peux vous voir immédiatement dans mon bureau ? Chacune de vos collègues savent déjà ce dont je veux m’entretenir avec vous. Venez.

Ariane lâche la pièce du jouet qu’elle comptait réparer. Elle se lève, retire son épais tablier. Elle emboite le pas à cet homme dont elle ne sait rien. Qui est-il ? Que vient-il faire là ? Il la fait entrer dans son bureau et l’invite silencieusement à s’assoir sur le fauteuil face à lui.

-Je suis agréablement surpris de voir que le personnel de la petite entreprise artisanale de mon père est exclusivement féminin. Vous êtes toutes les trois très charmantes.

Il prend une position plus confortable et se redresse. Il pose son regard bleu sur Ariane.

-Il faut que je vous explique que je suis Carry, le fils de Charles. Il est temps qu’il parte à la retraite. Je suis là pour réfléchir à la reprise ou non de l’entreprise. Je voudrais avoir votre sentiment.

-Carry ? Pourquoi pas. Un prénom à tendance féminine. Pardon ! Je ne devrais pas me moquer.

Carry affiche un sourire ironique. Il est conquis par la franchise de la jeune femme.

-Je pense qu’il ne faut pas fermer cet atelier. Nous ne sommes pas bénéficiaires, c’est certain. Toutefois, combien de personnes viennent nous voir pour réparer la poupée de leur enfance, pour remplacer la pièce du puzzle qu’ils ont composé à l’infini ? Je ne crois pas que ce soit une bonne idée d’arrêter notre activité. Nous pourrions nous diversifier. Par exemple, en réparant des meubles, en recousant les napperons, en ponçant les bois des fenêtres ou des volets de maison de maîtres.

Ariane se dit qu’elle est allée trop loin. Néanmoins, il a voulu son avis, il l’a eu.

-J’accuse réception de votre proposition. C’est une idée. Nous en reparlerons dans quelques temps. Vous pouvez disposer, dit Carry en faisant un signe vers la porte.

 Trois semaines plus tard, l’activité de l’atelier a repris de la vigueur. Les affaires vont bon train. Les trois collègues sont submergées au point de faire de grosses journées de travail. Cela ne les gêne pas puisque les heures supplémentaires leur sont payées. Ariane n’a plus le temps de se connecter sur internet, trop épuisée par la surcharge de travail. Carry entre dans l’atelier.

 -Ariane, pourriez-vous m’accompagner dans mon bureau ?

Il les quitte sans attendre la réponse. Les trois femmes se regardent avec surprise. Elles ne l’avaient pas vu depuis l’entretien qu’avait eu Ariane avec Carry. Ariane se précipite à la suite de Carry. Comme la fois précédente, elle s’assied dans le fauteuil face à lui.

-J’ai réfléchit à votre proposition de diversifier l’activité de l’atelier. C’est une bonne idée. J’en ai parlé avec mon père. Il est très emballé. Il est même surpris de ne pas y avoir pensé lui-même. Par contre, il a tout de suite deviné que l’idée venait de vous, l’employée modèle et brillante, a-t-il dit.

Ariane se lève, pensant l’entretien finit. Elle pose la main sur la porte et s’apprête à quitter le bureau. Carry se glisse entre elle et la porte. Il s’y adosse, l’empêchant de sortir.

-Que faites-vous ? Demande-t-elle, le cœur battant à tout rompre.

Bon sang ! Qu’il est sexy et attirant ! Toutefois, il est son patron. Elle ne peut pas …

-Ariane … vous me plaisez. Je suppose qu’il en est de même pour vous. Peu importe nos relations professionnelles. Nous pourrions lier l’utile à l’agréable, non ?

Ariane, surprise par la détermination et la suggestion de son employeur, ne dit rien.

-Ariane ?

-Etes-vous en train de me proposer une relation … suivie entre nous ?

-Je vous propose de vous faire la cour et plus si affinité. Qu’en dites-vous ?

-Me faire la cour ? N’est-ce pas de vieilles méthodes obsolètes ?

Carry se met à rire. Calmé, il se penche vers Ariane. Il caresse son menton d’un doigt hésitant.

-Tentons l’expérience, si vous le voulez bien. Je commencerais par vous raccompagner chez vous dès ce soir. Vous pouvez ébruiter notre future relation auprès de vos deux collaboratrices.

Ariane sourit, mais reste silencieuse. Ce n’est pas possible d’être aussi beau et charmeur. Pourtant, elle ne se laisse pas aussi facilement impressionner, d’habitude. Que lui arrive-t-il ?

-Tentons l’expérience, répond-elle, même si j’aurais préféré être immédiatement intime avec vous.

Carry s’écarte de la porte et la laisse partir. Il la suit du regard. La jupe de sa robe danse sous l’effet de ses pas. Il rêve de caresser son dos, ses épaules. Il est impatient d’embrasser ses lèvres, ses seins, son intimité. Il est dans l’urgence de lui parler, de la posséder, de la complimenter. Plus tard !

 Le soir même, ainsi que tous les soirs du lundi au samedi, jours travaillés par Ariane, Carry raccompagne Ariane au pied de son immeuble. Le trajet se passe dans le silence le plus total. Ils se quittent sur un simple bonsoir chaleureux. Plus de trois semaines plus tard, Ariane n’y tient plus.

 -Carry ! Il faut que je vous parle ! Gronde-t-elle, en entrant dans son bureau, ce vendredi-là.

-Ariane ! Pourquoi cette colère ? Demande-t-il déjà debout près d’elle.

Elle est scotchée, une fois de plus, par son charisme, son sexisme, son élégance.

-Je … je dois vous parler. Nous sommes censés être petits-amis. Or, nous nous comportons tels de parfaits inconnus. Nous effectuons le trajet jusque chez moi en silence. Nous ne nous touchons pas, nous ne nous embrassons pas, nous ne nous parlons pas. Je veux du sexe, bon sang !

-Voudriez-vous que je passe la vitesse supérieure ? Je suis un gentleman délicat, pourtant.

Ariane ose le fixer droit dans les yeux.

-Passez à la vitesse supérieure et passez trois niveaux de vitesse, si vous le pouvez, souffle-t-elle.

-Ce soir, je vous raccompagne, mais pas seulement. Soyez prête à me recevoir, murmure-t-il.

Ariane acquiesce en silence. Elle quitte le bureau. Carry referme la porte sur elle. Son parfum flotte encore dans l’air. Il doit lui avouer que « Beau brun » et lui ne font qu’un. Lui faire l’amour dans le monde réel est une suite logique à ce qu’ils se promettent sur internet depuis deux mois.

 Le soir venu, Carry retrouve Ariane qui termine de ranger l’atelier. Elle enfile son manteau et le suit silencieusement à l’extérieur. Dans la voiture, la nervosité est à son comble pour Ariane. Elle sait ce qu’est le sexe pour l’avoir déjà pratiqué avec quelques partenaires, soi-disant amoureux d’elle. Ce ne devait pas être le cas, puisqu’ils l’ont quitté par la suite. Carry stationne en bas de chez Ariane.

 -Vous devez être habitué au luxe. Or, je n’habite qu’un petit deux pièces, explique Ariane.

-Je m’en moque. Si je suis ici, c’est pour vous rendre heureuse et soulager votre frustration.

-Ma frustration ? Quelle frustration ? Qui vous a parlé de cela ? Demanda-t-elle, suspicieuse.

Ils montent dans l’ascenseur pour gagner le quatrième étage. Ils pénètrent dans l’appartement d’Ariane. Il est composé de la cuisine, d’une petite salle de bain qui inclut les toilettes, d’une autre pièce coupée en deux parties, la salle à manger et la chambre à coucher.

-Charmant !

-Répondez à ma question au sujet de ma frustration !

-Je suis à la fois Carry Maker et « Beau brun », dit-il innocemment, en regardant ailleurs.

Ariane n’a pas le temps de réagir, que ses lèvres sont prises d’assaut par celles de Carry. Il l’oblige à reculer. Il la plaque contre le mur de la pièce principale plongée dans l’obscurité. Seul l’éclairage extérieur qui fuse à travers les fenêtres leur donne un peu visibilité. Carry s’écarte légèrement d’Ariane en souriant. Il l’observe un bref instant. Il s’aperçoit qu’elle lui est soumise.

-Je t’avais promis de te frustrer et de te soulager lorsque nous nous retrouverons. Nous y sommes.

-Carry … pourquoi ne pas m’avoir avoué dès le départ que tu es mon amant du net ?

-Ton amant ? Voilà un bien grand mot. Je te fais de l’effet par écrans interposés ?

-Tu me donne envie de faire l’amour, rien qu’à l’idée de tes caresses buccales sur mon corps.

-Hum ! Trop délicieuse. Je me mets à mon aise, je prends une douche si tu permets.

Ariane le laisse s’éloigner d’elle malgré qu’elle ressente un vide soudain.

-Carry ? … aimerais-tu que nous utilisions des jouets … des sex-toys ?

Carry se précipite sur Ariane. Il est si proche d’elle, qu’elle suffoque devant sa beauté masculine.

-Tu possède quelque uns de ces objets ? Si c’est le cas, mets-les à notre disposition. Nous risquons d’en avoir besoin. J’aime que ma partenaire prenne, la première, un plaisir dont elle se souviendra longtemps. Je ne t’imaginais pas si dévergondée. Tant mieux. Je me sens moins … brute … moins pressant, moins coupable. Je reviens vite, souffle-t-il contre ses lèvres.

Ariane profite de ce laps de temps qui lui est alloué pour préparer les jouets ainsi qu’un encas à grignoter lorsqu’ils seront suffisamment affamés de nourriture solide. Elle esquisse le geste de se déshabiller, lorsque la main de Carry se pose sur son épaule l’obligeant à se retourner. Il est totalement nu. La perfection masculine dans toute sa splendeur.

-Tu es sexy, musclé, plus qu’agréable à regarder, dit Ariane.

Elle caresse son torse du dos de la main et descend jusqu’à son pubis. Carry lui retient la main et la porte à sa bouche. Il est à son comble de l’excitation.

-Comment vas-tu tenir le temps que je prenne du plaisir ?

-Cessons de parler et mettons-nous à l’œuvre !

La robe d’Ariane git au sol en un rien de temps. Sa lingerie suit le même chemin à une vitesse hallucinante. Carry enroule la taille fine d’Ariane de son bras, il éteint la lumière et l’entraine vers le lit. Il la bascule sur le matelas et s’allonge sur elle sans toutefois peser de tout son poids. Chaque parcelle du corps d’Ariane est explorée par les lèvres et les mains de Carry. A un moment crucial, il tend le bras vers la boite ouverte non loin, au sol. Il attrape un des sex-toys. Il le met sous tension. Il s’agit d’un vibromasseur. Il stimule d’abord les tétons érigés d’Ariane, pour le promener lentement sur son ventre, sur son bas ventre. Il contourne le clitoris qui est à son paroxysme de l’excitation.

-Deviendrais-tu exigeante ? Souffle Carry.

En effet, Ariane tente de se cambrer vers les mains expertes de Carry, afin de réclamer un geste de sa part sur son vagin. Il met tout en œuvre pour la frustrer et admirer la mouille de son désir.

-Tu sens bon.

-Je t’en prie, prends-moi de la façon dont tu le souhaiteras.

Ariane est trempée de sueur, le cœur battant, le sang frappe violement chaque extrémité de son corps, particulièrement les extrémités érogènes. Carry insère le vibromasseur dans son vagin et gode ses tétons à l’aide de ses lèvres. Il s’amuse à promener ses lèvres jusqu’à son bas ventre, puis sur son pubis. Enfin, il prend son intimité en bouche. D’abord, lentement, à grands coups de langue, puis, plus délicatement grâce à ses lèvres. Il titille son paquet de nerf jusqu’à ce qu’Ariane explose sous l’effet insistant de ses lèvres et de sa langue, ainsi que l’objet qui vibre toujours en elle.

 Six heures plus tard, Ariane se réveille. Elle se souvient que Carry l’a brutalement posséder encore et encore jusqu’à épuisement total des deux amants. Elle s’est soudainement endormie, rassasiée de cet échange torride, alanguie de son désir de lui, épuisée de sa semaine éreintante. Elle se redresse sur un coude, totalement nue sur le matelas. Elle découvre Carry debout devant la fenêtre, lui aussi, nu comme un ver. Il parle dans son téléphone. Ariane tend l’oreille vers la conversation.

-Je te la présenterais dès demain soir. Je la kidnappe pour le week-end. Cela fait tellement longtemps que nous échangeons sur internet que je crois la connaitre par cœur. Elle sera une parfaite associée dans ma vie privée tout comme dans ma vie professionnelle … en effet, cela signifie que je vais la demander en mariage et j’ai bon espoir qu’elle réponde par l’affirmative.

Ariane se lève discrètement et se glisse près de lui. Il est surpris lorsqu’elle s’empare du téléphone.

-Charles, s’il s’agit de vous, je vous rassure, j’accepterais sa demande en mariage. Laissez-nous, maintenant. Carry a une autre chatte à fouetter.

Ariane rend le téléphone à Carry, qui le dépose sur le petit bureau d’Ariane.

 Sur la même longueur d’onde sur tous les plans, ils ne se quitteront plus, toute leur vie durant.

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